Par Jean-Luc Mélenchon

Les provocations meurtrières impunies de Netanyahu au Liban et à Jabaliya dans Gaza, ses insultes contre le président français sans suite, sont un signe des temps. Tandis qu’on assassine en masse les Palestiniens, envahit le territoire d’un pays allié des Français depuis toujours et tire même sur l’ONU, la France n’existe plus sur la scène. Dans ce contexte, c’est d’abord notre impuissance nationale qu’on doit interroger ! Les déclarations erratiques du président français sont au-delà de l’ambiance de fin de règne. On sait à peine comment comprendre ce que l’on a sous les yeux. Que se passe-t-il ? Quelle force le tient cloué au sol sans espace pour agir ? Pourquoi ne tape-t-il pas du pied au fond de la piscine pour remonter ? Quel cauchemar ! Dans l’histoire de France nous avons déjà coulé à plusieurs reprises et parfois très profondément, que ce soit sous le roi fou Charles VI ou le traître galonné Philippe Pétain. Mais toujours notre pays et son peuple ont gardé aux yeux des autres nations un potentiel de puissance qu’il leur était impossible de mépriser. Aujourd’hui c’est fini. Nous sommes en deçà du niveau, sur un continent qui a lui-même perdu la compétition qu’il avait acceptée et menée avec le reste du monde. La pente prise nous mène sur le chemin de ruines qu’a vécu avant nous la Grèce et que vivront bientôt d’autres comme les Allemands et les Italiens. La séquence de vote du budget va être le prochain moment d’abaissement antidémocratique depuis celui du coup de force de Macron contre le résultat du vote des législatives. 

Raisonnons calendrier en main. La discussion du budget doit tenir en 70 jours maximum, Constitution oblige. De toute façon, le 1er janvier doit s’exécuter un nouveau budget. Le texte sortira de la commission des Finances où il aura été battu et arrivera en séance le 21 octobre, dans sa forme initiale. La limite de temps est fixée au 21 novembre. Si la discussion n’a pu aller jusqu’au vote à cette date, le texte va au Sénat sans vote des députés. Vingt jours plus tard, il revient à l’Assemblée, transformé ou non par le Sénat. Ce sera le 10 décembre. L’Assemblée et le Sénat ont encore onze jours pour terminer le cycle. Sinon il n’y a pas de vote possible. La Constitution dit qu’alors le budget sera fixé par ordonnance, par le seul exécutif. Devant le risque d’un budget « adopté » de force par dépassement du temps constitutionnel, le président et le rapporteur de la commission des Finances (Coquerel et De Courson) ont demandé aux députés de limiter le nombre de leurs amendements. En effet, l’an passé, on était passé de 2 500 amendements à 5 000. Une quantité incompatible avec les délais actuels puisque le projet de budget est arrivé en discussion avec quinze jours de retard. Seuls les députés macronistes « canal historique » ont protesté contre cette « limitation du droit des parlementaires ». Mathieu Lefèvre a d’ailleurs fait un tweet tonitruant dans ce sens. C’est un signe du fait que les macronistes veulent pouvoir jouer la montre s’ils le décident pour maintenir la possibilité d’un budget par ordonnance. Quelle autre issue pour Macron et Barnier ? Présenter un 49.3 ? Dès l’arrivée du texte en plénière dans la version initiale ? Comme l’avait fait Attal en son temps de premier ministre… Oui, c’est possible. Mais alors il y aura motion de censure. Et elle sera adoptée car on ne voit pas LIOT ou le RN soutenir encore Macron comme cette fois-ci après avoir voté contre en commission ! Le scenario du blocage reste donc le plus efficace pour les macronistes. Et aussi le plus logique politiquement dans l’ambiance du coup de force actuel. Qu’est-ce qu’un budget sans vote pour un gouvernement sans vote de confiance et sans vote de majorité dans les urnes ? Et après avoir déjà fait naguère une réforme des retraites sans vote non plus ? Y a-t-il une alternative ? Tout le monde y pense sans oser le dire : si Macron s’en va, le peuple français pourra voter et dénouer la crise.

Le budget Barnier reconnaît notre victoire idéologique, pour nous antilibéraux. Et spécialement pour nous Insoumis, auteurs de cinq contre-projets de budgets en sept ans sur la ligne inverse à celle qui a créé mille milliard de dette pour rien. L’impôt sur les riches est réhabilité et celui sur les superprofits des entreprises aussi. Peu importe les montants : c’est le raisonnement qui compte. Barnier a enterré les interdits et les tabous du libéralisme des gouvernements macronistes. Nous avons donc raison depuis le début ! Et c’est eux-mêmes qui l’admettent. Naturellement ils feront de tout cela une comédie sans effet positif. Comme pour leur reprise de la planification écologique qui n’a rien donné d’autre, sinon des frais de fonctionnement supplémentaires pour l’État. Mais, ne craignez rien ! Nous saurons faire donner tout son jus à ce beau résultat.

Barnier fait surtout un constat de fin de partie. Car son projet de budget met en cause le cœur du discours macroniste. La déception des milieux politiques qui y ont cru et de ceux qui continuent de croire au credo libéral s’ajoute donc aux causes de déstabilisation générale dans laquelle nous sommes entrés. La politique de l’offre, adoptée officiellement sous le quinquennat de Hollande, mais déchaînée sous celui de Macron, se vantait d’avoir réindustrialisé le pays, endigué le chômage et mis le pays sur la voie de la croissance. Cette situation euphorique devait produire les impôts et taxes liés à l’investissement et à la consommation. Leurs produits seraient venus compenser les cadeaux fiscaux et suppression de cotisation supposés avoir produit un choc salvateur. Le contraire a eu lieu. Le chômage a baissé partout davantage qu’en France, le retour de la croissance est plus faible aussi, en dépit du choc des cadeaux fiscaux hors norme dans notre histoire. Les coupes budgétaires annoncées vont écraser toute reprise de l’activité. C’est ici le cœur de l’affaire : les moyens orthodoxes vont contre les buts orthodoxes. C’est officiel : le Haut Conseil des finances publiques a déclaré jeudi que les prévisions de croissance étaient surestimées compte tenu de l’étouffoir que va être ce budget de restrictions. Ainsi est confirmé en tous points ce que tous les intervenants insoumis ont affirmé depuis tant de temps de confrontation sur ce thème.

Le budget montre davantage que des chiffres douloureux. J’y vois surtout l’agonie d’une époque. Celle de l’imposture libérale hier encore triomphante. Il ne reste rien de sa promesse initiale. En France plus qu’ailleurs, car notre nation n’est aucunement faite autour de son commerce, comme en Angleterre. Elle l’est autour de son État. Passer d’un modèle d’économie mixte au « tout marché » est impossible à réaliser dans ce pays. Ce qui vient d’arriver en sept ans de macronisme le prouve. D’un certain point de vue, Macron est personnellement moins en échec que son projet politique. Rien ne le redressera. Car trois mille milliards de dette créés par ses budgets précédents sont le principal démenti à… son propre discours. Comment est-il possible d’avoir fait tous ces coups de menton sur l’assainissement des finances publiques et d’avoir laissé la situation dégénérer jusqu’à ce point ? Ce n’est pas le premier dans ce cas. Voilà l’occasion de dire de nouveau sans risque d’être démenti ceci : la droite a créé et approfondi les déficits budgétaires depuis quarante ans. Ils ont été le moyen de distributions aveugles, tout en fournissant l’argument d’une obligation de coupes dans les dépenses publiques. Ce n’est pas une erreur de pilotage : c’est un raisonnement faux depuis le début. Le privé en plein élan d’activités allait renflouer les caisses publiques par des impôts et taxes. Comment ? En déversant des subventions et des dispenses d’impôt et de cotisations d’une part, et en diminuant la sphère du public dans l’économie générale au profit de l’initiative privée… Erreur. Les parasites ont pris l’argent et l’ont placé dans la sphère financière mondiale. Et ils ont laissé l’économie du pays en anémie, sans investissement. Dès lors, aujourd’hui, d’une certaine façon, le programme « d’austérité » ne concerne que les consommateurs et usagers de service public ! Sinon où est l’austérité alors que l’augmentation de la charge de la dette reste constante et que l’endettement, du coup, fonctionne comme une récompense annuelle garantie pour le parasitisme bancaire ? Quelle « austérité » quand les remises d’impôts et de cotisations « aux entreprises » ne sont pas mises en cause ? La finance sait bien tout cela ! Sinon comment expliquer, au-delà des jérémiades officielles de la planète des éditorialistes, que la dernière levée d’emprunts ait été souscrite par onze fois plus d’offres de prêt que la demande de l’État ?

La réduction permanente du secteur public pour dégager la place aux services privés continue. Moins d’école publique égal davantage d’écoles privées comme recours des parents. Moins de santé publique implique davantage de recours aux cliniques privées et ainsi de suite. La politique de Macron est un éclatant succès pour le royaume du fric. Jamais le grand secteur privé, qui n’investit pas, n’innove pas, ne répond à aucun besoin nouveau d’intérêt général, n’a été aussi juteux. Évidemment c’est sur le dos du commun des mortels, qui ne peut s’offrir un ticket d’accès à toutes ces prestations sous exigence de profits privés. Les aberrantes contradictions du discours public viennent de la gesticulation des auteurs de ce désastre, qui psalmodient les mêmes ritournelles depuis quarante ans et sont aussi désorientés devant ces résultats désastreux que les idéologues soviétiques devant l’échec de leurs croyances. Macron raisonne en idéologue du marché et de sa main invisible. Comme un idéologue forcené, il pense que si « ça va mal », c’est qu’on en fait pas assez dans « la bonne direction ». Barnier est plus pataud. Il est probable qu’il croie à ce qu’il dit. Il n’arrivera à rien.

Quelle obsession contre moi ! La semaine passée j’avais mis en cause un ministre macroniste. Aussitôt le bulletin d’extrême droite le « JDD » titrait que je l’aurais fait en raison de la religion de ce dernier. Cette semaine, Jérôme Guedj affirme que j’ai tenu un propos antisémite contre lui et que j’ai mis en cause sa judéité ! Motif : j’ai écrit dans une note de blog (en avril dernier !) qu’il s’agitait « autour du piquet où le retient la laisse de ses adhésions ». Où est l’antisémitisme là-dedans ? Depuis quand le judaïsme résulte-t-il d’une adhésion ? Cette bruyante pleurnicherie a été généreusement télévisée après son échec pitoyable à l’élection de la présidence de la commission des Affaires sociales. Il veut faire oublier qu’il a volontairement fait perdre, pour le compte de la droite du PS, un autre PS : Arthur Delaporte. Ce dernier avait pourtant recueilli plus de voix PS, écolos et Insoumises que lui au premier tour de vote de cette élection. Je serais le responsable de cette situation ? En quoi me concerne-telle ? C’est désormais un problème pour moi : pour se rendre intéressant et prendre de la lumière médiatique, toute sorte de gens font comme si leur personne et leurs intrigues dérisoires avaient une place dans mes préoccupations. En fait je ne m’intéresse pas aux automates de propagande comme Jérôme Guedj, ni à ses adhésions d’ailleurs changeantes dans les clans socialistes, ni à ses intrigues opportunistes. J’ai déjà assez à faire contre Macron et Le Pen. Pourquoi dois-je aussi subir les rancœurs sans fin de ce type d’« ex-partisan », séparé de moi depuis seize ans et à qui je n’ai jamais nui d’aucune façon ?

Source : Le blog de l’auteur
https://melenchon.fr/…

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