Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, rencontre des troupes à une base aérienne de Tallinn, mardi 1er mars 2022. [AP Photo/Leon Neal]
Par Alexandre Lantier
Malgré l’opposition populaire de masse à une escalade militaire menaçant d’une guerre totale avec la Russie, Londres et Paris prévoient une intervention terrestre à grande échelle en Ukraine. Ces plans, discutés dans le dos de la population, ne menacent pas seulement de provoquer une guerre nucléaire entre l’Europe et la Russie. Elles impliquent des attaques profondes contre la classe ouvrière pour financer le renforcement des armées européennes.
Hier, dans un article intitulé «Guerre en Ukraine: l’envoi de militaires européens en discussion», Le Monde a écrit: «Paris et Londres n’excluent pas de prendre la tête d’une coalition en Ukraine, selon des modalités qui restent à préciser». Selon une source militaire britannique, « Des discussions sont en cours entre le Royaume-Uni et la France concernant la coopération en matière de défense, notamment dans le but de créer un noyau dur entre alliés en Europe, axé sur l’Ukraine et la sécurité européenne au sens large. »
Cela fait suite à des pourparlers entre Londres et Paris, après que l’Ukraine a lancé des frappes à longue portée sur la Russie avec des missiles britanniques Storm Shadow. Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a dit à la BBC que la France autorisait l’Ukraine à tirer des missiles français SCALP sur la Russie en «légitime défense», sans dire si ces missiles avaient été utilisés contre la Russie. Interrogé sur la possibilité d’envoyer des troupes françaises sur le terrain, Barrot a déclaré: «Nous n’écartons aucune option.»
Barrot a exigé des pays européens qu’ils augmentent leurs dépenses de défense: «Bien sûr, nous devrons dépenser davantage si nous voulons faire plus, et je pense que nous devons faire face à ces nouveaux défis.»
Les puissances impérialistes de l’OTAN entraînent le monde vers une Troisième Guerre mondiale. Même si cela ne provoque pas immédiatement une guerre nucléaire, cela déclenchera aussi une confrontation avec la classe ouvrière européenne. Macron a financé sa dernière augmentation majeure du budget militaire en 2023 en attaquant les retraites. Il a imposé sa réforme par le 49.3, sans vote, envoyant les forces de l’ordre attaquer grèves et manifestations, s’appuyant finalement sur les bureaucraties syndicales pour mettre fin au mouvement.
Obtenir les milliards de livres et d’euros nécessaires pour préparer les armées britanniques ou françaises à une confrontation avec la Russie en Ukraine nécessiterait des attaques sociales profondes contre les travailleurs européens.
Selon Le Monde, la société française Défense Conseil International (DCI), dont l’Etat est actionnaire à hauteur de 34 pour cent, veut déployer ses forces en Ukraine: «Composée à 80 pour cent d’anciens militaires, DCI serait prête à poursuivre, en Ukraine, la formation de soldats ukrainiens, comme elle le fait déjà en France et en Pologne. Elle pourrait aussi, s’il le fallait, assurer la maintenance des équipements militaires français envoyés à Kiev. DCI a été approchée en ce sens par Babcock, une société homologue britannique déjà présente en Ukraine, pour partager les installations dont cette dernière dispose».
Elie Tenenbaum, de l’Institut français des relations internationales (IFRI), a dit au Monde que la France envisage aussi « d’autres modèles ». Cela signifie, selon Le Monde, «envoyer des troupes conventionnelles en Ukraine, dans l’hypothèse d’un accord de cessez-le-feu, en vue de garantir la sécurité du pays et le respect du cessez-le-feu par la Russie». Ces troupes, a-t-il dit, seraient « positionnées dans l’est de l’Ukraine», en clair, à la frontière avec la Russie.
Ces plans se heurtent à une opposition populaire écrasante, surtout dans la classe ouvrière. Au début de l’année, un sondage de l’Eurasia Group a révélé que 91 pour cent des Américains et 89 pour cent des Européens de l’Ouest s’opposaient à une intervention au sol de l’OTAN en Ukraine. Néanmoins, les puissances impérialistes européennes poursuivent précisément ce projet.
Le Monde a présenté une version soigneusement aseptisée des discussions secrètes officielles sur la guerre avec la Russie et l’élection de Trump. Trump a dit à plusieurs reprises qu’il veut réduire le soutien militaire américain à l’Ukraine. Quant aux puissances européennes, elles appellent à la conclusion d’un accord avec Trump basé sur une escalade de leur intervention en Ukraine.
Les différents plans pour l’Ukraine qui circulent dans l’équipe de Trump, selon le Wall Street Journal, «impliquent que Kiev promette de ne pas rejoindre l’OTAN pendant au moins 20 ans. En échange, les États-Unis continueraient à approvisionner l’Ukraine en armes pour dissuader une future attaque russe. Dans ce contexte, la ligne de front serait essentiellement verrouillée et les deux parties accepteraient une zone démilitarisée de 800 miles ».
« Nous pouvons former des soldats et les soutenir, mais le bout du canon sera européen», a dit un membre de l’équipe de transition de Trump, cité par le Journal. « Nous n’envoyons pas d’hommes et de femmes américains pour maintenir la paix en Ukraine. Nous ne paierons pas pour cela. C’est aux Polonais, aux Allemands, aux Britanniques et aux Français de le faire ».
L’argument selon lequel ceci fournirait une base pour une paix durable en Ukraine n’a aucune crédibilité. Le Kremlin a envahi l’Ukraine pour l’empêcher de rejoindre l’OTAN, mais Trump ne propose que de reporter de deux décennies sa décision de rejoindre l’OTAN. En plus, l’escalade européenne en Ukraine est liée aux plans de guerre européens contre les alliés de la Russie, tels que la Chine, l’Iran et la Syrie.
De telles guerres bloqueraient toute paix durable à la frontière russo-ukrainienne et entraîneraient probablement une escalade explosive du conflit. En effet, dans une série de déclarations provocatrices, le commandement militaire français déclare son ‘intention de participer à l’escalade d’une guerre mondiale, afin d’affirmer de manière indépendante les intérêts impérialistes français.
Le monde « que nous avions façonné » à la fin de la guerre froide «vacille», a dit la semaine dernière le général Pierre Schill, chef de l’armée de terre française. « L’instabilité du contexte pousse à la gravité. Qui sait quel sera notre rôle demain dans des garanties de sécurité offerte à l’Ukraine ou au Liban? … L’enjeu, c’est d’être redouté, c’est d’être craint.»
Le général Thierry Burkhard, a dit au Figaro que la France doit pouvoir envoyer ses troupes en Ukraine, au Proche-Orient, en Afrique et dans l’indo-pacifique, collaborant avec l’OTAN. «Toutes ces zones de crise ont leurs caractéristiques particulières et il n’est pas certain qu’il faille prioriser l’une sur l’autre. Il est nécessaire de gérer l’ensemble de ces théâtres … Cette situation nécessite une action et une vision globale, et surtout d’agir de manière très coordonnée avec nos partenaires. Aucun pays ne peut gérer seul ces crises.»
Ces menaces de guerre mondiale intensifient non seulement le conflit entre l’Europe et les autres grandes puissances, mais aussi les tensions entre puissances impérialistes européennes, qui ont débouché sur deux guerres mondiales au 20e siècle. La discussion sur l’intervention européenne en Ukraine soulève immédiatement la question de savoir quels pays européens contrôleront les vastes ressources minérales, industrielles et agricoles de l’Ukraine.
Les plans de l’armée française minimisent le rôle de l’Allemagne, la puissance économique dominante en Europe. Les projets d’intervention en Ukraine «posent la question des chefs de file de cette coalition militaire. L’Allemagne apparaît actuellement très fragilisée par ses difficultés de politique intérieure», écrit Le Monde, citant Tenenbaum de l’IFRI : «La France et le Royaume-Uni, les deux seules puissances nucléaires en Europe, devraient donc jouer un rôle-clé. Les Etats baltes, la Pologne ou encore les pays scandinaves semblent également des candidats essentiels».
Les divers projets d’invasion discutés dans les cercles dirigeants européens confirment que les médias capitalistes ont présenté la guerre en Ukraine sous de faux prétextes. Cette guerre ne vise pas à protéger l’indépendance de l’Ukraine face à la Russie. Il s’agit plutôt d’une guerre, menée principalement par les puissances impérialistes, pour décider du partage de l’économie ukrainienne entre grandes puissances.
Pour éviter une nouvelle escalade catastrophique de la guerre, il faut alerter la classe ouvrière en France, en Grande-Bretagne, à travers l’Europe et à l’international sur ces dangers, et construire un mouvement socialiste international dans la classe ouvrière contre la guerre impérialiste.
Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…