Par Jonathan Cook

Dans un article très intéressant, le journaliste britannique basé à Nazareth, analyse la nouvelle stratégie de séduction de l’électorat palestinien mise en œuvre par Netanyahou pour gagner les prochaines élections législatives, et échapper à ses procès pour corruption.

« Après des années d’incitation à la haine contre les citoyens palestiniens d’Israël, Netanyaho se présente maintenant auprès d’eux comme ‘Abu Yair’ (le père de Yair, selon la manière dont les Palestiniens nomment les gens en fonction de leur paternité ou maternité) et se montre en train de siroter du café avec des anciens bédouins »

Lors de cette nouvelle élection israélienne, la quatrième en deux ans, le Premier ministre, se bat contre ses rivaux dans l’espoir de gagner une majorité parlementaire décisive pour obtenir une immunité qui lui éviterait de faire annuler son procès pour corruption, en cours.
 Après six années de campagnes au cours de lesquelles Netanyahou a caractérisé à plusieurs reprises les votes de la grande minorité palestinienne du pays comme une menace pour la démocratie juive, et accusé ses rivaux politiques d’être des « amants des arabes » – il semble avoir eu une conversion digne de saint Paul sur la route de Damas.

Réinventé comme Abu Yair

Au cours de cette nouvelle campagne électorale, Netanyahou a été si désireux de gagner des voix sur les 1,8 million de citoyens palestiniens du pays qu’il a placé des panneaux d’affichage dans leurs villes en se réinventant en « Abu Yair » – Père de Yair . 
Et il a rendu plus de visites au cours des trois derniers mois aux communautés palestiniennes très négligées d’Israël qu’il ne l’a fait dans le reste de sa longue carrière politique.  Ses comptes sur les réseaux sociaux claironnent également sa nouvelle politique de bon voisinage. Des vidéos de TikTok le montrent souriant alors qu’il est assis les jambes croisées sur des tapis à l’intérieur d’une tente du désert prenant un café avec des aînés bédouins.  
Il a également suggéré qu’il pourrait nommer dans son gouvernement le premier musulman sur la liste des candidats du Likoud, bien que Nail Zoabi ne soit pas un jeton réaliste pour gagner un siège au parlement. 
Les alliés de Netanyahou soutiennent que l’offensive de charme fonctionne, et que son parti Likoud pourrait prendre un siège ou deux auprès des électeurs palestiniens, ce qui en fait potentiellement la clé de sa victoire à l’élection.  
C’est le relooking politique le plus improbable jamais vu en Israël.

D’autres politiciens israéliens se mettent à suivre l’exemple de Netanyahou. Ils semblent avoir oublié qu’il y a quelques mois à peine, il était très « toxique » d’être associé aux parlementaires palestiniens du pays et au public qu’ils représentent. 
Son principal rival aux dernières élections, Benny Gantz, chef du parti bleu et blanc, avait choisi d’écarter la possibilité de former une alliance avec les partis palestiniens, qui aurait pu lui permettre d’évincer Netanyahou, et avait finalement rejoint son gouvernement.  Cela apparait maintenant comme appartenir à un passé lointain.

Gideon Saar, qui a rompu avec le Likoud de Netanyahou pour créer sa propre faction, New Hope (Nouvel Espoir), a accusé le Premier ministre de ne pas en faire assez pour assurer la sécurité des citoyens palestiniens.  
Naftali Bennett, qui dirige le parti d’extrême droite Yamina, a ouvert un nouveau « bureau pour le secteur arabe » et a promis qu’il était aussi engagé envers les citoyens palestiniens que pour leurs compatriotes juifs.  Le numéro deux du parti Yisrael Beiteinu d’Avigdor Lieberman, connu pour avoir menacé de dépouiller les Palestiniens « déloyaux » de leur citoyenneté, a exigé l’égalité pour la minorité.

Eli Avidar a également publiquement désavoué la loi de l’État-nation, qui prive les Palestiniens d’un droit à l’autodétermination dans la région aux côtés des Juifs.

Si la droite courtise directement l’électorat palestinien, ce que les Israéliens appellent les partis de centre-gauche semblent désormais prêt à forger un partenariat avec la Liste arabe commune.
Yair Lapid, qui avait offensé les citoyens palestiniens en les qualifiant de « Zoabis », d’après le nom de Haneen Zoabi, une politicienne palestinienne impopulaire auprès des électeurs juifs, a désormais promis une ‘nouvelle aube’ dans les relations judéo-arabes : « Nous avons changé, et ils ont changé ». 
Le nouveau leader travailliste, Merav Michaeli, a déclaré qu’il était devenu incontournable de s’allier avec la liste commune, alors que l’un de ses récents prédécesseurs, Isaac Herzog, avait en revanche exhorté les membres travaillistes à se « secouer » pour ne plus se comporter des « amants des arabes ».  
Et le plus libéral des partis sionistes, Meretz, alignera deux candidats palestiniens dans ses cinq premières places , soit le double de leur proportion dans la population. Son chef, Nitzan Horowitz, a fièrement déclaré: « Je pense que dans aucun parti depuis la création de l’Etat il n’y a eu un tel ratio d’Arabes par rapport aux Juifs. »  

Gesticulation cynique

Yousef Jabareen, membre de la Liste Arabe Commune, a publié une déclaration cette semaine, affirmant que le public palestinien « n’est pas dupe de l’intérêt soudain de Benjamin Netanyahou pour notre communauté. Son héritage envers nous est celui de l’incitation raciste. « Il s’agit vraiment pour Netanyahu de trouver un autre moyen de nuire à la communauté palestinienne en Israël pour servir ses propres intérêts », a déclaré Diana Buttu, citoyenne palestinienne d’Israël et ancienne conseillère de l’Autorité palestinienne (AP). 

« La force de Netanyahpu est qu’il peut fixer l’agenda politique en Israël comme aucun autre politicien », a déclaré Michel Warschawski, l’un des fondateurs du Centre d’information alternative.
« Quand il incite contre la population palestinienne, ses rivaux ont peur d’être considérés comme « pro-arabes ». Et quand il donne une légitimité au public palestinien, chacun adopte aussi son programme. »Besoin d’une majorité claire
Le changement de cap de Netanyahu, ont noté les analystes, est tout simplement la dernière stratégie pour affaiblir le vote palestinien en Israël. 
Netanyahu est aux prises avec le problème de la façon de traiter le grand bloc de voix de la minorité palestinienne depuis que ses quatre principaux partis ont créé la Liste commune à temps pour l’élection de 2015. 
qui a remporté un nombre record de 15 sièges dans le parlement de 120 membres, l’an dernier.  
En 2015, Netanyahou avait tenté d’annuler l’influence de la Liste en faisant peur à sa base pour qu’elle vote en plus grand nombre, avertissant la droite que « les Arabes sortent pour voter en masse, pour nous anéantir tous » .
Lors de l’élection de 2019, Netanyahu a changé de tactique et cherché à intimider la minorité palestinienne pour qu’elle reste chez elle. Il a envoyé des « observateurs » électoraux du Likoud, armés de caméras dans les bureaux de vote des communautés palestiniennes.
 
Netanyahou poursuit maintenant une troisième tactique – et potentiellement plus réussie – de « diviser et gouverner ». Il y aurait les bons et les mauvais Arabes, entre les Arabes pragmatiques et les Arabes dogmatiques, entre ceux qui travailleront avec Netanyahou de manière productive et ceux qui ne le font pas ».

(De droite à gauche, les membres de la liste arabe unie : Osama Saadi, Ayman Odeh, Ahmad Tibi et Mansour Abbas )

Dans ce nouveau discours politique, la plupart des citoyens palestiniens sont présentés comme désireux d’améliorer leur situation avec l’aide de Netanyahou tandis que leurs dirigeants constituent un obstacle au progrès. Il a souligné la manne des vaccins qu’il a obtenus pour Israël, et a promis des budgets supplémentaires pour mettre fin à une vague de violence criminelle dans les communautés palestiniennes qui est en grande partie le résultat d’années de négligence et d’hostilité de la police.  Il a également suggéré que la minorité palestinienne, si elle est avant-gardiste, sera bien placée pour récolter les fruits des récents « accords de paix » avec les États du Golfe.

« Quand il s’adresse au public palestinien, il insulte leur intelligence – comme s’ils avaient oublié son incitation à la haine contre eux et son rôle dans l’adoption de lois racistes au cours de la dernière décennie. Il les traite comme des idiots », font observer des commentateurs palestiniens.
D’autant qu’en même temps qu’il courtise la minorité palestinienne, Netanyahou a forgé une alliance électorale avec le Parti du pouvoir juif, d’extrême-droite, partisans de feu Meir Kahane, pour le massacre des Arabes, qui a été interdite en tant qu’organisation terroriste dans les années 1990. 
Néanmoins, les manœuvres de Netanyahu ont réussi à diviser Liste commune, avec l’un de ses quatre partis, la faction islamique conservatrice de la Liste arabe unie (UAL), de Mansour Abbas, qui se présente désormais comme le seul capable de soutirer des concessions de la part de Netanyahou, en échange de son vote pour l’immunité de ce dernier.

Et les sondages montrent que le parti d’Abbas se rapproche du seuil des quatre sièges nécessaires pour entrer au Parlement. 

Gouvernement des occupants

Et ce serait un moment dangereux pour la minorité palestinienne si Mansour Abbas franchissait le seuil électoral et choisissait de participer à un gouvernement Netanyahu. « Il légitimerait un gouvernement qui assiège Gaza, larguerait des bombes sur les Palestiniens, financerait des colonies », et déconsidèrerait la communauté palestinienne à l’intérieur d’Israël, conclut Cook.

Mansour Abbas of the Ra’am-Balad meet with Israeli president Reuven Rivlin at the President’s Residence in Jerusalem on April 16, 2019, as Rivlin began consulting political leaders to decide who to task with trying to form a new government after the results of the country’s general election were announced a few days ago. Photo by Noam Revkin Fenton/Flash90 *** Local Caption *** נשיא המדינה עם פתיחת ההתייעצויות עם המפלגות השונות ריבלין בחירות בית הנשיא מנצור עבאס מתייעץ התייעצות רע »מ בל »ד

Source : https://ww.jonathan-cook.net/2021-03-19/netanyahu-makeover-arab-lover/

Jonathan Cook, Journaliste basé à Nazareth :

CAPJPO-EuroPalestine

Source : EuroPalestine
https://europalestine.com/…