La Cour Internationale de Justice lors des plaidoiries des 11 et 12 janvier 2024.
Crédit : Times Of Gaza

Par Lahouari Addi

La Cour Internationale de Justice a énoncé aujourd’hui son verdict suite à la plainte déposée par l’Afrique du Sud qui accuse Israël de génocide envers les Palestiniens. La Cour ne demande pas un cessez-le-feu, mais appelle Israël à se conformer au droit de la guerre, d’épargner les populations civiles et de permettre l’entrée à Gaza de l’aide humanitaire. Face à la tragédie que vivent quotidiennement les habitants de Gaza, le verdict d’aujourd’hui est décevant car ces derniers attendaient l’arrêt des bombardements qui ont causé la mort de 25 000 personnes depuis le mois d’octobre. Le gouvernement israélien aussi n’est pas content de la position de la CIJ dont il attendait qu’elle rejette tout simplement la plainte de l’Afrique du Sud. Même si la saisine de la CIJ est en soi une victoire pour les Palestiniens, il ne faut pas attendre du droit international qu’il rende la justice, car le droit international et son application sont l’expression d’un rapport de force politique, idéologique et militaire au niveau mondial.

Si la CIJ avait demandé l’arrêt de l’agression militaire sur Gaza, elle aurait transmis au Conseil de sécurité de l’ONU la procédure pour le faire appliquer. Or les Etats-Unis auraient apposé leur véto, ce qui aurait mis ce pays en conflit avec le droit international. Et cela, Washington ne peut pas le supporter car les Etats-Unis sont censés être les architectes de l’ordre mondial né après 1945. S’ils sont les premiers à ne pas le respecter, cela porterait atteinte à leur image non pas auprès du Sud Global pour lequel ils n’ont pas beaucoup de respect, mais auprès de leur propre opinion publique convaincue que leur pays est attaché au droit international et à la paix mondiale. Un véto américain au Conseil de sécurité à un cessez-le-feu demandé par une instance du droit international ruinerait la crédibilité morale des Etats-Unis. Ses adversaires traditionnels, la Russie et la Chine, ne manqueraient pas d’exploiter l’opportunité pour dénoncer le double standard de Washington. Aussi, le verdict de la CIJ n’a pas été rendu sur la seule base du corpus juridique et des faits exposés par les deux parties, mais il devait tenir compte du rapport de force mondial. Que ce soit au niveau national ou international, le droit et son respect sont révélateurs d’un rapport de force. Le juge n’a la capacité de protéger le plus faible qu’avec l’aval du chef politique. Ce serait naïf de croire qu’un conflit politique cesse suite à l’injonction d’un juge. La sphère juridique n’a pas l’autonomie nécessaire pour s’imposer aux Etats. La vitalité  du droit provient de la société civile, et dans ce cas de la société civile mondiale et des opinions publiques du Nord et du Sud. Ce sont les opinons publiques  qui ont le pouvoir de faire pression sur les Etats afin qu’ils respectent le droit. Il est donc nécessaire de créer les conditions politiques et idéologiques pour un meilleur respect du droit international dans un monde acéphale régulé plus par la force que par la loi.

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