People walk among the rubble of the residential buildings targeted in Israel’s attack on Gaza on April 9, 2025. (Saeed Jaras / Middle East Images/ AFP via Getty Images)
Par Assal Rad
Israël a repris ses massacres à grande échelle à Gaza. Les médias occidentaux ont repris la même couverture désastreuse des 18 derniers mois.
Par Assal Rad, 14 avril 2025
Le 18 mars, Israël a rompu le prétendu “cessez-le-feu” en vigueur depuis deux mois à Gaza en lançant l’attaque la plus meurtrière depuis novembre 2023 et en tuant plus de 400 Palestiniens, dont près de la moitié étaient des enfants. Depuis, la violence s’abat sans répit. L’Organisation des Nations unies estime qu’au moins 100 enfants sont tués ou blessés à Gaza chaque jour.
La décision d’Israël de reprendre le massacre à grande échelle n’a pas seulement replongé Gaza dans les profondeurs du carnage. Elle a également constitué un nouveau test pour les médias occidentaux. Après tant de mois de mort, et alors qu’Israël a clairement rejeté la paix, allaient-ils enfin accorder au génocide des Palestiniens le traitement médiatique qu’il mérite ?
Personne ne devrait être surpris de constater que la réponse à cette question a été un non retentissant. Alors que le génocide entre dans son 19e mois et que les atrocités se poursuivent, la faillite des médias continue.
Si des groupes de défense des droits de l’homme comme Amnesty International ont rapidement condamné les attaques du 18 mars et dénoncé « le génocide israélien et ses frappes aériennes illégales », les médias occidentaux se sont empressés de rationaliser les crimes d’Israël et de présenter les attaques comme étant « contre le Hamas ».
En focalisant leurs titres sur le Hamas plutôt que sur les nombreuses victimes civiles, les médias se font le relais des arguments israéliens sans tenir compte des vidéos rendues publiques qui montrent clairement qu’Israël bombarde à nouveau Gaza de manière indiscriminée.
Ce qui rend cette pratique des médias occidentaux d’autant plus indigne, c’est qu’ils traitent la plupart du temps les affirmations d’Israël – un État qui commet un génocide – comme des faits, tout en laissant planer le doute sur les autorités palestiniennes avec le préambule désormais couramment utilisé de « dirigé par le Hamas ». Pire encore, en privilégiant le langage de l’ « accusation » plutôt que celui des faits, les médias minimisent les recherches et les rapports fondés sur des preuves d’institutions éminentes telles que les Nations unies, Amnesty International et Human Rights Watch.
Le 18 mars, à mesure que nos écrans affichaient le carnage causé par les frappes aériennes israéliennes et les images horribles des corps d’enfants palestiniens qui s’empilaient, les médias traditionnels ont bien été obligés de couvrir l’événement, mais sans le caractère d’urgence ou l’indignation que justifiait un tel moment. Les médias ont continué à parler d’un « cessez-le-feu fragile » ou à affirmer que la décision d’Israël de rompre unilatéralement son accord avec le Hamas avait mis le cessez-le-feu « en doute » – et non complètement détruit.
Cette affirmation absurde et le refus de qualifier les actions d’Israël de violation du cessez-le-feu – en particulier au lendemain d’un massacre israélien – illustrent la façon dont les médias occidentaux ont défini la notion de « cessez-le-feu » pour les Palestiniens depuis le début de la trêve censée avoir commencé le 19 janvier.
Dans les faits, Israël a tué en moyenne trois Palestiniens par jour au cours de cette période. Pourtant, les grands titres occidentaux ont continué à faire référence à un cessez-le-feu.
Les médias utiliseraient-ils le même langage si trois Israéliens en moyenne étaient tués chaque jour ? On peut gager qu’une telle situation ferait plutôt l’objet d’une couverture approfondie, avec des unes sur les violations répétées de l’accord de cessez-le-feu.
Seulement quelques jours avant le massacre du 18 mars, une seule attaque israélienne a tué neuf Palestiniens, un incident que les médias n’ont toujours pas caractérisé comme une violation de l’accord.
Cela illustre également le caractère trompeur et mensonger du discours israélien selon lequel « il y a eu un cessez-le-feu le 6 octobre ». Pour les Palestiniens qui vivent sous l’occupation militaire, le blocus et l’apartheid, et qui sont constamment menacés de perdre leur maison, leur terre et leur vie, il n’y avait pas de paix avant le 7 octobre. Le récit occidental diffusé par les médias renforce donc l’idée qu’il s’agit d’un cessez-le-feu tant que les Israéliens sont en sécurité, alors que les vies palestiniennes sont sacrifiables.
Quand l’effusion de sang par Israël a repris, la déformation la plus flagrante de la part des médias a sans doute été de la présenter comme un retour à la « guerre » ou aux « combats ».
En dépit des rapports des Nations unies, d’Amnesty International, de Human Rights Watch et d’autres experts qui concluent qu’Israël commet un génocide à Gaza, les médias occidentaux persistent à refuser ce terme. À ce titre, les médias commettent effectivement un déni de génocide.
Confrontés aux conclusions d’un autre rapport récent des Nations unies, selon laquelle Israël a « commis des actes génocidaires en détruisant systématiquement des installations de soins de santé sexuelle et reproductive », les médias occidentaux ont recouru au registre familier de la mise en « accusation ».
Plutôt que de présenter ces conclusions comme une preuve supplémentaire du consensus mondial croissant selon lequel Israël commet un génocide, les médias occidentaux ont remis en question ces conclusions en les plaçant entre guillemets évasifs.
Même lorsqu’Israël ne laisse aucune place à l’ambiguïté, les médias s’empressent de la créer.
Le 2 mars, Israël a ouvertement déclaré qu’il cesserait toute aide à Gaza, ce qui constitue une nouvelle violation de l’accord de cessez-le-feu et du droit international. Une semaine plus tard, les autorités israéliennes ont ajouté qu’elles couperaient l’électricité en plus de la nourriture et du carburant, une décision qu’Amnesty International a qualifiée de « nouvelle preuve du génocide perpétré par Israël contre les Palestiniens de la bande de Gaza occupée ».
Comment les médias ont-ils couvert ces transgressions évidentes ? Les médias occidentaux ont présenté la décision d’Israël de bloquer délibérément l’aide à la population civile – un acte de punition collective – comme une tactique de guerre légitime pour « faire pression sur le Hamas » et obtenir des concessions, puis ont répété le même schéma une semaine plus tard lorsqu’Israël a annoncé qu’il couperait l’électricité à Gaza.
Quelques jours seulement après qu’Israël a officiellement mis fin au « cessez-le-feu », une vidéo a été diffusée le 21 mars montrant les forces israéliennes en train de démolir sciemment le seul hôpital de Gaza spécialisé dans le traitement du cancer. Cette vidéo d’une explosion délibérée, un crime de guerre éhonté à la vue et au su de tous, n’a suscité pratiquement aucune réaction de la part des grands médias. Lorsque, quelques jours plus tard, Israël a attaqué un autre hôpital, tuant cinq personnes, dont un garçon de 16 ans, ces derniers ont tenté de justifier les frappes contre les hôpitaux avec le prétexte de « cibler le Hamas ».
Dans les semaines qui ont suivi le 18 mars, le génocide ininterrompu s’est poursuivi sans relâche. Qu’il s’agisse de prendre pour cible des hôpitaux et des bâtiments des Nations unies, d’attaquer le siège de la Croix-Rouge ou d’assassiner des journalistes comme Hossam Shabat, les forces israéliennes semblent n’avoir aucune retenue dans la violence impitoyable qu’elles continuent d’exercer contre les civils palestiniens, les travailleurs humanitaires et toutes les personnes jouissant d’une protection.
Chacune de ces histoires d’horreur aurait dû faire l’objet d’une couverture médiatique et d’une indignation unanime. La plupart n’ont pas fait l’objet d’une couverture médiatique suffisante et n’ont ni permis à Israël de répondre de ses crimes, ni même de qualifier ses actes de criminels.
Le cas récent d’Israël tuant 15 médecins et secouristes palestiniens, puis les enterrant dans une fosse commune avec leurs véhicules d’urgence écrasés, fournit un exemple flagrant de la manière dont les grands médias évitent de rapporter chacune de ses atrocités.
Les Palestiniens ont rapporté qu’Israël avait pris pour cible les secouristes pendant plus d’une semaine avant que les médias occidentaux ne publient l’histoire. Israël a même admis avoir tiré sur leurs véhicules quelques jours auparavant, sans que cela ne suscite d’intérêt. Ce n’est que lorsque le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies et des fonctionnaires tels que Jonathan Whittall ont mis en ligne des vidéos confirmant les rapports que les médias grand public ont finalement été contraints de couvrir ce crime odieux commis par Israël.
Cependant, comme pour leurs autres reportages, de nombreux articles ont préféré titrer “Les Nations unies accusent” – en dépit des preuves vidéo – et ont relayé les justifications des massacres par Israël. C’est cette tendance à minimiser et à blanchir les crimes de guerre d’Israël qui pose la question de la complicité des médias. Après tout, qu’y a-t-il de plus digne d’intérêt pour les médias qu’Israël reprenant son génocide en force ?
Traduction : JC pour l’Agence Média Palestine
Source : The Nation
Source : Agence Média Palestine
https://agencemediapalestine.fr/…