Lee Mordechai est un historien israélien et l’auteur de “Bearing Witness to the Israël-Gaza War”
Par Nadav Rapaport & Oscar Rickett
“Les camps de la mort ne sont pas la condition sine qua non pour parler de génocide. Seuls comptent les actes & l’intention, & les crimes à Gaza témoignant de l’éradication délibérée d’un peuple”.
Par Nadav Rapaport à Tel Aviv & Oscar Rickett à Londres (6 décembre 2024)*
Lee Mordechai affirme que son pays commet un génocide, et son rapport documente un large éventail d’atrocités commises par les forces israéliennes.
Un historien israélien de renommée internationale a conclu que son pays commet un génocide à Gaza après avoir compilé un vaste rapport méthodique documentant une longue liste de crimes de guerre perpétrés depuis le début de l’invasion israélienne l’année dernière, à la suite des attaques menées par le Hamas le 7 octobre.
Lee Mordechai, professeur associé à l’université hébraïque de Jérusalem, qui a également bénéficié d’une bourse de l’université de Princeton aux États-Unis, a publié un rapport intitulé “Bearing Witness to the Israël-Gaza War” [Témoignage de la guerre Israël-Gaza] qui, dans sa traduction anglaise, compte 124 pages et plus de 1 400 notes de bas de page.
À l’aide de témoignages oculaires, de séquences vidéo, d’articles, de photographies, de témoignages et de documents d’enquête, dont la plupart ont été enregistrés par des soldats israéliens, l’historien a produit ce que Haaretz appelle
“la documentation la plus méthodique et la plus détaillée en hébreu (il existe également une traduction anglaise) des crimes de guerre perpétrés par Israël dans la bande de Gaza”.
Parmi les incidents les plus choquants documentés par Mordechai, on peut citer la fusillade dont a été victime une femme palestinienne accompagnée d’un enfant alors qu’elle agitait un drapeau blanc, les jeunes filles affamées écrasées alors qu’elles faisaient la queue pour obtenir du pain, ou encore un Palestinien de 62 ans menotté écrasé par un char israélien et une frappe aérienne visant ceux qui tentaient de venir en aide à un garçon blessé.
La base de données comprend des milliers de vidéos, de photos, de témoignages, de rapports et d’enquêtes documentant les atrocités commises par les forces israéliennes à Gaza, où plus de 44 500 Palestiniens ont été tués pendant la guerre.
Mordechai inclut également une section intitulée “Les médias, la propagande et la guerre”, notant que la guerre actuelle a été
“facilitée par une mobilisation massive des médias pour façonner le discours en Israël ainsi qu’en Occident – dans des pays comme les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et l’Allemagne”.
Cadavres, meurtres et couchers de soleil
Haaretz commence son article sur le document de Mordechai en attirant l’attention sur la note 379, qui fait référence à un clip vidéo montrant un gros chien en train de manger le cadavre d’un Palestinien.
“Ouaip, ouaip, il a attrapé le terroriste, le terroriste n’est plus là – il n’est plus là dans les deux sens du terme”, déclare le soldat israélien qui a filmé le chien en train de dévorer le cadavre. Quelques secondes plus tard, le soldat fait un panoramique du cadavre à la scène qui l’entoure. “Mais quelle vue splendide, quel magnifique coucher de soleil. Un soleil rouge se couche sur la bande de Gaza”, dit-il.
Le recensement de Mordechai détaille le meurtre d’enfants par des soldats israéliens, l’assassinat de familles entières, la privation de nourriture et les tirs sur des civils, les chars roulant sur des prisonniers et des cadavres, et bien d’autres choses encore.
La note 354 du document montre des images de Palestiniens abattus par les forces israéliennes alors qu’ils levaient un drapeau blanc. La vidéo, publiée pour la première fois par Middle East Eye, montre de nombreuses personnes brandissant des drapeaux blancs alors qu’elles évacuent apparemment leurs maisons. Une femme accompagnée d’un enfant en bas âge est abattue par un tireur d’élite israélien, tandis que l’enfant parvient à s’échapper.
L’historien a publié le document pour la première fois en janvier et en a publié des versions actualisées depuis lors.
“J’ai compris que je ne pouvais pas continuer à vivre dans ma petite bulle, que c’était une question de vie ou de mort, et que ce qui se passe est trop grave et contrevient aux valeurs qui m’ont permis de grandir ici”, a-t-il déclaré à Haaretz.
Dans son étude, Mordechai confirme la véracité des chiffres de mortalité publiés par le ministère de la Santé de Gaza. Selon l’historien, les affirmations selon lesquelles ces chiffres sont exagérés sont sans fondement, et le gouvernement israélien lui-même considère les données du ministère de la Santé comme fiables.
Parmi les dizaines de milliers de personnes tuées pendant la guerre, Mordechai inclut dans le document la mort de quatre bébés prématurés après que les forces israéliennes ont décidé d’évacuer l’hôpital où ils se trouvaient. L’infirmière qui s’occupait des cinq bébés a été contrainte de choisir le plus robuste, seul survivant.
D’autres images compilées par l’historien – et souvent filmées par les forces israéliennes elles-mêmes – montrent un soldat forçant des prisonniers ligotés et les yeux bandés à envoyer des salutations à sa famille, et à dire qu’ils veulent être ses esclaves.
Des soldats israéliens sont photographiés tenant des liasses d’argent volées dans les maisons palestiniennes de Gaza et un bulldozer de l’armée israélienne est vu en train de détruire un énorme amoncellement de paquets de nourriture provenant d’une agence d’aide humanitaire.
Dans un autre clip, un soldat israélien chante “L’année prochaine, nous brûlerons l’école”, tandis qu’une école de Gaza est en flammes à l’arrière-plan. De nombreux enregistrements vidéo recueillis par Mordechai montrent des soldats israéliens portant des sous-vêtements féminins volés.
Génocide
Les liens inclus dans “Bearing Witness to the Israël-Gaza War” renvoient également à des séquences explicites de corps jonchant les rues dévastées de l’enclave palestinienne, de personnes écrasées sous les décombres et de flaques de sang en tous lieux.
Dans certaines séquences, on entend les cris de ceux qui ont perdu toute leur famille d’un seul coup. On peut aussi consulter des documents attestant de l’assassinat de personnes handicapées, d’agressions sexuelles et d’humiliations, d’incendies de maisons, de tirs aveugles, de privations de nourriture, de pillages et encore bien plus.
Mordechai soutient que la guerre d’Israël a franchi un seuil dans la sauvagerie lors de la deuxième incursion à l’hôpital al-Shifa en mars, lorsque le complexe médical de la ville de Gaza est devenu le théâtre de massacres de masse.
L’armée israélienne a affirmé que le Hamas utilisait l’hôpital à des fins militaires, mais n’a fourni aucune preuve pour étayer cette affirmation.
Un autre paroxysme de barbarie est atteint avec le blocus complet et l’assaut d’Israël sur le nord de la bande de Gaza depuis le début du mois d’octobre, amplement décrits comme un nettoyage ethnique.
Dans une annexe à son rapport, Mordechai explique pourquoi les agissements d’Israël à Gaza constituent, selon lui, un génocide.
“Nous, Israéliens, devons dissocier la façon dont nous concevons le génocide – les chambres à gaz, les camps de la mort et la Seconde Guerre mondiale – du modèle figurant dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (1948)”, écrit-il.
“Les camps de la mort ne sont pas forcément une condition sine qua non pour parler de génocide. Tout se résume aux actes et à l’intention, et l’existence de ces deux éléments se doit d’être reconnue.
“Dans les actes commis, on peut parler de tueries, mais pas seulement – [il y a] aussi les blessures, les enlèvements d’enfants, et simplement la volonté de limiter les naissances au sein d’un peuple donné. Ce que tous ces actes ont en commun, c’est la destruction délibérée d’un peuple”.
*Source: Middle East Eyes
Traduction: Spirit Of Free Speech
Source : France-Irak Actualité
https://www.france-irak-actualite.com/…