Le ministre israélien des Affaires étrangères, Shimon Peres, signant les accords historiques d’Oslo entre Israël et l’OLP à la Maison Blanche, sous le regard (de gauche à droite) du Premier ministre Yitzhak Rabin, du président usaméricain Bill Clinton et du président de l’OLP Yasser Arafat, en 1993. Photo : J. David Ake / AFP
Par Gideon Levy
Gideon Levy, Haaretz, 3/9/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Nous sommes tombés dans le piège des accords d’Oslo. C’était un piège au miel, sucré et porteur d’espoir. Comme il était agréable d’être pris dans sa toile pendant quelques années, avec toutes les conférences et les réunions. Mais Oslo n’a pas fait avancer la paix, il l’a seulement éloignée, au-delà de l’horizon, en consolidant l’occupation et en perpétuant les colonies.
C’est bien sûr la sagesse rétrospective et non, ce n’est pas à cause de l’assassinat de Rabin. L’histoire ne jugera pas favorablement les instigateurs israéliens d’Oslo. On ne peut pas leur pardonner d’avoir manqué une occasion, tout aussi funeste que les occasions manquées avant la guerre du Kippour (octobre 1973).
Une scène en particulier est restée gravée dans ma mémoire de ces jours grisants, et comme ils étaient gais. Un jour, alors que nous quittions la bande de Gaza par le poste frontière d’Erez, nous nous sommes retournés et avons fait un signe d’adieu à la bande : Au revoir Gaza, nous ne vous reverrons pas, pas sous une occupation. Yasser Arafat était déjà en poste à Gaza, en train de s’enrhumer dans son bureau spartiate sous le climatiseur Tadiran laissé par les Israéliens, et les espoirs se sont envolés.
Une tournée de journalistes, organisée quelques mois plus tard en l’honneur de l’inauguration d’un village de vacances dans le nord de la bande de Gaza, à laquelle participaient des célébrités israéliennes, n’a fait qu’accroître le sentiment de joie. Une délégation en Europe, composée de membres de la Knesset et d’un conseil législatif palestinien, dont Marwan Barghouti, n’a fait qu’intensifier l’illusion.
Nous pensions que l’occupation était sur le point de prendre fin, qu’un État palestinien était à portée de main et que nous pourrions passer des vacances au Club Med de Beit Lahiya ; nous pensions que Yitzhak Rabin et Shimon Peres voulaient la paix. Seule une poignée de gauchistes aigris pensait que nous ne devrions pas nous engager sur cette voie. Ils avaient raison et nous avions tort. Nous devons à nouveau nous excuser auprès de la gauche radicale, qui a tout vu avant tout le monde.
Le procès-verbal de la réunion du cabinet israélien qui a ratifié les accords il y a 30 ans, publié pour la première fois la semaine dernière, raconte toute l’histoire. Le ton querelleur, le pessimisme, le mépris, la répulsion presque physique à l’égard des Palestiniens et de leur chef, le sentiment qu’Israël “donnait” plus qu’il ne “recevait”, l’absence de toute volonté de forger une justice tardive, aucune prise de responsabilité pour les crimes de 1948, pas même pour ceux de 1967, le mépris total du droit international, l’absence d’un système de protection des droits humains ; l’attention compulsive portée à la sécurité, uniquement celle des Israéliens, évidemment, la référence à la “terreur” palestinienne exclusivement, et non aux actions d’Israël, et la peur sous-jacente des colons et de leurs hommes de main, qui n’étaient à l’époque que des enfants en comparaison des monstres qu’ils sont aujourd’hui : tous ces éléments n’apparaissent dans aucune des paroles prononcées par les lauréats du prix Nobel de la paix, Rabin et Peres. Ce n’est pas ainsi que l’on fait la paix. C’est ainsi que l’on tend un piège pour gagner du temps.
Le summum a été le soupir de soulagement poussé par Peres lors de cette session. Les Palestiniens avaient accepté que les colonies juives restent en place. Le père de l’entreprise de colonisation s’est vanté d’avoir même réussi à déjouer la demande de transformer les colonies en zone de libre-échange. C’est là le cœur du problème d’Oslo.
La question la plus importante n’a pas été discutée. Le plus grand crime a été ignoré. Les Palestiniens ont commis l’erreur de leur vie, les Israéliens agissant avec leur rapacité et leur machination habituelles. « Ce que nous craignions, c’était qu’ils soulèvent la question des colonies », a avoué Peres. “La question des colonies”, comme s’il s’agissait du bourdonnement d’une mouche gênante qu’il faut chasser de la pièce. Mais la mouche a disparu d’elle-même. Quelle chance ! Après tout, s’ils avaient commencé à nous harceler avec cette “question”, nous aurions dû au moins geler la construction des colonies, étape minimale pour tout gouvernement s’efforçant de faire la paix.
C’était le test décisif pour s’assurer des véritables intentions : si Rabin et Peres n’ont pas proposé de geler la construction des colonies, ils n’ont pas eu l’intention une seule minute de permettre la création d’un État palestinien. C’est aussi simple que cela.
Non, Rabin et Pérès ne cherchaient pas la justice ou la paix. Ils cherchaient le calme, ce qui a permis de tripler le nombre de colons et d’assurer la perpétuation de l’occupation. Pour cela, il n’y a pas de pardon. Aluf Benn, rédacteur en chef du Haaretz, regrette Rabin. J’ai du mal à me joindre à lui, malgré ma grande admiration pour l’homme et la nostalgie de cette époque, qui était effectivement meilleure. Mais il n’y avait pas de véritable lutte pour la paix et la justice à cette époque.
Source : TLAXCALA
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