Par Chems Eddine Chitour

«Le nationalisme doit s’arrêter quand on a obtenu l’indépendance. Quand il devient la valeur suprême, il mène l’homme à la bestialité et l’État au fascisme. (…) Nous ne naissons ni dans le judaïsme, ni dans le christianisme, ni dans l’Islam, nous naissons dans l´humanité.»
(Yeshayahou Leibowitz, professeur rédacteur de la Grande Encyclopédie hébraïque
https://biblioweb.hypotheses.org/35396)

Résumé
Pour nous rendre compte de la doctrine du mensonge amplifié des milliers de fois par les médias occidentaux complaisants parce que terrorisés de déplaire, nous allons donner quelques exemples concernant l’armée israélienne intronisée «l’armée la plus morale du monde», ensuite nous montrerons comment le narratif du 7 octobre a enfumé les peuples occidentaux en leur faisant croire à la diabolisation du mouvement de libération palestinien Hamas de la bande de Ghaza
Nous montrerons ensuite par les preuves que le mouvement Hamas a fait preuve d’humanité et ce dont on l’accuse est faux. Nous traiterons enfin de ce que pourrait être la suite avec un État israélien déterminé à aller vers à une deuxième Nakba en s’emparant de Ghaza et en chassant les Palestiniens de Cisjordanie laissant les colons racistes traquer les Palestiniens et ceci devant l’autisme du monde occidental qui a une responsabilité directe dans ces massacres de masse en ânonnant un narratif jusqu’à la nausée, «Israël a le droit de se défendre»… jusqu’au dernier Palestinien et l’impuissance et la veulerie des dirigeants arabes plus soucieux de ne pas compromettre leur avenir dans le cadre des accords d’Abraham.

Quelques faits d’armes de l’armée «la plus morale du monde»
On se souvient du film de Claude Lanzmann intitulé Tsahal, armée dont l’ancêtre est la Haganah, film de 5h entier dédié au courage et à la moralité de l’armée israélienne. Au moment où j’écris cet article, le compteur funèbre marque 16 000 morts dont 6000 enfants. Pour nous rendre compte de la sauvagerie de cette armée dont la réputation est surfaite, cet article en parle : «Le député français LFI, David Giraud, avait apostrophé, lundi 23 octobre sur BFMTV, le directeur de la rédaction de Valeurs actuelles, qui assurait que l’armée israélienne était la plus morale du monde, en lui rappelant que ladite armée a été condamnée pour avoir eu recours à des boucliers humains. Le Hamas n’a jamais été condamné pour avoir utilisé des boucliers humains. Le député LFI a en effet rappelé à son interlocuteur le cas de l’enfant palestinien de 9 ans, qui, sous la menace d’une arme pointée par des soldats israéliens, a été forcé de vérifier la présence d’explosifs dans des sacs, en janvier 2009, lors de l’agression israélienne, «plomb durci» contre Ghaza. De nombreuses ONG, dont B’Tselem, n’ont eu de cesse de dénoncer cette pratique au sein de l’armée israélienne.(1)
Pour en finir avec la suspicion qui consiste à nier l’évidence des carnages, citons une statistique macabre. Nous sommes en 2014, Gaza est bombardée : «Le ministère de la Santé a déclaré que 2 310 Gazaouis avaient été tués, tandis que B’Tselem dénombrait 2 185 décès. L’ONU a déclaré que 2 251 Palestiniens avaient été tués, dont 1 462 civils, et le ministère israélien des Affaires étrangères a déclaré que la guerre de 2014 avait tué 2 125 Palestiniens.»(2)
Pour Scott Ritter, ancien Inspecteur des Nations unies : «L’offensive israélienne contre Ghaza se termine par une défaite politique et militaire, le résultat était une victoire politique pour le mouvement de résistance palestinien. En revanche, le conflit a été un désastre politique pour le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahou. Plus de 16 000 Palestiniens dont 6000 enfants ont été tués au cours de près de deux mois de bombardements.» «Ce qu’a fait le Hamas, c’est créer une situation dans laquelle Israël est devenu Israël, Israël a pu exposer son vrai visage démoniaque au monde, quel genre d’horribles maniaques génocidaires ils sont. Mais le peuple palestinien en a payé le prix, un prix très lourd.»(3)

Le mensonge comme arme de persuasion massive
Dans un article du 27 novembre 2023, très documenté, fondé sur de nombreux témoignages, sous le titre «Les mensonges d’Israël sur l’incursion du 7 octobre s’effondrent», Jean Shaoul, professeur d’université britannique, remet en cause le narratif des autorités israéliennes sur la journée du 7 octobre, seul à avoir été relayé dans les médias mainstream occidentaux. Israël a utilisé l’incursion du «déluge d’Al-Aqsa» le 7 octobre pour lancer une attaque génocidaire contre Ghaza. Le récit officiel du Premier ministre Benjamin Netanyahou, fidèlement répété par ses bailleurs de fonds impérialistes, est que le Hamas a mené une attaque barbare inattendue et sans précédent et doit à présent être anéanti à tout prix. C’est la réalité à l’envers.
Le «déluge d’Al-Aqsa» a fourni le casus belli pour une campagne planifiée d’avance d’assassinats de masse et de nettoyage ethnique des Palestiniens, à commencer par Ghaza et devant se poursuivre en Cisjordanie, puis s’étendre aux 2 millions de citoyens arabes d’Israël. Mais tout le récit israélien autour des événements du 7 octobre commence à s’effondrer. Ces révélations ont été largement ignorées par les médias du monde entier, qui ont consciencieusement et continuellement répété les affirmations d’Israël selon lesquelles les combattants du Hamas auraient commis d’horribles atrocités.(4)

Israël savait que l’attaque était en préparation
«La ligne officielle du 7 octobre, sans cesse répétée, était que le tristement célèbre réseau d’espionnage israélien du Mossad n’avait aucune idée qu’une attaque d’une telle ampleur, le 7 octobre, sous le couvert de milliers de roquettes lancées pour faire diversion, au moins 1500 Palestiniens ont entrepris ce qui ne peut être décrit que comme une mission suicide héroïque, franchissant le point de passage fortifié d’Erez et plusieurs points de la barrière électronique entre Gaza et Israël. Leur intention déclarée était de détruire la division militaire israélienne à la frontière de Gaza et de prendre des otages qui pourraient être échangés contre les quelque 5300 prisonniers palestiniens détenus dans les prisons israéliennes. Le 20 octobre, Ha’aretz a publié les noms et lieux de 683 Israéliens tués pendant l’insurrection palestinienne, soit environ la moitié des 1400 morts signalés. Parmi eux, 331 étaient des soldats et des policiers, dont un grand nombre de femmes, ainsi que 13 autres membres des services de secours.»(4)
«De nombreuses sources témoignent qu’un nombre important de civils israéliens ont perdu la vie dans des tirs croisés, ou plus probablement à cause de la tristement célèbre directive Hannibal formulée lors de l’occupation du Sud-Liban par Israël en 1986. les FDI devraient tuer des Israéliens plutôt que de les laisser tomber entre les mains du Hamas. Les hélicoptères Apache des FDI ont été utilisés de façon répétée dans les jours suivants, tuant non seulement des combattants palestiniens mais aussi des militaires et des civils israéliens. (…) Yasmin Porat, 44 ans, mère de trois enfants, dont le compagnon a été tué, explique dans une longue interview accordée à la chaîne publique Kan, publiée sur Electronic Intifada, comment, après avoir fui le festival Supernova, elle a été capturée et retenue en otage par des militants palestiniens au kibboutz Be’eri. Elle a déclaré qu’elle avait été bien traitée, ajoutant que les ravisseurs l’avaient traitée, ainsi que les autres otages, «humainement», dans la conviction qu’ils pourraient retourner à Gaza en toute sécurité car ils seraient accompagnés de leurs captifs israéliens.»(4)
«Le journaliste d’Ha’aretz Nir Hasson a rapporté le 20 octobre sur le contenu de son entretien avec un habitant local de Be’eri, selon lui, ce n’est que lundi soir et seulement après que les commandants sur le terrain ont pris des décisions difficiles – notamment le bombardement de maisons avec tous leurs occupants à l’intérieur afin d’éliminer les terroristes ainsi que les otages – que les FDI ont achevé la prise de contrôle du kibboutz.
Ces derniers jours, le rapport de la police israélienne sur l’attaque contre le festival de musique Supernova, où le plus grand nombre de morts a eu lieu – 364 personnes, dont 17 policiers contrairement aux affirmations du gouvernement israélien, le festival ne figurait pas sur la liste des cibles du Hamas. (…) Ces témoignages oculaires réduisent en miettes la version officielle israélienne. Ils montrent que les FDI ont agi comme de brutaux meurtriers de masse à la gâchette facile, tant contre les Palestiniens que contre les Israéliens. (…) C’est l’armée israélienne et non les Palestiniens qui a causé la plupart des morts civiles israéliennes qu’on a utilisées pour justifier la guerre (…) Loin de protéger les civils israéliens, le gouvernement Netanyahou et les FDI les ont utilisées comme chair à canon dans la poursuite d’une politique d’expansionnisme israélien et de suprématie juive.(4)
L’article suivant : «Le Décalogue du sioniste» se calquant sur les dix commandements résume en dix mantras la doctrine sioniste, mantras matraqués ad nauseam et gare aux suspicieux !
«1- En toute circonstance, ton statut unique de victime historique, tu rappelleras. En tant que «peuple élu», toujours selon ton bon vouloir, tu feras.
2- De la propagande, des manipulations, tu abuseras. Les journalistes, les gouvernements occidentaux, tu embarqueras. Des mensonges éhontés, tu proclameras.
3- Si la première Nakba n’y suffit pas, la deuxième, tu provoqueras. En toute occasion, les Palestiniens, tu déshumaniseras, et «d’animaux humains», tu les traiteras.
4- La Nakam (ou vengeance), ad libitum, tu pratiqueras. La directive Hannibal (6), tu activeras et toujours ton droit à te défendre, tu invoqueras.
5- De terrorisme la résistance palestinienne, tu taxeras. Apartheid, occupation, nettoyage ethnique, crimes de guerre, crimes contre l’humanité, tu commettras. La société palestinienne, tu détruiras. Sa population, tu martyriseras. Ses besoins vitaux, tu rationneras. Ses oliviers, tu abattras. Ses terres, tu déroberas. Sa zone maritime, tu convoiteras.
6- Les antisémites (les extrêmes droites, les «sionistes» chrétiens), tu approcheras (car leur objectif est le même que le tien : faire d’Israël, l’État des Juifs). La Bible, les religieux, le messianisme, tu utiliseras.
7- Toujours, les résolutions de l’ONU, tu bafoueras. Toujours, sur le veto, sur le soutien financier, sur l’armement étasunien, tu pourras compter. À la trahison des États arabes, à la signature des accords d’Abraham, tu œuvreras.
8- Sans scrupules, derrière les pogroms et l’extermination des Juifs en Europe, tu te réfugieras. Et la déportation des Palestiniens, vers le Sinaï, tu projetteras. Et le génocide des Palestiniens, tu perpétreras.
9- Le canal Ben Gourion tu creuseras. Nœud incontournable du transport maritime mondial, tu en feras. Le Grand Israël, tu imposeras.
10- «Être juif, c’est être toujours du côté des opprimés et jamais du côté des oppresseurs», cette sentence du passé, tu renieras. Et la judéité, et le judaïsme, tu dénatureras.»(5)

Israël-Hamas : les premiers témoignages des otages sur les conditions de leur captivité
Dans la liste de personnes palestiniennes libérées, on retrouve 33 femmes, 123 adolescents et 144 hommes âgés d’environ 18 ans. Leurs profils sont très variés. Beaucoup de ces Palestiniens sont des prisonniers en fin de peine, qui devaient être libérés prochainement. Certains ont été condamnés pour des délits mineurs, comme des jets de pierre ou de la propagande pro-Hamas, un exemple du traitement de l’armée la plus morale du monde nous est donné par le témoignage d’un enfant : «Une semaine avant sa libération dans le cadre de l’accord d’échange de prisonniers entre Israël et le Hamas, les geôliers israéliens ont sauvagement battu l’enfant prisonnier Mohamed Nazzel, lui causant des fractures dans ses deux bras et ses doigts et le laissant sans aucun soin.
De plus, l’enfant était emprisonné avec des adultes. Ce n’est qu’après sa libération dans la nuit du lundi 27 novembre 2023 que Mohamed Nazzel a reçu les premiers soins dans un hôpital de Cisjordanie. L’enfant, après une incarcération de trois mois sans accusation aucune, raconte les conditions de détention atroces et arbitraires dans lesquelles vivaient les détenus palestiniens dont le manque d’eau et de nourriture et le froid en les laissant avec les vêtements d’été en plein hiver. Un témoignage accablant que les Occidentaux, qui ne cessent d’accuser le Hamas de terrorisme et de barbarie, devraient écouter pour savoir que le terrorisme est pratiqué par leurs amis israéliens qu’ils soutiennent aveuglement. Il suffit de comparer l’état des otages israéliens libérés, tous en très bonne santé et disent avoir été bien traités, eux et leurs animaux de compagnie, avec l’état des prisonniers palestiniens libérés pour comprendre où se trouvent réellement le terrorisme, la sauvagerie et la barbarie : du côté des colonisateurs.»(6)
Quant aux «méchants terroristes du Hamas», selon le narratif israélien, il faut peut-être relativiser : une courte lettre d’otage et un témoignage d’une soldate israélienne me paraissent tout à fait intéressants. Ils viennent s’ajouter à beaucoup d’autres : «Je vous remercie du fond de mon cœur pour votre humanité extraordinaire que vous avez montrée envers ma fille Emilia. Vous avez été pour elle comme des parents. Merci pour les nombreuses heures que vous avez passées à prendre soin d’elle.
Merci d’avoir été patients avec elle et de l’avoir comblée de bonbons, de fruits et de tout ce qui était disponible. Ma fille s’est sentie comme une reine à Ghaza, elle admet qu’elle est le centre du monde. Je resterai à jamais prisonnière de la gratitude, car elle ne sortira pas d’ici avec un traumatisme permanent.»(7)
Certains otages échangés ont raconté des détails de leur quotidien aux mains du Hamas à des proches, aux médias ou aux médecins. Ces derniers se veulent rassurants sur leur état de santé général.
«Bonjour, je m’appelle Yahya Sinouar. Vous êtes mieux protégés ici que n’importe où ailleurs. Rien ne vous arrivera», aurait dit, en hébreu qu’il a appris en prison, le chef du Hamas à Ghaza à des otages israéliens, selon un témoignage recueilli par la télévision israélienne Douzième chaîne. (…) Si les conditions de détention ont parfois été difficiles, il semble que les otages n’aient pas été maltraités. Emily Hand, enfant de 9 ans du kibboutz Beeri, était amaigrie. Elle avait toujours un petit-déjeuner, mais les autres repas étaient plus aléatoires, elle n’a jamais été battue, mais elle devait éviter de faire du bruit. On la laissait dessiner et jouer aux cartes. «Chaque enfant recevra un supplément nutritionnel en fonction de l’évaluation qu’il passera», les enfants sont accompagnés «de travailleurs sociaux, de psychologues, de psychiatres aussi – pour ceux qui en ont besoin – pour marquer un retour à une routine normale». Un médecin a recueilli pour Ynet le témoignage d’une femme âgée. Celle-ci raconte qu’elle n’a pas été battue, mais qu’elle manquait de médicaments et de nourriture. «Leur régime alimentaire se composait principalement de riz, de houmous et de haricots en conserve, parfois accompagnés de fromage salé et de pita, mais rien de plus. Pas de fruits, de légumes ou d’œufs.» L’eau, en revanche, était servie à volonté — alors qu’elle manquait aux habitants de Ghaza, en train de subir la violente attaque israélienne, qui a fait 16 000 morts à ce jour.(8)
Mieux encore, les médias étaient intrigués par une image. Mia Leimberg, 17 ans, libérée, est sortie de captivité avec son chien dans les bras. Tout sourire et bien en forme. Cette vidéo est plus éloquente que 100 discours. On y voit les «otages» remercier chaudement les combattants du Hamas avec le sourire. Sont- ce là des personnes traumatisées ?(9)
En miroir, les 6000 enfants assassinés en 50 jours, et les préoccupations des enfants encore en vie sont d’un autre ordre comme cette petite terrorisée et qui cherche ses cahiers dans les décombres de sa maison. Voilà le double standard d’une civilisation européenne qui a perdu son âme en laissant faire un État sioniste qui joue au Goliath.(10)

Les dirigeants arabes et leurs opinions
Alors que partout dans le monde arabe, les populations se mobilisent pour la cause palestinienne. La Palestine est un symbole, c’est le cœur battant du monde arabe et musulman qui place les États dans des positions inconfortables pour avoir signé les accords d’Abraham. Même Mohamed Ben Salmane aurait déclaré : «Si je signe, mon peuple va me tuer.»
«Le retour, avec force et violence, de la question palestinienne a fait dérailler la petite musique lancinante de la normalisation avec Israël qui berçait les capitales arabes depuis trois ans. Les aspirations palestiniennes, qu’elles avaient, à tort, négligées, par lassitude ou avec l’illusion, entretenue à Washington, qu’une nouvelle stabilité régionale pouvait s’instaurer sans solution politique au conflit israélo-arabe, leur explosent au visage. Les dirigeants étaient dans une stratégie de normalisation avec Israël. L’Arabie saoudite était près de signer un accord de normalisation avec Israël ce qui aurait été historique. Avant le 7 octobre, nous avions déjà un schisme total contre les sociétés et les États arabes.» (11)
L’Égypte est aussi sous pression pour accepter sur son sol les 2 millions de Ghazaouis au nom d’une opération pseudo-humanitaire ; en fait, c’est une opération de nettoyage ethnique.
Le génocide israélien de Ghaza a mis à nu les alliances de classe des régimes arabes compromis contre la cause du peuple palestinien (accords d’Abraham et refus de toute sanction contre l’État sioniste) et l’immobilisme veule de l’écrasante majorité des États membres de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) disqualifiant, en même temps, les grilles de lectures identitaires incapables de s’extraire du schéma de conflits ethniques, linguistiques, confessionnels ou religieux.
Des réunions qui n’ont débouché sur rien puisqu’aucune mesure économique et politique punitive n’a été prise à l’encontre de l’État sioniste. L’Arabie saoudite et les États du Golfe ont refusé les demandes d’embargo pétrolier contre Israël et ses alliés.

La question palestinienne «cause» du Sud Global
Pour la chercheuse canadienne Joan Does, interviewée par Pascal Boniface, directeur de l’Institut français des relations internationales, «la question de la Palestine est extrêmement importante pour le Sud Global, c’est une question symbolique parce que au-delà du monde arabe, au-delà du monde musulman, c’est aussi, avec le Sahara occidental, le dernier cas de décolonisation non achevée. C’est le seul fil qui relie les pays du Sud Global à leur passé colonial et à l’humiliation qui a empêché de tourner la page de cette humiliation. Donc tant que la Palestine ne sera pas décolonisée, on aura une symbolique qui rassemble les pays du Sud Global derrière la Palestine et c’est pour cela que c’est un catalyseur du déclin américain et c’est pour cela que c’est un catalyseur de la Russie et de la Chine qui ont un capital de sympathie au niveau du Sud Global et dont la position pro-palestinienne est bien perçue.»
Que vont devenir les 2,5 millions de Ghazaouis qui tentent de survivre ? Pour la chercheuse, il n’y a pas de réponse immédiate, la situation est dramatique. 45 % des habitations de Ghaza sont détruites par les bombardements israéliens, il n’y a pas de zone sûre. On parle de l’annexion de la partie nord de Ghaza par Israël, ce qui veut dire que les 2 millions et demi de Ghazaouis vont se serrer sur la moitié de 365 km carrés. Avec une population qui est déjà poly-traumatisée du fait des conditions de vie inhumaines dans cette prison à ciel ouvert, une population qui, depuis 2007, ne peut pas sortir ; pour eux, tout départ fait écho à la Nakba.(12)

Des plans d’annexion : Cisjordanie comprise ?
On a l’impression que les tueries ne se passent qu’à Ghaza, il n’en est rien ! La Cisjordanie a aussi son lot de malheurs. Depuis le 7 octobre, écrit Mariam Berghouti, les forces coloniales israéliennes ont intensifié leurs raids en Cisjordanie. Les forces coloniales israéliennes ont également arrêté plus de 3000 personnes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est au cours de la même période, les forces israéliennes d’occupation et les colons terrorisent la population palestinienne de Cisjordanie afin de l’expulser et de voler ses terres. Depuis un mois et demi, les objectifs génocidaires d’Israël à Ghaza sont devenus de plus en plus clairs. Non seulement l’armée israélienne massacre des civils, mais elle bombarde également l’enclave dans le but de détruire toutes les infrastructures civiles nécessaires à la vie. Hôpitaux, écoles, stations d’épuration, toute source d’électricité – y compris les panneaux solaires. Cela a rendu la bande de Ghaza invivable, forçant les Palestiniens à vivre une nouvelle Nakba. Mais ce n’est pas seulement à Ghaza qu’Israël espère se débarrasser de la population palestinienne. La volonté israélienne de procéder à un nettoyage ethnique s’étend à la Cisjordanie occupée, où est mis en œuvre un plan similaire, bien que plus subrepticement.(13)
«A la date du 7 octobre, les forces israéliennes et les colons avaient tué quelque 248 Palestiniens, en majorité des civils, dont au moins 45 enfants. En juin, le gouvernement israélien et son ministre des Finances, (le fasciste) Bezalel Smotrich, ont annoncé de nouvelles mesures facilitant et accélérant l’annexion de terres palestiniennes. En juillet, les expansions approuvées des colonies israéliennes ont atteint des sommets. Les démolitions de maisons et de structures de subsistance palestiniennes se sont multipliées. Tous ces processus, qui visent l’expulsion des Palestiniens et l’annexion de leurs terres étaient déjà en cours avant le 7 octobre. Israël a ensuite profité de l’offensive du Hamas le 7 octobre pour les accélérer.

Une nouvelle tectonique du monde après le 7 octobre ?
Une analyse lumineuse est faite par le politologue Mortada Zabouri qui parle de désillusions. Il écrit : «Les dernières séances de l’affrontement israelo-palestinien ont permis à une série d’illusions de se dissiper mais il en reste d’autres qui empêchent une action décisive. Parmi les désillusions, une grande partie des sociétés occidentales ont perdu l’illusion d’une ‘‘Israël victime’’. C’est au contraire la croyance qu’elle reproduit ce dont elle avait été victime avec Hitler, le pogrom. De plus, la question palestinienne comme question coloniale émerge, Israël comme colonisateur et le Hamas comme un des véhicules de la libération émergent dans les conscience de beaucoup de monde.
Dans les sociétés arabes, il existe un sentiment de trahison des gouvernants et de faiblesse technologique. L’hypothèse d’une nouvelle Nakba est consolidée. Il existe aussi une désillusion sur l’ordre mondial. Pour résumer, si ces secteurs de l’opinion adhèrent à l’ordre libéral, elles sont maintenant convaincues qu’il ne peut être compatible avec l’unipolarité. Il y a donc une désillusion sur les États-Unis, tout l’Occident et l’image de l’ordre depuis 1945.»(14)
Le politologue énumère les illusions restantes en cours de dissipation : «Les élites occidentales et une partie de l’intelligentsia restent cependant convaincues qu’il s’agit d’affronter le Hamas comme groupe terroriste et que l’action d’Israël est la poursuite difficile des efforts depuis le 11 septembre 2001 et aussi celle des gouvernants arabes. Aussi les gouvernants arabes voient favorablement la destruction du Hamas par Israël. Ainsi, une action impopulaire leur est épargnée. Tous les gouvernants ne comprennent pas, sauf l’Égypte partiellement, qu’une partie des élites sionistes, actuellement au pouvoir en Israël, pense que le moment est venu d’être la grande puissance régionale en prenant le contrôle de territoires de nombreux pays arabes, des routes commerciales et du régime énergétique. Les gouvernants occidentaux et des pays arabes ne comprennent pas qu’Israël cherche ainsi à se libérer de la tutelle américaine et devenir autonome comme puissance mondiale. Il s’agit, pour les élites sionistes, de dominer la politique mondiale. Ont-ils les moyens financiers et médias ?»(14)

L’avenir ?
Il semble que ce qui se passe est une vaste machination ! Se basant sur la publication de trois documents américains visant à conditionner l’opinion publique, une analyse pertinente de Bruno Bertez nous explique le scénario visant à évincer le Premier ministre Netanyahu et imposer la solution à deux États : «Tout ce que les stratèges américains envisagent repose sur le départ de Bibi, puis sur la reprise immédiate par son remplaçant des négociations sur une solution à deux États, période pendant laquelle les États-Unis tireraient parti de leur monopole sur ce processus pour finalement le mettre en œuvre afin d’empêcher la Russie de le faire. Le New York Times (NYT) a cité un document secret intitulé «Mur de Jéricho» pour rapporter jeudi qu’«Israël était au courant du plan d’attaque du Hamas il y a plus d’un an». Selon leurs conclusions, l’État juif autoproclamé connaissait presque tous les détails de l’attaque sournoise du Hamas longtemps à l’avance, mais il a néanmoins évalué à tort que le groupe n’avait pas les capacités et l’intention de la mener à bien. Mais il s’avère maintenant que le gouvernement de Netanyahu savait exactement ce que le Hamas prévoyait, mais n’a pris aucune mesure pour l’arrêter ou améliorer les défenses de son pays autour de Ghaza.
Ce rapport est le dernier d’une série de rapports tout aussi accablants du Washington Post (WaPo) et de l’Associated Press (AP) sur le pacte faustien de Bibi avec le Hamas et les liens facilités par le Qatar avec eux depuis une décennie. L’administration Biden a déjà indiqué qu’une solution à deux États est la seule solution acceptable à long terme après que l’Amérique a correctement évalué que la Russie a une chance de remplacer son rôle dans ce processus. Dans ce cas, l’influence américaine en Asie occidentale serait réduite à jamais, ce qui accélérerait la transition systémique mondiale vers la multipolarité que les États-Unis cherchent désespérément à ralentir.(15)
En conclusion, Ghaza saigne ! James Elder de l’Unicef a dénoncé la fin de la trêve et ceux qui ont décidé que la tuerie des enfants pouvait reprendre. «Il est irresponsable de penser que de nouvelles attaques sur les Ghazaouis puissent conduire à autre chose qu’un carnage.» Il y a un enfant qui meurt toutes les dix minutes. Où est le droit international ? Où est la justice ? La conscience mondiale est interpellée, elle ne peut pas dire qu’elle ne savait pas.

Par le Professeur Chems Eddine Chitour
école polytechnique, Alger

1.https://www.aa.com.tr/fr/monde/-larm%C3%A9e-la-plus-morale-du-monde-condamn%C3%A9e-pour-avoir-eu-recours-%C3%A0-des-boucliers-humains/3031562
2.https://www.bbc.com/afrique/articles/cd1pl35vy0mo .
3.Sputnik Globe / https://reseauinternational.net/scott-ritter-loffensive-israelienne-contre-gaza-se-termine-par-une-defaite-politique-et-militaire/ 1 décembre 2023
4.https://reseauinternational.net/palestine-retour-sur-le-narratif-de-la-journee-du-7-octobre-et-sur-les-mechants-terroristes-du-hamas-et-les-gentils-soldats-de-tsahal/ 30 11 2023
5.https://www.legrandsoir.info/le-decalogue-du-sioniste.html
6.https://kapitalis.com/tunisie/2023/11/29/les-israeliens-cassent-les-bras-et-les-doigts-de-lenfant-prisonnier-mohamed-nazzel-video/
7.https://reseauinternational.net/lettre-dune-otage-israelienne-au-hamas-ma-fille-sest-sentie-comme-une-reine-a-gaza-je-resterai-a-jamais-prisonniere-de-la-gratitude
8.Samuel Forey Israël-Hamas : les premiers témoignages des otages sur les conditions de leur captivité (lemonde.fr)
9.Telegram: Contact @nvlpalestine
10https://www.facebook.com/lavictoiredesbebes/photos/a.10151703589264538/10158253760224538/?
11.https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/31/les-regimes-arabes-destabilises-par-la-guerre-entre-israel-et-le-hamas_6197553_3232.html
12.Joan Deas Uuniversité de Montreal https://www.youtube.com/watch?v=rOsQw5xhsqE
13.Mariam Barghouti https ://www. chronique palestine.com/une-nakba-se-deroule-aussi-en-cisjo… 30 11 2023
14.Mortada Zabouri Politologue et Universitaire Montréal Message facebook
15. Bruno Bertez https://reseauinternational.net/le-genocide-de-gaza-serait-une-conspiration-criminelle-selon-le-new-york-times-le-grand-complot/ /3 décembre 2023

Publié avec l’aimable autorisation de l’auteur

Source : Le Soir d’Algérie
https://www.lesoirdalgerie.com/contribution/…