Septembre 2024 – Les Palestiniens déplacés à Rafah font face à l’inondation de leurs tentes suite à la montée du niveau de la mer dans la bande de Gaza. Après 11 mois d’attaques génocidaires continues par les forces coloniales israéliennes, la quasi-totalité de la population de la bande de Gaza a été déplacée, beaucoup d’entre eux vivant dans des camps de fortune sans accès aux infrastructures de base, à la nourriture et à l’eau. En raison de la surpopulation et du manque d’espace disponible pour les tentes, de nombreux Palestiniens ont été contraints de placer leurs tentes près de la mer. Les conditions de vie risquent d’empirer avec le changement de saison, l’hiver et les pluies à venir – Photos : Doaa Albaz / Activestills

Par Tareq S. Hajjaj

À l’approche de l’hiver, les familles déplacées de Gaza sont confrontées à un terrible dilemme : sombrer dans les eaux usées débordantes des villes détruites ou être inondées par les marées montantes dans les campements des plages de Gaza.

À quelques mètres seulement de l’eau, des milliers de tentes s’étalent sur les plages de sable de Gaza.

Les familles déplacées tentent de construire des barrières de sable pour empêcher la marée montante d’inonder leurs refuges. Le flux et le reflux de la marée ont déjà coûté leurs tentes à plusieurs familles, qui veulent à présent de plier bagage et de trouver un terrain plus sec.

Telles sont les scènes qui se sont déroulées à Gaza la semaine dernière, alors que les Palestiniens de la bande de Gaza ont connu les premières précipitations de la saison.

Les pluies de la semaine dernière ont révélé la catastrophe environnementale et sanitaire qui menace les millions de personnes déplacées entassées dans des campements de tentes très denses ou dans des quartiers bombardés vers le centre et le nord de la bande de Gaza, où il ne reste pratiquement plus aucune infrastructure.

Au cours de sa guerre génocidaire, l’armée israélienne a détruit 655 kilomètres de canalisations d’égouts et 330 kilomètres de canalisations d’eau, selon le bureau gouvernemental des médias de Gaza.

Le ministère de la santé de Gaza signale que les maladies infectieuses se propagent. Plus de 360 000 infections ont été diagnostiquées parmi les 1,9 million de personnes déplacées par l’attaque militaire israélienne et vivant dans des camps surpeuplés – Photo : Ali Jadallah

Cela signifie que les familles déplacées à travers le territoire assiégé et bombardé seront confrontées à deux possibilités au cours de la prochaine saison hivernale, durant laquelle les inondations devenues de plus en plus fréquentes : soit sombrer dans les eaux usées dans le paysage urbain décimé de Gaza, soit être englouties par la marée montante dans les campements de tentes au bord de la mer.

« Les vagues ont emporté nos enfants »

Atiya Abu Banan, 28 ans, est père d’une petite fille d’un an et vit dans un campement sur la plage près de Khan Younis.

La tente de sa famille a été inondée après les pluies torrentielles qui ont traversé Gaza la semaine dernière, faisant monter la marée. Le 15 septembre, il a passé toute la nuit debout dans quelques centimètres d’eau de mer, les pieds trempés, tout en tenant sa fille pour la protéger de l’eau.

Les vagues ont endommagé une partie de sa tente et trempé les affaires de sa famille, y compris les vêtements et la nourriture. Dans un témoignage vidéo pour Mondoweiss, Atiya se tient sur la plage par une journée nuageuse et attend que ses vêtements sèchent au fur et à mesure qu’il les porte. Il explique à Mondoweiss que sa famille n’a plus d’endroit où aller.

Lui et d’innombrables autres familles comme la sienne sont arrivés sur la plage il y a deux mois. La plupart des habitants de Deir al-Balah étaient venus de Khan Younis et de Rafah, le dernier d’une série de déplacements depuis le début de la guerre il y a près d’un an.

« J’ai perdu tout ce que j’avais hier soir », explique-t-il à Mondoweiss. « Tout ce que j’ai, ce sont les vêtements que je porte. »

Dans une autre interview vidéo réalisée pour Mondoweiss, Ilham Abuamsha, une mère de huit enfants, se tient sur la plage alors que des milliers de tentes s’étendent à l’arrière-plan derrière elle. Elle raconte que la nuit précédente, la marée a inondé sa tente et entraîné ses enfants à plusieurs mètres d’elle alors qu’ils dormaient.

« La nuit a été très difficile », dit-elle. « Les vagues étaient hautes et effrayantes, et elles ont inondé les tentes de tout le monde. Les vents étaient également très forts et violents, ce qui a provoqué des déchirures [dans le tissu de la tente]. »

« C’est une situation insupportable », ajoute Ilham. « Nos abris ‘sûrs’ sont dangereux. C’est insupportable. »

Ilham décrit comment ses enfants ont failli être entraînés vers la mer par la force des vagues. « Si nous ne les avions pas rattrapés, ils seraient morts à l’heure qu’il est », dit-elle. « Où devrions-nous emmener nos enfants ? Regardez les vagues : devons-nous rester ici jusqu’à ce qu’elles nous engloutissent ? »

Ilham craint également qu’avec l’arrivée de l’hiver, ils ne soient pris entre la mer et le froid. « Allons-nous mourir du froid, de la mer ou des bombardements ? » demande-t-elle avec incrédulité. « Si l’hiver arrive et que nous sommes toujours là, nous n’aurons pas de couverture pour nous réchauffer. Nous n’aurons même pas un morceau de bâche pour nous protéger de la pluie ».

Des villes inondées par les eaux usées

Les Palestiniens déplacés dans la bande de Gaza ne reçoivent plus seulement des avertissements d’évacuation de la part de l’armée israélienne. Désormais, les municipalités envoient également des avertissements aux personnes déplacées dans les zones où les eaux de pluie ou les eaux usées ont inondé les rues, leur demandant de se déplacer vers d’autres endroits.

Hazem Fahid, ingénieur à la municipalité de Deir al-Balah, explique que la zone de Sahin al-Baraka, qui abrite des milliers de familles déplacées, a reçu un ordre d’évacuation de la part de la municipalité.

« La plupart des eaux de pluie s’écoulent maintenant dans cette partie de Deir al-Balah », explique Fahid à Mondoweiss. « Et il n’y a pas de système de drainage pour évacuer l’eau. C’est là que réside le danger ; si la pluie tombe en grande quantité, les gens seront en grand danger et leur vie sera menacée. »

Les eaux usées inondent ce qu’il subsiste des rues de Kahn Younès – Photo : Jehad Alshrafi via HRW

Fahid souligne que dans certaines zones, les gens risquent de se noyer en raison de la gravité attendue des inondations. « Dans la région de [Sahin al-Baraka], l’augmentation du niveau de l’eau peut atteindre deux mètres et demi. Les gens vont se noyer. »

Fahid ajoute que la municipalité de Deir al-Balah n’a jamais été confrontée à des problèmes liés à l’accumulation d’eau de pluie dans ces zones. Mais en raison de la destruction par Israël des routes et des infrastructures de la ville, « cette année est différente », dit-il. « Une tragédie pourrait se produire. »

Sahin al-Baraka est une vaste zone de 300 dunams (environ 30 hectares), l’un des rares secteurs suffisamment grands pour accueillir le nombre de personnes déplacées. Lorsqu’ils sont arrivés pour la première fois dans la zone deux mois auparavant, c’était encore l’été et il n’y avait pas de risque d’inondation.

Le 14 septembre, le bureau des médias du gouvernement de Gaza a publié un rapport indiquant que le nombre de personnes déplacées à Gaza a continué d’augmenter au cours des derniers mois, documentant l’existence de 543 abris et centres de déplacement à travers la bande de Gaza.

« La bande de Gaza est au bord d’une véritable catastrophe humanitaire à l’approche de l’hiver », a déclaré le bureau des médias. « Près de deux millions de personnes se retrouveront sans abri. Les personnes déplacées dormiront à même le sol et resteront exposées aux intempéries ».

Le rapport indique également que l’évaluation du gouvernement sur le terrain montre que plus de 100 000 tentes à Gaza sont impropres à l’habitation humaine en raison de l’usure, précisant que la plupart des tentes sont faites de plastique et de tissus qui s’effilochent.

Le rapport du Bureau des médias du gouvernement a également lancé un appel de détresse humanitaire au monde, appelant la communauté internationale à sauver les 2 millions de personnes déplacées de Gaza avant qu’il ne soit trop tard.

Auteur : Tareq S. Hajjaj

* Tareq S. Hajjaj est un auteur et un membre de l’Union des écrivains palestiniens. Il a étudié la littérature anglaise à l’université Al-Azhar de Gaza.
Il a débuté sa carrière dans le journalisme en 2015 en travaillant comme journaliste/traducteur au journal local Donia al-Watan, puis en écrivant en arabe et en anglais pour des organes internationaux tels que Elbadi, MEE et Al Monitor. Aujourd’hui, il écrit pour We Are Not Numbers et Mondoweiss.
Son compte Twitter.

20 septembre 2024 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine

Source : Chronique de Palestine
https://www.chroniquepalestine.com/…

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