Par Résistance 71
“Là où il n’y a aucun esprit et aucune compulsion interne, il y a forcément une force externe, une régimentation, un État. Là où il y a un esprit, il y a société. La forme dénuée d’esprit engendre l’État, L’État est le remplaçant de l’esprit.”
~ Gustav Landauer ~
“Par l’union, nous voulons dire la recherche d’un terrain d’entente commun au niveau pratique, qui rassemble et mène à la coopération, la coordination et l’unification des efforts au sein de la sphère publique et des problèmes communs… La coopération devrait ouvrir de nouveaux horizons, qui n’étaient pas évidents ou apparents auparavant et devrait créer un environnement cordial parmi les différentes branches impliquées.”
~ Naïm Qassem. SG adjoint du Hezbollah, 2004 ~
Publication Avril 2025, rédaction décembre 2024 / janvier 2025
Il est à peu près certain que pas mal de gens en lisant le titre, vont hausser les épaules et affirmer qu’enfin c’est officiel : “ceci est la preuve irréfutable que les gars de R71 ont fumé toute la moquette”… De fait, tout ceci vient d’une de ces discussions alimentant nos esprits dans l’optique de toujours à la fois chercher des solutions au marasme politico-marchand ambiant tout en lançant des passerelles pour une convergence d’idées et de pratiques embrassant nos diversités culturelles, dans le but de mettre un terme au rapport étatico-marchand de domination et d’exploitation généralisées menant l’humanité à sa destruction programmée et de promouvoir une action d’unification en contemplant ce qui nous rassemble et non pas ce qui nous sépare le plus souvent fictivement. L’actualité de ces derniers mois au Moyen-Orient nous a fait réfléchir sur l’incroyable force de résistance et de résilience à la fois du peuple palestinien mais aussi du Hezbollah et de tout l’axe de la résistance au colonialisme génocidaire occidentalo-sioniste totalement débridé et sans complexe.
Bref aperçu sur le Hezbollah
Nous avions déjà traduit de très larges extraits du livre de Naïm Qassem (2005), aujourd’hui devenu par la force des choses le SG du Hezbollah après l’assassinat du grand résistant Hassan Nasrallah : “Hezbollah, son histoire de l’intérieur” et nous avions déjà suggéré à plusieurs reprises une certaine proximité de la pratique communautaire des musulmans chi’ites libanais avec celle d’une société des sociétés, ouverte et libre que nous voyons comme l’avenir de l’humanité.
Au cours d’une de ces discussions, l’un d’entre nous avait lancé sous forme de boutade : “Les gars, mettre Landauer et Nasrallah côte à côte dans le titre d’un article, faudrait oser quand même !”… Aujourd’hui, nous disons donc “Chiche !” Et ce sera à vous de juger si ce que nous avançons est si saugrenu qu’il y paraît.
Ainsi donc, nous nous efforcerons de mettre en évidence certains parallèles entre les sociétés prônées et mises en pratique par Gustav Landauer au début du XXème siècle et le parti du Hezbollah au sein de la société civile libanaise. Puis, nous ferons référence aux textes de Landauer et de Qassem en les citant afin de mettre en évidence ce même parallèle. Nous y ajouterons des extraits d’un article plus récent (2023) réalisé par le journaliste Brett Titley au Liban en zone Hezbollah dont il a rencontré des membres.
Nous désirons dores et déjà disculper tout doute possible sur notre vision des choses : Non, nous ne pensons pas que le Hezbollah est, ou pourrait être “anarchiste”. Cela est structurellement et idéologiquement impossible, puisque ce dernier est “Parti de Dieu” (traduction littérale) et que par sa croyance et ses dogmes, il est nécessairement hiérarchisé, du moins sur un plan théologique. Néanmoins, ses membres ont fait preuve encore et encore de la plus grande des tolérances et compassion en bien des occasions et à bien des égards, nous y reviendrons et en cela nous pensons tout à fait possible que sur le plan pratique organisationnel, une communauté musulmane chi’ite du Hezbollah pourrait parfaitement coopérer en toute symbiose avec une communauté du même ordre chrétienne, bouddhiste ou anarchiste. Cela tient du fond commun universel partagé par ces communautés, leur ancrage dans une humanité ontologique d’où rayonne entraide et compassion, respect et amour. Là réside le cœur du débat, dans ce concept “d’esprit” de la société… esprit qui rassemble de manière organique les individus et les communautés sur une ligne de respect, de compassion, d’entraide, de coopération, d’amour, qui sont les piliers fondateurs de toute société organique dans un rapport authentique des êtres entr’eux, ce par-delà le temps et l’espace.
Ce blog est dévoué depuis bientôt quinze ans à la diffusion de la pensée et de la pratique anarchiste sous toutes ses tendances. L’information à ce sujet y est foisonnante. Nous illustrerons le propos plus bas avec des citations de Landauer prises de ses textes. Attachons-nous plutôt à analyser la profondeur de ces traits de caractère côté Hezbollah. Qui sont ces gens et que font-ils en pratique ? Pour un historique complet, reportez-vous au livre de N. Qassem que nous mettons en PDF ci-dessous. Attachons-nous donc à quelques détails pratiques glanés au fil des ans…
Né en 1982 durant la guerre d’invasion sioniste au Liban, les débuts du Hezbollah, émergence du groupe de résistance libanais Amal, furent difficiles et des erreurs de leur propre aveu furent commises dans un climat de lutte confessionnelle savamment entretenu de l’extérieur à dessein politique. Dans un Liban toujours en partie occupé, le Hezbollah a changé de dimension et est passé d’un simple groupe chiite de résistance armée, à une véritable organisation sociale et parti politique du bien commun. Devant les faiblesses d’un état libanais multi-confessionnel miné par ses divergences politiques et allégeances, le Hezbollah, certes soutenu logistiquement par l’Iran et la Syrie (d’avant décembre 2024…) a organisé la société civile dans la vie de tous les jours, facilitant les conditions de dizaines de milliers de personnes. Les services sociaux du Hezbollah ont ouvert des écoles, des hôpitaux, des dispensaires, ont organisé le peuple pour agir efficacement en cas de crise profonde. Ils ont été à la pointe de la reconstruction après les multiples bombardements sionistes après la guerre de 2006, reconstruisant quelques 5000 maisons en quelques mois dans 52 villages frontaliers.
Lors de cette guerre des 33 jours de juillet 2006 repoussant une nouvelle tentative d’invasion sioniste, les services du Hezbollah non seulement s’occupèrent de la communauté chi’ite, mais aussi des chrétiens se trouvant dans les zones sinistrées. L’alliance politique entre le Hezbollah et les chrétiens libanais n’a fait que se renforcer depuis. Avant l’invasion sioniste, une video d’une intervention d’un commando du Hezbollah ayant détruit un véhicule blindé israélien montre un combattant du Hezbollah dont la mission est de détruire le véhicule complètement avant de partir, sortir les corps des soldats sionistes du véhicule, sous le feu israélien, au péril de sa vie donc, afin que les familles puissent récupérer les corps, puis il jette une grenade incendiaire dans le véhicule, terminant la mission.
Quelque mois mois après le début de la guerre par procuration de l’OTAN en Syrie en 2011, à la demande de la Syrie, le Hezbollah intervient pour lutter dans les zones occupées par l’EIIL / Daesh. Nous nous souvenons d’une vidéo alors circulant sur le net montrant des islamistes de Daesh terrés dans une maison, cernés en combat de rue par des membres du Hezbollah qui au lieu de détruire la place, donner l’assaut et les éliminer, engagèrent une discussion de maison à maison. Discussion qui dura un bon moment pour voir les islamistes se rendre et recevoir une accolade.
Une autre vidéo montra un groupe de combattants du Hezbollah arrivant dans une zone où se trouvait une chapelle chrétienne saccagée par les islamistes de Daesh. La vidéo filmée depuis le casque d’un combattant, montre un membre du Hezbollah collecter les objets religieux chrétiens, dont des crucifix et effigies et les replacer respectueusement sur l’autel, faire une courte prière et quitter les lieux avec respect.
Les lieux saints musulmans et chrétiens en Syrie ont été protégés par le Hezbollah.
Compassion, tolérance, respect, entraide et coopération sont les fondations sociales de toute société enracinée dans son humanité vraie. Ces valeurs sont universelles. Tout part de l’individu, de son esprit, de son choix et par association libre s’étend à une communauté de semblables, quel que soit la diversité culturelle impliquée, qu’il ne faut jamais voir comme une barrière, mais comme une opportunité de mieux adapter la société à toutes et tous. C’est de l’union dans cette diversité, dans ce qu’on peut appeler comme Gustav Landauer une “société des sociétés” par association volontaire, que jaillira la solution au marasme étatico-marchand oppresseur et destructeur. Ce chemin nous est indiqué par l’échec cinglant multi-centenaires du système en place, quel que soit sa forme politique de gouvernance, ne faisant que reproduire les schémas de domination, d’oppression, d’injustice et de déliquescence morale, qui lui sont irrémédiablement inhérents.
Esprit et organisation
Plutôt que de disserter sur ces sujets, nous allons citer en alternance depuis les textes explicatifs laissés à la postérité par Gustav Landauer et Naïm Qassem afin de mettre au mieux en parallèle ce qui nous rassemble, au lieu de systématiquement parler de ce qui nous sépare. Jugez par vous-mêmes de la pertinence et de la proximité des propos. Dans certains passages du livre de Qassem, si on retirait parfois une connotation religieuse, on se dit que cela aurait pu être écrit par un anarchiste !
Ce qui est important de comprendre en premier lieu est le concept “d’esprit” de la société, ce que Landauer appelle “Geist” dans sa langue germanique maternelle.
Voici ce qu’en dit Landauer dans ses écrits (cf notes bibliographiques) :
“Le temps où la race humaine a le plus resplendi dans l’histoire subséquente sont ceux où l’esprit commun, la société des sociétés, les liens d’interrelation entre les multiples associations bondissantes de l’esprit, fleurissent pleinement, mais où des personnes de génie se sont aussi révélées, bien que toujours contrôlées par le grand esprit des peuples… L’âge d’or de la Grèce antique et le Moyen-Age chrétien furent de telles époques. Ce ne fut pas un idéal, ce fut une réalité.”
“Là où il n’y a aucun esprit et aucune compulsion interne, il y a forcément une force externe, une régimentation, un État. Là où il y a un esprit, ll y a société. La forme dénuée d’esprit engendre l’État. Il est le remplaçant de l’esprit.”
“L’état ne s’établit jamais au sein de l’individu. Il n’est jamais devenu une quantité individuelle. Il n’a jamais été volontaire. Il réside dans le centralisme du commandement et de la discipline au lieu d’être dans le centre qui régit le monde de l’esprit : c’est à dire de la pensée libre, puisant comme un battement de cœur et indépendante dans le corps vivant d’une personne.”
“L’esprit est une compréhension de l’entièreté dans un universel vivant. L’esprit est une unité de choses séparées, de concepts et d’humains. L’esprit est une activité constructive. […] L’esprit a été remplacé par une superstition scientifique excentrique et ridicule.”
“La véritable culture n’est pas vide mais satisfaite et la véritable société est une multiplicité de petites et véritables affinités qui grandissent des qualités de connexion des individus, de l’esprit, c’est une structure de communautés et une union.”
“Le choix auquel nous faisons face est celui de l’État ou de la société, du non-esprit ou de l’esprit.”
“Nous possédons la réalité du vivant, l’esprit communal individuel en nous et nous devons le laisser émerger créativement. […] L’esprit agira directement et créera ses formes visibles de la chair et du sang du vivant : des symboles d’éternité deviennent communautés, des incarnations de l’esprit deviennent des incorporations de justice terrestre.”
“L’individu est le peuple, l’esprit est la communauté, l’idée est le lien de l’unité.”
“L’objectif est le peuple, la société, la communauté, la liberté, la beauté, la joie de vivre.”
Voyons maintenant si nous pouvons trouver une pensée similaire au sein du Hezbollah (cf notes bibliographiques) en étant conscient que la foi religieuse est spirituelle pourvu qu’elle évite le sectarisme exclusif et ne juge pas autrui, chacun demeurant libre, voyons cela de plus près :
“Il n’y a aucun mal à maintenir la diversité aussi loin que celle-ci demeure dans le cercle du libre-choix basé sur les convictions de l’individu ou de groupe et cela ne transcende pas au monde du conflit, de la lutte et aux accusations de blasphème. Ceci est particulièrement vrai étant donné l’impossibilité de l’annulation de la diversité, car elle est la nature humaine et le résultat de bien des facteurs objectifs, personnels, éducatifs et environnementaux.”
“Par l’unité, nous voulons dire la recherche d’un terrain commun d’entente au niveau pratique, qui mène et s’assemble sous forme de coopération, de coordination et d’unification des efforts au sein de la sphère publique en vue de buts communs. De tels causes et buts communs peuvent être spécifiés, comme peuvent l’être les mécanismes pratiques de coopération et établis en accord avec le degré de capacité de chaque participant, des niveaux de conviction et des caractéristiques particulières. La coopération se doit d’ouvrir de nouveaux horizons, qui n’étaient pas évidents auparavant, et doit créer un environnement cordial au sein des différentes branches impliquées.”
“L’unité n’est pas limitée au cadre de coopération et de coordination. Dans certains cas, cela peut être fait au travers une initiative qu’un côté peut bien suivre par conviction ou d’une vision compréhensive qui n’est pas restreinte à des préoccupations privées, mais qui va au-delà pour inclure des préoccupations du monde musulman. L’initiative serait alors volontaire et non pas le résultat d’une demande de coordination préalable, mais plutôt comme partie d’un devoir normal de soutenir les préoccupations publiques et de la conscience de l’impact qu’un mouvement ou une action pourraient avoir sur tout le monde. Ceci est une forme pratique d’unité. Les deux se combinent pour parvenir au but commun.”
“Là réside l’importance de l’unité. Cela demande en partie de la coordination des efforts et des potentiels par des réunions et des discussions pour définir et délimiter les méthodes de soutien, de composition d’un point de vue unifié et d’identification d’idées essentielles.”
“Cette unité de coordination demande des contacts directs entre les branches variées impliquées, que ce soit de manière intensive ou intermittente.”
“Il est tout à fait apparent que le cercle de l’unité est large. […] Les bénéfices de l’unité sont innombrables . Il n’y a donc aucun besoin de perdre son temps et ses efforts à interpréter ses dimensions.”
“Il n’y a aucune excuse pour qu’un parti prenne en charge les affaires de la nation de manière unilatérale, ni de s’isoler du cours général des choses, car chaque partie impliquée aura besoin des autres à un moment donné critique et pourrait bien ne pas les trouver.”
“Le dialogue devrait se limiter à atteindre des bénéfices communs et non pas pour évoquer des sensibilités de groupe et la discorde.”
“O humanité, nous t’avons créé homme et femme, ainsi que nations et tribus, pour qu’ainsi vous vous connaissiez les uns les autres. Le plus noble d’entre vous, aux yeux d’Allah, est celui qui se conduit le mieux.” (Coran, Sourate 49, verset 13)
“Nous devons aussi faire la distinction entre l’allégeance obligatoire envers une dénomination particulière, qui est assignée à chacun de naissance et une allégeance de libre choix envers une vision universelle du monde embrassant tout, l’humanité et la vie. Quiconque confond les deux est soit dupe, ce qui nécessite une éducation, une connaissance et une conscience des distinctions, soit est quelqu’un dont le but est de tromper, de rendre confus, ou quelqu’un qui a été trompé mais qui refuse une discussion calme, sereine et objective de laquelle pourrait résulter une résolution positive ou négative de ses décisions.”
“L’essence doit être trouvée dans les effets du système. Le parti exécute un rôle à l’échelle de la nation fondé sur une base islamique, tout en adhérant dans le même temps à une unité interne nationale. Il travaille avec toutes les branches du spectre politique afin de parvenir à une synergie des rôles destinée à servir la société dans sa totalité, ainsi que de lutter pour libérer la terre de l’occupation sioniste.”
De l’organisation
Une fois l’esprit de communauté humaine établi, retrouvé, celui-ci, par le changement d’attitude de ses membres et l’association volontaire, remplace l’organisation institutionnalisée, qui cesse de l’être et devient commune et décentralisée. Dans le contexte de Landauer, l’organisation anarchiste prévaut. Gustav Landauer participa à la révolution des conseils de Bavière de 1918-19, il fut arrêté et assassiné par les proto-fascistes des Corps-Francs allemands, roué de coups dans une cour de prison de Munich.
Dans le contexte du Hezbollah, il est évident depuis bien des années que la communauté créée n’a pas besoin de l’état libanais essentiellement défaillant. Si le Hezbollah et les communautés affiliées n’ont pas besoin de l’état libanais pour exister, l’état libanais lui, n’existerait plus sans le Hezbollah. Le Liban serait demeuré un satellite de l’entité sioniste depuis le début des années 1980, chose qui demeure valide dans le contexte colonial génocidaire du délire politique du “grand israël”. De plus, tous les secrétaires généraux du Hezbollah ont été assassinés. Point commun supplémentaire : les véritables leaders subversifs dérangeant le statu-quo étatico-marchand, sont éliminés par le système. Landauer, Rosa Luxembourg, Sadr, Moussawi, Nasrallah ainsi que Sitting Bull, Crazy Horse, Gandhi, Martin Luther King Jr, Malcom X, Che Guevara ou Patrice Lumumba et Thomas Sankara, ont tous payé de leur vie leur héroïsme résistant au système en place.
Qu’en est-il donc de l’organisation de la société dans la pratique ?
Pour Gustav Landauer :
“La révolution sociale ne peut être que politique.”
“Le socialisme vient des siècles et des millénaires précédents, en cela, aucun politicien du quotidien ne peut être socialiste. Ce qui distingue le socialiste du politicien, c’est que le premier est intéressé dans la totalité et il saisit nos conditions dans leur totalité, dans leur contexte historique, il pense de manière holistique.”
“Ce qui se fait appeler de nos jours “socialisme”, n’est absolument pas le socialisme. Ce substitut est une caricature, une imitation, un travesti de l’esprit.”
“Notre socialisme est culture et solidarité, juste échange et travail joyeux, la société des sociétés ne peut venir que lorsqu’un esprit s’est éveillé comme celui de l’ère chrétienne et pré-chrétienne et lorsque cet esprit n’existe plus, il laisse la place au manque de culture, à la dissolution, au déclin et ceci en terme économique est appelé : le capitalisme.”
“Le capitalisme et l’État se doivent de fusionner.”
“Le pouvoir énorme et la désolation de l’état n’est nécessaire que parce que notre vie communale/commune a perdu son esprit, parce que la justice et l’amour, les associations économiques et la floraison de la multiplicité des petits organismes sociaux ont disparu.”
“Quiconque est engagé dans le travail utile, le fermier, l’artisan, l’association des ouvriers, doit simplement continuer de travailler. Le travail n’a pas besoin d’organisation excessive, d’être commandé, contrôlé par une autorité ou nationalisé..”
“Nous arriverons à une véritable humanité dans son sens externe seulement lorsque la réciprocité comme communauté identique sera venue pour l’humanité concentrée dans l’individu et l’humanité grandissante entre les individus. La plante existe dans la graine, tout comme la graine n’est que la quintessence de la chaîne infinie des plantes ancestrales. L’humanité obtient sa véritable existence de la partie humaine de l’individu, tout comme cette partie humaine n’est que l’héritière des générations infinies du passé et de toutes leurs relations mutuelles.”
“Unissez-vous pauvres hommes ! Donnez-vous du crédit les uns aux autres ! Le crédit, la mutualité est le capital ; vous n’avez aucunement besoin de capitalistes moneyeurs ni de maîtres entrepreneuriaux. Travaillez dans les villes et les campagnes, travaillez et échangez !”
“Laissons les humains échanger de communauté à communauté ce qui ne peut ou ne devrait pas être produit localement de la même manière qu’ils commercent d’individu à individu au sein d’une même communauté.”
“La terre est une partie externe de la nature. Elle fait partie de la nature comme l’air, l’eau et la lumière ; la terre appartient à tous les humains et ce de manière inaliénable et pourtant la terre est devenue propriété privée, possédée seulement par quelques-uns !”
“En réalité, tout propriétaire de la terre possède l’humain. […] Que la terre n’est pas de maître, alors les hommes seront libres.”
“L’abolition de la propriété privée sera essentiellement une transformation de notre esprit. […] La propriété privée n’est pas la même chose que la possession et je vois dans le futur une possession privée, une possession coopérative, une possession de communauté dans toute sa splendeur.”
“Tout a été réduit à un objet et à une idole. La confiance et la mutualité ont dégénéré en capital. L’intérêt commun a été remplacé par l’État.”
“Il n’y a qu’une seule réalité objective : la terre. […] La terre et l’esprit sont la solution proposée.”
“Nous ne pouvons pas éviter le combat contre la propriété foncière. La lutte pour la société des sociétés est une lutte pour la terre : la question sociale est une question agraire !”
“Tout commence avec l’individu et tout dépend de l’individu. […] L’agriculture, l’artisanat, l’industrie, le travail physique et intellectuel, le système d’enseignement et d’apprentissage, doivent être réunifiés,”
“Ainsi donc unissons-nous pour mettre en place les foyers, villages et communautés véritablement socialistes. [… Nous devons réapprendre la joie de travailler ensemble, l’intérêt commun, l’entraide et la coopération. Nous avons tout oublié et pourtant nous sentons bien que tout cela est encore en nous…”
“Les gens libèreront la terre et ne travaillerons plus pour le faux dieu argent, mais pour l’humain. Alors sera le commencement.”
“Nous devons donner l’exemple et éclairer la route. […] L’objectif est le peuple, la société, la communauté, la liberté, la beauté et la joie de vivre. […] Au nom de l’éternité, au nom de l’esprit, au nom de l’image qui cherche à devenir ce véritable chemin, l’humanité ne périra pas.”
L’organisation sociale côté Hezbollah
Analysons les textes et documents de Naïm Qassem et du journaliste Brett Titley sur le sujet (cf. Notes bibliographiques), mais avant tout ce puissant aphorisme :
“La force est le devoir de l’État, pas du Hezbollah !”
~ Hassan Nasrallah, SG Hezbollah ~
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“La vérité est qu’aujourd’hui au Liban, le Hezbollah est une armée du peuple, par le peuple et pour le peuple.”
“Ici, au Liban, c’est le Hezbollah qui représente sans faille et directement TOUS les Libanais, quelle que soit leur religion ou ex-nationalité.”
~ Brett Titley, 2023 ~
Naïm Qassem :
“Le choix se reporta en faveur d’un leadership de groupe par opposition à un leadership individuel, ceci fut nommé al-Shura, le Conseil.”
“La variation au sein d’un peuple est une condition naturelle liée à la culture, l’éducation, le cadre social, les inclinaisons et intérêts et ceci ne peut pas être adressé au sein d’un cadre unique. La responsabilité du choix est laissée aux individus en accord avec leurs propres convictions. Le parti fut lancé avec toute une série d’objectifs bien déterminés et est soutenu par des mécanismes organisationnels afin de fonctionner. Ceux qui sont d’accord avec ces objectifs en en harmonie sont sur la voie d’une affiliation ou de devenir membres, tandis que ceux qui ne sont pas confortables restent à une distance du parti tout comme celui-ci accommode ou exclut des appliquants sur une base de règles de groupe et individuelle.”
“L’approche du parti concernant le travail politique avec des figures nationales et des puissances sociales fut basée sur une méthodologie pratique exprimée par la tolérance préférée à l’hostilité, la coopération préférée au mépris, à l’appel de dieu préféré au blasphème, à l’unité des pouvoirs préférée à la dispersion et la confrontation à l’occupation [sioniste] comme étant plus importante que les différences internes.”
“Le Hezbollah paya une attention toute particulière à l’action sociale. Aucun aspect de l’aide aux pauvres et aux démunis ne fut négligé. Le parti travailla à répondre aux besoins urgents de la population en introduisant des programmes sociaux bénéfiques.”
“Le système qui devrait être mis en place est un système qui ne verrait que certaines positions spécifiques être sujets à une vision politique du gouvernement, tandis que toutes les autres fonctions et positions devraient être attribuées au public et seulement attribuées au mérite. Ceci pave la voie d’une véritable réforme qui s’élèverait exclusivement sur les épaules des personnes qualifiées.”
“Le parti a fait tout ce qui était nécessaire pour répondre aux demandes du peuple basé sur ces deux tenets principaux :
- Les problèmes du service public et de l’emploi ne devrait pas entrer en conflit avec la préoccupation pour une activité de résistance. […]
- Les demandes devraient être en relation et atteindre les objectifs principaux, avoir du succès concernant l’attitude de travail dans le but de la coopération avec d’autres groupes afin de créer des circonstances propices aux intérêts de la population. […]
“Les requis vont au dialogue politique qui transcende ces obstacles religieux insolubles et envers des objectifs communs pour une nation unifiée reposant sur tous les programmes et plans de coopération entre les parties concernées. Cette approche ne fut pas sans problèmes, car le sectarisme va très vite à se mélanger avec quelque religion que ce soit, transformant le tout en des formes d’intolérance tribale aussi éloignées que possible de la religion.”
“Il n’y a ainsi aucune raison de rétrécir le cadre de notre adhésion à la religion ni de refuser la diversité et le changement, car la direction islamique n’est en rien en contradiction avec le christianisme, mais plutôt son complémentaire.”
“Il n’y a aucun mal à maintenir le diversité dans la mesure où elle demeure dans le cercle du libre choix fondé sur les convictions individuelles ou de groupes. […] Ceci est particulièrement vrai étant donné l’impossibilité d’annuler la diversité, car elle est de la nature humaine et le résultat de bien des facteurs objectifs, subjectifs, éducatifs et environnementaux.
Par l’union, nous voulons dire la recherche d’un terrain d’entente commun au niveau pratique, qui rassemble et mène à la coopération, la coordination et l’unification des efforts au sein de la sphère publique et des problèmes communs… La coopération devrait ouvrir de nouveaux horizons, qui n’étaient pas évidents ou apparents auparavant et devrait créer un environnement cordial parmi les différentes branches impliquées.”
Brett Titley :
“Le Hezbollah lance toute une série d’activités philanthropiques et commerciales, incluant des hôpitaux, des dispensaires, des écoles, des orphelinats, des centres de réhabilitation pour handicapés, des supermarchés, des stations essence, des entreprises de BTP, une station radio (Nour), une chaîne de télévision (Al Manar). Les services de santé sont maintenant universels et fortement couverts voire gratuits. Ces services ont directement profité à tous les Libanais.”
“Le Liban a toujours été un pays multiculturel et multi-religieux. La vaste majorité du Hezbollah est chi’ite. Nous croyons en l’éducation et en la tolérance envers les autres cultures et religions, nous les embrassons !”
~ Hadi, membre du Hezbollah, interviewé par B. Titley, 2023 ~
“En se dévouant au public libanais dans sa totalité, le Hezbollah a créé et développé un système de santé et de services sociaux hautement organisés.”
“Oui, nous ne payons rien [en soins médicaux] avec ma femme. Il en va de même pour tous les Libanais sauf pour ceux qui ont de l’argent. Ils doivent payer quelque chose, pour les autres c’est gratuit.”
~ Kifah, chauffeur Druze de B. Titley dans Beyrouth 2023 ~
“Dans ceci réside le véritable pouvoir : le pouvoir de son peuple… de son désir naturel, humain pour la paix, la liberté de toute oppression.”
Ce que nous avançons ici n’est pas une opinion, mais une réalité politico-sociale qui voit, sans doute pour beaucoup, contre toute attente, une certaine osmose voire symbiose idéologique et surtout pratique dans les concepts organisationnels de la société, de la communauté d’intérêt humain entre une vision anarchiste et une vision d’un groupe communautaire musulman, en l’occurrence chi’ite, de la conduite des affaires publiques en société. Cela relève de valeurs universelles dans les communautés humaines, valeurs sans cesse bafouées par les concepts étatico-marchands de domination et d’oppression toujours au profit du plus petit nombre à l’encontre de l’intérêt commun, vu essentiellement comme un obstacle à la domination totale d’une caste hors sol, complètement coupée du corps social qu’elle opprime.
Il est aujourd’hui devenu essentiel pour tous les résistants au système étatico-marchand colonialiste et oppresseur global de comprendre la nécessité absolue pour nous les peuples, de nous rassembler sur nos lignes de convergence d’intérêts et de cesser de prêter une quelconque attention aux voix de la discorde criant perpétuellement au loup et ne générant, à dessein de contrôle, que toujours plus de division, d’intolérance et de peur, ces grands outils du maintien du statu quo oligarchique dans toutes nos sociétés asservies et opprimées. Rien ne terrorise plus le système que des passerelles lancées et des mains tendues saisies par des groupes dont l’alliance volontaire et efficace est jugée néfaste et improbable. C’est dans l’union, l’entraide et la coopération que réside la solution au marasme sociétal actuel inévitable et qui n’ira qu’en empirant. Gustav Landauer l’avait compris et expliqué au tout début du XXème siècle, les fondateurs du Hezbollah l’ont aussi perçu et mis en pratique quelques soixante-dix années plus tard dans un contexte de guerre par proxy dont fut et est toujours victime le Liban, prouvant une fois de plus la futilité de l’espace-temps sur l’universel.
Puissions-nous en tirer les conclusions qui s’imposent. En ce qui nous concerne, nous n’aurions absolument aucune hésitation quant à partager une vie communautaire en tout respect et coopération mutuelle avec nos frères chi’ites du Hezbollah ou toute autre ekklesia authentique.
Le but de cette analyse est de provoquer le désir de se connaître et de s’assembler au delà de la fiction entretenue des clivages. Regardons en nous-mêmes pour trouver nos semblables. Unie dans l’universel, toute résistance est indestructible. L’esprit communard est l’esprit combattant et unificateur de la société humaine, il n’est qu’une partie d’un grand Tout, mais il est nécessaire et indispensable tant que subsiste un gramme d’oppression.
Vive la Commune Universelle de notre humanité enfin réalisée hors état, hors rapport marchand, hors argent et hors salariat !
Le texte en PDF : De Landauer à Nasrallah ou l’universalité de l’esprit de la société
Source : https://resistance71.wordpress.com/2025/04/24/de-gustav-landauer-a-hassan-nasrallah-ou-luniversalite-de-lesprit-de-la-societe-resistance-71/
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Notes bibliographiques :
Gustav Landauer sur Résistance 71
Notre page “Gustav Landauer et la société organique”
“Appel au socialisme”, Gustav Landauer, seconde édition 1919, traduction R71 (PDF)
150-ans-de-la-commune-de-paris-Recherche-esprit-communard-desesperement, Résistance 71 (PDF)
Manifeste pour la Société des Sociétés, Résistance 71, 2017 (PDF)
“Les musulmans entre islam authentique et apocryphes”, Amar Djerrad, 2018
“L’imposture wahabo-takfiriste”, Amar Djerrad, 2013
Brett_Titley_Naim_Qassem_Sur le Hezbollah, Brett Titley, 2023, trad R71 PDF
Hezbollah son histoire de linterieur naim qassem, Naïm Qassem, 2005, traduction Résistance 71 PDF
Aurélie Daher sur le Hezbollah :
Aurelie-Daher_Confluences_76_2011
Source : A. D.