Par Karine Bechet-Golovko

En reprenant les analyses statistiques publiées par le centre Vtsiom, il est possible d’en déduire que la crise du coronavirus n’a pas eu, en Russie, un impact particulier sur la confiance de la population envers les personnalités politiques, qui reviennent à leur niveau habituel en fin de crise. Les personnalités progressistes, mises en avant lors du pic de l’adoption des mesures « novatrices globales », comme le Maire de Moscou Sobianine, n’en sortent pas non plus renforcées politiquement, ce qui est une excellente nouvelle. En revanche, la satisfaction de la population concernant la politique intérieure a, elle inévitablement, connu une légère baisse, assez forte en ce qui concerne la politique sociale. Le fait que la Russie semble avoir pris la voie de la sortie de crise laisse espérer une stabilité intérieure, d’autant plus importante en cette période d’intensification du conflit géopolitique. Voici les données plus détaillées.

L’appréciation des politiques menées depuis janvier 2020 a été légèrement impactée par la crise du Covid, à part la politique étrangère, qui reste elle, à un taux de satisfaction assez élevé : vert – satisfait en général (51%), pointillé – index (46), rouge – dans l’ensemble pas satisfait (23%), jaune – en partie satisfait et en partie non satisfait (18%).

La politique intérieure a, elle, directement subi l’impact de la crise du coronavirus et des conséquences socio-économiques des décisions prises, ce que l’on remarque par un pic de mécontentement en automne 2020, avec un retour temporaire des mesures contraignantes. D’une manière générale, l’index de satisfaction a commencé à baisser au fur et à mesure de l’adoption des restrictions liées au Covid et fluctue avec elles. Fin février, le mécontentement (34%) dépasse la satisfaction (31%) de peu.

Ce mécontentement est largement visible en ce qui concerne la politique économique, avec 43% de mécontentement contre 23% de satisfaction. Ici, depuis le début de la crise du Covid, le mécontentement est assez stable et varie peu en fonction du renforcement ou de l’allègement des mesures, même si, en toute logique, comme pour la politique intérieure générale, l’on remarque un pic de mécontentement à l’automne 2020, avec la deuxième vague des mesures restrictives.

L’appréciation de la politique sociale suit la même tendance, avec un croisement intéressant des courbes de mécontentement et de satisfaction. Si début 2020, le mécontentement était légèrement supérieur à la satisfaction, d’avril à août, lors de la phase la plus dure des restrictions liées au Covid, elles furent inversées, dans une sorte de consensus social autour d’une « guerre sacrée » contre l’ennemi viral commun, qui justifie alors des sacrifices, faits par tous. Mais ce consensus a pris fin à l’été, quand « l’état de guerre sanitaire » a été levé, principalement dans les esprits. Alors les difficultés de la vie sont revenues sur le devant de la scène et les problèmes accumulés de salaires et de prix ont à nouveau joué sur l’appréciation des décisions. Fin février 2021, le mécontentement (37%) est légèrement supérieur à son taux de début d’année 2020 (35%), mais l’écart se creuse avec le taux de satisfaction, qui lui, est en baisse ( de 31% à 27%).

En revanche, à la fin de la crise du coronavirus, le taux de confiance des politiciens n’a pas finalement fondamentalement varié, ni de grandes déceptions, ni de grandes découvertes. Poutine est passé d’environ 70% de confiance en janvier 2020 à 64% en mars 2021, le Premier ministre Michoustine reste autour de 52%, avec quelques pics ponctuels à 57%. Les personnalités d’opposition systémique ne sont pas sorties favorisées, il faut dire qu’elles ne se sont pas particulièrement distinguées lors de la crise : Jirinovsky passe depuis janvier 2020 environ de 36% à 33%, Ziouganov de 33% à 27%, Mironov reste autour de 27%, quant à l’ancien Premier ministre Medvedev, il continue sa douce descente dans les sondages, de 38% à 28%.
A la question ouverte de savoir à qui les Russes feraient confiance pour régler les problèmes politiques, l’on notera que l’opposition ne sort pas renforcée de la gestion du Covid, mais certaines personnalités mises en avant alors, non plus. Ainsi, Poutine est autour de 27%, Lavrov 11%, Navalny 3% (qui n’a pas profité de sa fulgurante médiatisation) et Sobianine, l’incontournable Maire progressiste de Moscou, est à 1,7%.
La gestion de la crise du Covid, avec son lot de mesures progressistes et novatrices, en Russie comme ailleurs, a produit des effets désastreux pour l’économie, la société et la gouvernance nationale. Mais, à ce jour en tout cas, la Russie, à la différence de nos pays européens, semble elle avoir fait marche arrière et revenir à une gouvernance plus classique, ce qui lui donne des chances de sortir de cette situation sans y laisser trop de plumes.

Source : Russie politics
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