Ala Balata, 18 ans, devant des photos de membres de sa famille tués par une attaque israélienne sur le camp de réfugiés de Jabaliah dans la bande de Gaza, le 14 septembre 2014 – Photo : Anne Paq
Par Abdel Bari Atwan
Israël poursuivra-t-il sa campagne d’assassinats au-delà de la Palestine occupée ?
Alors que les États-Unis menacent de riposter contre l’Iran après l’avoir accusé d’être à l’origine d’un complot présumé visant à assassiner l’ancien conseiller à la sécurité nationale John Bolton, le ministre de la guerre israélien Benny Gantz a menacé d’assassiner le chef du Jihad islamique palestinien (JIP), Ziyad Nakhaleh.
Il s’est vanté que les tueurs à gages pouvaient l’atteindre n’importe où, y compris en Iran où il était récemment basé.
En ce qui concerne la menace américaine et l’accusation non étayée d’un complot contre Bolton, on peut noter que ce dernier s’est souvent vanté de son implication dans les stratagèmes américains visant à tuer des dirigeants étrangers ou à renverser leurs régimes par la force, le cas le plus récent étant celui du Venezuela.
Bolton qui a promis à l’opposition iranienne de célébrer sa victoire à Téhéran d’ici un an, a été un partisan majeur de l’invasion de l’Irak qui a tué plus d’un million d’Irakiens et il défend avec enthousiasme chaque assaut meurtrier israélien contre la bande de Gaza ou le Liban.
En d’autres termes, ses mains sont maculées du sang de centaines de milliers de personnes. Cela ne justifie pas de l’exécuter sans sommation, mais cela justifie de l’inculper pour meurtre et crimes de guerre.
Les États-Unis, qui prétendent respecter la loi et les droits de l’homme et s’opposer aux assassinats, et dont l’actuel conseiller à la sécurité nationale s’engage à punir toute attaque contre des citoyens américains et en particulier d’anciens responsables, se sont positivement réjoui de leur propre assassinat du commandant iranien Qasem Soleimani en Irak.
Dans le même temps, ils n’ont pas levé le petit doigt lorsque la citoyenne américaine et journaliste palestinienne Shireen Abu-Akleh a été tuée par des tireurs de l’armée israélienne, ou auparavant lorsque la militante pacifiste Rachel Corrie a été écrasée à mort par un bulldozer israélien.
Aucune administration américaine passée ou présente, républicaine ou démocrate, n’a jamais condamné ou protesté contre les meurtres en série israéliens de citoyens palestiniens, libanais ou même américains.
Il existe bien au contraire de nombreuses preuves irréfutables qu’ils encouragent et soutiennent ces actions extra-judiciaires, les couvrent et les protègent avec le veto américain à l’ONU.
L’assassinat de Soleimani sera vengé un jour. Je ne pense pas que ses camarades des Gardiens de la révolution pardonneront à ses assassins, qu’il s’agisse d’individus ou de gouvernements.
Je suis également sûr que le Jihad Islamique Palestinien [JIP) et les autres groupes de résistance palestiniens riposteront pour l’assassinat de leurs commandants et membres. Le Hamas a su riposter au meurtre de Yahya Ayyash en 1995 par quatre attentats à la bombe majeurs. Et en 2001, le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) a exécuté le ministre israélien d’extrême-droite Rehavam Zeevi pour venger l’assassinat ciblé de son chef Abu-Ali Mustafa.
Ce n’est qu’une question de temps et de moment opportun dans un conflit à long terme en plusieurs rounds.
Nakhalah, que j’ai interviewé pendant quatre heures à Beyrouth le mois dernier, est une personne dévouée et résiliente qui ne craint pas de finir en martyr. En effet, il m’a dit qu’il était surpris d’être encore en vie, et qu’il n’était en rien au-dessus de tous les martyrs palestiniens, arabes et musulmans qui l’avaient précédé.
La menace de Gantz de mener la guerre israélo-américaine d’assassinats contre les combattants palestiniens hors des limites de la Palestine occupée franchit toutes les lignes rouges. Elle menace la sécurité de plusieurs capitales et villes de la planète qui pourraient être le théâtre de telles opérations — comme on l’a vu en Europe dans les années 1970 et 1980.
Ces guerres américano-israéliennes d’assassinats – que ce soit en Palestine, en Irak, en Iran, en Syrie, au Yémen, en Libye ou ailleurs – s’avéreront contre-productives en termes militaires, politiques et économiques. Elles auront aussi pour effet d’exposer les sinistres acteurs locaux qui les incitent et les soutiennent comme un moyen d’attiser les tensions et les conflits pour servir leurs propres objectifs.
Les États-Unis le savent. Le fait qu’il voulait une clause incluse dans l’accord sur le nucléaire iranien engageant Téhéran à ne pas riposter pour le meurtre de Soleimani signifie qu’ils reconnaissent avoir commis une erreur et qu’ils craignent les conséquences possibles.
L’assassinat de Nakhalah à Téhéran n’en serait pas moins conséquent. La même chose s’appliquerait à Beyrouth compte tenu de l’engagement du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, de riposter immédiatement pour le meurtre sur le territoire libanais de tout invité palestinien ou autre.
Auteur : Abdel Bari Atwan
* Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du journal numérique Rai al-Yaoum. Il est l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan
15 août 2022 – Raï al-Yaoum – Traduction : Chronique de Palestine
Source : Chronique de Palestine
https://www.chroniquepalestine.com/…