Par Karine Bechet-Golovko
La nouvelle année nous apporte le nouvel épisode du feuilleton Navalny. Dans cette énième saison, notre héros, Navalny, toujours en Allemagne mais très bien portant après un soi-disant empoisonnement à une arme chimique de guerre (d’où le héros), le novichok, déclare rentrer en Russie et continuer son combat du Bien contre le Mal. Mais cela après que le Service fédéral d’exécution des peines, lassé des vacances sans fin, se soit adressé à la justice pour transformer la peine de prison conditionnelle en incarcération. Héros luttant contre le « régime » ou corrompu aux ordres de ses maîtres, le suspens est intenable, ne ratez pas la reprise dimanche avec l’épisode spécial de rentrée : « Le retour de Liocha, Pobeda!« .
Lorsque Alexeï Navalny avait été exfiltré en Allemagne avec l’accord de la Russie, malgré une liberté conditionnelle, qui l’obligeait à certaines démarches auprès des autorités publiques russes, le politique avait pris le pas sur le juridique et il était parti vers son destin de miraculé.
Le miracle, Ô surprise, a eu lieu et bien lieu, il ne reste plus que la confirmation de Rome pour la sanctification de son vivant après celle accordée par le « Monde libre », et sans plus de surprise, notre héros s’est lancé dans des attaques répétées, non seulement contre la Russie, mais contre Poutine. What else ?
Je me demande si en Occident, ils connaissent un autre nom ? … Passons.
Le combat ayant été déloyal, le héros n’ayant même pas la reconnaissance du ventre (ne parlons pas de décence, elle n’a pas sa place ici) et comme il continue ce pour quoi tant d’investissements sont placés sur sa personne (et l’exfiltration, les soins, le logement etc. ça a coûté cher, il faut rembourser – en nature), la Russie rappelle les règles de droit, toujours en vigueur.
Ainsi, le service fédéral d’exécution des peines, après s’être rappelé à lui dès novembre sans grands résultats pendant que Navalny donnait ses conférences de presse, le 28 décembre, l’a accusé de violer les conditions judiciaires de sa liberté conditionnelle et de ne pas se soumettre au contrôle obligatoire, pour n’être pas rentré déjà depuis sa sortie de l’hôpital. Le 11 janvier, la liberté conditionnelle a été transformée, dans son dossier, en réclusion et le 12 janvier, le Service fédéral d’exécution des peines s’est adressé à la justice pour demander à ce que Navalny soit incarcéré pour la durée de sa peine avec sursis (3 ans) dès son retour en Russie, en raison de la violation des conditions de sa liberté conditionnelle.
Quelle est cette affaire ? Notre héros serait-il un prisonnier politique ? Aurait-il été condamné pour ses opinions ? Non ? Mais en enfin, ce pÂs pÔssible! C’est un combattant contre la corruption du « régime Poutine »! Quoi ? Il a été condamné, avec son frère qui lui croupit en prison sans que ça ne le dérange autrement (quelqu’un doit bien payer) pour avoir détourné plus de 30 millions de roubles !
Mais ce n’est pas tout : le Comité fédéral d’enquête a ouvert le 29 décembre une affaire pénale contre Navalny pour escroquerie, qui aurait détourné à son profit 356 millions de roubles des 588 versés par des personnes physiques à ses différentes associations de lutte contre la corruption et en général pour le Bien contre le Mal.
Et cela a marché. Car malgré les grandes déclarations de Navalny concernant son retour, mais si mais si je vous assure, il était beaucoup plus confortable de remplir ses obligations contractuelles depuis l’Allemagne, que de remplir ses obligations légales en Russie. Bref, quand le 12 janvier le Service des peines a annoncé s’être adressé à la justice pour transformer sa peine en réclusion, dès le 13 janvier, Navalny, fanfaron mais pressé, annonce avoir pris un billet d’avion pour le 17 et rentrer avec la compagnie aérienne russe Pobeda (qui signifie victoire).
La forme est tout à fait ce que l’on peut attendre du personnage :
« J’ai survécu. Et maintenant [le président russe Vladimir] Poutine, qui a donné l’ordre de mon assassinat, (…) dit à ses serviteurs de tout faire pour que je ne rentre pas », a déclaré l’opposant de 44 ans dans une vidéo publié sur sa page Instagram, ajoutant qu’il avait pris un billet sur une ligne régulière le 17 janvier. « La question ‘Revenir ou pas’ ne s’est jamais posée pour moi. Simplement parce que je ne suis pas parti. Je me suis retrouvé en Allemagne en y étant arrivé dans une boîte de réanimation », a-t-il poursuivi »
Le rapport de force va continuer entre les sponsors de Navalny et les autorités russes. Les premiers ont besoin d’en faire une parodie de Soljenitsyne, les seconds de montrer que l’Etat est souverain et que les institutions ne flanchent pas face aux pressions politiques internationales. Cette nouvelle saison de la série Navalny s’annonce pleine de rebondissements, d’effets de manche, de grandes déclarations du « Monde libre » et bonnes intentions. Un triste spectacle, qui illustre parfaitement tout ce que notre époque est capable de produire.
Source : Russie Politics
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