Par Nabih al-Bourgi
« Comment un terroriste tchéchène, afghan, saoudien, turc, français ou britannique pourrait répondre aux aspirations du peuple syrien ? Comment ? En installant un État islamique qui ne connaît rien de l’Islam, mais se nourrit de la déviance de l’idéologie wahhabite !? Qui vous a dit et qui leur a dit que le peuple syrien cherchait à revenir des milliers d’années en arrière ?
En Syrie, Mesdames et Messieurs, des femmes enceintes sont éventrées et les fruits de leurs entrailles sont assassinés, des femmes sont violées avant et après avoir été tuées selon un rituel hideux et obscène qui n’est inspiré que par les exportateurs de cette idéologie !
En Syrie, Mesdames et Messieurs, des pères sont découpés à l’arme blanche au nom de la « révolution ». Pire encore, les propres enfants de ceux-là qui découpent, pour soi-disant répondre à nos aspirations de Syriens, piaillent et dansent en regardant faire.
En Syrie, l’on dévore le cœur du Syrien en prétendant réaliser l’ambition de la victime ; l’ambition d’une vie libre, prospère, tranquille et démocratique ! Quelle absurdité est-ce là ? Et de qui se moque-t-on ?
Au nom d’une prétendue « glorieuse révolution syrienne », on massacre des civils parmi les vieux, les femmes et les enfants. On pulvérise les infrastructures et les institutions sans même se soucier de l’orientation politique, idéologique ou intellectuelle des victimes. On brûle les livres et les bibliothèques. On farfouille dans les tombes. On vole les reliques et les trésors archéologiques… ».
Ce sont les paroles de feu le ministre syrien des Affaires étrangères, M. Walid al-Mouallem, prononcées le 22 janvier 2014, lors de la Conférence dite de Genève 2 [1]. Il n’a pas été entendu il y a 11 ans et aujourd’hui, ces mêmes terroristes, leurs recrues et leurs descendants qui perpétuent les mêmes odieux massacres en Syrie sont qualifiés de « libérateurs » à qui il faudrait accorder la chance de prouver leur bonne foi. Oubliés les sacrifices de l’Armée arabe syrienne tout au long des 14 dernières années, oubliés les sacrifices de la Résistance libanaise, l’important est de soumettre ces deux nations après tant d’autres au bon vouloir des plus forts, militairement parlant. Après avoir désarmé la Syrie, voici venu le tour du Liban comme nous l’explique l’éminent écrivain et journaliste libanais, M. Nabih al-Bourgi. [Ndt].
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« Si vous rendez vos armes, nous vous tuerons, et si vous gardez vos armes, nous vous tuerons ». Tel est le message de Morgan Ortagus (l’envoyée spéciale adjointe du président Trump pour le Moyen-Orient) au Hezbollah qui doit choisir entre se laisser tuer ou mourir assassiné. Quel idiot en ce bas monde confierait sa tête à Donald Trump ou à Benjamin Netanyahou ?
Le comble est que c’est l’État libanais qui doit se charger de ce désarmement. Mais si Israël n’a pas réussi à désarmer le Hamas au bout d’un an et demi de combats en dépit de ses énormes capacités militaires et du soutien des États-Unis et de l’OTAN, comment l’État libanais embourbé dans ses crises meurtrières et ses divisions politiques et confessionnelles, pourrait-il désarmer le Hezbollah ?
Les Américains et les Israéliens sont prêts à fournir des armes et de l’argent aux forces internes libanaises hostiles au Hezbollah afin qu’elles imposent un siège aux zones où les partisans de ce parti sont présents. D’où une deuxième guerre civile avec intervention des avions de guerre américains et israéliens pour la destruction de ces zones. Et, comme ce fut le cas à Gaza, il y aurait une avancée des chars d’Eyal Zamir (le nouveau chef d’état-major de Tsahal) vers la banlieue beyrouthine. Oseront-ils avancer ?
La situation de dispersion et de désintégration des Palestiniens est comparable à celle des Libanais, avec une différence fondamentale : les Palestiniens ne souffrent pas de cette épidémie infernale qu’est le confessionnalisme, notamment politique. Certes, le document des accords de Taëf et l’article 95 de la Constitution libanaise prévoient un plan par étapes en vue d’assurer la suppression du confessionnalisme politique pour passer d’un État confessionnel à un État de concitoyens. Mais la majorité des rois confessionnels ont mis cet article de côté car leur survie sur leurs trônes nécessite le maintien de leurs coreligionnaires sur le cratère du volcan.
Nous nous attendions à ce que Mme Morgan Ortagus use de la politesse diplomatique et évite la grossièreté. Mais elle a laissé entendre que le président libanais, Joseph Aoun, et le premier ministre libanais, Nawaf Salam, avaient été « placés » aux palais de la République et du gouvernement pour mener à bien cette mission impossible de désarmement du Hezbollah. Quand Satan a-t-il compati aux souffrances des êtres humains ? Il est vrai que nous nous sommes habitués à nous entendre, ne serait-ce qu’un minimum, avec ce Diable. Mais s’il est désormais frappé de folie, qui oserait lui vendre son âme ?
Nous avons beaucoup parlé du modèle palestinien selon lequel le génocide méthodique est la voie menant à la déportation : pas de Palestinien sur la Terre promise ! C’est ce qu’ont décrété Ze’ev Jabotinsky, le rabbin Meir Kahane, Benjamin Netanyahou, Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich. Pouvons-nous nous attendre à ce qu’un Libanais reste sur la terre libanaise ?
Le modèle syrien est devant nous. Le président prétendument intérimaire de l’État syrien (Al-Joulani, le chef du Front al-Nosra, Alias HTS ou HTC) a annoncé publiquement qu’il n’était pas hostile à Israël et, à la demande de Recep Tayyip Erdogan, il a dissous l’Armée syrienne régulière pour la remplacer par ces monstrueux janissaires tout juste arrivés des grottes d’Asie centrale et du Caucase. De plus, il est resté absolument silencieux lorsque les Israéliens ont occupé la partie syrienne du mont Hermon, et donc la zone syrienne la plus sensible au niveau stratégique. Une occupation qui a coïncidé avec la rupture de la ligne de désengagement (Résolution 350 du 31 mai 1974, adoptée par le Conseil de sécurité suite à la guerre d’Octobre 1973) et avec l’établissement d’une zone tampon allant jusqu’à la périphérie de Damas.
Ceci nous rappelle que lorsque le président égyptien, Anouar Sadate, s’est rendu à Jérusalem en novembre 1977, l’un des ministres de Menahem Begin avait déclaré : « Si le président égyptien est venu jusqu’ici en avion, alors Hafez al-Assad viendra jusqu’ici à pied ». Il n’y est pas allé, ni en avion, ni en voiture. Mais maintenant que les raids israéliens ont détruit jusqu’aux parkings militaires en Syrie, il est probable qu’Al-Joulani ira prier au sein du Temple en compagnie d’Oussama al-Rifaï, son tout nouveau mufti de Syrie.
Ce qui est attendu de la Syrie et ce qui est imposé à la Syrie est attendu du Liban et imposé au Liban. Deux États nus, formant une ceinture de sécurité autour du nord d’Israël. À cela, il faut ajouter la révélation du quotidien « Israel Hayom » concernant un responsable militaire israélien ayant demandé à l’Égypte et aux États-Unis de démanteler l’infrastructure militaire de l’armée égyptienne dans le Sinaï, en précisant que « ce problème est une priorité absolue pour le Bureau du ministre de la Défense Yisrael Katz ».
En tant que pays militairement, économiquement et financièrement nu, nous sommes donc confrontés à des options mortelles face à un État fou, fortement armé et motivé par une idéologie qui n’a pas de place pour l’autre : le bon Arabe est un Arabe mort.
Quant à la guerre civile, il y a ceux qui aiguisent leurs dents et liment leurs ongles dans l’attente de ce moment qui ouvrirait vers les ghettos et les cimetières sectaires ; vers la guerre israélienne qui détruirait ce qui reste du Liban, du moins les zones censées subir la vengeance israélienne ; ou encore vers le Temple pour en devenir les serviteurs !
Même la France qui s’inquiète pour le Liban, parce qu’il est désormais sa dernière porte d’entrée vers le Moyen-Orient ou parce qu’il est né au château de Versailles, semble avoir perdu toute influence sur la Maison Blanche depuis que les tarifs douaniers de Donald Trump ont placé le vieux Continent en situation de crise, comme s’il s’agissait d’une déclaration de guerre au globe terrestre devenu un « globe américain ».
En revanche, il ne fait aucun doute que l’aspect essentiel de la « question libanaise » est lié à la voie que prendront les relations entre Washington et Téhéran, la menace que Trump fait peser sur les ayatollahs étant : soit la chute de l’État, soit la chute du régime en l’absence d’accord sur leur programme nucléaire, voire son abandon comme l’exige Tel-Aviv. [L’Iran a décliné, ce dimanche 6 avril, la proposition de Donald Trump de négocier directement avec les États-Unis. Le président américain suggérait des pourparlers sans intermédiaire, tout en menaçant de bombarder le pays si les négociations venaient à échouer ; [2][NdT].
La Syrie est également confrontée à des options mortelles. En premier lieu, elle est l’otage de la diplomatie du serpent, ou la stratégie du serpent adoptée par Erdogan et son égocentrisme absurde. Il a pensé qu’Abou Mouhammad al-Joulani, qu’il a relooké et installé à la tête de l’État syrien, lui ouvrirait les portes de la région. Ce faisant, il a négligé le fait que Netanyahou l’attendait aux portes de Damas, qu’il s’était publiquement engagé à changer la géographie du Moyen-Orient et que la Turquie figurait sur sa carte ; ce qu’Erdogan ne pouvait ignorer. Il est donc étrange qu’il ait pris le risque de mettre sa tête entre les mains des fous de Jéhovah.
Erdogan est prêt à offrir n’importe quelle partie de la Syrie à Israël, à condition que la Turquie devienne le principal centre de transport du gaz de l’est et du sud de la Méditerranée vers l’Europe. Ce qui déplaît fortement à Moscou et à Washington qui l’ont pourtant récompensé par la résolution de son problème avec les « forces démocratiques syriennes » (dominées par les Kurdes séparatistes), pour avoir évincé le régime de Bachar al-Assad.
La Turquie est également le partenaire d’Israël pour maintenir l’État syrien sans armée efficace sur le terrain. Le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, a annoncé le 3 avril dernier que son pays n’entrerait pas dans une confrontation avec Israël en Syrie. Une position étrange ou, plus exactement, clientéliste éveillant des soupçons sur ce qui attend Damas.
Les chars Merkava israéliens pénètrent de plus en plus profondément en territoire syrien. Une position tout aussi étrange des factions armées dirigeantes en Syrie. En effet, ces factions qui maîtrisent les combats ainsi que les tueries à grande échelle et dans toutes les directions, exemptent Israël de toute balle et même de toute parole. Tout ce qui les intéresse est que les foules de « croyants » s’entassent dans les mosquées et justifient leurs massacres des dites minorités en prétendant qu’elles ne font que se défendre contre les agressions des « vestiges du précédent régime ».
Le Diable est désormais au sommet de sa folie, alors que nous espérions que le Liban et la Syrie se retrouveraient dans la même tranchée au lieu d’être coincées, telles des marionnettes, dans le même pétrin face à la folie israélienne.
Mais Houlagou Khan (qui a mis la région à feu et à sang) n’était-il pas fou avant de mourir de son épilepsie ? Et Hitler n’était-il pas aussi fou avant de finir brûlé dans l’un de ses sous-sols ? C’est ainsi que finissent généralement les empereurs fous et leurs empires. Quant à cet Orient encore fortement marqué par les traces des prophètes sans parler des traces des dieux, quand est-ce qu’il a avancé en ligne droite sans se heurter aux obstacles tribaux ou idéologiques ?
Une tornade qui passera… Albert Einstein qui a refusé la présidence de l’État d’Israël, s’est moqué de ces rabbins qui ont parlé des débuts d’un temps divin au Moyen-Orient dès le lendemain de l’annonce de sa création. Ce qui nous amène à répéter ce que l’ambassadeur des États-Unis en Israël, Mike Huckabee, a déclaré le 9 février 2025 : « le changement dans la région aura des proportions bibliques ».
À quel moment les dirigeants arabes seront-ils invités à la cérémonie de couronnement de Netanyahou comme roi d’Israël ? C’est ce que dit la vision de son épouse Sarah, laquelle estime que le départ du leader du Likoud de la présidence du gouvernement entraînera inévitablement la sortie des Juifs de la Terre promise.
Même la porte saoudienne, sur laquelle Trump pariait pour relancer le domino de la normalisation des relations des pays de la région avec Israël, s’est fermée devant Netanyahou depuis qu’il est devenu clair qu’il voulait une normalisation par le feu, non par les roses. Et tout comme le monde entier a commencé à s’interroger sur ce Caligula à Washington, un jour viendra peut-être où le monde s’interrogera sur ce Dracula à Jérusalem…
Nabih al-Bourgi
06/04/2025
Source : articles d’Addiyar du 4 et du 5 avril
حين يكون الشيطان مجنواً
https://addiyar.com/article/2236302
لبنان وسوريا: الخيارات القاتلة
https://addiyar.com/article/2236451-
Synthèse et traduction par Mouna Alno-Nakhal
Notes :
[1][Syrie / Genève 2 : Nous sommes venus vous mettre face à vos responsabilités !]
[2][L’Iran rejette la proposition de Trump d’un dialogue direct avec les États-Unis ]
Source : Mouna Alno-Nakhal