Par Karine Bechet-Golovko

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, décline avec fermeté la proposition française d’une nouvelle réunion du Format Normandie, alors que l’activité de l’armée ukrainienne s’intensifie dans le Donbass et que ni la France, ni l’Allemagne ne réagissent aux propositions russes. Si le clan atlantiste a besoin d’une légitimation, même formelle, même indirecte, par la Russie de ce qui se passe, celle-ci n’a pas l’intention de jouer ce rôle ici.

Le ministre français des Affaires étrangères, Yves Le Drian, a proposé à son collègue russe de se réunir au Format Normandie le 11 novembre à Paris. Il est vrai que la France et le nouveau gouvernement allemand ont besoin de légitimer ce qui se passe dans la région. 

L’Ukraine est à nouveau très active sur le front de l’Est, à tous les points de vue. Militairement, les attaques se prolongent et se précisent.(voir par exemple ici le texte d’Erwan Castel, volontaire dans le Donbass, donc de « l’autre côté », du côté de ceux qui voient avec angoisse l’armée ukrainienne se regrouper). Juridiquement, l’Ukraine est en train de faire passer son projet de loi de transition, qui n’a de transitionnel que le nom, puisqu’il s’agit d’une légalisation de la politique de répression menée contre la population au nom de la « lutte contre l’agression russe », projet qui vient de faire un peu sourciller quand même la commission de Venise (voir en français ici), surtout quant à l’interprétation très personnelle que fait l’Ukraine des concepts juridiques internationaux, du caractère finalement très peu inclusif des consultations qui ont acompagné l’établissement du texte et d’une conception très étroite des victimes excluant totalement la reconnaissance et la réparation des exactions commises par l’armée ukrainienne et les groupes extrémistes.

Quel est l’intérêt, dans ce contexte, d’une rencontre avec la France et l’Allemagne ? C’est la question que pose finalement Lavrov. Ces pays s’étaient opposées à l’utilisation des drones militaires par l’Ukraine, rien n’a changé; ils avaient dénoncé ce projet de loi, qui viole le cadavre des accords de Minsk, la commission de Venise, avec quelques étouffements certes, le valide en gros et en général.

De plus, la Russie, qui voulait une rencontre constructive, avait fait parvenir à ses collègues certaines propositions concrètes devant faire l’objet de discussion. Evidemment, ces propositions n’ont fait l’objet d’aucune réaction. La réponse de Lavrov à Le Drian est simple et en plus de lui signifier un agenda très chargé de toute manière pour le 11 novembre, d’ajouter :

« Je lui ai dit que tout d’abord nous aimerions recevoir une réponse de nos collègues à notre proposition, parce que c’est justement le contenu qui est prioritaire et non pas la dimension protocolaire, « aller on va se rencontrer, poser devant les appareils photos, les caméras et ainsi l’on enverra le signal que le Format Normandie fonctionne ». Nous n’avons pas besoin de ces simagrées. »

Il n’y a aucun doute, la Russie et les pays atlantistes satellites, que sont devenus la France et l’Allemagne, n’ont pas les mêmes enjeux : si la Russie défend son intérêt stratégique dans la région, nos pays européens sont réduits à défendre les intérêts atlantistes, qui ne correspondent aux leurs. Car si l’Europe a besoin de paix à ses frontières, les Etats-Unis, eux, ont besoin de déstabiliser la situation. C’est d’ailleurs bien en ce sens que Lavrov a déclaré que seule une pression des Etats-Unis (pas de l’Europe) sur Kiev pourrait avoir un effet. Dans cette configuration, non seulement la discussion ne peut servir à atteindre les buts affichés de pacification et de réconciliation, mais à l’inverse, le fait même de la discussion serait un élément de légitimation.

Source : Russie politics
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