Revue de presse : Human Rights Watch (14 novembre 2024)*
Les autorités israéliennes sont responsables de déplacements forcés massifs et de destructions généralisées
- Depuis octobre 2023, les autorités israéliennes ont provoqué le déplacement forcé massif et délibéré de civils palestiniens à Gaza, ce qui les rend responsables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
- Il n’existe aucune raison militaire impérative qui pourrait justifier de manière plausible le déplacement massif par Israël de la quasi-totalité de la population de Gaza, souvent à de multiples reprises. Plutôt que de garantir la sécurité des civils, les « ordres d’évacuation » militaires ont causé d’énormes dommages.
- Les autres gouvernements devraient imposer des sanctions ciblées et d’autres mesures, et mettre un terme aux ventes d’armes à Israël. Le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) devrait enquêter sur les déplacements forcés causés par Israël et la violation du droit au retour des personnes déplacées, en tant que crime contre l’humanité.
(Jérusalem) – Depuis octobre 2023, les autorités israéliennes ont provoqué le déplacement forcé massif et délibéré de civils palestiniens à Gaza, ce qui les rend responsables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport rendu public aujourd’hui. Ce rapport est publié alors même qu’une campagne militaire israélienne dans le nord de Gaza a très probablement créé une nouvelle vague de déplacements forcés de centaines de milliers de civils.
Le rapport de 154 pages, intitulé « ‘‘Hopeless, Starving, and Besieged’’: Israel’s Forced Displacement of Palestinians in Gaza » (« ‘‘Désespérés, affamés et assiégés’’ : Le déplacement forcé de Palestiniens à Gaza ») examine la manière dont les autorités israéliennes ont provoqué le déplacement de plus de 90 % de la population de Gaza – soit 1,9 million de Palestiniens – et ont causé la destruction généralisée d’une grande partie de ce territoire au cours des 13 derniers mois. Les forces israéliennes ont procédé à des démolitions délibérées d’habitations et d’infrastructures civiles, y compris dans des zones qu’elles souhaitent apparemment convertir en « zones tampons » et de « couloirs sécuritaires », et d’où les Palestiniens sont susceptibles d’être définitivement déplacés. Contrairement aux affirmations des responsables israéliens, leurs actions ne sont pas conformes aux lois de la guerre.
« Le gouvernement israélien ne peut prétendre assurer la sécurité des Palestiniens alors qu’il les tue le long des voies d’évacuation, bombarde les prétendues zones de sécurité et coupe l’accès aux vivres, à l’eau et aux installations sanitaires », a déclaré Nadia Hardman, chercheuse auprès de la division Droits des réfugiés et migrants à Human Rights Watch. « Israël a violé de manière flagrante son obligation de garantir le retour des Palestiniens chez eux, en rasant pratiquement tout dans de vastes zones. »
Human Rights Watch a mené des entretiens avec 39 Palestiniens déplacés à Gaza, et a analysé le système d’évacuation mis en place par Israël, notamment en examinant 184 ordres d’évacuation. Human Rights Watch a également examiné des images satellite qui confirment les destructions généralisées, et vérifié des vidéos et des photographies d’attaques contre des zones de sécurité et des voies d’évacuation désignées comme telles.
Les lois des conflits armés applicables dans les territoires occupés n’autorisent le déplacement de civils qu’à titre exceptionnel, en cas d’ « impérieuses raisons militaires » ou pour la sécurité de la population, et exigent des garanties et des « installations convenables » pour accueillir les personnes déplacées. Les responsables israéliens affirment que, parce que les groupes armés palestiniens combattent en se déployant parmi la population civile, l’armée a évacué les habitants en toute légalité pour attaquer les combattants des groupes armés, tout en limitant les dommages causés aux civils. Les recherches de Human Rights Watch montrent toutefois que cette affirmation est en grande partie fausse.
Il n’existe pas d’« impérieuses raisons militaires » qui pourraient justifier de manière plausible le déplacement massif par Israël de la quasi-totalité de la population de Gaza, souvent à de multiples reprises, selon Human Rights Watch. Le système d’évacuation mis en place par les autorités israéliennes a gravement nui à la population, et n’a souvent servi qu’à répandre la peur et l’anxiété. Plutôt que d’assurer la sécurité des civils déplacés, les forces israéliennes ont ciblé à plusieurs reprises les itinéraires d’évacuation désignés et les zones qualifiées de « sûres ».
Les ordres d’évacuation ont été incohérents, inexacts et souvent communiqués aux civils trop tard pour permettre leur évacuation ; dans certains cas, les civils n’ont même pas reçu de tels ordres d’évacuation. En outres, ces ordres n’ont pas tenu compte des besoins des personnes handicapées et d’autres personnes, qui ne peuvent partir de chez eux sans assistance.
En tant que puissance occupante, Israël garantir des installations adéquates pour accueillir les civils déplacés à Gaza, mais les autorités ont bloqué en grande partie l’acheminement de l’aide humanitaire requise, de l’eau, de l’électricité et du carburant, n’autorisant qu’une livraison très limitée de ces biens essentiels. Les attaques israéliennes ont endommagé et détruit de nombreuses ressources vitales à Gaza, notamment des hôpitaux, des écoles, des infrastructures de transport d’eau et d’énergie, des boulangeries et des terres agricoles.
Israël doit également assurer le retour des personnes déplacées dans leurs foyers dès la cessation des hostilités dans la région. Mais au lieu de cela, les actions d’Israël ont rendu inhabitables de vastes zones de Gaza. L’armée israélienne y a intentionnellement démoli ou gravement endommagé des infrastructures civiles, notamment en se livrant à des démolitions contrôlées d’immeubles, dans le but apparent de créer une « zone tampon » étendue le long du périmètre de Gaza avec Israël et un corridor qui divisera le territoire. Les destructions sont d’une telle ampleur qu’elles indiquent une intention de déplacer de manière permanente de nombreuses personnes.
Israël devrait respecter le droit des civils palestiniens à retourner dans les zones de Gaza d’où ils ont été déplacés. En outre, depuis près de 80 ans, les autorités israéliennes refusent à près de 80 % des habitants de Gaza le droit de retourner dans leurs régions d’origine ; il s’agit de réfugiés palestiniens, ou de descendants de réfugiés qui en 1948 ont été expulsés ou ont fui leurs foyers situés dans ce qui est aujourd’hui Israël, lors des événements que les Palestiniens appellent la « Nakba » (« catastrophe »). Cette violation de leurs droits continue de peser sur l’expérience des Palestiniens à Gaza ; plusieurs personnes interrogées par Human Rights Watch ont décrit les événements actuels comme une deuxième « Nakba ».
Dès les premiers jours des hostilités, de hauts responsables du gouvernement et du cabinet de guerre israéliens ont annoncé leur intention de déplacer la population palestinienne de Gaza, des ministres ayant déclaré que son territoire diminuerait, que le faire exploser et l’aplatir était « magnifique », et que des terres seraient transférées aux colons. « Nous avons maintenant lancé la Nakba de Gaza », a déclaré le ministre israélien de l’Agriculture et de la sécurité alimentaire, Avi Dichter, en novembre 2023.
Human Rights Watch a constaté que les déplacements forcés sont généralisés, et les éléments de preuve démontrent qu’ils sont systématiques et font partie d’une politique d’État. De tels actes constituent des crimes contre l’humanité.
Organisés par les autorités israéliennes, les déplacements violents de Palestiniens de Gaza, qui sont membres d’un autre groupe ethnique, sont probablement planifiés pour être permanents dans les zones tampons et les couloirs de sécurité. De telles actions de la part des autorités israéliennes constituent une forme de nettoyage ethnique.
Les victimes de graves abus en Israël et en Palestine sont confrontées à un mur d’impunité depuis des décennies. Les Palestiniens de Gaza vivent sous un blocus illégal depuis 17 ans, qui constitue une partie des crimes contre l’humanité continus d’apartheid et de persécution que les autorités israéliennes commettent contre les Palestiniens.
Les gouvernements étrangers devraient condamner publiquement le déplacement forcé de la population civile de Gaza par Israël, en tant que crime de guerre et crime contre l’humanité . Ils devaient faire pression sur Israël pour que ce pays mette immédiatement un terme à ces crimes et se conforme aux nombreuses ordonnances contraignantes de la Cour internationale de justice (CIJ), et aux obligations énoncées dans son avis consultatif de juillet.
Le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) devrait enquêter sur le déplacement forcé et l’entrave au droit au retour par Israël, en tant que crime contre l’humanité. Les gouvernements étrangers devraient également condamner publiquement les efforts visant à intimider ou à entraver le travail de la Cour, ses responsables et ceux qui coopèrent avec cette juridiction.
Les gouvernements étrangers devraient imposer des sanctions ciblées et prendre d’autres mesures, y compris la révision d’accords bilatéraux avec Israël, pour pousser ce pays à respecter ses obligations internationales en matière de protection des civils.
Les États-Unis, l’Allemagne et d’autres pays devraient immédiatement suspendre leurs transferts d’armes et leur aide militaire à Israël. En continuant à livrer des armes à Israël, ils risquent de se rendre complices de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et d’autres graves violations des droits humains.
« Personne ne peut nier les atrocités que l’armée israélienne commet contre les Palestiniens de Gaza », a conclu Nadia Hardman. « La vente d’armes supplémentaires et la poursuite de l’aide à Israël par les États-Unis, l’Allemagne et d’autres pays sont un chèque en blanc pour commettre de nouvelles atrocités, et exposent de plus en plus ces pays à des accusations de complicité d’abus. »
*Source : Human Rights Watch
Source : France-Irak actualité
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