Par Régis de Castelnau

Monsieur David Chavalarias est très fort. La presse me dit qu’il est chercheur au CNRS. Qui est un Établissement Public Administratif (EPA), ce qui fait de Chavalarias un fonctionnaire payé par nos impôts et tenu dans ses activités professionnelles et dans l’usage qu’il fait des matériels mis à sa disposition, à un devoir de réserve et de neutralité comme tous les fonctionnaires. Si l’on en croit ses passages médiatiques, c’est un mathématicien dont la spécialité est « les audits algorithmiques ». Cela lui permet de mettre fin à tous les débats en utilisant l’argument d’autorité grâce à sa formule fétiche : « moi je sais, vous ne savez pas ». Le problème, c’est que s’il est compétent en mathématiques, la matière juridique semble très étrangère. Ou en tout cas s’il connaît le droit, il doit considérer qu’il ne lui est pas applicable.

Parce que Monsieur Chavalarias est par ailleurs un militant politique très engagé. Il a manifestement horreur de la liberté d’expression lorsqu’elle est utilisée par des gens qui ne pensent pas comme lui et notamment ceux qui s’opposent à la domination du système oligarchique. Et il est donc décidé à la combattre.

C’est son droit.

Le problème c’est que ce combat directement politique doit s’exercer dans un cadre juridique régulier. Or on vient d’apprendre par la presse, notamment un article de l’AFP, qu’il avait mis au point une application qui permet de quitter la plate-forme de réseau social X plus facilement en récupérant tous les contacts obtenus par l’usager sur X, et en les transférant sur une autre plate-forme. Et si l’on en croit l’article, l’application serait hébergée sur les serveurs du CNRS eux-mêmes ! Et que tout ce travail serait coordonné par : « une petite équipe de développeurs coordonnée par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) » nous dit l’AFP.

L’auteur de ces lignes n’a aucune compétence en matière d’audit algorithmique, mais peut-être quelques compétences juridiques au bout d’une longue carrière d’avocat et d’universitaire. Alors il s’est penché, à la mesure des informations dont on dispose, sur les activités déployées par Monsieur Chavalarias pour lutter contre la liberté d’expression.

On a là un florilège de ce qu’il ne faut pas faire, quand on est fonctionnaire bien sûr mais pas seulement.

Détournement de biens publics ?

Dans son activité de chercheur au CNRS Monsieur Chavalarias est tenu, nous l’avons dit, à un devoir de réserve et de neutralité. Ensuite les matériels dont il dispose appartiennent au CNRS et l’usage qu’il en fait au service d’une cause privée semble bien assimilable au délit de « détournement de biens publics » prévu et réprimé par l’article 432-15 du Code pénal. Il faut lire le texte d’abord pour constater que les peines sont salées, ensuite la notion de bien détourné est extrêmement large. À titre d’exemple rappelons la jurisprudence ou un fonctionnaire a été condamné pour avoir ramené chez lui son ordinateur professionnel pour un usage privé et pourtant restitué à l’administration quelques jours plus tard.

Abus de confiance ?

Par ailleurs ce monsieur Chavalarias organise également le détournement au profit des concurrents de la plate-forme X des informations accumulées par l’usager du réseau grâce à son abonnement. C’est un capital certes formé par l’usager, mais reçu organisé et utilisé pour son activité lucrative par la plate-forme. Le détournement prévu par l’article 314-1 du Code pénal réprime « le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, DES VALEURS ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou D’EN FAIRE UN USAGE DÉTERMINÉ. » Il est donc clair que l’ensemble des coordonnées des contacts gérés par X sont mis à la disposition des usagers pour en faire un usage déterminé sur la plate-forme. Et non pas pour se barrer avec.

A priori on est en présence d’une deuxième infraction pénale.

Concurrence déloyale ?

Il est clair que Monsieur Chavalarias entend porter préjudice à la plate-forme X en favorisant ses concurrents par l’apport des informations mises en place et organisées par X.

« La concurrence déloyale est le fait, dans le cadre d’une concurrence autorisée, de faire un usage excessif de sa liberté d’entreprendre, en recourant à des procédés contraires aux règles et usages, occasionnant un préjudice. Elle est constituée de l’ensemble des procédés concurrentiels contraires à la loi ou aux usages, constitutifs d’une faute intentionnelle ou non et de nature à causer un préjudice aux concurrents. »

On vient de décrire quelques-uns des procédés, un spécialiste droit de la concurrence en trouverait probablement d’autres. Il est donc difficile de prétendre que l’on est pas en présence d’une violation grossière du droit de la concurrence, et d’une opération de concurrence déloyale. Puisque grâce à Monsieur Chavalarias, ceux qui s’exilent sur les autres plates-formes vont pouvoir fournir à celle-ci un avantage considérable grâce à ce capital détourné. En cas de contentieux, la responsabilité de notre fonctionnaire matheux serait évidemment engagée, peut-être celle du CNRS présenté par la presse comme étant à la manœuvre, mais aussi, celle ceux qui se seraient servis de l’application. Notre virtuose des audits algorithmiques ne voit semble-t-il aucun inconvénient à les exposer. C’est d’autant plus léger que ses exploits ne s’arrêtent pas là.

Retour au pénal : la contrefaçon ?

Pas gênés, les gens qui ont élaboré et lancé cette application, ont semble-t-il gaiement violé le Code de la propriété intellectuelle. Ils ont appelé leur application « Hello Quitte X » en utilisant le nom d’une marque juridiquement protégée « Hello Kitty » particulièrement appréciée des enfants, qui se décline sur un nombre considérable de produits dérivés. Elle est devenue une des mascottes les plus célèbres au Japon et dans le monde, incarnant la culture « kawaii » (mignonne) japonaise. Pire, nos bricoleurs ont également détourné le visuel mondialement connu comme logo de leur système ! C’est bien évidemment une violation grossière de l’article L716-10 du Code de la propriété intellectuelle et ceux qui utiliseraient l’application en feraient la promotion se rendraient complices de l’infraction.

Ce qui est finalement tout à fait extraordinaire c’est que toutes ces violations sont accomplies par des gens qui trouvent ça parfaitement normal. Les petit bourgeois payé par l’État, et militants du camp du bien peuvent s’asseoir sur les règles de droit, considérant qu’elles ne leur sont pas applicables. Quitter X est une liberté. Mais il faut en user dans le respect du droit.

Alors bien sûr, cette analyse rapide doit être approfondie. Je serais surpris que les représentants en France de la plate-forme X, et ceux de la marque « Hello Kitty » restent passifs.

Et que tous ceux qui se sont amusés à ce petit jeu n’aient pas quelques soucis.

Source : Vu du Droit
https://www.vududroit.com/…

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