Par l’AFPS

Monsieur Emmanuel Macron
Président de la République française
Palais de l’Élysée
55 Rue du Faubourg Saint-Honoré
75008 Paris

Le 3 novembre 2021,

Monsieur le Président de la République,

Nous sommes contraints, aujourd’hui, de nous adresser à vous au moyen d’une lettre ouverte car, depuis des mois vous êtes resté sourd à toutes nos interpellations.

Nous sommes très inquiets lorsque nous observons l’évolution de votre position sur la question israélo-palestinienne, qui contredit vos déclarations du début de votre mandat, notamment votre référence à la « tradition gaullo-mitterrandienne » de la France, votre refus de « la loi du plus fort » devant l’Assemblée Générale de l’ONU et même votre référence à René Cassin lors du dîner du CRIF de 2018.

Par la suite, tous vos actes ont contredit, chaque jour un peu plus, vos premières déclarations, qu’il s’agisse de l’absence d’initiative ni même de prise de position claire de la France face aux exactions israéliennes contre le peuple palestinien, de votre alignement sur le lobby pro-israélien pour la « définition IHRA » de l’antisémitisme et, plus récemment des actes graves vis à vis de notre association : une mise en garde à vue injustifiable et inexpliquée à ce jour, du président de notre association à la sortie du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères où il venait d’être reçu avec une délégation, et une fin de non-recevoir en réponse à nos deux dernières demandes d’entretien auprès de votre conseiller pour le Moyen-Orient, marquant une attitude inédite par rapport aux pratiques antérieures.

Au mois de juin, une pétition qui dénonçait les violations du droit à Jérusalem a rassemblé 65000 signatures ; vous avez choisi d’ignorer cette parole forte de nos concitoyens comme vous aviez choisi de la museler au mois de mai : interdiction de manifestations, calomnie de votre ministre de l’Intérieur à l’égard du mouvement de solidarité avec le peuple palestinien, mise en garde à vue du président de l’Association France Palestine Solidarité. Aucun de vos conseillers n’a trouvé le temps de recevoir la délégation qui devait représenter les 65000 citoyens engagés qui ne supportent plus la situation imposée au peuple palestinien et le silence complice qui l’entoure quand ce n’est pas un soutien assumé à Israël.

La France n’a pris aucune initiative forte pour mettre fin au déni du droit que constituent la colonisation et l’occupation sans fin de la Cisjordanie dont Jérusalem-Est, le siège inhumain de Gaza, le processus de nettoyage ethnique à Jérusalem et dans la vallée du Jourdain. Au-delà de cette inaction, vous avez franchi toutes les lignes rouges en déclarant, alors que la population de Gaza subissait des bombardements d’une violence inégalée, que « Israël a le droit de se défendre » : dans de telles circonstance, une telle déclaration s’apparente à un permis de tuer. Dans le même temps vous n’avez pas eu un mot pour les centaines de victimes, les milliers de déplacés, le traumatisme d’une enfance sacrifiée. Pas un mot non plus sur le nettoyage ethnique à Jérusalem.

Israël s’acharne depuis 20 ans contre notre concitoyen Salah Hamouri et déclare vouloir en faire un exemple. Depuis la notification du retrait de son permis de résidence à Jérusalem, sa ville natale, seule une déclaration forte de l’Elysée peut faire reculer Israël : nous n’avons jusqu’ici pas vu une seule déclaration de votre part.

Israël vient de classifier comme « terroristes » six ONG de défense des droits humains : c’est une attaque sans précédent contre la société civile palestinienne et contre le droit, qui n’a pas provoqué un seul mot de votre part (il aura fallu attendre quatre jours pour que le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères exprime une inquiétude).

Votre silence et celui de l’Europe sont un feu vert à l’État d’Israël pour amplifier ses violations du droit. Israël a d’ailleurs parfaitement compris le message puisqu’il vient encore d’annoncer la construction de centaines d’habitations en territoire palestinien occupé, renforçant sa politique de colonisation qui est un crime de guerre.

Ce silence nous est d’autant plus insupportable que c’est la France qui se laisse humilier par Israël. Salah Hamouri est un citoyen français, en faveur duquel la France s’est engagée à intervenir. Plusieurs des organisations de défense des droits humains visés par l’ordre de classification du 22 octobre sont des partenaires de la France ; et parmi elles Al-Haq avait reçu le prix des droits de l’Homme de la République française en décembre 2018. Et maintenant l’humiliation continue, avec l’interruption brutale d’un festival pour enfants organisé par la Maison d’Abraham, un lieu qui est pourtant sous la souveraineté de la France.

Depuis le mois de mai, des dizaines de milliers de personnes se sont adressées à vous pour vous demander de reconnaître qu’Israël soumet le peuple palestinien à un régime de domination et d’oppression raciale, un régime d’apartheid. Les voix sont de plus en plus nombreuses qui exigent la fin de ce régime inhumain. Une fois de plus vous choisissez de les ignorer : aucun de vos conseillers n’a trouvé le temps de recevoir la délégation qui devait vous remettre les cartes qui vous sont adressées. C’est l’impunité dont il jouit qui assure le maintien du régime d’apartheid israélien et les violations du droit qui le caractérisent : nettoyage ethnique, colonisation, occupation, assassinats, torture, emprisonnement d’enfants…

En refusant d’entendre les voix qui dénoncent ces crimes, en méprisant celles et ceux qui se mobilisent pour la justice et le droit, vous encouragez les politiques criminelles mises en œuvre par l’État d’Israël, vous entachez l’image de la France, mais sachez que vous décuplez leur volonté de se battre pour la justice et le droit.

Nous restons totalement disposés à venir porter notre voix et celle de nos concitoyens auprès de vous-même et de vos collaborateurs. Il vous appartient maintenant, Monsieur le Président de la République, d’apporter une réponse à l’alerte que nous vous adressons publiquement par cette lettre ouverte.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre très haute considération.

Bertrand Heilbronn
Président de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS)
avec l’ensemble du Bureau national de l’AFPS

Source : AFPS
https://www.france-palestine.org/…