Chevènement, Sansal et Voltaire : Quand la France se prend pour l’instituteur du monde
Jean-Pierre Chevènement, le vieux gérant du stock poussiéreux des valeurs républicaines à géométrie variable, a encore frappé sur Twitter. Dans une poussée de lyrisme mal inspiré (ou un sursaut de confusion gérontologique, allez savoir), il a appelé le président algérien Abdelmadjid Tebboune à s’inspirer du général de Gaulle pour libérer l’écrivain Boualem Sansal. “On n’emprisonne pas Voltaire !”, s’est-il égosillé dans le vide, en répétant des mots de de Gaulle à propos de Sartre en 1960. Sauf que, Jean-Pierre, l’Algérie n’est plus un terrain de jeu pour préfets déchus en mal de grandeur coloniale.
Tebboune, un Gaulois ? Tu t’es cogné la tête, Jean-Pierre ?
Reprenons. Tebboune n’est pas gaulois. Il ne porte ni braies ni casque ailé, ne vénère pas Astérix, et surtout, n’a rien à voir avec les marottes historiques d’une France qui n’a jamais digéré son expulsion d’Algérie. Invoquer de Gaulle pour s’adresser à un président algérien, c’est un peu comme demander à une poule d’exécuter une équation différentielle. L’évocation du “grand Charles” a surtout le mérite de rappeler la sauvagerie française en Algérie, que Chevènement préfère manifestement oublier dans ses crises de nostalgie hexagonale.
De Gaulle : le mentor des massacres oubliés
Appeler à suivre l’exemple de de Gaulle, c’est oublier que sous son règne, des milliers d’Algériens ont été assassinés, déportés ou torturés dans l’indifférence morale qui sied si bien à la République française. C’est ce même de Gaulle qui prétendait tendre la main tout en envoyant les paras écraser des villes entières sous les bottes militaires. Alors, Jean-Pierre, avant de dispenser tes leçons de liberté, commence par réviser l’Histoire de ton propre pays. L’Élysée, en matière de pratiques liberticides, a toujours su se montrer très inspiré.
Sansal, Voltaire ? Laissez les morts en paix.
Un infâme comme Sansal est ici comparé à un autre infâme écrivain du siècle des Lumières, en l’occurrence Voltaire, dont voici un petit aperçu de ses nobles pensées :
“Nous n’achetons des esclaves domestiques que chez les Nègres ; on nous reproche ce commerce. Un peuple qui trafique de ses enfants est encore plus condamnable que l’acheteur. Ce négoce démontre notre supériorité ; celui qui se donne un maître était né pour en avoir.” (tome 8, page 187)
Mais meme avec des lunettes miopes, comparer Boualem Sansal à Voltaire, c’est oser mettre une brosse à chiottes au même niveau qu’une plume de calligraphie. Désolé, mais la posture de “libérateur des peuples opprimés” que tente d’endosser Sansal, c’est un costume taillé dans du tissu de pacotille. Voltaire, au moins, avait le panache d’écrire des pamphlets qui dérangeaient réellement les puissants, pas des tribunes bidons servant de justificatif pour les dîner mondains parisiens.
Et puis, si Voltaire avait un credo, c’était “Écrasez l’infâme”. Alors, qui est l’infâme ici ? Un écrivain qui surfe sur le fantasme français d’une Algérie dévoyée pour amuser les salons littéraires ? Ou la classe politique française, toujours prompte à jouer les vierges effarouchées dès qu’un pays anciennement colonisé ose ne pas suivre ses ordres ?
Chevènement, Sartre et Sansal : une blague qui dure trop longtemps
Ce tweet de Chevènement, c’est un condensé de grotesque, où se mêlent dans un même élan dérisoire de Gaulle, Sartre et Sansal. L’écrivain fictif aurait dû faire son apparition, pour jouer les figurants de la grande comédie des lumières préfabriquées. Et pendant ce temps, Jean-Pierre divague, oubliant que de Gaulle méprisait Sartre et que Voltaire, lui, aurait probablement trouvé tout cela particulièrement pitoyable.
Mémoires d’outre-tombe de Chevènement : un spectacle pathétique
Alors, Jean-Pierre, on ne va pas t’en vouloir. On sait bien que l’âge n’aide pas à garder les idées claires, mais de là à confondre des époques, des hommes et des idées avec la légèreté d’un twitto sous Tranxène, il y a des limites. Un conseil : range ton clavier et regarde Des chiffres et des lettres. Au moins, là-bas, personne ne risque de te demander de comprendre l’Histoire.
Et pendant que Chevènement continue d’essayer d’enseigner la morale à l’Algérie, celle-ci continue d’écrire sa propre histoire, loin des délires d’un vieux fonctionnaire qui croit encore qu’on peut parler aux Algériens comme on parlait à des sujets en 1955. Bref, Jean-Pierre, va boire ton café, relis tes notes, et surtout, évite de tweeter avant la sieste.
Hope&ChaDia
Source: Jazair Hope
(Proposé par A. Djerrad)