Légende photo : Des journalistes palestiniens brandissent des pancartes lors d’un rassemblement pour protester contre l’assassinat de leurs confrères Hossam Shabat et Muhammad Mansour lors des frappes israéliennes de la veille, dans la ville de Gaza, le 25 mars 2025. (Crédit : Omar Ashtawy/APA Images)
Par Ahmad Ibsais
Hossam Shabat et Mohammad Mansour sont les derniers journalistes palestiniens à avoir été tués à Gaza. Une partie de la responsabilité de cet assassinat incombe à leurs homologues occidentaux, lesquels ont échoué à couvrir correctement l’assaut génocidaire d’Israël.
Le 24 mars 2025, nous avons, une fois de plus, assisté à l’assassinat délibéré d’un journaliste palestinien. Hossam Shabat, reporter de 24 ans pour Al Jazeera Mubasher et collaborateur de Drop Site News, a été assassiné lors d’une frappe aérienne israélienne visant son véhicule dans le nord de la bande de Gaza. Quelques heures plus tôt, Mohammad Mansour, correspondant de Palestine Today, était lui aussi tué à Khan Younis.
Il ne s’agit pas d’accidents. Il ne s’agit pas de victimes de « tirs croisés » ou d’ »affrontements ». Il s’agit d’assassinats ciblés visant à réduire au silence celles et ceux qui font connaître la vérité sur Gaza.
« Si vous lisez ceci, c’est que j’ai été tué – très probablement de manière ciblée – par les forces d’occupation israéliennes », a écrit Hossam dans un dernier message partagé par son équipe. Ses mots sont à la fois un testament et un réquisitoire. « J’ai documenté les horreurs commises dans le nord de Gaza minute par minute, déterminé à montrer au monde la vérité qu’ils ont essayé d’enterrer. »
En octobre 2024, l’armée israélienne a inscrit Hossam et cinq autres journalistes palestiniens sur une liste noire de personnes à abattre. Il recevait régulièrement des menaces de mort par téléphone et par SMS. Hier, cette menace a été mise à exécution.
Lorsque ce génocide a commencé, Hossam n’avait que 21 ans. Étudiant en journalisme, il aurait difficilement pu imaginer un tel avenir. « J’étais loin de me douter qu’on me confierait l’un des emplois les plus difficiles au monde : couvrir le génocide de mon propre peuple », écrivait-il il y a environ un an.
Depuis octobre 2023, au moins 208 journalistes palestiniens ont été tués par les forces israéliennes. Il ne s’agit pas de dommages collatéraux, mais d’une campagne systématique visant à éliminer les témoins. En ciblant les journalistes, Israël cherche à contrôler le récit, à s’assurer que ses actions à Gaza se déroulent dans l’obscurité, à l’abri de l’examen du droit international et de l’opinion publique.
L’idée que les journalistes occidentaux sont responsables du martyre de Hossam aujourd’hui n’est pas seulement un slogan. Leurs mauvaises pratiques journalistiques et leur relais de la propagande sioniste ont exposé les journalistes palestiniens : rares voix à publier la vérité, elles ont été prises pour cibles. Leur incapacité à rendre compte du ciblage de leurs collègues, leur réticence à remettre en question les narratifs israéliens et leur tendance à présenter ces assassinats comme de malheureux dommages collatéraux du conflit plutôt que comme des actes délibérés – ces manquements journalistiques ont et continuent d’avoir des conséquences réelles. Les journalistes occidentaux ont laissé leurs confrères palestiniens vulnérables, assumant seuls la responsabilité de documenter les atrocités que de nombreux médias occidentaux refusent de reconnaître.
Hossam incarne la résilience face à un tel isolement. « Je dis au monde que je continue. Je couvre les événements avec l’estomac vide, avec constance et persévérance », a-t-il déclaré un jour dans une interview. Quelques heures avant sa mort, il a publié un article sur la nouvelle campagne de bombardements d’Israël qui a tué plus de 400 personnes, dont près de 200 enfants, en l’espace de quelques heures. « Je veux partager ce texte de toute urgence », écrivait-il, désireux de s’assurer que le monde sache.
Pendant 492 jours, Hossam a survécu dans des conditions que la plupart des journalistes ne connaîtront jamais. Il a « dormi sur des trottoirs, dans des écoles, dans des tentes, partout où je pouvais », écrit-il. « Chaque jour était une bataille pour la survie. J’ai souffert de la faim pendant des mois, mais je n’ai jamais quitté mon peuple. »
Le père de Mohammad Mansour, l’autre journaliste tué [le même jour que Hossam Shabat], a prononcé des mots qui devraient hanter toutes les salles de rédaction : « Levez-vous et parlez, dites au monde que vous êtes celui qui dit la vérité, car l’image seule ne suffit pas ».
Malgré cela, la plupart des journalistes occidentaux gardent le silence sur l’assassinat systématique de leurs collègues palestiniens. La Fédération internationale des journalistes (FIJ) a recensé les noms des personnes tuées ou blessées, mais ces décès reçoivent rarement la couverture médiatique ou de l’indignation qu’ils méritent. Lorsque des journalistes sont pris pour cible ailleurs dans le monde, les organisations de défense de la liberté de la presse et les principaux organes d’information condamnent à juste titre ces attaques. Le silence qui entoure les journalistes palestiniens en dit long.
Le vrai journalisme consiste à reconnaître des vérités qui dérangent : ces journalistes n’ont pas été tués accidentellement mais délibérément ; leur mort sert à dissimuler des crimes de guerre ; les armes utilisées pour les tuer proviennent souvent des mêmes pays dont les médias passent sous silence leur mort.
Dans son dernier message, Hossam a formulé une requête : « Ne cessez pas de parler de Gaza. Ne laissez pas le monde détourner le regard. Continuez à vous battre, continuez à raconter nos histoires, jusqu’à ce que la Palestine soit libre ».
Les journalistes occidentaux ont l’obligation morale et professionnelle d’honorer cette demande. Ils doivent rendre compte avec exactitude de la façon dont leurs collègues sont pris pour cible. Ils doivent remettre en question les récits qui considèrent ces meurtres comme des accidents malheureux. Ils doivent reconnaître que leur silence les rend complices.
Hossam a conclu : « Par Dieu, j’ai rempli mon devoir de journaliste ». La question est maintenant de savoir si les journalistes occidentaux rempliront le leur.
Traduction: JC pour l’Agence Média Palestine
Source: Mondoweiss
Source : Agence Média Palestine
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