Par René Naba

Le dossier “Gaza, un an après”, en cinq volets est co-publié en partenariat avec l’Ecole Populaire de Philosophie et des Sciences sociales (Alger)

https://ecolepopulairedephilosophie.com/

https://www.madaniya.info/ consacre un dossier en deux volets à deux pays du Moyen Orient, aux antipodes l’un de l’autre dans la guerre israélienne de Gaza,

– La Turquie, qui dispose de la plus importante armée terrestre de l’Otan, réduite à un rôle de comparse du fait de sa duplicité .

-Le Yémen, le plus pauvre pays arabe, vainqueur d’une coalition pétro monarchique et désormais une équation incontournable du pouvoir décisionnaire régional du fait de son engagement actif dans la guerre anti-israélienne par solidarité avec les Palestiniens.


La duplicité de la Turquie dans la guerre de Gaza a réduit ce pays à un rôle de comparse

En six mois de conflit, 1.000 cargos turcs ont ravitaillé Israël durant la première phase de la guerre de Gaza

Curieux comportement que celui du président turc Recep Tayyip Erdogan, dont la duplicité ne trompe personne…sauf lui-même. A moins qu’il ne s’agisse tout bonnement de la schizophrénie.

Grand parrain du Hamas, lors de la guerre de destruction de la Syrie (2011-2022), le président turc a été le plus en pointe dans les discours véhéments contre l’Etat Hébreu, lors de la guerre de destruction de l’enclave palestinienne de Gaza,  mais au-delà des discours, la Turquie a été un des principaux ravitailleurs régionaux d’Israël dans sa guerre contre le mouvement islamiste palestinien, à l’automne 2023.

Le 24 octobre 2023, le président Recep Tayyip Erdogan prononçait un discours enflammé accusant le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu de «boucher de Gaza», à l’instar d’Ariel Sharon « le boucher de Beyrouth », promettant de poursuivre l’Etat Hébreu devant la justice internationale pour sa destruction de Gaza, annonçant même le démantèlement d’un réseau d’espion à la solde de l’Etat Hébreu, alors que, «dans le même temps», les cargos turcs ravitaillaient l’Etat Hébreu en pétrole, fer, acier, ciment et fils de fer barbelés, des matériaux indispensables pour l’industrie militaire israélienne.

Les trois premières semaines d’Octobre 2023, 318 cargos turcs, dont certains appartenant à des proches du président turc, avaient rallié le port de Haïfa, à l’occasion de la guerre Israël-Hamas, sans compter l’espace aérien turc mis à la disposition de l’aviation israélienne pour son entraînement, ainsi que la réactivation du Front Jabhat An Nosra, filiale d’Al Qaeda en Syrie, dans ses attaques contre les forces gouvernementales syriennes.  Parallèlement, la Turquie a ravitaillé Gaza, via l’Egypte, par 17 avions cargos et cinq bateaux, transportant 30.000 tonnes de produits alimentaires, dont 26.000 tonnes de farine. Mais le ravitaillement de l’enclave palestinienne est demeuré bloqué au poste frontière de Rafah, du fait du veto de son allié israélien.

Ainsi le ciment était acheminé vers Israël par la société ERIN, proche du président turc. Le 14 octobre, le cargo Hataya Roro, propriété d’Ibrahim Güler, membre dirigeant du Parti du président Erdogan «Le Parti de la Justice et du Développement (PJD)» a convoyé vers Haïfa du matériel de constructions et le 16 octobre, un avion-cargo assurant la liaison Istanbul-Tel Aviv appartenait à la compagnie « MNJ Airlines », proche du président Turc en a fait de même.

Alors que Gaza est privée d’électricité, coupée du Monde par la neutralisation de son réseau internet, la firme ZORLU (Istanbul) a continué à fournir de l’électricité aux agglomérations urbaines israéliennes, via trois stations de production du courant électrique dont elle assure la gestion en Israël.

Au mois de mars 2024, soit au 6eme mois du conflit, 1.000 cargos turcs, à raison de 9 cargos par jour, avaient ravitaillé Israël en pétrole, fruits, légumes et autres produits alimentaires ainsi que des fils de fer barbelés au point que M.  Fatih Erbakan, président du «Nouveau Parti de la Prospérité» a accusé le président turc de livrer des fils de fer barbelés à Israël en vue d’ «encercler l’enceinte de la Mosquée al Aqsa ».

Soucieux de ne pas perdre le juteux marché du golfe en irritant les pétromonarchies du Golfe, –notamment l’Arabie saoudite, Abou Dhabi et Bahreïn–, résolument hostiles à l’idée que les mouvements islamistes palestiniens enregistrent un succès à Gaza, d’une part, et, désireux de ne pas incommoder son allié de l’OTAN, les Etats Unis, d’autre part, la Turquie a voulu ainsi compenser la baisse de la production économique d’Israël du fait de la mobilisation de ses soldats, en le ravitaillant, sans craindre le risque d’afficher sa duplicité.

Signe des temps qui témoignent de l’extrême adaptabilité du président turc, M. Erdogan, alors premier ministre turc, avait fait sensation, en 2009, en quittant le Forum Économique de Davos en signe de protestation contre un discours du président israélien de l’époque Shimon Peres qui avait justifié -déjà- les bombardements israéliens sur Gaza.

Ankara a justifié ce trafic par la nécessité de ravitailler les Palestiniens vivant tant en Israël que dans les territoires palestiniens occupés, estimés à dix millions de personnes, et que ce ravitaillement passait obligatoirement par les ports israéliens. Un argument d’une indigence pitoyable.

Seul l’ancien premier ministre Ahmet Davutoğlu, ancien compagnon de route du président Erdogan et désormais un farouche opposant à la tête du «Parti du Futur» a prôné une rupture avec Israël, alors que les partis laïcs turcs affichaient leur soutien à Israël dans sa guerre génocidaire contre les Palestiniens de l’enclave de Gaza.

En fait, la Turquie caresse le projet de se voir confier «le jour d’après de la guerre de Gaza» la co-gestion de l’administration de l’enclave palestinienne en sa double qualité d’unique pays musulman membre de l’Otan, gouverné de surcroit par un régime néo-islamiste et proche du Qatar, parrain du Hamas.

Indice de son positionnement : Lorsque le Hamas a déclenché l’opération «déluge Al Aqsa», le 7 octobre, 2023, Ankara s’est empressée de demander aux dirigeants du mouvement islamiste palestinien de quitter le pays. La Turquie ne souhaitait pas se retrouver associée à l’attaque, cherchant ainsi à se positionner en tant que médiateur.

Disposant d’une marge de manœuvre limitée face à l’Egypte, dont il était soucieux de ne pas compromettre la normalisation des relations entre les deux pays, le président Erdogan, opportuniste en diable, a retiré la nationalité turque à une cinquantaine de cadres dirigeants des Frères Musulmans, d’origine égyptienne et réfugiés en Turquie, dont M. Mahmoud Hussein, un des principaux collaborateurs du chef suprême de la confrérie.

Présentée comme un geste de «bonne volonté» envers l’Egypte, cette mesure a été prise dans la foulée de la visite du président turc au Caire, le 14 février 2024, au terme d’une brouille de 11 ans.

La Turquie, base de recrutement d’agents israéliens

Israël utilise d’ailleurs divers stratagèmes pour recruter des espions en Turquie, avec pour objectif principal de surveiller des ressortissants palestiniens et du Moyen-Orient. Les officiers israéliens utilisent généralement des crypto-monnaies et la Hawala, une méthode informelle de transfert d’argent par l’intermédiaire de revendeurs tels que les bijouteries et les bureaux de change, pour dissimuler le point d’origine du paiement.

Israël a ainsi recruté avec succès un groupe de détectives privés en Turquie qui ont ciblé des personnes auxquelles s’intéressaient les renseignements israéliens en réalisant des collectes d’informations personnelles, des enquêtes, en prenant des images des cibles, en les surveillant et en plaçant des dispositifs GPS sur des véhicules.

Pour aller sur ce thème, cf ce lien

La duplicité turque éclaire le comportement du président Erdogan à l’égard de l’offre de son homologue iranien : A la veille de sa visite officielle à Ankara, le président iranien Ibrahim Raïssi a proposé à la Turquie de boycotter Israël, M. Erdogan a décliné l’offre entraînant l’annulation du déplacement du dirigeant iranien.

Ajournée à deux reprises, la visite du président iranien a finalement eu lieu en janvier 2024, alors que le parlement turc ratifiait le traité d’adhésion de la Suède à l’Otan et qu’Ankara était autorisé à participer aux manœuvres militaires de l’OTAN «Steadfast defender».

Ces manœuvres, parmi les plus importantes de l’Otan, se dérouleront pendant 5 mois, de fin janvier à Mai 2024, sur les territoires qui bordent l’Ukraine (Pologne, Pays Baltes et Allemagne) et verront la participation de 90.000 soldats, 50 navires de guerre, 80 chasseurs bombardiers, 133 chars, 535 transports de troupes notamment.

Indice supplémentaire du balancement – de la duplicité ? – de la Turquie, l’acceptation de l’admission de la Suède au sein de l’Otan et sa participation aux manœuvres du Pacte atlantique est intervenue alors qu’ Ankara participait à Astana aux pourparlers avec la Russie et l’Iran sur le règlement du contentieux syro turque dans le Nord Est de la Syrie.

Les détroits du Bosphore et des Dardanelles : Une «collaboration hostile» entre la Russie et la Turquie

Même balancement à propos des détroits du Bosphore et des Dardanelles : Depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, Ankara joue une partition délicate. Forte de son droit de contrôle des détroits du Bosphore et des Dardanelles, elle tient à l’écart ses alliés de l’OTAN et s’affirme face aux ambitions de Moscou. La Turquie et la Russie – se jaugent de part et d’autre de ses rives, dans un jeu ambigu et parfois brutal. Une sorte de « collaboration hostile » qui inquiète.

Cette artère maritime, parmi les plus fréquentées de la planète, est sous leur strict contrôle en vertu d’un traité international datant du siècle dernier, En temps de paix, un quart du commerce mondial des céréales transite par cette route. Cela n’est plus le cas. Les exportations de blé, d’orge, de maïs et d’huile de tournesol produits massivement par l’Ukraine et la Russie sont en chute libre, en raison du blocus naval imposé par Moscou pour la première, à cause des sanctions occidentales pour la seconde. Le transit des navires de commerce a en conséquence diminué : 35 146 passages via le Bosphore ont été enregistrés par la marine turque en 2022, contre 48 000 en moyenne avant le conflit.

L’arraisonnement du Mavi Marmara en 2010

Une ONG humanitaire musulmane turque, l’Insani Yardim Vakfi (IHH), la Fondation pour les droits de l’homme et la liberté et de secours humanitaires, qui opère dans plus de 100 pays, avait affrété ce navire pour se joindre à une flottille de navires exploités par des groupes d’activistes provenant de 37 pays différents avec l’intention d’affronter directement le blocus de Gaza. L’IHH a acquis le navire à un coût de 800 000 dollars.

Le 31 mai 2010, en route vers l’enclave, l’armée israélienne arraisonne le Mavi Marmara dans les eaux internationales. Un violent affrontement s’ensuivit faisant neuf tués parmi les militants turcs et dix blessés parmi les militaires israéliens. Il s’en est suivi une période de glaciation diplomatique entre Tel Aviv et Ankara. De courte durée, il est vrai, tant leur protecteur commun, les Etats Unis, ne pouvait tolérer la fragilisation du flanc méridional de l’OTAN.

En dépit de l’incident du Mavi Marmara, qui avait fait dix morts parmi les activistes pro-palestiniens, les relations israélo-turques n’avaient jamais cessé, particulièrement dans le domaine du renseignement.

La duplicité de la Turquie lors de la guerre de Syrie

Principal pourvoyeur de terroristes vers la Syrie lors de la séquence dite du «printemps arabe » (2011-2022), la Turquie a été «en même temps» le principal pourvoyeur de réfugiés vers l’Europe, érigé même, par moments, au rang de vigile de la forteresse Europe face à une nouvelle invasion barbare. Une prime en quelque sorte à la fourberie turque et une concession au populisme rampant de l’opinion d’un continent en crise systémique.

En contrepartie de son rôle de garde-frontière, le président Erdogan a obtenu même de l’Union européenne de considérables avantages à l’effet de consolider sa posture autocratique et liberticide : Une aide financière importante (environ 6 milliards d’euros d’ici à la fin 2018), une levée de l’obligation de visa pour les Turcs et une reprise des négociations d’adhésion à l’Union Européenne. Un satisfecit en dépit du fait que la Turquie continue d’occuper la partie nord de Chypre et que le sultan d’Ankara bafoue les libertés de la presse et la justice de son pays.

Pour mémoire, le contrecoup d’état d’Erdogan, en juillet 2015, a débouché sur le bilan suivant : 18. 000 personnes placées en détention, parmi elles, 9.677 officiellement arrêtées et attendent de passer en jugement et 50. 000 passeports confisqués. 66.000 employés du secteur public, dont 43. 000 dans l’enseignement, ont été limogés, une centaine d’établissements scolaires fermés et les médias durement muselés.

Enfin, 130 médias ont été interdits, 89 mandats d’arrêts émis contre des journalistes. 45 journaux, 16 chaînes de télévision, 3 agences de presse, 15 magazines, 23 stations de radio et 29 maisons d’édition fermés dans le pays.

L’arrivée de plus d’un million de migrants et de réfugiés en Europe a eu raison des grands principes. Cinq ans après le printemps arabe, l’Europe a payé ainsi le prix de sa démagogie et de son bellicisme, avec les attentats contre Charlie Hebdo, Bruxelles et le Bataclan.

Sur la relation ambiguë de la France avec la Turquie, cf, ce lien https://www.madaniya.info/2019/04/24/la-reconnaissance-par-la-france-du-genocide-armenien-un-acte-tardif-incomplet-et-quelque-peu-opportuniste/

Sur le rôle des “Loups gris”, les soldats d’Erdogan, en Europe, cf ce lien https://www.observatoireturquie.fr/guillaume-perrier-les-loups-gris-enquete-sur-les-soldats-derdogan-en-europe/

Le conflit du Haut Karabakh, nouveau point de jonction stratégique entre la Turquie et Israël

Le président Erdoğan avait laissé entendre, fin décembre 2020, qu’il envisageait de renouer avec Israël, en vue de sortir de son isolement diplomatique, alors que la Turquie se trouve en phase de délitement de ses relations avec l’Otan.

En concurrence directe avec la Russie tant en Syrie que dans le Caucase ; en concurrence avec l’Europe en Afrique ; En conflit frontal avec la France en Méditerranée au point que Paris a resserré son alliance avec Athènes en vue de contenir toute éventuelle poussée turque en Méditerranée orientale. Enfin, sur le plan interne, en rupture avec ses anciens compagnons de route.

Mais une éventuelle reprise des relations diplomatiques entre Israël et la Turquie, la principale puissance sunnite régionale, placerait les Frères Musulmans devant un véritable défi de leur crédibilité dans leur engagement dans la défense de la cause palestinienne en ce que la Turquie néo ottomane islamiste constitue le principal parrain de la confrérie, avec le Qatar.

Sans retard, Israël avait coupé court à toutes ses supputations en posant une condition dirimante à toute éventuelle réactivation des relations israélo-turques : la rupture des liens entre Ankara et le Hamas. Si une telle condition était satisfaite, elle pourrait saborder la crédibilité de diplomatie néo islamiste de la Turquie.

Contrairement à l’Égypte, qui a fait la paix avec Israël, après avoir mené 4 guerres contre l’État Hébreu, détruit la ligne de défense Bar Lev sur le Canal de Suez et récupérer le Sinaï, les pétromonarchies se sont, elles, acharnées à détruire la Syrie, sans jamais tiré le moindre coup de feu contre Israël, concentrant leur répression contre leurs propres peuples.

Il en a été de même de la Turquie, l’ancien allié stratégique d’Israël du temps de la guerre froide soviéto-américaine (1945-1990). La Turquie a reconnu Israël dès la proclamation unilatérale d’indépendance de l’État Hébreu en 1949.

L’imposture de «L’alliance des grandes démocraties du Moyen Orient»

L’alliance de l’unique pays musulman de l’OTAN avec Israël avait été présentée par les propagandistes occidentaux comme «l’alliance des grandes démocraties du Moyen Orient» pour masquer en fait l’alliance contre nature entre le premier état génocidaire du XX me siècle (Turquie-Arméniens) et les descendants du génocide hitlérien (Israël).  Et justifier une alliance de revers contre la Syrie, l’ultime pays du champ de bataille avec le Liban à ne pas souscrire à la «pax americana» sous égide israélienne dans la zone.

Israël a été un gros pourvoyeur d’armes à la Turquie, notamment lors de l’invasion turque du nord de Chypre et l’espace aérien turc a longtemps servi de terrain d’entraînement à l’aviation militaire israélienne.

Avant la rupture, Turkish Airways assurait 60 vols hebdomadaires à destination de Tel Aviv et le volume des échanges économiques s’est élevé à 10 milliards de dollars en 2019.

L’État hébreu dispose en outre d’un poste d’écoute en Turquie et les deux pays travaillent main dans la main pour espionner leur ennemi commun, la Syrie. La Turquie a parfois reçu l’assistance du Mossad dans sa bataille contre les Kurdes turcs. La livraison du matériel israélien portait essentiellement sur du matériel de renseignement, des missiles, de l’avionique ainsi que des chars et avions de pointe.

Par une curieuse ironie du sort, parmi les systèmes vendus à la Turquie figuraient des drones et technologies conçus par Israël Aerospace Industries (IAI), qui ont aidé Ankara à développer son propre secteur. Les drones turcs Bayraktar sont désormais utilisés sur les champs de bataille du Haut-Karabakh ainsi qu’en Irak, en Syrie et en Libye.

Certes, M. Erdogan n’a pas hésité à traiter Israël d’ «état voyou et criminel» et accordé son plein soutien au Hamas, au point que les Frères Musulmans considéraient la Turquie comme un exemple.

La donne a changé à l’automne 2020, avec la guerre du Haut Karabakh, la normalisation collective arabe avec Israël (Bahreïn, Émirats Arabes Unis, Maroc, Soudan) et l’arrivée de Joe Biden au pouvoir aux États Unis.

Le conflit du Haut Karabakh, nouveau point de jonction stratégique entre la Turquie et Israël

La Turquie et Israël ont opéré leur nouvelle jonction stratégique à l’occasion du conflit du Haut Karabakh où les deux pseudos démocrates du Moyen Orient se sont acharnés sur l’enclave arménienne en soutien du président Ilham Aliyev, un autocrate ayant accédé à la présidence de l’Azerbaïdjan par hérédité en digne successeur de son paternel autocrate.

Israël, qui se considère comme le rempart contre un nouvel Holocauste, refuse de reconnaître le génocide des Arméniens lors de la Première Guerre mondiale sous prétexte de ne pas contrarier la Turquie, au nom de la «centralité d’Israël».

À la recherche d’un nouveau marché pour ses armements militaires et d’un nouvel allié musulman dans la région, Israël est tombé sur l’Azerbaïdjan. Depuis 2010 en particulier, les deux pays ont formé une alliance stratégique, soutenue par les États-Unis, contre leur ennemi mutuel l’Iran. Ce volume s’est accru et est estimé aujourd’hui à 7 milliards de dollars.

Toutes les grandes entreprises de sécurité et militaires israéliennes tirent profit de la volonté de l’Azerbaïdjan de s’armer jusqu’aux dents.

La quasi-totalité des sociétés israéliennes qui produisent des drones, y compris les drones d’attaque ou les «drones suicide» qui s’autodétruisent, ont vendu leur matériel à l’armée azérie. Pour couvrir et équilibrer le coût en hausse des armements, Israël achète du pétrole à l’Azerbaïdjan.

Il n’est pas indifférent de noter au passage le silence tonitruant observé par le CCAF tant à propos de la guerre menée par l’Azerbaïdjan contre le Haut Karabakh, qu’au sujet de la coopération militaire israélo-turque. Fondé par Ara Toranian et Mourad Papazian, le Conseil de Coordination des Associations Arméniennes de France ambitionne de se poser en CRIF des Arméniens ;

Un clonage à l’identique et l’entreprise, une affaire de famille, en ce que Ara Toranian et Mourad Papazian sont deux cousins que tout devrait opposer au regard de leur parcours politique et de leur rivalité au sommet du CCAF, mais qui convergent pour garder le contrôle des ressources symboliques et le leadership de la communauté arménienne de France.

Ilham Aliyev, Monsieur Bons offices du rapprochement Israël- Turquie

La nouvelle convergence israélo-turque a été initiée par le Président Ilham Aliyev en vue de concilier ses deux alliés. Le président Erdogân cherche à atténuer les rigueurs de la politique occidentale à son égard, notamment avec l’arrivée au pouvoir de Joe Biden, connu pour son soutien aux Kurdes, en vue de neutraliser toute éventuelle instrumentalisation du dossier Fethullah Gûlen.

Cet Intellectuel musulman turc est l’inspirateur du mouvement Gülen, aussi appelé le mouvement Hizmet. Apatride vivant aux États Unis, il est accusé par M. Erdogan, dont il est le rival idéologique, d’avoir fomenté un coup d’État contre lui en 2015.

Par ce rapprochement avec Israël, le président turc espère compter sur le soutien du lobby juif en Europe et aux États Unis en vue de neutraliser les effets des sanctions économiques de l’Union européenne et des États Unis. Jusqu’en 1999, la Turquie a été le troisième pays bénéficiaire de l’aide militaire américaine après Israël et l’Égypte. Rien qu’en 1997 l’aide américaine à la Turquie en guerre contre les autonomistes kurdes a dépassé celle que ce pays a obtenue pendant la totalité de la période 1950-1983 de la guerre froide.

2001, «Les États-Unis entre hyper puissance et hyper hégémonie, le terrorisme, l’arme des puissants» Noam Chomsky-Le Monde Diplomatique Décembre 2001.

Au-delà, la normalisation israélo-turque devrait, dans l’esprit d’Ankara, favoriser une normalisation entre la Turquie et les pétromonarchies du Golfe, notamment l’Arabie saoudite auquel un vif contentieux oppose à propos de l’équarrissage du journaliste Jamal Khashoogi au consulat saoudien à Istanbul, en octobre 2018, ainsi que l’Égypte, en guerre larvée avec la Turquie depuis la destitution du président néo islamiste Mohamad Morsi .

Il n’est pas indifférent, là aussi, de noter à ce propos que la Turquie, habituellement en pointe dans la défense des Palestiniens, n’a pas pipé mot lors de la normalisation entre Israël et le Maroc, le «Président du Comité Al Qods». Un silence éloquent.

Signe de sa marginalisation dans l’affaire palestinienne, les négociations pour la libération des otages occidentaux et israéliens détenus par le Hamas ont impliqué le Qatar et l’Egypte, et non la Turquie. Disposant de la plus forte armée de terre de l’OTAN, la Turquie n’a jamais osé, parachuter, contrairement à la Jordanie, des vivres et des médicaments aux Palestiniens assiégés à Gaza.

A son apogée lors de la séquence dite du « printemps arabe » (2011-2022) avec le ralliement du mouvement islamiste palestinien Hamas à la coalition pétro monarchique anti syrienne,  –et aussi lors de la guerre d’Ukraine  (2022-2023) du fait de son positionnement stratégique avec le détroit des Dardanelles- unique route maritime entre la Méditerranée et la mer Noire et à ce titre véritable «nœud stratégique de l’Eurasie — la diplomatie néo ottomane du président turc est désormais à son périgée avec le ralliement du Hamas à l’axe de la résistance à l’hégémonie israélo-américaine dans la zone.

Sanction de ses jongleries diplomatiques: Au pouvoir depuis deux décennies, le président Turc a essuyé un revers historique lors des élections municipales du 31 Mars 2024, où l’opposition a remporté les deux grandes villes du pays, Ankara et Istanbul. Désarçonné par ce revers et soucieux de se remettre en selle, le président Erdogan a imposé des restrictions au commerce avec Israël, le 9 avril 2024, au lendemain de sa déroute électorale. Une décision qui est intervenue au 7ème mois du conflit.

Des restrictions purement formelles à en juger par les jongleries des statistiques  turques. M. Ibrahim Kahwagi, directeur du journal Turc Al Qarar,  a ainsi révélé que les échanges entre la Turquie et Israël ont certes officiellement été réduits,  formellement, mais qu’ils se sont poursuivis au même rythme, sous la rubrique Palestine.

En fait les autorités douanières turques falsifiaient les documents en mentionnant la destination Palestine pour les produits exportés vers Israël.

Dans une étude publiée par le quotidien libanais Al Akhbar, en date du 6 août 2024, M. Kahwagi soutient que les échanges turco-palestiniens  se sont élevés entre Octobre 2023 et Mai 2024 à 2, 6 millions de dollars par mois. Mais depuis la décision de restreindre les échanges avec l’État Hébreu, le commerce entre la Turquie et la Palestine a plus que décuplé en trois mois passant de 9 millions de dollars en mai 2024 à 119 millions de dollars en juillet 2024, soit 12 fois plus.

Pour le lectorat arabophone, cf ce lien à propos de  la jonglerie statistique turque pour masquer les échanges israélo-turques.

Toutefois, en dépit des tortuosités turques, cinq pays arabes ont compensé la prétendue sanction turque :  Le Maroc, dont les échanges avec Israël ont augmenté de 128 pour cent au cours de cette période, suivi de l’Egypte, de la Jordanie, des Emirats Arabes Unis et de Bahreïn.

La firme israélienne Blue Bird a annoncé la conclusion d’un accord avec le Maroc en vue de la construction au Royaume chérifien d’une usine de fabrication de Drone, selon les déclarations du président de la firme israélienne Ronen Nadir à la revue Rozana Military.

L’annonce de cet accord est intervenue fin avril 2024, alors que la guerre de Gaza est entrée dans son 7ème mois. De surcroît, le Maroc aurait passé commande de deux exemplaires du satellite Ofek 13, conçu par l’entreprise publique Israel Aerospace Industries (IAI). Évalué à 1 milliard de dollars (près de 920 millions d’euros), ce contrat de défense est présenté comme le plus important jamais signé par le Royaume chérifien avec l’Etat Hébreu.

En Février 2023, le Maroc et Israël ont signé un contrat de 500 millions de dollars pour doter le royaume d’un système sophistiqué de défense anti aérienne, comprenant des missiles Barak MX et Sky Hawk. Le Maroc dispose de 233 drones et se place au 3ème rang des pays africains équipés de cette arme.

Une double facture militaire consistante qui a conduit bon nombre de Marocains à considérer les emplettes du trône chérifien comme une “prime à l’agression israélienne contre l’aneantissement du peuple palestinien”.

Israël, qui a reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, projette de faire du Maroc sa porte d’entrée vers le Maghreb, au-delà vers l’Afrique sub-saharienne.

Pour le locuteur arabophone cf ce lien

A noter toutefois, la notable exception des trafiquants de drogue marocains qui ont décidé de s’abstenir de vendre de la drogue à leurs homologues israéliens en signe de protestation contre les massacres de Gaza, démontrant par là une forme singulière de patriotisme, aux antipodes des “normalisateurs” arabes.

La guerre destructrice israélienne de Gaza a réduit la Turquie à un rôle de comparse.  A l’instar de l’Egypte atteint d’un phénomène d’éléphantiasis en dépit de sa gesticulation diplomatique pour la libération des otages israéliens détenus par les mouvements palestiniens de Gaza ; A l’instar aussi et surtout du Maroc, dont le Roi est en titre le «Président du Comité Al Qods», mais néanmoins marginalisé par sa «normalisation  abrahamique».

Références

Pour le locuteur arabophone ; 318 cargos turcs ont ravitaillé Israël lors de la première phase de la guerre Israël Gaza

Pour le locuteur arabophone, cf ce lien : Mille cargos turcs ont déjà ravitaillé Israël depuis l’opération «déluge al Aqsa», le journal libanais Al Akhbar en date du 20 Mars 2024

Sur le rôle de la Turquie dans la guerre de Syrie

Sur le rôle de la France dans la guerre de Gaza

Sur le rôle de l’Occident dans la guerre de Gaza

A propos de la Turquie

Illustration

CNBC

Source : auteur
https://www.madaniya.info/…

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