Par René Naba
Le refus du BRICS d’admettre l’Algérie en son sein paraît devoir produire un électrochoc salutaire sur le pouvoir algérien à l’effet de le conduire à amplifier ses efforts en vue de diversifier et d’assainir son économie corrélativement à l’éradication de la corruption endémique qui afflige le pays.
Mais, en dépit de ce revers, fâcheux pour son image, l’Algérie a néanmoins clairement affiché son ancrage à l’EST dans le prolongement de la double visite du président Abdelmajid Tebboune en Russie et en Chine, les deux grands alliés d’Alger dans la guerre d’indépendance nationale, dans la décennie 1960, dont le premier est son principal pourvoyeur en armes et le second, son principal partenaire économique sur le flanc sud de l’Otan, faisant au passage faux bond à la France qui avait programmé sa visite officielle.
Le message adressé au Roi Mohamad VI du Maroc, le 30 juillet 2024, par le président Emmanuel Macron à l’occasion de l’anniversaire de son accession au trône chérifien, estimant que le plan d’autonomie du Maroc est la «seule base» pour régler le conflit du Sahara Occidental pourrait provoquer une crispation supplémentaire dans les relations entre Paris et Alger, en sus de la restitution par la France de ce que l’Algérie considère comme appartenant à son patrimoine historique, notamment le sabre de l’Émir Abdel Kader. Sans retard, Alger a annoncé, le jour même, le «retrait avec effet immédiat» de son ambassadeur en France, faisant valoir que le gouvernement français a fini par donner sa caution franche et catégorique au fait colonial imposé au Sahara Occidental».
Le premier sommet du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) sur le continent africain, à Johannesburg, l’été 2023, a été marqué par l’adhésion de six nouveaux membres, –Arabie saoudite, Iran, Émirats arabes unis, Égypte, Éthiopie et Argentine-, actant dans l’ordre symbolique la fin de l’unilatéralisme occidental tel qu’il s’est manifesté depuis l’implosion de l’Union soviétique, en 1989, et corrélativement, les nouveaux rapports de force sur la scène mondiale.
1 – Le veto de l’Inde et du Brésil à l’admission de l’Algérie au sein du BRICS
En intégrant six nouveaux membres, passant ainsi de cinq à onze membres, le BRICS représentera 46 % de la population de la planète et un peu plus du tiers du produit intérieur brut mondial. Il s’enrichit de pays du Moyen-Orient et de producteurs de pétrole, renforce notablement son pôle africain et compte les deux plus grands pays d’Amérique latine. Pour un groupe qui s’appuie déjà sur les deux pays d’Asie les plus peuplés du monde, c’est un changement d’échelle considérable.
L’intégration de deux pays africains –l’Égypte et l’Éthiopie, en conflit néanmoins à propos de la répartition des eaux du Nil, en plus de l’Afrique du sud, au sein des BRICS–, répond à une volonté des grandes puissances de ce groupe, à savoir la Russie, la Chine et l’Inde, de pousser à la création d’un monde multipolaire. Les membres fondateurs du BRICS veulent créer un pôle africain acquis à leur cause : Pretoria- Le Caire- Addis Abeba- en vue de constituer un poids lourd de développement économique intégré.
2- Un pôle latino-dans le prolongement du pôle africain
Le pôle africain sera prolongé par un pôle latino-américain avec la constitution, autour du duo Brésil-Argentine, un noyau qui regroupe ainsi les plus fortes économies du Cône sud de l’Amérique. Le Brésil et l’Argentine ont d’ailleurs décidé de régler leurs échanges, non plus en dollars, mais en monnaie locale
En prévision du sommet du BRICS en Afrique du sud, le président russe Vladimir Poutine a annoncé, lors du sommet Russie-Afrique de Saint Pétersbourg, le 28 juillet 2023, la suppression de 23 milliards de dette des pays africains et soutenu l’idée d’une présence accrue de l’Afrique au sein du Conseil de Sécurité des Nations Unies.
3- Les raisons économiques du véto de l’Inde et du Brésil à l’admission de l’Algérie
La candidature de l’Algérie n’a pas été retenue au cours du premier sommet du BRICS qui se tient sur le continent africain, en raison du double veto de l’Inde et du Brésil qui ont justifié leur opposition par les faibles performances économiques de l’Algérie.
L’Inde et le Brésil ont en effet jugé que le PIB de l’Algérie était insuffisant. Avec ses 3 500 $ par habitant, indexé uniquement sur les recettes d’hydrocarbures, il se trouve loin derrière des pays comme l’Argentine, qui possède un PIB par habitant de plus de 10 000 $.
Par ailleurs, les BRICS ont constaté de nombreuses lacunes dans la politique économique de l’Algérie: un déficit d’industrialisation et l’absence de plan de développement de ce secteur, et une absence de diversification économique.
Des exportations au point mort, et un nombre de créations d’emplois dérisoires. Une présence quasi inexistante sur la scène financière internationale, un système bancaire obsolète et un système fiscal archaïque.
Les BRICS reprochent également à l’Algérie de ne pas engager les réformes économiques et stratégiques pour relever les défis du 21ème siècle pour un développement durable et diversifié. L’Algérie est jugée trop dépendante des combustibles fossiles, et insuffisamment engagée dans la transition énergétique. L’absence de réelle politique de diversification la place en effet dans une situation de fragilité.
Avec un PIB de seulement 163 milliards de dollars indexé sur les recettes pétrolières et gazières, le pays se trouve à la merci d’un éventuel effondrement du prix des énergies fossiles, qui entraînerait automatiquement l’effondrement de son économie toute entière. En filigrane, ce problème endémique en Algérie «plombe» sérieusement son économie : la corruption, qui ne touche pas seulement les élites, mais l’ensemble des strates de la société.
L’Algérie n’est que la quatrième puissance économique africaine derrière le Nigéria, l’Égypte et l’Afrique du Sud. L’Algérie n’a pas été capable de «semer le pétrole».
Les ressources disponibles, d’un niveau considérable, ont surtout servi à financer d’importantes infrastructures, principalement à destination de la population, et à encourager différentes formes de consommation improductive.
En l’absence de toute diversification significative de l’économie au cours des dernières décennies, le «syndrome algérien» pourrait apparaître comme un véritable cas d’école: celui d’une économie largement arrosée pendant plus d’un demi-siècle par d’abondants revenus pétroliers et qui court le risque désormais de se retrouver face à un désert économique, une fois la rente épuisée. L’Algérie est en effet le premier pays pétrolier de la région MENA en situation de crise financière structurelle.
Le rôle prépondérant assumé dans l’expulsion d’Israël de l’Union Africaine confère cependant à ce pays, –le plus important par sa superficie tant au niveau du Monde arabe qu’en Afrique–, un poids diplomatique sans rapport avec ses performances économiques.
Le double veto de l’Inde et du Brésil a retenti dans les sphères dirigeantes algériennes comme un électrochoc salutaire à l’effet d’amplifier les efforts visant à l’assainissement économique du pays.
Ce groupement se propose de créer un monde multipolaire et de mettre un terme à six siècles d’hégémonie absolue occidentale sur le reste de la planète. A noter que pour la première guerre inter européenne du XXI me siècle, l’Ukraine, l’Afrique ne s’est pas considérée impliquée, contrairement aux deux Guerres Mondiales du XX me siècle où sa population a servi d’abondante «chair à canon» pour ses colonisateurs.
Qu’il est loin le temps où l’Occident se moquait des BRICS comme d’un papillon inefficace battant des ailes dans le vide d’un ordre mondial dominé par le G7. Mais l’”effet papillon” se fait sentir aujourd’hui dans la refonte de l’ordre mondial. Le sommet de Johannesburg, le premier du BRICS sur le continent africain, en porte témoignage.
4- Le Sahel : Le retrait de trois pays membres du G5 donne raison a posteriori à l’Algérie.
L’Algérie a paru retenir les leçons de la séquence dite du «printemps arabe», dans la décennie 2010, affichant clairement son opposition à toute intervention militaire au Niger, –dans la foulée du coup d’état ayant éjecté du pouvoir le président Mohamad Bazoum, un protégé de la France–, afin de se dégager, par anticipation, du nœud coulant dans lequel son rival marocain tente de l’enserrer, par son partenariat privilégié avec l’Espagne, d’une part, et son alliance stratégique avec Israël.
En 2010, l’intervention de l’Otan en Libye avait débouché sur l’installation de deux régimes islamistes sur les flancs de l’Algérie, avec l’intronisation du chef des groupements libyens afghans, Abdel Hakim Belhadj, à Tripoli, et du parti An Nahda de Rached Ghannouchi à Tunis.
L’Algérie dispose de près d’un millier de frontières communes avec le Niger. Elle redoutait que ce conflit interne ne devienne le théâtre d’une guerre par procuration entre puissances étrangères.
Le retrait de trois pays d’Afrique occidentale du G5 du Sahel a considérablement fragilisé la posture stratégique française dans la zone et donné raison a posteriori à l’Algérie sur ce point, qui considérait ce groupement comme une «force supplétive» de la France sur son flanc méridional. Les gouvernements de transition du Mali, du Burkina Faso et du Niger ont en effet signé, le 16 septembre 2023, une charte établissant une alliance défensive, l’«Alliance des États du Sahel» (AES), prélude à ce qui pourrait constituer un «Front de refus» anti occidental dans l’Afrique Francophone. Les trois pays se proposent même de créer une «confédération», antidote à la balkanisation du continent africain.
En 2012, l’Armée française a débarqué au Mali pour lutter contre le terrorisme qui a submergé le septentrion malien, particulièrement les régions de Kidal, Gao et Tombouctou, du fait de la subversion initiée par Ansar Eddine, les pupilles du Qatar, à l’époque le grand allié du président post gaulliste Nicolas Sarkozy, désireux de jouer en Afrique occidentale, le pacificateur à la suite de ses déboires en Libye, à l’origine de la déstabilisation du Mali, au-delà du Sahel.
Dans un premier temps, la France a été le seul intervenant dans le cadre de l’opération Serval qui deviendra par la suite l’opération Barkhane. Dans la foulée, l’ONU a déployé sur le territoire malien les forces du Conseil de Sécurité appelées la Minusma (Mission des Nations Unies pour le Mali). Le G5 a pâti d’un handicap majeur, l’absence de l’Algérie, puissance militaire majeure de la zone, qui occupe de surcroît une position centrale de par son positionnement limitrophe du Mali, principal champ de la confrontation.
En l’absence d’une coopération avec Alger, l’efficacité du G5 est apparue d’autant plus aléatoire que l‘Algérie a une solide expérience de lutte contre les terroristes acquises lors de la «décennie noire» (1990-2000) et que les premiers combattants djihadistes du Sahel proviennent d’Algérie.
De même, la conquête de Kidal, ville malienne du Nord, par l’armée malienne et les paramilitaires russes de Wagner, à l’automne 2023, a porté le coup de grâce à la France au Mali en ce que la Russie est l’alliée de l’Algérie depuis la guerre d’indépendance de ce pays, dans la décennie 1950-1960.
5 – La fuite en avant de la monarchie marocaine.
L’affichage diplomatique de l’Algérie a coïncidé avec le nouveau positionnement stratégique du Maroc. Amplifiant, en officialisant la relation israélo-marocaine amorcée clandestinement par son père Hassan II, le Roi Mohammad VI a poussé cette normalisation plus qu’aucun autre pays arabe. Il paraît donc engagé dans ce qui apparaît comme une fuite en avant, sur fond de guerre de succession entre son fils, le prince héritier Hassan, et son frère le Prince Rachid, dans un sérail en déconnexion avec les réalités du terrain.
Sur la relation clandestine israélo-marocaine, cf ce lien
Malade, souvent absent du pays, Mohamad VI paraît soucieux de consolider la défense de son Royaume par une alliance stratégique avec Israël, la puissance militaire majeure de la zone. Mais la reconnaissance par Israël de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental justifie-t-elle autant de prosternation devant un gouvernement xénophobe suprématiste, représentant la frange la plus radicale de la droite ?
Nonobstant le lourd contentieux algéro-marocain, Alger a néanmoins surmonté ses récriminations envers son voisin offrant son aide lors du séisme qui a frappé le Royaume en septembre 2023. Une offre que le trône a refusé de même que celle de la France, préférant l’aide israélienne, en ce que la relation israélo-marocaine ne ressortit pas de l’ordre des relations inter étatiques traditionnelles, mais comportent leur zone d’ombre.
Au-delà du scandale Pegasus, –le système d’espionnage mené par le Maroc à l’aide d’un logiciel israélien, notamment à l’encontre du président français Emmanuel Macron–, le Maroc passe en effet pour être un refuge pour la mafia israélienne. Le royaume aurait accueilli plusieurs anciens membres de la mafia israélienne, selon le quotidien israélien Haaretz, en date du vendredi 14 septembre 2012.
Gabriel Ben-Harush et Shalom Domrani, deux figures puissantes de la mafia israélienne, recherchées depuis des années par l’Interpol, figuraient parmi les noms cités par le journal.
Pour aller plus loin :
Certes, l’ancien partenaire de l’OTAN au sein du Safari Club, et corrélativement l’ancien chef de file de la contre révolution sur le théâtre africain avec l’axe Rabat-Abidjan-Kinshasa, face à l’axe Algérie-Ghana-Guinée-Mali, peut compter sur le soutien de ses traditionnels alliés occidentaux.
Mais ce partenariat intervient à contrecourant, voire en contretemps, de l’évolution des rapports de force de la zone, alors qu’Israël, gouvernée par une frange suprématiste pratiquant un sociocide systématique du peuple palestinien, est agitée par une guerre intestine et que la superpuissance américaine absorbée par sa guerre contre la Russie par Ukraine interposée ne paraît plus si omnipotente que cela, voire même en phase de reflux dans le Monde arabe et en Afrique.
«Déluge Al Aqsa», l’attaque combinée des formations combattantes palestiniennes contre Israël, le 7 octobre 2024, sous la conduite du Hamas, en propulsant le mouvement islamiste palestinien au rang de représentant effectif du peuple palestinien et défenseur de la Mosquée Al Aqsa, a constitué un camouflet majeur pour le Roi du Maroc, en sa qualité de «président du Comité Al Qods».
Signe d’un fort embarras, le silence tonitruant qu’il a observé durant les 55 jours de combat de la bataille de Gaza, tranchant avec les manifestations de solidarité du peuple marocain avec la Palestine.
Mohamad VI n’a rompu le silence que 29 Novembre 2023, à l’occasion de la journée de solidarité internationale avec le peuple palestinien -coïncidant avec la résolution proclamant le plan de partage de la Palestine en deux états, le 29 Novembre 1947, alors que la trêve était instaurée à Gaza. Le Roi a déploré les violations du droit humanitaire international, invitant la communauté international à dépasser ses divisions afin de dégager une solution durable par la création d’un état palestinien. A aucun moment, le Roi n’a nommément mis en cause Israël.
Dans ce contexte, la coopération sécuritaire et militaire entre Israël et le Maroc constitue, à n’en pas douter, une prime au bellicisme israélien et une prime à la répression de la population palestinienne, en négation du rôle traditionnellement assumé par le Maroc à l’égard de la Palestine… de la réhabilitation de la Mosquée d’Al Aqsa, après son incendie par un israélien, à la présidence du comité Al Qods.
Le plus ancien allié arabe d’Israël, scellé lors du sommet arabe de Casablanca en 1964 et la complicité israélienne dans l’enlèvement et la disparition du chef charismatique de l’opposition marocaine Mehdi Ben Barka, bien avant le traité de paix égypto-israélien en 1979, s’est contenté d’un service minimum, alors que de par ses excellentes relations avec Israël et leur protecteur commun, les Etats Unis, le souverain aurait plus s’activer davantage pour réfreiner la furie destructrice israélienne.
Le pari de Mohamad VI paraît audacieux. S’il réussit, il passera dans l’histoire comme un génie politique de premier plan, ayant assuré de surcroît la pérennité et de son Royaume et de sa dynastie. Un pari d’autant plus aléatoire que la nouvelle orientation de la diplomatie marocaine se heurte à une vive opposition interne d’une population majoritairement farouchement nationaliste et pro palestinienne hostile à toute normalisation avec l’Etat Hébreu.
Le désamour qui frappe le parti islamiste marocain “le Parti de la Justice et du Développement”, dont un responsable présidait le conseil des ministres signataire des accords de normalisation israélo-marocains, de même que les importantes manifestations de soutien au peuple palestinien qui se sont déroulés dans les principales villes marocaines, lors de l’opération de la destruction de Gaza, à l’automne 2023, en portent témoignage.
Estimée à 3. 000 personnes, la communauté juive marocaine demeure la principale communauté juive d’Afrique du Nord, alors que quelque 700 000 Israéliens sont d’ascendance marocaine et ont gardé une forte attache avec leur pays d’origine.
Investisseurs et touristes israéliens venus après la normalisation des relations entre le Maroc et Israël se sont volatilisés tandis que les manifestations pro-palestiniennes ont pris de l’ampleur et que le bureau de liaison israélien à Rabat a été évacué.
Sur la problématique du judaïsme marocain, cf, ce lien
De surcroît, la tournure défavorable aux Occidentaux prise depuis 2020 dans le pré carré africain de la France, (Mali, Burkina Faso, Guinée, Niger) pourrait compliquer singulièrement le jeu marocain en dépit de la coopération sécuritaire israélo-marocaine et l’aménagement d’une base israélienne sur son territoire.
Le Sahara occidental et les deux enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla sont les deux points fixes, immuables, -une fixation ?- du Roi, son horizon indépassable qu’il lui importe de récupérer fusse aux prix de graves reniements, dont le scandale Pegasus, l’espionnage à grande échelle des grands de ce monde en aura été la dérive pathologique.
Le Maroc qui a abrité le premier sommet islamique de l’époque contemporaine, en 1969, dans la foulée de l’incendie de la Mosquée d’Al AQSA, ainsi que deux sommets arabes, –le sommet de Casablanca, en 1964, et le sommet de Rabat, en 1974–, qui a conféré à l’OLP dans la foulée de la guerre d’octobre, l’exclusivité de la représentativité du peuple palestinien à l’Organisation de la Libération de la Palestine (OLP)–, paraît désormais en repli de la vie diplomatique arabe et africaine, prélude à une éclipse durable comparable à celle qui a frappé à la suite de son traité de paix avec Israël, l’Egypte, jadis chef de file du Monde arabe désormais un pale comparse.
Hassan II, un diplomate retors, ne se serait pas livré à pareille opération. Son successeur, Mohamad VI, ne paraît pas habité de la même habileté manœuvrière.
6- «Déluge Al Aqsa» a transformé le Maroc en «momie diplomatique».
L’attaque palestinienne contre Israël, le 7 octobre 2023, a placé en porte à faux les pays arabes ayant officialisé leurs relations jusque-là clandestine avec Israël, particulièrement le Maroc en ce que l’opération des combattants islamistes palestiniens avait pour nom de code «Déluge Al Aqsa», par référence à la Mosquée Al Aqsa de Jérusalem, intronisant de ce fait le Hamas et comme le véritable représentant du peuple palestinien et comme le défenseur de ce 3me haut lieu saint de l’Islam, portant désaveu du souverain chérifien en sa qualité de «Président du Comité Al Qods».
Mutique tout au long de cette séquence, Mohamad VI est apparu comme faisant office d’une momie diplomatique, sans la moindre initiative autre que celle, dérisoire au regard des enjeux, de l’interruption des liaisons aériennes commerciales Rabat Tel Aviv.
Se placer sous la protection d’Israël qui n’a pu protéger son propre espace national, peut se révéler un choix aléatoire, voire même contre productif à terme d’autant que «Déluge Al Aqsa» pourrait avoir pour deuxième conséquence de mettre à mal la politique de saucissonnage de la question palestinienne.
Un saucissonnage matérialisée par les accords d’Abraham, l’officialisation des relations entre l’État Hébreu et les pays arabes périphériques, les pétromonarchies (Bahreïn, Emirats Arabes Unis) de même que le Maroc et le Soudan. Des «normalisateurs» désormais en délicatesse avec leur opinion publique.
7- Le jugement comparatif de Gilles Perrault, auteur de l’ouvrage «Notre ami Le Roi» sur les deux derniers souverains du Maroc :
«Hassan II était une personnalité complexe. De Gaulle disait de lui: «Il est inutilement cruel.» C’est une formule d’homme d’État parce que ça signifie qu’on peut être inutilement cruel. Et c’est vrai qu’il l’était. Mais il était un véritable chef d’État. Il aimait le pouvoir. Il aimait aussi l’argent ; mais il aimait surtout le pouvoir. M6, lui, aime d’abord l’argent. Il aime le pouvoir parce que ça facilite surtout ses affaires, mais c’est secondaire pour lui. Ce n’est pas un homme d’État. Il n’a pas rempli le costume de roi du Maroc. Sous Hassan II, les journalistes disparaissaient. Sous M6, ce sont les journaux.
L’échec du pari royal pourrait mettre en péril non seulement la survie politique du Roi, mais également la pérennité de la dynastie alaouite et vraisemblablement du Royaume en tant que système du gouvernement du Maroc.
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Créateur : JAMES OATWAY | Crédits : REUTERS
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