Un enfant Palestinien court devant un bulldozer israélien à Beita, en Palestine occupée,
le 27 janvier 2023 – Photo: Wahaj Bani Moufleh/ActiveStills
Par Mohammed R. Mhawish
Le raid israélien de cette semaine à Jénine a montré une fois de plus la violence de l’occupation et son mépris des droits des Palestiniens. Depuis le début de l’année, au moins 133 Palestiniens ont été tués par Israël.
Lundi 3 juillet, la brise fraîche du matin s’est faite suffocante quand la fumée noire des gaz lacrymogènes a recouvert le camp de Jénine.
Dix frappes aériennes israéliennes ont visé cette zone densément peuplée de Cisjordanie, puis une brigade de deux mille soldats a envahi le camp avec des bulldozers et des véhicules militaires lourds.
Cette effroyable agression de l’armée israélienne a semé la terreur parmi les habitants du camp de réfugiés. Les points de contrôle israéliens à l’entrée du camp ont empêché les équipes de santé de rentrer dans le camp pour secourir les blessés.
Mercredi matin, l’armée israélienne a finalement annoncé le retrait de ses forces et mis fin à un raid de deux jours qui a ôté la vie à douze Palestiniens et en a blessé plus d’une centaine.
Ce raid a porté à 133 le nombre de Palestiniens tués par les forces israéliennes depuis le début de l’année au cours de de leurs attaques systématiques en Cisjordanie. Depuis qu’il existe, le camp de réfugiés de Jénine est un symbole de la résistance palestinienne et du courage indomptable de sa population.
En présentant son agression comme une « intervention anti-terroriste », Israël nie la lutte centenaire de la Palestine pour la liberté et occulte le contexte plus large de la résistance à Jénine et dans toute la Cisjordanie occupée.
Sous couvert de « sécurité », l’armée israélienne multiplie les attaques contre les civils palestiniens.
Mais malgré les déclarations de l’armée, le raid n’avait rien à voir avec la sécurité d’Israël – il s’agissait d’une punition collective infligée au peuple palestinien dans son ensemble.
Quelle pourrait être, en effet, la nécessité stratégique de s’en prendre à des infrastructures civiles avec des équipements lourds, si ce n’est celle d’infliger une punition collective ?
Israël a envahi Jénine pour anéantir les efforts des combattants palestiniens et pour instaurer ce qu’il appelle sans ironie la « stabilité » en Cisjordanie occupée.
Chacun sait pourtant qu’un régime d’occupation militaire ne peut engendrer que de l’instabilité. Même si les combattants palestiniens de Jénine étaient tous tués ou arrêtés, le soulèvement se poursuivrait jusqu’à la fin de l’occupation.
Le mot « résistance » terrifie Israël, mais pour les Palestiniens, c’est une question de survie. C’est le refus de se soumettre à la violence et aux abus physiques, psychologiques, économiques, sociaux et politiques.
Expulser les gens de leurs maisons et étouffer les voix qui luttent contre la discrimination et l’apartheid en Cisjordanie ne mènera pas à la paix, à la stabilité ou au calme. Depuis sept décennies, Israël refuse d’admettre que le peuple palestinien a le droit légitime de se défendre et criminalise sa résistance.
Au-delà de ce qu’on a appris sur les tactiques utilisées à Jénine, ce qui domine, c’est l’évidence que les efforts d’Israël pour chasser la population autochtone du camp, de la Cisjordanie et de toute la Palestine ont échoué.
Au contraire, ces tentatives ont renforcé l’attachement des nouvelles générations à leur terre. Pour les Palestiniens, Jénine et la Palestine dans son ensemble ne sont pas de simples parcelles de terre ; elles sont leur foyer, leur identité et le témoignage de leur lutte, profondément enraciné dans leur héritage ancestral.
Le raid de lundi est la plus large attaque contre la Palestine de toutes ces années. Elle est la manifestation de la violente intensification des attaques israéliennes contre la population palestinienne réfugiée à Jénine.
Des dizaines de familles palestiniennes expulsées du camp ont dû se rendre à l’évidence que la Nakba est une tragédie perpétuelle, qui reproduit à l’infini les déplacements forcés de 1948. Jénine, qui accueillait des réfugiés de la Nakba de 1948, a été le théâtre d’un nouvel épisode de la même histoire, avec ses habitants fuyant désespérément la mort et la violence.
Au fil des décennies, les familles arrachées à leurs terres historiques ont formé une communauté vivante. A force d’amour, de dévouement et de sacrifices, elles ont bâti, dans un environnement hostile, une communauté solidaire à partir des restes de leurs communautés détruites.
Ces personnes n’ont fait que s’attacher plus profondément à la terre qui leur avait été enlevée.
Lorsque la seconde Intifada a éclaté en 2000, elles se sont opposées sans crainte à l’occupation, leur détermination inébranlable étant gravée dans leur existence même. Elles ont refusé de reculer, même face à des attaques monstrueuses, défendant leur terre et s’accrochant à leurs droits jusqu’au bout.
À Jénine, au fil du temps, les membres de la grande génération ont rencontré l’amour et fondé leurs propres familles, tissant la trame de l’identité collective du camp. Leurs enfants, nés et élevés dans l’enceinte du camp, ont grandi sous la menace des avions de guerre israéliens et la terreur d’une nouvelle attaque qui mettrait fin à leur vie et à celle de leur communauté.
Les habitants de Jénine ont résisté aux bulldozers qui ont détruit leurs maisons et leurs abris pendant le siège de 2002, connu sous le nom de « bataille de Jénine ». Leur résolution était inébranlable.
Aujourd’hui, ils s’engagent dans une nouvelle lutte pour protéger leurs maisons et leurs terres dans le camp.
Pendant deux jours, l’armée israélienne a resserré son étau sur la population en encerclant le camp et en bouclant tous les points d’accès, dans le but de priver les combattants de refuges et d’armes.
Les attaques israéliennes ont forcé des milliers de survivants de la Nakba à abandonner à nouveau leurs maisons et à faire face à la douloureuse réalité du déplacement.
Ces courageux Palestiniens ont toujours refusé de se soumettre à l’oppression. Ils ont fait ce qu’ils avaient à faire avec une détermination inébranlable, en espérant que leur lutte offrirait un avenir meilleur pour les générations à venir.
Ils ont porté le poids de l’histoire sur leurs épaules et ont défendu la légitimité de la résistance qu’elles ont amplifiée au fil des ans.
Dans toute la Palestine, les souffrances de Jénine reflètent la force du peuple palestinien occupé tout entier et renforcent son unité. Ce raid brutal n’a finalement pas permis à Israël d’atteindre ses objectifs de « sécurité », ni de conforter les dirigeants politiques israéliens.
Au contraire, il déclenchera probablement une nouvelle vague de résistance générale dans toute la Palestine.
Si l’on considère l’échec du siège de Jénine en 2002 et les nombreuses autres attaques contre le camp depuis lors, il est évident qu’aucune solution durable n’a été mise en place.
Lorsque les forces israéliennes se sont retirées du camp, on a exprimé la crainte qu’Israël n’envahisse à nouveau le camp dans l’avenir.
Mais ce qu’on entend dans les rues de Jénine, c’est que, quel que soit le nombre de raids que le camp subira encore, les résidents ne se soumettront pas.
Les enfants qui ont subi les sièges et les agressions précédentes ont grandi et sont devenus les combattants d’aujourd’hui. De la même manière, les enfants qui ont vécu ce siège et ce raid seront eux aussi, hélas, bientôt obligés de prendre les armes pour obtenir justice et liberté.
Auteur : Mohammed R. Mhawish
* Mohammed R. Mahawish est un journaliste, écrivain et chercheur palestinien vivant dans la ville de Gaza. Il a contribué à l’ouvrage A Land With a People.
Son compte Twitter.
5 juillet 2023 – Jacobin.com – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet
Source : Chronique de Palestine
https://www.chroniquepalestine.com/…