Par Gideon Levy
Gideon Levy, Haaretz , 24/1/2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Non seulement les quatre soldates enlevées sont rentrées chez elles samedi, mais le pays tout entier est revenu à lui-même, à son autoglorification, à son unité trompeuse, à ses fausses célébrations de victoire, à ses sentiments de supériorité, à l’ultranationalisme et à l’incitation à la violence.
La joie personnelle émouvante des membres des familles et des amis, dont le monde s’est effondré au cours de l’année écoulée, s’est transformée en un carnaval national démesuré. Nous nous y étions déjà habitués, mais samedi, nous nous sommes injecté une overdose de kitsch et de mensonges.
Après plus d’une année épouvantable, il est facile de comprendre le besoin d’être heureux, ne serait-ce qu’un instant, voire le besoin de s’enorgueillir et de se féliciter. Mais la célébration de samedi est allée bien au-delà. Comme si la joie naturelle du retour des soldates ne suffisait pas, il a fallu la couvrir de mensonges. Le besoin de propagande et d’incitation, précisément en ce jour de grande joie nationale, atteste du fait que quelque chose de mauvais bouillonne sous le couvert des embrassades, des baisers et des larmes partagés avec Karina, Naama, Daniella et Liri.
On nous a menti samedi. Le mensonge de la victoire totale sur le Hamas a volé en éclats, à la vue d’un Hamas organisé, ordonné et armé, souverain de Gaza, organisant une cérémonie de libération avec une scène et quelques figurants. Si victoire il y a eu samedi, c’est celle d’une organisation qui, après 16 mois de frappes aériennes, de tueries et de destructions, s’est relevée de ses cendres et de ses ruines, toujours debout, vivante et en pleine forme.
On nous a dit que cette organisation était nazie, cruelle, monstrueuse, démoniaque – non seulement dans les discours excités de la rue, mais aussi par les plus grands présentateurs de télévision, la voix d’Israël et ceux qui arrangent la réalité. La réalité, comment dire, était quelque peu en contradiction avec ces déclarations.
La compétition entre les présentateurs de télévision pour savoir qui pouvait le plus vilipender le Hamas dans leurs studios était en contradiction grotesque avec le spectacle réconfortant et relativement encourageant des femmes libérées de leur captivité. Elles se tenaient droites, distribuaient des sourires, tenaient des sacs contenant des souvenirs qui leur avaient été donnés par leurs ravisseurs.
Elles n’avaient pas du tout la même allure que les détenus palestiniens à leur libération, dont certains au moins ont l’air de véritables épaves. On peut supposer qu’à l’avenir, nous assisterons à des scènes plus dures de libération d’otages israéliens, et il est évident qu’il ne faut pas prendre à la légère les souffrances endurées par les soldates libérées, mais ce n’est pas à ça que ressemblent des personnes libérées par des nazis.
Regardez-nous, comme nous sommes beaux, comme nous sanctifions la vie. Nous sommes prêts à payer n’importe quel prix pour libérer nos otages. Cette perception de soi contraste avec la vérité persistante et contrariante selon laquelle la cérémonie de samedi aurait pu avoir lieu il y a huit mois, peut-être dans les jours qui ont suivi le 7 octobre. L’affirmation selon laquelle eux sanctifient la mort et nous la vie est peut-être le plus vil des mensonges.
Après 50 000 morts, pour la plupart d’innocents, causées par les forces de défense israéliennes, , il est inutile de gaspiller des mots sur cette idée. Israël sanctifie à peine la vie de ses propres fils – avec plus de 800 soldats morts au combat, on peut en douter – et ne sanctifie définitivement pas la vie d’un quelconque être humain.
Rien n’est moins cher en Israël que la vie d’un Palestinien, en temps de guerre comme au quotidien. Demandez à Gaza quelle valeur les soldats et les pilotes israéliens attribuent à la vie humaine. Ceux qui ont systématiquement détruit tous les hôpitaux de Gaza, tiré sur les ambulances et tué des centaines de secouristes n’ont pas sanctifié la vie, mais l’ont écrasée.
La solidarité a également été falsifiée ad nauseam samedi. Un ruban jaune sur une voiture n’est pas de la solidarité. Les Israéliens se soucient les uns des autres ? C’est une plaisanterie. Parcourez les autoroutes, faites la queue, considérez la falsification massive des documents d’invalidité. Ce n’est pas de la solidarité ou de l’attention réciproque, c’est le règne des puissants ; c’est chacun pour soi, et aucune parole noble ne peut cacher cette réalité.
Samedi, Israël a célébré le retour de quatre otages. La joie était sincère, émouvante et générale. Mais le maquillage était de mauvaise qualité, les accessoires bon marché et le kitsch rappelait Bollywood. Avec un peu plus de vérité et moins de mensonges, cette célébration aurait pu être beaucoup plus complète.
Source : TLAXCALA
https://tlaxcala-int.blogspot.com/…
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