Par Moon of Alabama

Par Moon of Alabama – Le 17 décembre 2020

Les apologistes de crimes de guerre se ramassent à la pelle. Avec un nouvel article dans le New Yorker, Anand Gopal rejoint cette confrérie.

Intitulé America’s War on Syrian Civilians [La guerre des États-Unis contre les civils syriens], l’article commence par une critique de la destruction totale de Raqqa, en 2017, au cours d’une attaque américaine extrêmement violente contre la ville, détenue alors par EI.

Pendant quatre mois, en 2017, une coalition dirigée par les Américains en Syrie a largué quelque dix mille bombes sur Raqqa, la capitale densément peuplée tenue par État islamique. Près de 80 % de la ville, qui compte trois cent mille habitants, a été détruite. Je me suis rendu sur place peu après que EI ait abandonné le contrôle, et j’ai trouvé l’ampleur de la dévastation difficile à comprendre : des silhouettes squelettiques d’immeubles d’habitation effondrés, des écoles calcinées, des cratères béants.

S’ensuivent quelques marmonnements sur la vision passé et actuelle de ce qu’est une « guerre humanitaire ».

Puis vient ce monstrueux paragraphe :

La coalition dirigée par les États-Unis a mené son assaut sur Raqqa avec une précision légale rigoureuse. Elle a soigneusement passé au crible chaque cible, avec une flotte d’avocats pour examiner les attaques comme un avocat d’entreprise examinerait le contrat d’une société. Pendant la bataille, le commandant de la coalition, le lieutenant général Stephen J. Townsend, a déclaré : « Je défie quiconque de trouver une campagne aérienne plus précise dans l’histoire de la guerre. » Bien que les défenseurs des droits de l’homme insistent sur le fait que la coalition aurait pu faire plus pour protéger les civils, Townsend a raison : contrairement à la Russie, l’Amérique ne bombarde pas sans discernement. Les États-Unis ont rasé une ville entière, tuant des milliers de personnes dans le processus, sans commettre un seul crime de guerre évident.

Aaron Maté a cité ce paragraphe et a fait la remarque suivante :

Aaron Maté @aaronjmate – 14:24 UTC – 17 Dec 2020

Un cours de maître sur l’apologie des crimes de guerre aux États-Unis, donné par @Anand_Gopal_ dans le New Yorker : « Contrairement à la Russie, l’Amérique ne bombarde pas sans discernement. Les États-Unis ont rasé une ville entière [Raqqa], tuant des milliers de personnes dans le processus, sans commettre un seul crime de guerre évident ».</blockquote

Gopal, comme d’habitude, distord les faits et est peu sincère dans son jugement.

Tout d’abord, les États-Unis n’ont pas seulement « largué quelque dix mille bombes sur Raqqa ». Ils en ont largué beaucoup plus :

De juin 2017 à la libération de Raqqa en octobre, les avions américains ont largué un peu moins de 20 000 munitions au total.

De plus, ce ne sont pas les bombes qui ont été les plus destructrices à Raqqa, mais l’artillerie :

Les avions de la coalition qui ont soutenu la libération de Mossoul et de Raqqa ont quand même réussi à larguer moins de munitions que les 18 canons utilisés par les Marines basés dans le nord de la Syrie.

La quantité de munitions d’artillerie utilisée a été énorme :

« Ils ont tiré plus de projectiles en cinq mois à Raqqa, en Syrie, que tout autre bataillon d’artillerie de marine, ou tout autre bataillon de l’armée de terre ou de marine, depuis la guerre du Vietnam, » a déclaré le sergent major de l’armée de terre John Wayne Troxell, conseiller principal du chef d’état-major des armées. … « En cinq mois, ils ont tiré 35 000 obus d’artillerie sur des cibles islamiques, tuant les combattants de EI par douzaines, » a déclaré Troxell au Marine Corps Times lors d’une table ronde le 23 janvier. « Nous avions besoin d’eux pour faire pression sur EI et nous avions besoin d’eux pour tuer les soldats de EI. »

Pour replacer les chiffres dans leur contexte : Pendant toute l’opération Tempête du désert, les Marines et l’armée ont tiré un peu plus de 60 000 munitions d’artillerie.

Lors de l’invasion de l’Irak, un peu plus de 34 000 obus ont été tirés.

Au cours des cinq mois qu’ont duré l’opération, en moyenne un tir équivalent à au moins 10 kg de TNT a frappé Raqqa toutes les six minutes ; jour et nuit pendant cinq longs mois. Cela en plus des bombardements aériens. Les munitions d’artillerie qui ont été utilisées ont une probabilité d’erreur circulaire de 50 mètres. Cela signifie que la moitié des obus tirées ont touché la cible à plus de 50 mètres de distance. Il ne s’agissait donc pas de frappes chirurgicales. C’était une guerre qui minimisait la considération pour les civils vivant encore dans la ville et maximisait la destruction.

Gopal ne mentionne même pas l’utilisation de l’artillerie et la destruction qu’elle a créée à Raqqa. Son affirmation selon laquelle il ne s’agissait pas de tirs aveugles mais que l’armée avait « soigneusement examiné chaque cible » est évidemment une absurdité qui ne tient pas la route.

De plus, ce que Gopal ignore totalement, comme le souligne également Aaron Maté, c’est que la guerre américaine en Syrie était (et est) par définition illégale, et donc un crime.

Anand Gopal a cité le tweet de Maté et l’a accusé de ne pas « comprendre ce qu’il lit » :

Anand Gopal @Anand_Gopal_.

Comprendre ce que vous lisez n’est peut-être pas votre point fort, mais le but de l’article est de critiquer la façon dont les États-Unis utilisent la désignation légale de « crime de guerre » pour légitimer leurs guerres

J’ai lu l’article du New Yorker et cette intention, si elle existe, n’y est nullement discernable.

Comme l’a répondu Maté :

Aaron Maté @aaronjmate Répondre à @Anand_Gopal_.

1/ Je ne pense pas que l’intégrité soit votre point fort. Le but de la phrase que je cite est de faire valoir l’argument risible selon lequel « contrairement à la Russie, l’Amérique ne bombarde pas sans discernement ». Croyez-vous vraiment cela ? Comment le savez-vous ?

2/ Et l’impact de votre « critique de la légalité » des crimes de guerre est de présupposer que les États-Unis ont le droit de « raser une ville entière » en Syrie et de « tuer des milliers de personnes au cours du processus », sans se demander quel droit nous avons de le faire. Je me demande pourquoi cette pensée ne vous vient pas à l’esprit ?

3/ Si vous pensez que j’ai des problèmes de compréhension de lecture, et que vous pensez réellement pouvoir défendre l’écriture d’une telle déclaration, aimeriez-vous venir en débattre sur @PushbackShow ?

Il n’y a jamais eu de réponse.

J’aime particulièrement l’allusion de Maté à l’intégrité de Gopal. Il y a en effet de quoi en douter.

En mai 2017, ce blog publiait un article qui analysait les déclarations sur la Syrie qu’Anand Gopal avait faites lors d’une interview avec Democracy Now. À l’époque, Gopal avait affirmé que les États-Unis n’avaient pas de politique de « changement de régime » en Syrie.

L’article présentait les nombreuses preuves que le « changement de régime » en Syrie avait été, était (et est) la politique officielle des États-Unis et faisait remarquer :

Gopal est un idiot, ou un menteur de merde, lorsqu’il affirme que les États-Unis n’ont pas poursuivi et ne poursuivent pas de politique de « changement de régime » en Syrie. Anand Gopal croit-il vraiment que le bombardement des positions et des infrastructures de l’armée syrienne n’est qu’un « divertissement de soirée » à Mar-a-Lago, et non une politique active de « changement de régime » ?

Gopal affirmait également que EI était en Syrie à cause du gouvernement syrien. Un mensonge absolu car EI a été créé et armé par les États-Unis pour atteindre son objectif de « changement de régime » en Syrie. L’article fournit de nombreuses preuves à cet égard et conclut :

Le « changement de régime » en Syrie a été et est la politique déclarée du gouvernement américain depuis 2006 et il continue d’être l’objectif, même s’il n’est pas toujours ouvertement présenté comme tel. Gopal affirme que c’est le gouvernement syrien qui a poussé les gens à rejoindre État islamique. La propre promotion (criminelle) de Gopal sur la façon de rejoindre EI contredit son affirmation.
Voici un guide complet pour voyager jusqu’en Syrie et rejoindre EI

Quelques heures après que Moon of Alabama publiait cet article, Gopal supprimait son tweet de recrutement pour EI.

Le même Anand Gopal qui avait soutenu les « rebelles », recruté pour EI sur Twitter et menti sur cette guerre faite pour « changer le régime », justifie maintenant les crimes de guerre que les États-Unis ont commis lorsqu’ils ont détruit Raqqa et tué les milliers de civils qui y vivaient.

L’intégrité n’est, en effet, pas son point fort.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Jj pour le Saker Francophone

Source : Le Saker
https://lesakerfrancophone.fr/…