Intervention de Pierre Stambul
à la Bourse du travail de Toulouse, le 21 octobre 2022
Je vais d’abord présenter l’Union Juive Française pour la Paix. Nous existons depuis 1994. Au départ, nous disons « pas de crime en notre nom ». Nous sommes des Juifs « propres », nous n’avons rien à voir avec les crimes de l’armée israélienne. Et puis, nous nous sommes prononcés sur le fond. Pour nous, Israël est un État d’apartheid, nous prônons le BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) contre cet État et nous sommes antisionistes. Pas bien que Juifs, mais parce que Juifs. Nous voulons être les héritiers d’une période où la majorité des Juifs pensaient que leur émancipation, comme minorité opprimée, passait par celle de l’humanité. Nous défendons donc tous les droits du peuple palestinien.
Je vais d’abord parler de deux prisonniers. Leur détention fait écho à tous les Palestiniens (près d’un million, 40 % des hommes entre 18 et 50 ans) qui ont connu la prison ces 50 dernières années.
Salah Hamouri est un prisonnier politique palestinien détenu arbitrairement sous le régime de la « détention administrative », une procédure issue du colonialisme britannique. Malgré sa nationalité française, il est abandonné par le gouvernement français complice. Celui-ci a parfois exprimé sa « préoccupation » ou « souhaité » une libération. Il n’y a ni condamnation, ni sanction.
Georges Ibrahim Abdallah, tout en étant libanais, est un prisonnier politique palestinien délocalisé en France depuis 38 ans. Il y a eu de la part du pouvoir français un véritable acharnement contre lui. Le soir du procès qui l’a condamné, son avocat de l’époque a reconnu être un agent de la DST. Le procès n’a pas été refait. Il est libérable depuis 1999, cela fait 23 ans que la loi est violée. En 2012, Yves Bonnet qui , à la tête de la DST, l’avait arrêté, a reconnu avoir fabriqué toutes les preuves contre Georges. Le procès n’est pas refait. En 2012 la Cour d’Appel prononce la libération de Georges et son expulsion au Liban. Il ne manque que la signature de l’ineffable Valls. Elle ne viendra jamais alors qu’à Beyrouth ses amis l’attendaient. Ce n’est pas seulement à cause du coup de téléphone d’Hillary Clinton qu’il est maintenu en prison. C’est l’expression de la complicité française.
Pourquoi cette complicité ?
Elle est très ancienne. Rappelons que la SFIO de Guy Mollet a participé avec Israël à l’expédition impérialiste de Suez et qu’elle a transféré en Israël une technologie qui permet à ce pays de détenir l’arme nucléaire.
Depuis Sarkozy, Hollande et Macron, cette complicité est totale. Il y a eu la circulaire Alliot-Marie criminalisant le BDS. Sous Hollande en 2014, en plein massacre à Gaza de « Bordure Protectrice » (2400 morts), l’ambassade française à Tel-Aviv a organisé un bal de soutien … à Israël. Malgré l’arrêt de la CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme) condamnant la France sur la criminalisation du boycott, le ministre de Macron, Dupont-Moretti, a demandé aux procureurs de poursuivre quand même.
Israël est devenu un modèle pour tous les dominants et les colonialistes. C’est le pays phare de l’usage des technologies de pointe, des armes sophistiquées, de l’enfermement et la surveillance des populations « dangereuses », de la reconquête coloniale et de l’espionnage (Pegasus). Un film israélien anticolonialiste (The Lab) montre comment les polices et les armées de tous les pays viennent se former en Israël.
Avec la France, il y a une coopération militaire, économique, scientifique, sportive … D’où l’importance fondamentale du BDS.
Comment s’exerce cette complicité ?
Rappelons le communiqué officiel du gouvernement français lors des derniers bombardements dits « préventifs » à Gaza . « La France réaffirme son soutien total à la sécurité d’Israël ». Et la sécurité des Palestiniens ? Plus loin « la France déplore les victimes de part et d’autre ». C’est quoi d’autre ? Les 49 morts étaient tou.tes palestinien.nes.
Nous étions à Gaza en 2016. On voit une tour éventrée par les bombardements de 2014. On l’appelle la « tour italienne » car il y avait le consulat italien Vous avez entendu l’Italie protester ?
Le consul de France adjoint était un franco-palestinien. Sa voiture a été mitraillée, sa maison pulvérisée et Israël lui a interdit d’aller se faire soigner à Jérusalem. Vous avez entendu la France protester ?
Le consul de France à Jérusalem nous a expliqué qu’il envoyait très régulièrement des rapports sur les maisons détruites, les oliviers arrachés, les enfants arrêtés … La France sait et se tait.
La complicité, c’est la tentative de criminaliser le soutien à la Palestine. La tentative de dissoudre le Collectif « Palestine Vaincra » en est un exemple éclatant.
L’instrumentalisation de l’antisémitisme
C’est devenu une arme de destruction massive. Pour nous, Juifs antisionistes, c’est une obscénité.
Cette instrumentalisation est ancienne. Il y a une quinzaine d’années, l’Arche, un journal du CRIF, accusait le chanteur Jean Ferrat (de son vrai nom Jean Tenenbaum, son père est mort à Auschwitz), d’être antisémite pour sa chanson Nuits et brouillard. Pour ces gens-là, dire « ils s’appelaient Jean-Pierre, Natacha ou Samuel », c’est antisémite, ça nie la spécificité du génocide juif.
Aujourd’hui, le centre Wiesenthal accuse la prix Nobel Annie Ernaux d’antisémitisme puisqu’elle soutient le BDS et Amnesty International est accusé d’antisémitisme puisqu’elle considère Israël comme un État d’apartheid.
En même temps, la complicité des sionistes et de l’extrême droite (y compris antisémite) est plus visible chaque jour. Nétanyahou explique que « Hitler ne voulait pas tuer les Juifs, c’est le grand mufti de Jérusalem qui lui a soufflé l’idée ». Les Klarsfeld se font décorer par un dirigeant du Rassemblement National, Louis Aliot. Le CRIF a été dirigé pendant 6 ans par Francis Kalifat, un ancien du Bétar, la milice armée qui s’entraînait en Italie fasciste dans les années 30. Le groupe d’amitié France-Israël a été dirigé par Claude Goasguen, un des fondateurs d’Occident. Et un des grands amis d’Israël est Viktor Orban, dirigeant autoritaire et antisémite.
L’Europe essaie d’imposer partout la définition de l’antisémitisme donnée par l’IHRA (Alliance Internationale pour la mémoire de l’Holocauste). Pour eux, douter de la « légitimité » d’Israël est antisémite.
Eh bien, non. Israël est né d’un nettoyage ethnique prémédité qui n’a rien de légitime.
L’antisémitisme est un crime, l’antisionisme est un devoir.
Nous continuerons à nous battre pour la libération de la Palestine, pour celle de Salah et pour celle de Georges.
Source : UJFP
https://ujfp.org/…
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