Interview d’Oussama Hamdan, cadre du Bureau politique du Hamas, sur Al-Jazeera, le 15 janvier 2025.

Source : Al-Jazeera

Traduction : lecridespeuples.substack.com

Note du Cri des Peuples : Nul besoin de se faire la moindre illusion sur l’ignoble Donald Trump pour reconnaître avec Oussama Hamdan que contrairement au non moins ignoble Biden, il a su exercer la pression requise pour forcer la main de Netanyahou, ne serait-ce que pour des raisons d’ego personnel : comme le rappelle Norman Finkelstein, en 2009, l’Opération Plomb Durci a cessé le 18 janvier, quand Obama, qui allait être inauguré, l’a exigé pour ne pas entacher son début de règne. Face aux Etats-Unis, Israël n’est qu’un serviteur obéissant. 

Journaliste : M. Oussama Hamdan, l’un des dirigeants du mouvement de résistance islamique Hamas, nous rejoint en ligne. M. Hamdan, bienvenue sur Al-Jazeera en direct. Le Hamas a-t-il pu, de manière directe, atteindre les objectifs escomptés grâce à cet accord, annoncé aujourd’hui depuis Doha et Washington, et qui entrera officiellement en vigueur ce dimanche ?

Oussama Hamdan : Au Nom de Dieu, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux. Nous devons commencer par rendre grâce à Dieu Tout-Puissant pour Sa miséricorde, pour cet accord qui nous a été facilité, et pour la fermeté de notre peuple ainsi que la bravoure de notre Résistance, qui nous ont conduits à ce résultat. Nous remercions également ceux qui nous ont soutenus et aidés à atteindre cet objectif, en particulier nos frères du Qatar et d’Égypte.

Il est indéniable que dès les premiers jours, le Hamas avait annoncé que son objectif était de mettre fin à l’agression. Les conditions d’un tel cessez-le-feu étaient claires : un arrêt total des hostilités, un retrait complet de la bande de Gaza, l’octroi d’une aide et la reconstruction sans entraves imposées par l’occupant, ainsi qu’un échange honorable de prisonniers. Aujourd’hui, cet accord, qui vient d’être annoncé, remplit toutes ces conditions.

La première phase de cet accord s’étendra sur 42 jours, au cours desquels le retrait sera effectué, le cessez-le-feu sera respecté, et une partie de l’échange de prisonniers sera réalisée. L’entrée des secours sera garantie et des détails supplémentaires ont été présentés lors de la conférence de presse animée par Son Excellence le Premier ministre de l’État frère du Qatar, Cheikh Mohammed bin Abdul Rahman.

Je le dis clairement : la Résistance a obtenu ce que le peuple palestinien réclamait. Avec la permission de Dieu, nous persévérerons. Dès à présent, les efforts de tout le peuple, dont la Résistance fait partie, se concentreront sur la reconstruction de ce que l’occupation a détruit. Nous poursuivrons cette voie. Le monde entier doit comprendre que le peuple palestinien affirme aujourd’hui n’avoir jamais renoncé à ses droits et qu’il ne le fera jamais. Il continuera à résister et à faire face à l’occupation jusqu’à la Libération complète de sa terre et de sa patrie, et à l’établissement de son État indépendant et souverain, avec Al-Quds (Jérusalem) comme capitale.

Je tiens également à souligner que ceux qui souhaitent voir cesser ces crimes et cette extermination doivent s’engager dès aujourd’hui pour aider le peuple palestinien à réaliser cet objectif national.

Journaliste : Docteur, ce dimanche, le cessez-le-feu entrera officiellement en vigueur conformément à cet accord. Cela signifie-t-il que d’ici là, Israël et la Résistance auront carte blanche pour mener des actions militaires ?

Oussama Hamdan : Ces jours précédant l’entrée en vigueur officielle du cessez-le-feu doivent être des jours de calme, car c’est durant cette période que la Résistance travaillera à rassembler les prisonniers et à préparer les opérations d’échange. En pratique, les activités militaires cesseront dès maintenant, bien que le cessez-le-feu formel débute dimanche.

Journaliste : Mais pour clarifier les choses, à partir de maintenant, les actions militaires sur le terrain, de votre part et de celle d’Israël, s’arrêteront-elles ?

Oussama Hamdan : Oui, c’est exact. C’est ce que prévoit l’accord, et les médiateurs veilleront au respect de cet engagement. La cessation des hostilités prendra effet officiellement dimanche, et nous entrons dans une première phase de 42 jours, comme spécifié dans cet accord.

Journaliste : Combien de prisonniers palestiniens seront libérés en échange des 33 prisonniers israéliens que vous allez libérer ? Combien y en aura-t-il ?

Oussama Hamdan : En dehors des chiffres précis, puisque l’accord a été conclu peu avant cette annonce, ces prisonniers incluront des enfants et des femmes détenus dans les prisons de l’occupation, ainsi qu’un certain nombre de prisonniers malades et âgés. Parmi eux, il y aura également des prisonniers condamnés à perpétuité ou à de longues peines pour leur rôle dans la Résistance. Ces détails seront précisés dans les prochains jours, si Dieu le veut. Les noms seront annoncés progressivement, étape par étape, comme le stipule l’accord. Ce point constitue une part essentielle de l’accord annoncé aujourd’hui.

Journaliste : Selon certaines estimations, Docteur, on parle de milliers de Palestiniens libérés au cours des 42 jours de cette première phase. Pouvez-vous confirmer ces chiffres ?

Oussama Hamdan : Je préfère m’abstenir de mentionner un chiffre pour le moment. Comme je l’ai déjà indiqué, les frères compétents, chargés des aspects techniques et de la sélection des noms, ont finalisé leur travail peu avant l’annonce de l’accord. Par conséquent, je préfère attendre que tout soit confirmé avant de fournir des détails. Cependant, je peux assurer que le nombre sera suffisamment significatif pour que le peuple palestinien perçoive cet échange comme équitable et porteur d’espoir. Il augure également d’une prochaine phase d’échange, incluant des militaires, qui aboutira, si Dieu le veut, à un accord juste et satisfaisant pour libérer davantage de prisonniers palestiniens.

Journaliste : Des éléments de sécurité ou des observateurs, qu’ils soient des médiateurs ou d’autres pays, entreront-ils à Gaza pour surveiller le cessez-le-feu entre vous et Israël ?

Oussama Hamdan : Il existe un accord sur les mécanismes d’application. Évitons de spéculer sur les événements à venir, mais ce qui est certain, c’est que ces mécanismes seront supervisés par les médiateurs. Ces derniers ont déployé d’importants efforts pour parvenir à cet accord. Ils ont vécu avec nous chaque instant, chaque détail, chaque divergence ou tension. Ils sont donc les mieux placés pour évaluer si les engagements sont respectés ou s’il y a des défaillances. La supervision et le suivi seront exclusivement assurés par les médiateurs.

Journaliste : Chaque phase, parmi les trois prévues, est-elle indépendante ? Faut-il renégocier intégralement la deuxième phase, ou bien la première phase mène-t-elle automatiquement à la suivante ?

Oussama Hamdan : Deux aspects doivent être précisés : tout d’abord, durant cette première phase, les détails de la deuxième seront négociés, conformément au cadre défini par l’accord. Les médiateurs se sont engagés à garantir le maintien du cessez-le-feu pendant ces négociations, même si elles prennent du temps. Par ailleurs, l’accord, tel qu’il est formulé officiellement et selon le texte écrit, repose sur une trêve prolongée visant un cessez-le-feu complet. Cela signifie qu’aucune opération militaire n’aura lieu durant les trois phases. À la fin de ces phases, nous aurons conclu soit un accord définitif, soit un cessez-le-feu total.

Journaliste : Ce qui a été convenu cette fois-ci correspond-il à ce qui avait été proposé en mai dernier par les Américains ou les médiateurs, comme l’a récemment affirmé le président américain Joe Biden ?

Oussama Hamdan : Je dirais que les propos du président Biden constituent un argument contre lui et contre sa propre administration. En effet, cet accord est essentiellement celui qui avait été proposé et accepté par le Hamas début mai, avant d’être réaffirmé par la suite. Si l’administration américaine avait exercé des pressions réelles à ce moment-là, comme celles que nous avons vues de la part de l’envoyé du président élu Trump, cet accord aurait pu être conclu à l’époque. Quoi qu’il en soit, Biden apporte un argument condamnant son administration par cet aveu. Nous ne souhaitons pas revenir en arrière. L’histoire jugera et déterminera qui aurait réellement pu contribuer à stopper l’agression mais a failli à le faire, et qui a tout mis en œuvre pour y parvenir, jusqu’à ce que nous atteignions ce résultat.

Journaliste : L’administration du président élu Donald Trump a-t-elle réellement contribué à faire avancer cet accord et à atteindre ce résultat ?

Oussama Hamdan : Oui, c’est vrai.

Journaliste : Le président Trump a joué un rôle significatif ?… Je confirme ce que vous dites, Dr Osama. Le président Trump, avec sa nouvelle administration — il est le président élu — a effectivement contribué de manière substantielle.

Oussama Hamdan : Oui, et Son Excellence le Premier ministre (qatari) l’a également évoqué lors de sa conférence de presse. Cela n’a donc rien d’un secret : sa contribution majeure dans ce domaine a permis de conclure cet accord.

Journaliste : Pensez-vous que ces efforts se poursuivront sous le président Trump, et qu’il jouera le rôle de garant, d’une manière ou d’une autre, pour empêcher Israël de revenir sur cet accord et pour assurer son application jusqu’au bout, M. Osama ?

Oussama Hamdan : Nous espérons que l’administration Trump tirera les leçons du crime, du génocide qui a duré 467 jours dans la bande de Gaza. Nous espérons aussi qu’elle retiendra les enseignements de ce crime d’essence nazie commis par le gouvernement de l’entité sioniste, et que son comportement politique, qui a permis d’aboutir à cet accord, ouvrira la voie à une politique américaine plus juste et équilibrée à l’égard de la question palestinienne. Une politique qui permettra au peuple palestinien d’obtenir ses droits fondamentaux, comme je l’ai souligné : se libérer de l’occupation, décider de son propre destin, et établir un État palestinien pleinement souverain sur sa terre, avec Al-Quds pour capitale.

Journaliste : Si cet accord suit normalement toutes ses étapes, M. Osama, aboutira-t-il à un retrait total de l’occupation israélienne de la bande de Gaza et des points de passage, ainsi qu’au retour à une vie normale, comme avant le 7 octobre ?

Oussama Hamdan : C’est précisément l’essence de cet accord.

Journaliste : Avez-vous des garanties qu’Israël ne reviendra pas sur cet accord d’une manière ou d’une autre ? Nous avons vu, dans le cadre de l’accord avec le Hezbollah, qu’Israël a violé cet accord à de nombreuses reprises, même si ces violations étaient partielles. Pensez-vous qu’un tel scénario pourrait se reproduire ici ?

Oussama Hamdan : Ne tirons pas de conclusions hâtives. Ce que vous avez évoqué, concernant les violations par l’entité sioniste des accords conclus avec nos frères du Liban et avec le Hezbollah, pourrait se reproduire. Cependant, il est important de noter que les médiateurs se sont engagés à surveiller ces violations et à empêcher qu’elles ne se produisent.

De plus, le peuple palestinien n’a pas désarmé sa Résistance. Il reste résolu à faire appliquer l’accord tel qu’il a été conclu. Quoi qu’il en soit, je pense que l’establishment militaire et sécuritaire israélien est désormais conscient qu’il n’est pas dans l’intérêt d’Israël de poursuivre ces violations. Nous avons vu, ces derniers jours à Beit Hanoun et ailleurs, comment la Résistance a répondu avec force et courage, influençant profondément cette entité, malgré plus de 450 jours d’agression.

Aujourd’hui, cette Résistance conclut un accord à partir d’une position de force et non de faiblesse. Les Israéliens comprennent que leur armée est épuisée et à bout de souffle, malgré son immense capacité militaire et son soutien ininterrompu (de la part des Etats-Unis et de l’Occident) pendant 467 jours. Nous affirmons ici, avec clarté et détermination : la Résistance a défendu les droits du peuple palestinien, que ce soit par sa fermeté sur le terrain, la bravoure de ses hommes, ou son efficacité dans les négociations ayant conduit à cet accord.

Une Résistance et un leadership capables d’obtenir de tels résultats ne permettront pas que ces acquis soient compromis par l’insouciance ou la négligence d’une partie quelconque. C’est pourquoi je crois fermement que les médiateurs sont pleinement conscients que la surveillance du comportement israélien est essentielle à la réussite de l’accord, garantissant ainsi la stabilité de la région — voire d’un monde qui, sans aucun doute, est plus fragile que jamais.

Journaliste : M. Oussama, cet accord en cours de négociation, notamment pour ce qui concerne la deuxième ou troisième phase, fera-t-il partie des discussions sur le jour d’après-guerre et sur la question de savoir qui gouvernera la bande de Gaza après la fin de la guerre ?

Oussama Hamdan : Je pense que nous avons répondu à cette question à de nombreuses reprises, et je comprends le contexte dans lequel elle s’inscrit. Comme vous l’avez dit, le jour d’après, comme aujourd’hui et comme hier, sera un jour palestinien. La décision sera une décision nationale palestinienne. Nous l’avons déclaré dès le début, et nous continuons à insister sur ce point.

Avec les factions de notre peuple résistant, nous nous sommes engagés dans des dialogues nationaux pour traiter cette question en interne. Nous sommes parvenus à des accords, malheureusement non appliqués, ainsi qu’à des propositions allant d’un gouvernement d’unité nationale à un gouvernement de consensus national, ou encore à un comité de soutien social, comme proposé par nos frères d’Égypte. Ces trois formules sont nationales, et l’une d’elles sera celle du jour d’après en fonction de ce qui aura été convenu au niveau national.

En tout état de cause, il est inconcevable qu’après avoir enduré avec patience, s’être sacrifié et obtenu des résultats, notre peuple et notre Résistance, qui ont infligé de lourdes pertes à l’ennemi, laissent le jour d’après porter un autre titre que celui d’un jour palestinien. Cette Résistance et ce peuple ont forgé leur victoire à partir de rien, ils ont tressé leur succès avec les fils de la lune. Il est donc hors de question que quiconque imagine que les Palestiniens renonceront à leur droit naturel et légitime de gérer leurs affaires et de décider pour eux-mêmes.

Cette bataille a prouvé que nous ne sommes pas un peuple impuissant, ni un peuple dépendant d’une aide ou de directives extérieures pour administrer ses affaires. Nous sommes un peuple qui, malgré la brutalité de l’agression, est resté sur sa terre car il sait comment y vivre et y gérer ses affaires. Aujourd’hui, demain et après-demain seront des jours palestiniens, avec la grâce de Dieu, jusqu’à la Libération, qui, elle aussi, sera un jour palestinien par excellence.

Journaliste : Ma dernière question, docteur, et je vous remercie de votre patience, concerne ce qui se dit en Israël et même aux États-Unis, à savoir que cette guerre aurait détruit une grande partie de la force militaire du Hamas. Quelle est la réalité à ce sujet ?

Oussama Hamdan : Permettez-moi de répondre à cette question en deux points.

Le premier point est que, dès le premier jour, l’ennemi a prétendu avoir éliminé le Hamas, et affirmé avoir détruit ses capacités. Il a tenté de déraciner notre peuple dans le nord de la bande de Gaza, mais le peuple a tenu bon pendant 80 jours consécutifs. Aujourd’hui encore, au 80e jour, la Résistance continue de frapper cet ennemi, ayant éliminé plus de 70 soldats durant ces jours. Ils se déplacent dans des citadelles fortifiées par leurs chars. Beit Hanoun, que l’ennemi considérait comme une zone sûre, a été le théâtre d’opérations qui l’ont abasourdi et profondément choqué. Cette Résistance, capable d’accomplir de tels exploits, ne peut avoir été brisée.

Quant au peuple, il a montré son attachement à sa terre, sa patience face aux souffrances et son refus de partir. Tant que le peuple palestinien restera ferme, sa Résistance, quelle qu’en soit la forme, restera inébranlable, car elle est enracinée en lui. Depuis 75 ans, ce peuple n’a jamais fléchi, ne s’est jamais agenouillé, ne s’est jamais rendu, n’a jamais renoncé ni compromis. C’est pourquoi sa Résistance demeure forte et victorieuse, quels que soient les sacrifices. Oui, il y a des pertes dans les rangs de la Résistance, parmi ses hommes et ses cadres, qui s’inscrivent dans les plus de 60 000 martyrs palestiniens. Mais malgré ces grands sacrifices, ni notre peuple ni notre Résistance n’ont été brisés.

Nos sacrifices, si Dieu le veut, seront une source de motivation pour des efforts accrus, et chaque goutte de sang sera une malédiction pour cette entité, pour tous ses soutiens, et pour ceux qui ont soutenu cette injustice. Dieu le Tout-Puissant châtiera les criminels au jour du Jugement, mais Sa punition existe aussi dans ce monde, « Et les injustes connaîtront le sort qui les attend » (Coran, s. 26, v. 227).

Journaliste : M. Osama Hamdan, cadre du Mouvement de résistance islamique Hamas, merci infiniment.

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Source : Le cri des peuples
https://lecridespeuples.fr/…

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