Par Chris Marsden

Liz Truss, ministre des Affaires étrangères et très probablement prochaine première ministre conservatrice du Royaume-Uni, a déclaré qu’elle lancerait une frappe nucléaire sur la Russie, même si le résultat serait un «anéantissement global».

Lors d’un débat du Parti conservateur à Birmingham mardi pour déterminer qui remplacera Boris Johnson, John Pienaar du Times Radio a dit à Truss que si elle devenait première ministre, on lui montrerait rapidement les procédures de lancement de missiles nucléaires depuis les sous-marins britanniques Trident. «Ce serait l’annihilation mondiale», a déclaré Pienaar. «Je ne vous demanderai pas si vous appuieriez sur le bouton, vous direz oui, mais face à cette tâche, je me sentirais physiquement malade. Comment vous sentez-vous devant cette pensée?»

Avec des yeux morts et une expression sans émotion, Truss a répondu: «Je pense que c’est un devoir important de la première ministre et je suis prête à le faire».

‘Je suis prête à le faire’, a-t-elle répété, sollicitant une salve d’applaudissements de la part des conservateurs réunis.

La réponse robotique et instantanée de Truss doit sonner l’alarme pour les travailleurs du monde entier sur la proximité de l’Armageddon nucléaire.

Elle s’exprime en tant que l’un des principaux faucons parmi les puissances de l’OTAN à soutenir la guerre par procuration contre la Russie menée par le régime ukrainien et en tant que propagandiste de premier plan pour un conflit militaire direct avec Moscou. En février, le président russe Vladimir Poutine a placé les forces nucléaires russes en état d’alerte maximale, son porte-parole Dmitri Peskov citant les remarques «inacceptables» de «divers représentants à divers niveaux» sur d’éventuels «affrontements» entre l’OTAN et Moscou: «Je n’appellerais pas les auteurs de ces déclarations par leur nom, bien qu’il s’agisse de la ministre britannique des Affaires étrangères».

Truss avait récemment déclaré à Sky News: «Si nous n’arrêtons pas Poutine en Ukraine, d’autres pays seront menacés: les pays baltes, la Pologne, la Moldavie, et cela pourrait se terminer par un conflit avec l’OTAN».

Mais Truss parle également au nom de toute la classe dirigeante britannique. Non seulement son rival au leadership, Rishi Sunak, aurait également répondu par l’affirmative, mais aussi tout autre membre de l’establishment politique britannique qui brigue la plus haute fonction du pays.

Depuis que les tensions avec la Russie et la Chine ont commencé à se faire attiser par Londres et Washington, il est devenu nécessaire de déclarer ouvertement qu’on est prêt à déclencher une guerre nucléaire. Cela a commencé en 2015 lorsque Jeremy Corbyn a remporté pour la première fois la direction du parti travailliste sur la base, avant tout, de son opposition à la guerre en Irak et de son rôle dirigeant dans la coalition «Arrêtez la guerre» (Stop The War). Quand on lui a demandé, s’il devenait premier ministre, est-ce qu’il donnerait l’ordre aux chefs de la défense du Royaume-Uni d’utiliser le système d’armes nucléaires Trident, Corbyn a répondu par la négative. Par la suite, il a fait l’objet d’attaques incessantes, le parti conservateur, les Blairites et les personnalités militaires le déclarant inapte à exercer ses fonctions. Et il a capitulé sur tous les fronts.

Lors d’un débat le 18 juillet 2016, la première ministre conservatrice Theresa May, alors nouvellement installée, a déclaré qu’elle était prête à lancer une frappe nucléaire dans une flèche dirigée contre Corbyn. Le remplaçant de Corbyn à la tête du Labour, Sir Keir Starmer, a également été interrogé par la BBC le 10 février de cette année pour savoir s’il serait prêt à utiliser des armes nucléaires et a répondu: «Bien sûr». C’était juste 14 jours avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Starmer s’exprimait à la suite d’une réunion avec le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, à propos de laquelle il a commenté: «Quels que soient les défis que nous avons avec le gouvernement, quand il s’agit de l’agression russe, nous sommes solidaires».

C’est la signification internationale plus large de la déclaration de Truss pour la guerre nucléaire. Non seulement est-ce la politique de l’impérialisme britannique, c’est la politique activement poursuivie par toutes les puissances de l’OTAN, les États-Unis en tête.

Le sommet de l’OTAN tenu en juin à Madrid, en Espagne, a adopté un document de stratégie qui décrit les plans pour militariser le continent européen, intensifier la guerre avec la Russie et préparer la guerre avec la Chine. Il contenait l’engagement spécifique à «fournir la gamme complète des forces» nécessaires «pour des combats de haute intensité contre des concurrents pairs dotés de l’arme nucléaire».

La Russie et la Chine ont été désignées respectivement comme une «menace» et un «défi» pour «nos intérêts». La «posture de dissuasion nucléaire» de l’OTAN, centrée sur les armes nucléaires américaines «déployées en avant en Europe», est placée au centre d’une stratégie qui vise à «dissuader, défendre, contester et repousser dans tous les domaines et toutes les directions».

Les personnalités militaires de l’OTAN se sentent déjà libres de discuter ouvertement de la possibilité d’une guerre nucléaire. Lors d’un symposium en juin, le chef de la Luftwaffe allemande, Ingo Gerhartz, a déclaré: «Pour une dissuasion crédible, nous avons besoin à la fois des moyens et de la volonté politique de mettre en œuvre la dissuasion nucléaire, si nécessaire», avant d’ajouter: «Poutine, ne nous cherche pas!». Le 13 août, Hamish de Bretton-Gordon, l’ancien commandant du Régiment interarmées chimique, biologique, radiologique et nucléaire du Royaume-Uni, a écrit dans le Telegraph pour insister: «La Grande-Bretagne doit se préparer à une guerre nucléaire».

Truss a traduit ces discussions en grognements fascistes qui ont fait d’elle la coqueluche du parti conservateur.

Comment les travailleurs doivent-ils répondre à une telle folie politique?

Les armes nucléaires modernes sont bien plus puissantes que celles larguées sur Hiroshima et Nagasaki. Une cinquantaine seulement pourraient tuer 200 millions de personnes, soit les populations combinées de la Grande-Bretagne, du Canada, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande et de l’Allemagne. Mais ce ne serait que le début. Les modèles de l’université Rutgers prévoient qu’une guerre nucléaire à grande échelle provoquerait des incendies massifs et des nuages de suie qui bloqueraient le soleil et dévasteraient les cultures. L’ère glaciaire nucléaire qui s’ensuivrait entraînerait la famine pour les trois quarts de la population et tuerait jusqu’à cinq milliards de personnes en deux ans. Même un conflit nucléaire «plus petit» entraînerait probablement 2,5 milliards de morts.

Il est tout d’abord nécessaire d’accepter ce qui a longtemps été considéré comme impensable: les puissances impérialistes envisagent activement d’utiliser des armes qui détruiraient l’humanité et peut-être toute vie sur terre. Le 26 mars, Joseph Kishore et David North ont décrit avec justesse cette situation dans un article du WSWS intitulé «Franchir le Rubicon psychologique». Il mettait en garde contre le conflit ukrainien: «Le monde est amené au bord d’une catastrophe nucléaire par les États-Unis et les gouvernements des autres grandes puissances de l’OTAN, dont les dirigeants prennent des décisions en secret tout en dissimulant les véritables intérêts géopolitiques et économiques au nom desquels ils agissent.»

Deuxièmement, il faut comprendre les causes profondes de la guerre. Les grandes puissances impérialistes ont entrepris un nouveau partage du monde. Les gouvernements américain et européens ne répondent pas à un acte d’agression russe «non provoqué». Ils cherchent à achever une politique d’encerclement militaire menée depuis la dissolution de l’URSS en décembre 1991, préparatoire à la chute du régime Poutine et à la prise de contrôle des vastes ressources de la Russie pour le compte du capital financier.

La seule force sociale qui peut arrêter cette éruption catastrophique de violence militaire impérialiste est la classe ouvrière internationale, en menant une lutte contre le capitalisme et pour le socialisme. Dans sa résolution adoptée à son Congrès de 2022 sous le titre «Mobilisez la classe ouvrière contre la guerre impérialiste!», le Parti de l’égalité socialiste des États-Unis explique:

À son niveau le plus fondamental, la guerre impérialiste découle des contradictions de base du système capitaliste – celles entre une économie mondiale et la division du monde en États-nations rivaux, dans lesquels la propriété privée des moyens de production est enracinée. Ces mêmes contradictions, cependant, produisent la base objective de la révolution socialiste mondiale. Déjà, les conséquences de la guerre intensifient énormément les conflits sociaux aux États-Unis. L’impact de l’inflation galopante alimente la lutte des classes, y compris l’éruption de grèves et de protestations parmi les travailleurs de l’automobile, les travailleurs des compagnies aériennes, les travailleurs de la santé, les éducateurs, les travailleurs des services et d’autres sections de la classe ouvrière.

Cela est vrai au niveau international. Au Royaume-Uni, par exemple, une vague de grèves est en train de prendre de l’ampleur et peut balayer Truss et les conservateurs du pouvoir.

Il est nécessaire dans chaque pays que les travailleurs mènent la lutte de classe sur la base d’un programme socialiste, en se mobilisant contre la guerre et contre tous les efforts de la classe dirigeante, entrepris par ses gouvernements et ses partis ainsi que la bureaucratie syndicale, pour leur faire payer pour la guerre par des réductions de salaire, des pertes d’emploi et des hausses de cadence. Avant tout, les travailleurs doivent se tourner consciemment vers leurs frères et sœurs de classe pour mener un combat commun contre l’ennemi commun. Le choix ne pourrait être posé de manière plus frappante: guerre mondiale et anéantissement nucléaire ou révolution socialiste mondiale.

(Article paru d’abord en anglais le 26 août 2022)

Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…