Photo : des manifestants de Jewish Voice for Peace protestent contre la guerre génocidaire d’Israël à Gaza dans l’immeuble du bureau de Cannon House le 23 juillet 2024, à Washington, D.C.

Par la rabbine Linda Holtzman. Première publication dans  Truthout.

Dans le judaïsme, les dix premiers jours de la nouvelle année – une période que nous observons cette semaine – sont un moment de réflexion engagée. En réfléchissant à cette année de mort et de destruction, je pense à toutes les vies qui ont été ôtées : 1 189 Israéliens ont été tués ou pris en otage et au moins 42 000 Palestiniens et probablement  bien plus encore  ont été tués. Chaque être humain tué au cours de l’année écoulée était le monde entier de quelqu’un d’autre.

Au lendemain des tragiques attentats du 7 octobre, de nombreuses personnes ont compris qu’il ne fallait pas laisser une tragédie en justifier une autre. En réponse aux appels à la mort et à la destruction lancés par les politiciens, les gens sont descendus dans la rue, sur leurs campus, dans leurs lieux saints et sur les réseaux sociaux pour réclamer un cessez-le-feu afin de défendre le caractère sacré de la vie. Ces actes de solidarité et de résistance sont ce qui me donne de l’espoir face au désespoir suscité par cet effroyable nombre de morts.

À son retour de la marche avec le révérend Martin Luther King Jr., le Rabbin Abraham Joshua Heschel a écrit : « Pour beaucoup d’entre nous, la marche de Selma à Montgomery était une marche de protestation et de prière. Les jambes ne sont pas des lèvres et marcher ne signifie pas s’agenouiller. Et pourtant, nos jambes chantaient. Même sans paroles, notre marche était une marche de célébration. J’avais l’impression que mes jambes priaient. » J’ai toujours été ému par la conviction du rabbin Heschel selon laquelle la protestation peut être un acte de prière, mais cette année, j’en ai fait l’expérience moi-même.

Le 23 juillet, 400 membres de Jewish Voice for Peace ont occupé pacifiquement le Capitole des États-Unis pour exiger que les États-Unis cessent de financer l’armée israélienne qui détruit des vies et des terres à Gaza. J’étais entouré de ma communauté, des centaines d’Américains juifs résolument engagés en faveur de la liberté et de la sécurité des Palestiniens. Nous rejetons la façon dont le gouvernement israélien a manipulé notre tradition sacrée pour justifier le massacre de Palestiniens.

Au coeur de la manifestation, j’ai eu l’honneur de conduire mes camarades manifestants dans la prière du Shema, la prière la plus sacrée du judaïsme, qui nous rappelle que nous sommes tous  ehad , que nous sommes tous un. Lorsque je récite le Shema, il me souvient que la sécurité juive est étroitement liée à la sécurité palestinienne, que personne n’est libre tant que nous ne sommes pas tous libres. J’ai lancé à ma communauté : « Lorsque nous récitons le Shema, nous déclarons que tous les peuples sont un. Aujourd’hui, nous le disons pour déclarer que nous sommes ici, parce que nous sommes un avec le peuple palestinien. » J’ai prononcé ces mots et 400 autres personnes se sont jointes à moi. En tant que rabbin et en tant que juive, j’ai récité cette prière d’innombrables fois, mais je n’oublierai jamais ce moment où j’ai ressenti non seulement notre chagrin collectif, mais aussi notre engagement collectif à lutter pour un monde de sécurité et de liberté pour tous.

Alors j’en étais au dernier mot de la prière, tandis que le son du Shema résonnait encore dans la rotonde, un policier m’a attrapée par les bras et m’a menottée, ajoutant mon nom aux dizaines de milliers d’autres personnes, cette année passée, dont des milliers de Juifs américains, qui ont été arrêtés pour avoir appelé le gouvernement des États-Unis à mettre fin à la destruction de Gaza par l’armée israélienne.

En cette période la plus sacrée du calendrier juif, je prie pour que nous puissions continuer à résister et à nous exprimer alors que nous voyons la population de Gaza bombardée, affamée et ensevelie sous les décombres. Nous devons continuer à nous exprimer car la mort n’a pas cessé.

Au moment où j’écris ces lignes, l’armée israélienne étend son offensive, envahit et bombarde brutalement le Liban, tuant des civils et rasant des quartiers entiers de Beyrouth. Au cours de l’année écoulée, l’armée israélienne a bombardé des écoles, des hôpitaux, des camps de réfugiés, des mosquées et d’innombrables maisons, ce qui ne peut être interprété que comme une atteinte brutale au droit international. En effet, la Cour internationale de justice a déclaré qu’il était plausible que l’armée israélienne commette un génocide à Gaza.

En tant que Juive, je comprends à quel point le crime de génocide aura des répercussions sur des générations. En tant que rabbin, je suis également horrifié epar la façon dont le gouvernement israélien exploite notre tradition sacrée pour justifier la brutalité de ses campagnes.

Nous concluons les grandes fêtes avec Yom Kippour, le Jour du Grand Pardon. En ce jour saint, nous réfléchissons à nos transgressions. Nous reconnaissons notre complicité dans nos méfaits et nos torts. Nous choisissons de ne pas nous détourner de tout ce qui doit être changé. Et nous nous engageons au tikkun olam , à réparer le monde. En notre nom, notre nom juif, les États-Unis continuent d’envoyer des milliards de dollars au gouvernement militaire israélien. C’est une trahison totale des valeurs juives.

La tradition juive enseigne que le pikouah nefesh, le sauvetage d’une âme, est le devoir le plus important de tout être humain. L’armée israélienne, financée par le gouvernement américain, détruit des vies entières chaque jour. C’est pourquoi, en cette semaine la plus sainte de l’année, la tradition juive m’incite à exiger que notre gouvernement cesse d’envoyer des armes à l’armée israélienne.

Traduction SF pour l’UJFP

Source : UJFP
https://ujfp.org/…