Par Moon of Alabama
Par Moon of Alabama – Le 13 avril 2021
Cette info du Washington Post est étonnamment bonne :
Biden va retirer toutes les forces américaines d’Afghanistan d’ici le 11 septembre 2021.
Le président Biden retirera toutes les troupes américaines d’Afghanistan au cours des prochains mois, ont déclaré des personnes au courant de ces plans, achevant ce retrait militaire avant le 20e anniversaire des attaques du 11 septembre 2001, qui ont entraîné les États-Unis dans leur plus longue guerre.
Cette décision, que M. Biden devrait annoncer mercredi, maintiendra malgré tout des milliers de forces américaines dans le pays au-delà de la date limite de retrait du 1er mai que l’administration Trump avait négociée l’an dernier avec les talibans, selon une personne au fait de la question, qui, comme d’autres, a parlé sous couvert d’anonymat pour décrire des plans qui ne sont pas encore publics.
Les talibans ont juré de reprendre leurs attaques contre le personnel des États-Unis et de l’OTAN si les troupes étrangères ne quittent pas le pays avant la date limite, mais il n’est pas certain que les militants mettront leurs menaces à exécution étant donné que Biden prévoit un retrait progressif d’ici septembre.
Cette décision intervient après qu’une initiative américaine visant à faire pression en faveur d’un gouvernement d’unité en Afghanistan n’a fait que créer de nouvelles impasses et était vouée à l’échec.
L’initiative devait inclure la Turquie, l’Inde et d’autres pays pour créer un plan compliqué de partage du pouvoir à Kaboul. L’arrière-pensée stratégique de ce plan était de garder l’Afghanistan comme base d’où les États-Unis pourraient harceler la Chine. Le rôle de la Turquie dans le cadre de ce plan était d’organiser des combattants djihadistes ouïghours qui seraient formés en Afghanistan et ailleurs pour ensuite être infiltrés dans le Xinjiang afin d’interrompre les projets de la « Nouvelle Route de la Soie » qui traversent cette région :
Le Pentagone et la CIA hésitent à quitter l’Afghanistan d’ici le 1er mai. La Turquie superviserait une présence américaine et de l’OTAN à durée indéterminée. Les États-Unis espèrent conserver une forte présence des services de renseignement, soutenue par des forces d’opérations spéciales.
Un rapport publié vendredi par CNN révèle que « la CIA, qui a eu un poids important dans le processus décisionnel américain en Afghanistan, a « défini des positions claires » au cours des récentes délibérations, plaidant en faveur du maintien de la participation américaine. »
L’ampleur des activités de la CIA en Afghanistan n’est pas du domaine public – en particulier, si son mandat régional s’étend au-delà des frontières de l’Afghanistan. Le reportage de CNN cité ci-dessus a levé le voile sur « l’une des bases les plus surveillées » de la CIA – la base opérationnelle avancée Chapman, « une installation militaire américaine classée secrète dans l’est de l’Afghanistan ».
Étant donné la présence des combattants d’ISIS (y compris ceux transférés de Syrie en Afghanistan – apparemment dans des avions américains, selon la Russie et l’Iran) – le lien entre les talibans et Al-Qaïda, et surtout, la présence de terroristes ouïgours, d’Asie centrale et de tchétchènes, l’intronisation de la Turquie comme garde-chiourme des États-Unis en Afghanistan est effectivement inquiétante pour les autres États de la région. La Turquie avait déjà transféré des combattants djihadistes d’Idlib vers la Libye et le Nagorno-Karabakh pour y mener des guerres hybrides.
De manière significative, la Turquie a brusquement changé de position sur la question ouïgoure après des années de passivité et l’a présentée comme une question diplomatique entre Ankara et Pékin. L’ambassadeur de Chine à Ankara a été convoqué au ministère turc des affaires étrangères mardi dernier. …
La Chine et la Russie sont vigilantes quant aux intentions des Etats-Unis en Afghanistan. (Voir sur mon blog: La Chine n’apprécie pas la présence américaine en Afghanistan.) Et toutes deux ont des relations problématiques avec Erdogan. L’ascension de la Turquie dans le paysage afghan et centrasiatique ne peut guère les rassurer. Lors de sa récente visite à Téhéran, le conseiller d’État et ministre des affaires étrangères chinois, Wang Yi, a exprimé son soutien à l’adhésion de l’Iran à l’Organisation de coopération de Shanghai. Le ministre russe des affaires étrangères, Sergey Lavrov, doit se rendre à Téhéran le 14 avril.
Cette semaine, la Turquie était censée accueillir une réunion entre le gouvernement afghan et les talibans. Mais hier, les talibans ont annoncé qu’ils n’y participeraient pas :
Les talibans afghans ont déclaré qu’ils ne pouvaient pas participer à une conférence de paix prévue à Istanbul le 16 avril, dont l’objectif était de parvenir à un accord politique entre le pays et les militants talibans.
« Notre position actuelle est que nous ne pouvons pas participer à la conférence à cette date, bien que la conférence d’Istanbul nous intéresse toujours », a déclaré le porte-parole du groupe islamique, Mohammad Naeem, dans un texto, sans donner plus de détails.
Derrière les talibans se tient le Pakistan. C’est de là que la Russie et la Chine ont tiré les ficelles pour saboter les plans américains :
Lorsque le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, a atterri ce mois-ci au Pakistan, marquant la première visite ministérielle de haut niveau de Moscou à Islamabad depuis près de dix ans, la présence du diplomate était chargée d’intrigues géopolitiques.
Alors que la mission explicite de M. Lavrov était de courtiser le soutien du Pakistan pour une nouvelle tentative russe de promouvoir un règlement politique pour un Afghanistan déchiré par la guerre, son agenda tacite était axé sur les indications selon lesquelles les États-Unis retarderaient leur retrait avoué de ce pays.
M. Lavrov est arrivé à Islamabad avec un sac de promesses allant d’une possible coopération en matière de défense, d’énergie et de développement des infrastructures. Si ces offres ont été chaleureusement accueillies par le Pakistan, les deux parties sont encore loin de développer un quelconque partenariat stratégique.
Le Pakistan dépend actuellement des prêts du FMI, dont la distribution est contrôlée par les États-Unis. Mais avec la participation de la Russie et de la Chine, le Pakistan pourrait ne pas perdre trop. La principale raison pour laquelle le Pakistan n’a pas accepté l’initiative de Biden est qu’elle incluait l’Inde parmi les nations impliquées dans le projet. C’était une erreur d’amateur dès le départ.
Comme nous l’avions écrit à l’époque :
Dans [sa lettre], M. Blinken annonce qu’il demandera aux Nations unies de convoquer les ministres des affaires étrangères de la Russie, de la Chine, du Pakistan, de l’Iran, de l’Inde et des États-Unis afin de discuter d’une approche unifiée pour soutenir la paix en Afghanistan. Le Pakistan, qui soutient les talibans, rejettera probablement toute inclusion de son ennemi juré, l’Inde, dans un tel processus.
Pour des raisons stratégiques évidentes, le Pakistan ne pourra jamais permettre à son ennemi indien de prendre pied en Afghanistan.
La Chine et la Russie ne peuvent pas non plus permettre aux États-Unis de rester en Afghanistan :
La Russie et la Chine sont toutes deux opposées à une présence militaire américaine illimitée en Afghanistan, un pays où elles ont toutes deux de grands projets de développement des infrastructures et des préoccupations en matière de sécurité.
Plus précisément, la présence militaire américaine en Afghanistan est considérée comme une pierre d’achoppement pour la réalisation des « Nouvelles Routes de la Soie » chinoises et des projets d’intégration et de commerce de l’Union économique eurasienne (UEE) de la Russie.
Des responsables diplomatiques chinois ont récemment affirmé, lors d’une conférence de presse, que les États-Unis utilisaient leur présence militaire et leurs services de renseignement en Afghanistan pour semer le trouble dans la région du Xinjiang, à l’extrême ouest de la Chine, où près d’un million de minorités ethniques ouïghoures ont été internées dans des camps dits « de travail ».
Biden ayant annoncé un jour fixe pour le retrait des troupes, les talibans prolongeront probablement leur cessez-le-feu avec les États-Unis jusqu’à ce jour, mais ils poursuivront leur combat contre les forces gouvernementales afghanes et ISIS. Ils attendront probablement que le dernier soldat étranger soit parti pour envahir les villes que les forces gouvernementales tiennent encore. Il est alors probable que les forces gouvernementales s’effondreront et que les seigneurs de la guerre qui règnent actuellement sur Kaboul se battront entre eux et contre les talibans. Un an ou deux plus tard, les talibans contrôleront l’ensemble du pays.
Comme le note l’évaluation annuelle de la menace publiée aujourd’hui par le bureau du directeur du renseignement national à propos de l’Afghanistan :
Nous estimons que les perspectives d’un accord de paix resteront faibles au cours de l’année prochaine. Les talibans sont susceptibles de gagner du terrain sur le champ de bataille, et le gouvernement afghan aura du mal à tenir les talibans en échec si la coalition retire son soutien.
Kaboul continue de subir des revers sur le champ de bataille, et les talibans sont convaincus de pouvoir remporter une victoire militaire.
Les forces afghanes continuent de sécuriser les grandes villes et d’autres bastions gouvernementaux, mais elles restent bloquées dans des missions défensives et ont du mal à tenir les territoires reconquis ou à rétablir une présence dans les zones abandonnées en 2020.
Quitter l’Afghanistan et abandonner ce projet de l’utiliser comme base ouïgoure contre la Chine est la bonne chose à faire.
Ceci me permet d’espérer que Biden s’y tiendra :
Lara Seligman @laraseligman 16:28 UTC – 13 Avr 2021
BREAKING : Un haut responsable de l’administration déclare que le retrait de l’Afghanistan d’ici le 11 septembre n’est PAS soumis à des conditions. Biden a jugé qu’« une approche basée sur les conditions, qui a été l’approche des deux dernières décennies, est une recette pour rester bloqué indéfiniment en Afghanistan. »
Mais là encore, la CIA et le Pentagone ont les moyens de modifier ces décisions présidentielles. Nous saurons le 11 septembre s’ils ont laissé Biden s’en tirer avec cette décision.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone
Source : Le Saker
https://lesakerfrancophone.fr/…