Emmanuel Macron. D. R.

Par Mohsen Abdelmoumen

A la faveur du conflit militaire à Gaza du 7 octobre 2023, de la mort du jeune Thomas Perotto à Crépol le 19 novembre 2023, du vote sur la loi immigration du 26 janvier 2024 qui proposait de porter atteinte au droit du sol à l’Assemblée Nationale et surtout de la séquence des élections européennes du 9 juin 2024 puis des législatives anticipées du 30 juin – 7 juillet 2024 où l’on n’a pas hésité à parler de fin de la double nationalité, l’extrême-droite française et la droite réactionnaire ont pu poser de nouveaux jalons pour mettre en œuvre leur projet de société néocoloniale en France.

Ce projet de société néocoloniale consiste à mettre la vie des immigrés musulmans et des Français issus de l’immigration sous contrôle administratif, policier et judiciaire permanent, couplé à une forte « remigration » des « indésirables » vers le pays de leurs « origines », y compris, à terme, les Français binationaux rendus « expulsables ».

La société néocoloniale à venir est le fruit d’un plan de « dé »-diabolisation de l’extrême-droite au sein des élites françaises, couplée à une stratégie concomitante de diabolisation des musulmans, maghrébins et algériens en particulier (immigrés ou Français), décliné au cours des 40 dernières années.

Quatre groupes portent ce projet : un premier groupe, politique, composé d’une alliance entre les partis d’extrême droite et de droite réactionnaire. C’est le fer de lance idéologique et politique de ce projet raciste et néocolonial en France. Le second groupe, étatico-administratif, est une fraction de plus en plus importante de l’Establishment qui apporte son soutien à ce projet ; paradoxalement, il s’agit du même Establishment que celui que fustigeait Jean-Marie Le Pen il y a quarante ans et qui s’est progressivement « Le Pénisé ». Le troisième groupe représente les forces de l’argent : il est constitué de milliardaires très engagés à droite et profondément anti-musulmans comme Vincent Bolloré, Patrick Drahi ou le nouveau venu Pierre-Edouard Stérin ; ces milliardaires essaient de rallier le reste de l’oligarchie à ce projet néocolonial comme au bon vieux temps des colonies. Le quatrième groupe est constitué de soutiens étrangers, principalement anglo-américains et israéliens, qui trouvent un intérêt, par idéologie ou par calcul politique cynique, à ce modèle de gouvernance pour la France.

Quelques années nous séparent de la prise de pouvoir de cette coalition, soit par les urnes lors des prochaines élections présidentielles de 2027, soit en provoquant la démission avant terme du Président Macron, à la faveur d’une énième crise savamment hystérisée. La Cinquième République chutera alors comme la Quatrième, avec l’orchestration de l’arrivée au pouvoir comme une évidence d’une femme ou d’un homme providentiel porté à bout de bras par cette coalition, un peu comme l’arrivée de de Gaulle au pouvoir en 1958 au cours de la guerre d’Algérie. Comme en 1958, il s’agira des mêmes cercles conservateurs et d’extrême-droite et des mêmes arguments de sauvegarde de la souveraineté nationale et de retour à l’ordre qui seront invoqués pour ce coup d’Etat soft qui mettra fin à une Cinquième République présentée comme « ingouvernable », dysfonctionnelle et incapable de faire face à la gravité de la situation.

I. Les quatre promoteurs de la future société néocoloniale en France

L’alliance politique d’extrême-droite travaille la population à accepter le projet de société néocoloniale

La future grande coalition de droite extrême qui prendra le pouvoir reposera sur quatre composantes : une matrice, le Rassemblement National, et les partis ou fractions de partis qui le rejoindront à terme: le courant de droite dure des Républicains avec Eric Ciotti comme figure de proue, qui a déjà annoncé la couleur en créant un nouveau parti au nom très explicite l’UDR (Union des Droites pour la République, ultime pied de nez à de Gaulle) et qui a pour ambition de préparer la fusion du gros des troupes des partis aux 4 R, Rassemblement – Reconquête – Renaissance – Républicains.

Reconquête d’Éric Zemmour, positionné également à l’extrême-droite et qui ne parle que d’immigration et d’Islam est bien évidemment le second parti qui rejoindra cette coalition. Initialement sensé jouer le rôle de catalyseur de l’union des droites, Eric Zemmour a dû céder la main à Eric Ciotti par manque de savoir-faire politique et du fait de sa personnalité clivante.

Enfin, les trois courants de la droite dure au sein de l’ancienne coalition d’Emmanuel Macron en voie d’éclatement, rejoindront la coalition de droite extrême le moment venu : le courant catholique intégriste incarné par Philippe de Villiers, plus ou moins retiré de la politique mais encore influent par ses idées et ses prises de positions, la frange sécuritaire du parti présidentiel Renaissance menée par Gérald Darmanin, représentant de l’Establishment sécuritaire en politique, placé en embuscade pour récupérer le parti d’Emmanuel Macron, et le parti Horizons mené par un autre représentant de l’Establishment, plus technocratique, Edouard Philippe, qui participeront à la coalition sans états d’âme.

Plus encore que leur souverainisme affiché ou leur goût pour un pouvoir fort, la base de la convergence de ces courants est la détestation des Musulmans, des Arabes, et des Algériens en particulier. Ils endosseront tous le projet de société néocoloniale sans grands états d’âme le moment venu.

Le Rassemblement National, issu du Front National, est le socle électoral de l’alliance

Le cœur historique et le réservoir de soutiens populaires de cette coalition politique anti-immigrée, anti-musulmane et anti-algérienne en particulier est constitué du Rassemblement National, issu du Front National originel de Jean-Marie Le Pen.

Rappelons que les courants politiques d’extrême-droite racistes se sont regroupés au sein du Front National dans les années 70 par refus politique et idéologique de la perte de l’Algérie et celle de l’Empire qui a suivi (fascistes de droite, lobbies pieds-noirs, militaires d’extrême-droite, souvent catholiques intégristes, anti-musulmans et profondément colonialistes).  Ils ont « logiquement » transféré leur haine sur l’émigration musulmane, arabe et algérienne immédiatement après la fin de la guerre d’Algérie, traités comme des bouc-émissaires de la perte du « paradis perdu », de celle de leur statut supérieur à l’époque coloniale et de tous les maux en France.

Leur détestation de l’immigration s’est accrue dans le courant des années 70 du fait de la crise économique extrêmement violente qui a mis fin à la croissance des Trente glorieuses. A leur décharge, cette crise économique aurait dû conduire à un ralentissement beaucoup plus significatif de l’émigration, voire un à un retour volontariste des travailleurs émigrés dans leurs pays d’origine faute de travail en France, comme cela fut organisé dans les années Trente pour l’émigration espagnole et italienne, avec des méthodes moins brutales que celles de cette époque troublée bien entendu (méthodes que nous risquons de voir remises à l’honneur dans les années à venir malheureusement).

Mais ce ralentissement de l’émigration a été rejetée par le patronat français, tout comme par ses pairs en Europe : malgré l’arrêt des accords inter-étatiques encadrant l’émigration légale avec les pays du Maghreb et d’Afrique, la poursuite d’un régime d’émigration relativement laxiste en période de grande crise a permis au patronat d’affaiblir significativement le pouvoir de négociation des travailleurs et des syndicats, premier coup de boutoir, avant bien d’autres, au magnifique Etat-providence européen des Trente Glorieuses. Lentement, les idées minoritaires du Front National ont commencé à se répandre, notamment au sein de la classe ouvrière française.

En 1976, l’adoption à contre-temps du regroupement familial imposant une vague d’immigration de peuplement en pleine période de crise économique fait franchir un nouveau palier au racisme et au rejet des populations émigrées. Piloté par la Commission européenne, organe supranational technocratique et sans légitimité démocratique, se substituant aux Etats et procédant par des oukases sans consultation des citoyens européens, le regroupement familial hâtif transforme brutalement et négativement les banlieues et la périphérie des grandes villes. Le développement de la délinquance et des incivilités, dans un quotidien devenu plus difficile pour les citoyens français « de souche » confrontés par ailleurs à un quotidien plus difficile du fait de la crise économique vont faire le lit de la montée inexorable du Front National, en parallèle d’opérations savantes que nous aborderons plus loin visant à créer un fossé irrémédiable entre les Français dits de souche et les populations d’origine immigrée des anciennes colonies. 

Si des considérations généreuses et humanistes portées par des personnalités sincères ont été invoquées à l’époque en Europe pour justifier le regroupement familial comme un devoir « moral », celui-ci répondait également à des considérations plus politiques : certains soutenaient le regroupement familial pour des considérations démographiques, pour faire pièce à la dénatalité européenne. D’autres le faisaient pour des motivations idéologiques. En effet, le regroupement familial de populations émigrées venant de pays ethniquement et culturellement non européens s’inscrit dans la vision d’Open Society théorisée par Karl Popper (et de son disciple milliardaire Georges Soros qui en est aujourd’hui la figure de proue). Ce projet d’Open Society consiste à transformer les sociétés homogènes ethniquement et culturellement, qui représentent le socle des Etats-nations dits westphalien (un territoire aux frontières bien délimitées, avec un groupe de population ethniquement homogène, où une nation homogène ethno-culturellement peut se constituer politiquement en Etat cohérent et homogène), par des sociétés multi-ethniques et multiculturelles cohabitant sur un même territoire, dont l’archétype vanté par Karl Popper est la société impériale britannique, conçue comme le modèle idéal de société. En filigrane, Karl Popper, grand serviteur de l’Empire britannique, se fait le chantre de la généralisation d’un modèle de sociétés oligarchiques, dominées par des élites compradores enrichies par la banque et le commerce, sans grande cohésion sociale, et clientes (au sens romain du terme) de l’Empire britannique (devenu depuis l’« Empire anglo-américain ») et de son élite.

Depuis 1980, le Front national, avec un discours inchangé, a poursuivi sa progression spectaculaire en profitant du déclin du Parti communiste puis de sa quasi disparition dix ans après la chute du mur de Berlin et de la faillite politique et morale des partis de gouvernement (Parti socialiste et droite républicaine) compromis dans des politiques néo-libérales, qui ont provoqué la désaffection de franges de plus en plus importantes de la population. Le passage de témoin de Jean-Marie Le Pen à sa fille Marine Le Pen à la tête du Front National (devenu le Rassemblement national) a rendu le parti plus présentable, notamment parce que celle-ci a réussi à contrôler l’expression des pulsions antisémites au sein de son parti, contrairement à son père. En parallèle, elle a conservé le cœur de réacteur idéologique du parti, c’est-à-dire la haine raciale et l’hubris suprémaciste (c’est-à-dire colonialiste dans le cas de la France) à l’égard des populations issues de l’immigration musulmane, maghrébine et algérienne.

Le parti Reconquête d’Eric Zemmour, succès idéologique mais échec politique

Eric Zemmour, qui se voit un peu comme le D’Annunzio de notre époque troublée, un intellectuel qui fait l’Histoire, déploie un grand talent et une grande duplicité : il se présente comme un vrai patriote et défenseur du souverainisme et du gaullisme français alors qu’il est avant tout un sayanim sioniste défendant les intérêts d’Israël, comme il n’arrive heureusement plus à le dissimuler depuis l’attaque d’Israel par le Hamas du 7 octobre dernier. Il exalte la « culture catholique » de la France qu’il prétend avoir embrassée, alors qu’il demeure attaché aux rites du Talmud. De même, sa nouvelle compagne se présente comme « juive de culture française » à qui « Charles Péguy parle plus que la Torah » Plus c’est gros, plus ça passe !

Aussi, Eric Zemmour se présente comme un défenseur de la France d’en bas contre le système alors que son projet est financé et supporté par des milliardaires dans un pacte faustien bien compris : Vincent Bolloré l’a employé sur CNews où une tribune quotidienne lui était ouverte avant la campagne présidentielle, il finance son parti (et a financé sa campagne présidentielle) et paye même ses frais de justice lorsque l’ARCOM et la justice se réveillent de leur longue sieste. Le programme de sa campagne présidentielle avait été préparé par un associé détaché de Rothschild, juif également, et sa directrice de campagne, devenue sa compagne, est énarque pur jus. Le défenseur de la France d’en bas Eric Zemmour ne mord pas la main qui le nourrit.

Eric Zemmour a été l’une des pièces maîtresses du projet de conquête du pouvoir par la droite extrême via une bataille idéologique en direction de l’opinion publique, jusqu’à la convergence politique de toutes les droites. Finalement, il n’aura réussi que dans les premières phases de son mandat.

Il a d’abord servi à détourner l’attention de l’opinion publique et des classes populaires du rôle des milliardaires et du jeu trouble des sionistes dans le délitement de la république et de la nation françaises en diabolisant les Musulmans, les Maghrébins et les Algériens en particulier, dans une surenchère raciste inédite depuis les années 30.

Il a ensuite grandement participé à créer une ambiance irrespirable en France en annonçant une guerre civile inévitable et imminente en France entre les Français de souche catholique et les Musulmans.

Il s’est posé en idéologue en chef du projet de société néocoloniale, voire crypto-israélienne dans son cas, comme seul remède à même de sauver la France de la guerre civile.et a fait progresser l’idée de la « remigration » comme solution pour y échapper, jubilant à l’avance en bon fils revanchard de juifs pieds-noirs de pouvoir faire vivre aux Maghrébins et aux Algériens en particulier un « exode des pieds-noirs » à l’envers. Le nom de son parti, Reconquête, clairement inspiré de la Reconquista espagnole, est un clin d’œil à son objectif de contribuer à l’exode massif des Musulmans et des Maghrébins de France, la fameuse « remigration », qu’il rêve d’étendre à toute l’Europe.

Enfin, il s’est fait le chantre de la fusion de toutes les droites autoritaires pour mettre en place la société néocoloniale ou crypto-israélienne en rêvant que son parti devienne le « trait d’union » entre l’extrême-droite, les Républicains et les courants de droite soutenant aujourd’hui Emmanuel Macron mais qui s’ouvriront à de nouvelles alliances avec la fin du second mandat de celui-ci. C’est là son seul échec, acté au niveau de ses mentors puisqu’il semble que ce rôle soit désormais dévolu à un vrai « politique », Eric Ciotti.

Les courants de droite dure au sein des Républicains et de la coalition présidentielle se préparent à rejoindre la future coalition d’extrême-droite

Au sein des Républicains, Eric Ciotti a déjà emmené les 30 premiers dissidents de la droite raciste crypto-OAS du Sud-Est de la France, marquée idéologiquement par leur électorat pied-noir revanchard et haineux à l’égard des Maghrébins et des Algériens en particulier, dans une coalition avec le Rassemblement National au cours de la séquence des élections européennes puis des législatives de 2024, croyant que le moment était déjà arrivé. Mais il s’est heurté à la résistance du gros de l’appareil du parti des Républicains.

Ce n’est vraisemblablement que partie remise avant que le courant des racistes en col blanc qui travaille à faire basculer le centre de gravité des Républicains vers l’extrême-droite, emmené par Bruno Retailleau, ne rejoigne la coalition des droites, au sein du nouveau parti UDR ou un autre appareil, au cours des prochaines années.

Au sein de la coalition présidentielle, deux courants attendent leur heure : le premier courant est constitué des faux-nez centristes de l’extrême-droite catholique intégriste, vent debout contre l’Islam, héritiersde l’organisation Occident des années 70. Certes, les Gérard Longuet, Alain Madelin, François Léotard ont disparu depuis longtemps du paysage politique, mais Philippe de Villiers revient sporadiquement sur le devant de la scène pour continuer à diffuser son racisme enrobé de vernis historique et ses procès d’intention permanents à l’égard des musulmans et pour faire le lien avec l’oligarchie administrative et militaire le moment venu, notamment via son frère Pierre de Villiers, ancien chef d’Etat-major. Il puise ses éléments de langage aux mêmes sources que son ami Eric Zemmour avec une méconnaissance toute aussi abyssale du sujet : plan d’invasion volontaire de l’Europe par la pression démographique des Maghrébins et des Musulmans comme au 8ème siècle, volonté de transformer les Européens de souche en dhimmis, Islam religion fasciste, Musulmans = islamistes duplices pratiquant la taqiya = ennemis de la nation française = terroristes en puissance, et autres thèses grotesques.

Le second courant de la coalition présidentielle est constitué de la droite dite républicaine qui reprend les thèses et les propositions de l’extrême-droite tout en prétendant la combattre. Ce courant est l’objet d’une dispute entre Gérald Darmanin et Edouard Philippe qui croient à leur destin présidentiel après le mandat d’Emmanuel Macron et se rallieront à la coalition de droite dure ou feront sa politique le moment venu.

II.  L’Establishment français revient à son tropisme colonial et dérive vers la droite extrême

1. L’autoritarisme et le néocolonialisme, maladies congénitales de l’Establishment français

Aujourd’hui, comme à plusieurs reprises dans l’Histoire troublée de la République française, une majorité des états-majors de l’armée, des forces de sécurité (police et gendarmerie), des services secrets et certainement de la diplomatie, ce que l’on appelle l’Establishment, ont basculé dans un projet de société autoritaire, cette fois-ci une organisation néocolonialiste en France même.

A cet égard, l’Establishment ne fait que revenir à son habitus colonialiste, pleinement assumé de 1830 aux Indépendances des colonies dans les années 1950- 1960, puis poursuivi de manière plus déguisée après les Indépendances jusqu’à aujourd’hui via sa politique néocoloniale en Afrique. Simplement, il compte installer ce type de sociétés en France même, selon le plan détaillé plus loin.

Rappelons tout d’abord qu’à côté de la tradition républicaine avec sa devise Liberté, Egalité, Fraternité sur le territoire français, la France a pratiqué l’inverse dans son Empire colonial durant plus de 130 ans.

Dans les colonies, l‘Establishment administratif, policier, militaire voire enseignant a collaboré étroitement pour maintenir une domination raciste et brutale sur les populations indigènes. Et la communauté des « colons » français, comme leur nom l’indique, participait activement au système colonial d’inégalités entre le citoyen français et l’« indigène ». Ce système soumettait les communautés et les individus du pays aux meurtres, aux brutalités impunies, aux expropriations, aux confiscations de terres et de richesses, aux sanctions administratives individuelles et collectives, c’est-à-dire que les fonctionnaires français ou leurs auxiliaires locaux pouvaient décider de sanctions selon un régime préétabli de règles ne s’appliquant qu’aux indigènes sans intervention d’aucune forme d’autorité judiciaire (comme l’infâme Code de l’indigénat, mis en place dans tout l’Empire et aboli en Algérie en 1937 uniquement, qui allait même jusqu’à exiger une autorisation administrative pour se rendre d’une ville à une autre), ainsi qu’un tissu d’inégalités sournoises écrites ou non écrites dans l’accès à l’éducation, à la nourriture, notamment en tant de guerre, aux crédits bancaires, à l’impôt, à la propriété, à la santé, aux postes administratifs, à la représentation politique, etc….

Dans les villes modernes, la ségrégation spatiale entre quartiers « européens » modernes et bien entretenus et bidonvilles « indigènes » insalubres était systématique. Seule une petite minorité d’indigènes, intégrée socialement, économiquement et culturellement à la société européenne moderne pouvait vivre décemment et accéder aux services publics, les fameux « bienfaits de la colonisation ».

C’est dans cette société coloniale, idéal-type de société capitaliste comme l’a décrit Hannah Arendt, que l’Establishment français s’est le plus épanoui avec une pyramide sociale dominée par une poignée de milliardaires et de gros possédants tenant directement les leviers économiques notamment pour s’accaparer directement des ressources naturelles (agriculture et mines), des finances (banques, subventions et contrats publics) et des grosses infrastructures en concession (lignes de chemin de fer, ports) et, indirectement, des leviers politiques en corrompant et contrôlant une classe politique croupion pour assurer la permanence des lois et du système répressif qui le soutenait, et d’une classe de Français « petits blancs » disposant d’un statut « privilégié » via la domination du lumpen prolétariat indigène taillable et corvéable à merci. En France même, l’Establishment était profondément imprégné de préjugés colonialistes. Même si le régime des « colonisés » était meilleur en métropole que celui de leur propre pays, les immigrés n’en étaient pas moins soumis, jusqu’aux Indépendances, à un contrôle administratif et policier strict, au racisme décomplexé et à de nombreuses discriminations, notamment une quasi ségrégation géographique et sociale avec la population française métropolitaine.

Rappelons aussi que durant toute la guerre d’Algérie, de 1954 à 1962, la police, la gendarmerie, l’armée et tout l’appareil administratif en métropole ont été fortement mobilisés pour surveiller et réprimer les Algériens, avec un régime spécial de couvre-feux et d’arrestations administratives, accompagnées d’emprisonnements, d’assassinats et de disparitions, certes moins nombreux qu’en Algérie. Ce régime de privations de libertés a culminé avec le massacre de 130 manifestants le 17 octobre 1961 à Paris ordonné par le préfet Maurice Papon, qui a transposé à la capitale la répression qu’il avait appliquée en août 1955 en Algérie, dans le Constantinois et à Skikda en particulier. La pratique de l’Establishment vis-à-vis des immigrés était donc en tous points similaire à celle réclamée par l’extrême-droite d’aujourd’hui. En parallèle, durant ces mêmes guerres de décolonisation, les Français des colonies se sont aussi massivement enrôlés dans des milices encadrées par l’armée, notamment en Algérie, portant la haine des indigènes à un niveau « viscéral » et faisant le lit de leur basculement dans l’OAS fanatisé puis leur soutien invariant du Front National et de l’extrême-droite depuis l’indépendance de l’Algérie et la décolonisation.

2. Après une coupure à la fin de la guerre d’Algérie, l’Establishment se rapproche progressivement de la droite extrême

– La fracture à la fin de la guerre d’Algérie apparaît, a posteriori, comme un accident de l’Histoire

L’adhésion de de Gaulle, pourtant farouche partisan de l’Empire jusque-là, à l’indépendance algérienne en 1961-1962 déchire l’Establishment et l’échiquier politique de droite en deux clans : d’un côté les loyalistes à de Gaulle, qui formeront les « Gaullistes », de l’autre les militaires de carrière et les pieds-noirs « ultras » enrôlés dans l’OAS, qui refusent cette indépendance et, plus généralement, le « bradage » de l’Empire, au nom d’une certaine « idée » de la France. Ce schisme est même allé jusqu’à une lutte de l’Etat français officiel et du SAC (service d’action civique) plus clandestin pour purger l’Establishment de la fraction des ultras via des procès ou des éliminations.

Les loyalistes soutiennent le projet politique de de Gaulle, souverainiste en France métropolitaine vis-à-vis de l’Empire anglo-américain, et néo-colonialiste en Afrique via la mise en place de la Françafrique. La fraction de l’Establishment enrôlée dans l’OAS qui finit par abandonner la lutte armée contre de Gaulle formera le socle du Front national et de la nouvelle extrême-droite, en s’agglomérant aux anciens courants royalistes ou poujadistes.

– Un retour de balancier de l’Establishment français vers l’extrême-droite et le colonialisme au cours des 60 dernières années

a) Sous de Gaulle et Pompidou, l’orientation coloniale de l’Establishment s’affaiblit quelque peu sur le territoire français, tout en se maintenant dans la « Françafrique »

Après l’indépendance de l’Algérie, un relâchement de la surveillance généralisée et du confinement des immigrés, notamment des Algériens, a bien eu lieu en territoire métropolitain, avec une exception notable et paradoxale : les harkis et leurs familles, « accueillis » en métropole, ont subi un régime d’enfermement et de contrôle dans des camps de regroupements dans des conditions de logement insalubres, interdits de circuler et de travailler, avec une éducation a minima des enfants,  des allocations de misère et la surveillance constante de matons pieds-noirs revanchards bien décidés à se venger de la perte de l’Algérie coloniale contre ces « bougnoules ». Il s’agissait de transposer en France les « camps de regroupement » d’Algérie où jusqu’à 2,5 millions d’Algériens des régions rurales étaient enfermés dans des conditions de vie infrahumaines de 1958 à 1962. Michel Rocard, alors frais émoulu de l’ENA, n’a pas hésité à qualifier ces camps de regroupement de « camps de concentration » dans un rapport célèbre. De son côté, Jean-Pierre Chevènement a qualifié les SAS (Sections Administratives Spécialisées), chargées de la surveillance policière, militaire et administrative constante de ces camps, de « bureaux arabes » modernes (du nom des postes militaires installés par l’armée française au Maghreb au XIXe siècle pour surveiller étroitement les populations) dans son livre « Le courage de décider » où il relate son expérience dans l’un d’entre eux.

Par contre, de Gaulle, ne renonçant pas totalement à son long passé colonialiste, redéploie l’Establishment français des colonies (l’appareil militaire, diplomatique et économique colonial de l’Etat français) dans une politique de néocolonialisme en Afrique immédiatement après les indépendances. Bien que dissimulée sous la fameuse et fumeuse « Indépendance dans l’interdépendance avec la France», cette politique néo-colonialiste vise à perpétuer l’exploitation et le contrôle des anciennes colonies après leur Indépendance, en leur déniant les attributs de la souveraineté réelle de Jean Bodin, qui restent implacablement entre les mains de l’ex-métropole : la monnaie, la Constitution et la rédaction des lois, le choix des dirigeants, quasi systématiquement puisés dans le réservoir des ex-adjudants formés par l’armée française, la diplomatie favorable aux positions françaises et surtout l’armée formée et contrôlée par la France et l’exploitation des ressources naturelles, base de leur économie. Ironie de l’Histoire, c’est un peu la situation de la France vis-à-vis de l’Union européenne et de l’OTAN aujourd’hui.

L’Establishment de la Françafrique permet également, habilement, de recycler au service de la France de nombreux ultras d’Algérie en leur donnant une seconde chance, tout en les maintenant à l’étranger. De Gaulle place ses fidèles Bob Denard et Jacques Foccart, déjà actifs dans la Main rouge, le bras armé terroriste de l’Etat français créé par le premier ministre Michel Debré durant la guerre d’Algérie, à la tête des unités paramilitaires qui fomentent des coups d’Etat en Afrique pour briser les velléités d’indépendance réelle sur le continent et asseoir la Françafrique. Denard et Foccart embarquent leurs troupes dans une nouvelle mystique coloniale et remplissent le vide symbolique laissé par les généraux putschistes de l’OAS auprès de ses irréductibles colonialistes.

Au final, les périodes gaullienne et pompidolienne offrent un visage contrasté : l’Establishment rejette politiquement son extrême-droite du « champ républicain » en France « métropolitaine », tandis qu’il recycle cette même extrême-droite dans ses nouvelles menées coloniales du front occidental en Afrique contre les souverainistes, notamment au Congo Kinshasa et au Biafra, tout en menant une diplomatie plus équilibrée au Moyen-Orient. Seuls les meneurs du putsch de l’OAS qui se sont attaqués au chef de l’Etat font l’objet de poursuites judiciaires, sont traqués et dégradés de l’armée et doivent se réfugier à l’étranger.

b) Valéry Giscard d’Estaing effectue le premier rapprochement avec l’extrême-droite au sein de l’armée et approfondit la politique néocoloniale à l’étranger

Valery Giscard d’Estaing, petit neveu de François Georges-Picot (celui des accords Sykes-Picot de 1917 ayant conduit au partage du Moyen-Orient entre la France et l’Angleterre), pro-Algérie française et pro-OAS durant la guerre d’Algérie fait cesser les poursuites contre les membres de l’ancien Etat-major de l’OAS qui peuvent rentrer en France. Mais il ne va pas jusqu’à les réhabiliter dans leur grade au sein de l’armée.

Sans surprise compte tenu de ses convictions très atlantistes, Valéry Giscard d’Estaing va bien plus loin que de Gaulle dans l’approfondissement de l’intégration européenne et dans la collaboration tous azimuts avec l’Establishment américain dans la déstabilisation des Etats progressistes d’Afrique ou la participation de la France à la répression extrême des mouvements progressistes en Amérique latine. 

En Afrique, Valéry Giscard d’Estaing engage la France dans une coordination des états-majors militaires et des services secrets au sein du Safari Club (avec les Etats-Unis, le Royaume-Uni, Israël, l’Afrique du Sud, le Kenya et le Maroc) pour mener des actions de déstabilisation des gouvernements progressistes au nom de la lutte contre la « subversion soviétique ». Cette coordination se fait d’ailleurs sous l’égide de l’ex-Directeur de la DGSE Alexandre de Marenches.

Valéry Giscard d’Estaing envoie également tous les spécialistes de la guerre contre-révolutionnaire français, souvent anciens de l’OAS (Massu, Salan, Aussaresses, Léger et le théoricien de la contre-insurrection, David Galula), en Amérique latine à la demande des Etats-Unis. Ils y assurent la formation des états-majors militaires et policiers des pays d’Amérique latine dans la fameuse Ecole des Amériques en enseignant les « meilleures » techniques développées au cours de la Guerre d’Algérie : tortures, enfermements et liquidations de masse dans les stades et disparitions, notamment les lâchages de nuit de corps vivants ou morts dans les océans par les hélicoptères et les avions (technique dite de la « crevette Bigeard »). Ces techniques génocidaires sont appliquées au Chili, en Argentine, au Brésil, en Bolivie, au Mexique et en Amérique centrale tout au long des années 70 et au début des années 80.

c) Mitterrand réintègre les anciens militaires de l’OAS au sein de l’armée et favorise l’extrême-droite contre la droite républicaine et gaulliste en France

Membre de l’Establishment, grand partisan de la colonisation et de l’Empire, notamment après son passage au Ministère de l’Intérieur et de la Justice sous la Quatrième république, ayant envoyé des dizaines de condamnés du FLN à la guillotine comme des prisonniers de droit commun au cours de la bataille d’Alger, Mitterrand s’empresse de réintégrer les anciens de l’OAS dans leur grade au sein de l’armée et enclenche l’indemnisation des pieds-noirs dès son arrivée au pouvoir en 1981 (une mesure qui figurait déjà dans son programme présidentiel de 1965).

En tant qu’ancien concepteur de l’Union franco-africaine durant la Quatrième république, antichambre de la future Françafrique, il poursuit également la même politique néocoloniale en Afrique que ses prédécesseurs, sans états d’âme, avec une série de putschs dont le plus marquant se solde par l’assassinat de Thomas Sankara en 1987 au Burkina Faso.

En France, il lève l’embargo télévisuel, anti-démocratique, il faut bien le dire, que subissait Jean-Marie Le Pen et introduit une dose de proportionnelle lors des élections européennes de 1985 pour affaiblir la droite républicaine. Le Front national franchit un palier électoral dont il n’est jamais redescendu depuis lors.

La double présidence de Jacques Chirac se place dans la continuité de la politique néocoloniale française en Afrique, avec un visage plus humain. Elle est néanmoins marquée par l’adoption de deux lois controversées contre les immigrés et les musulmans : la loi d’interdiction du foulard dans l’espace public en 2004, notamment à l’école, et la loi sur les bienfaits de la colonisation, anticonstitutionnelle dans son essence, en 2005.

– La destruction des dernières digues entre l’Establishment et l’extrême droite par Nicolas Sarkozy puis ses successeurs avec l’adhésion à un projet néo-conservateur « à la Française »

a) Le tournant néoconservateur imprimé à l’Establishment par Nicolas Sarkozy

Nicolas Sarkozy met en place un projet néo-conservateur français qui fait sauter les derniers verrous de l’Establishment contre l’extrême droite. En effet, Nicolas Sarkozy, avant de devenir Président de la république française, est surtout un double agent israélien et américain. D’une part, Nicolas Sarkozy est l’archétype du sayanim, c’est-à-dire un agent israélien dissimulé en citoyen d’un autre pays (son allégeance à Israël vient de ses racines juives du côté de son père). D’autre part, il est également un agent américain de la CIA recruté par Franck Georges Wisner, second époux de la belle-mère de Nicolas Sarkozy, Christine de Ganay, elle-même seconde épouse du père de Nicolas Sarkozy. Franck Georges Wisner est un diplomate et homme politique américain, très proche des milliardaires américains et membre de la CIA, fils de Frank Gardiner Wisner, l’un des principaux dirigeants de la CIA des années 50-60. L’appui des services secrets américains a d’ailleurs été décisif à l’accession de Sarkozy à la Présidence de la République française, notamment en mettant à sa disposition des informations nécessaires pour contrer Dominique de Villepin, son principal adversaire politique pour la Présidence de la république, lors de l’affaire Clearstream de 2005. 

Une fois Président de la République, Nicolas Sarkozy a appliqué sans états d’âme l’agenda néo-conservateur décidé par Israël et les Etats-Unis pour la France en procédant, à leur demande, à la liquidation des derniers éléments de la politique souverainiste gaulliste de l’Establishment français ; l’éminence grise « temporaire » de Nicolas Sarkozy, Patrick Buisson, le traitait d’ailleurs de « néo-conservateur avec un passeport français ».

Sur le plan politique, Nicolas Sarkozy a acté l’inféodation de la France à l’Union européenne contrôlée par les Etats-Unis : en 2008, il fait adopter par le Parlement français le Traité de Lisbonne, copie conforme de la Constitution pour l’Europe rejetée par référendum par une majorité de Français en 2005. Le Traité de Lisbonne venait clore une longue série de « petits pas » initiés par les élites françaises depuis 1973 pour un passage d’une Europe des Etats à une Europe supranationale, actant la mise sous tutelle politique, économique et budgétaire de l’Etat français par les instances européennes.

Sur le plan militaire, Sarkozy réintègre la France dans l’état-major de l’OTAN sous tutelle américaine et engage l’armée française au sein du dispositif militaire associé aux « printemps arabes » mis en place par les Américains, les Britanniques et les Israéliens, afin de liquider toutes les républiques arabes encore opposées à la paix avec Israël, selon les plans néo-conservateurs et néo-colonisateurs israélo-anglo-américains, avec l’appui de leurs fidèles agents Frères musulmans et des monarchies du Golfe dans les pays arabes

La campagne néo-conservatrice française de Lybie

Sarkozy devient, avec le britannique David Cameron, le promoteur de la campagne militaire qui va liquider le régime souverain de Kadhafi et Kadhafi lui-même, en étroite collaboration avec Obama (selon la stratégie américaine d’alors du Stay behind), et en surmédiatisant Bernard-Henri Lévy, sayanim et agent d’influence d’Israël, qui déclarera quelques années après que tout ce qu’il fit en Libye fut réalisé en tant que juif et partisan d’Israël.

Depuis 2011, la Libye est devenue le second cas d’école après la République Démocratique du Congo (ex-Zaïre) d’application de la doctrine néo-conservatrice Cebrowski – Rumsfeld, stade ultime de la pensée colonialiste occidentale, conçue conjointement par les Etats-Unis et Israël : tout d’abord, l’effondrement de la structure étatique et la partition de l’Etat en zones de non-droit (dans le cas de la Libye, une partition en deux territoires, avec un nouveau « califat » pétrolier de Cyrénaïque autonome  permettant le pillage de ses immenses ressources énergétiques par les multinationales occidentales dans la plus grande opacité et encore ininterrompu à ce jour. Remarquons également que les frontières de la Cyrénaïque recoupent, comme par hasard, les anciennes frontières du protectorat franco-britannique de la période allant de la fin de la seconde guerre à l’indépendance de la Libye en 1951 et que ce sont les deux mêmes puissances mandataires qui ont effectué les premières prospections pétrolières dans la région.

L’effondrement de l’Etat libyen a également permis la création d’une immense zone de non-droit dans le cœur de l’Afrique, et particulièrement au Sahel, livrée aux trafics d’armes, de drogues et d’esclaves, investie par une myriade de groupes armés djihadistes ayant tous de multiples liens avec l’OTAN, terrorisant les populations et déstabilisant l’ensemble des Etats voisins de la Libye, notamment ceux qui ne se sont pas inféodés aux puissances occidentales.

Sur le plan diplomatique, Sarkozy enterre la déjà timide politique arabe de la France via la nomination du sioniste Bernard Kouchner à la tête du Quai d’Orsay et l’adoption d’une politique étrangère totalement alignée sur les intérêts des Etats-Unis et d’Israël qui continuera à être défendue au sein du ministère des Affaires étrangères par un groupe de diplomates « néo-conservateurs » français, dénommé « la Secte », quel que soit le ministre des Affaires étrangères nommé.

Au niveau des forces de police, Sarkozy réorganise la police française sur le modèle américain post 11 septembre, inspiré lui-même des méthodes israéliennes dans les Territoires Occupés : tout d’abord, il démantèle les renseignements généraux, instance de terrain capable d’anticiper les crises et de comprendre la réalité et l’acuité des problèmes et d’en faire une évaluation raisonnée et non hystérique auprès des pouvoirs publics. Ensuite, il démantèle la police de proximité dans les banlieues qui permettait de maintenir des liens humains avec la population, créant ainsi un vide sécuritaire propice à tous les trafics. Enfin, il la remplace par une police militarisée à l’américaine en termes d’équipements, de « bunkérisation » dans ses commissariats et de modes d’intervention et de contrôles de « cowboys » brutaux, arbitraires et souvent racistes par la BAC, créant un gouffre de méfiance, de peur et de haine réciproques entre les policiers et la population. En troisième lieu, le plan Vigipirate se pérennise et habitue les Français à voir des militaires dans la rue pour le maintien de l’ordre. Enfin, des programmes de rénovation urbaine à la Haussmann sont mis en place dans les banlieues pour tracer de grandes avenues afin de préparer l’intervention de l’armée le moment venu. Comme nous le verrons plus loin, cette transformation de la police et du rôle de l’armée dans les banlieues est l’une des pièces maîtresses de la future société néocoloniale en France.

De même, Nicolas Sarkozy réorganise les services secrets français (intérieurs et extérieurs) sur le modèle américain.

Enfin, il inaugure la discrimination d’Etat à l’égard des Musulmans et des Maghrébins en créant le Ministère de l’identité nationale, comme pour acter l’échec du creuset républicain français et en lançant une consultation nationale nauséabonde sur l’identité nationale permettant d’offrir une nouvelle tribune officielle au Front National et en prolongeant la loi sur l’interdiction du foulard dans l’espace public de 2004 par une loi anti-Niqab en 2010.

b) L’approfondissement de la politique néocoloniale et néoconservatrice française avec François Hollande et Emmanuel Macron qui s’inscrivent dans la continuité de Sarkozy

François Hollande, Young leader, fils de militant d’extrême-droite partisan de l’OAS, maintient la ligne néo-conservatrice française d’alignement avec les intérêts américains et israéliens.

En prétextant du danger représenté par la « zone de non-droit » créée en Libye par Nicolas Sarkozy, François Hollande mobilise l’armée et les services secrets français dans une « guerre sans fin » française au terrorisme au Sahel à partir de 2012, via des opérations militaires jamais décisives et sous contrôle du CENTCOM américain d’Afrique. L’armée et les services secrets français opérant dans la région du Sahel poursuivent leur rôle traditionnel de protecteur du pillage des ressources énergétiques et minières stratégiques locales, notamment l’uranium du Niger ou l’or du Mali, par les multinationales occidentales, notamment françaises, et y jouent également un double jeu très trouble avec les groupes « terroristes » locaux affiliés à Al-Qaïda et à l’Etat islamique ou avec les rebelles Touaregs de l’Azawad, alliés de longue date des Français et en guerre ouverte avec les autorités officielles maliennes notamment. Enfin, l’armée et les services secrets français se voient également accusés d’implication dans les trafics en tous genres dans la région du Sahel, notamment d’armes et de drogue, y compris la mise en place de filières de livraison de l’Europe en drogues dures d’Amérique latine via les pistes d’atterrissage qu’ils contrôlent dans la région.

Dans un rôle de sous-traitants des Américains et des Israéliens, cette fois-ci au Moyen-Orient dans le cadre du fameux et fumeux Printemps arabe, l’armée et les services secrets français sont également mobilisés pour l’opération clandestine « Tymber Sycamore » contre la Syrie, autre ancienne colonie française, agressée à partir de 2012 par une coalition d’une quarantaine de pays (Etats-Unis, Royaume-Uni, Israël, France, Turquie et leurs alliés occidentaux et du Golfe). L’armée et les services secrets français jouent deux rôles importants : d’une part la formation des groupes armés djihadistes auxiliaires des plans de destruction de la Syrie recrutés en Europe, au Moyen-Orient, dans le Caucase et jusqu’en Chine (avec la brigade Ouïgoure) dans des bases secrètes qui ceinturent la Syrie en Jordanie, en Turquie et en Arabie Saoudite, d’autre part l’acheminement des armes et du support logistique via les moyens de l’armée. Ils sont également impliqués dans le pillage des ressources syriennes en l’occurrence les 200.000 barils de pétrole/jour de l’Est de la Syrie qui sont soustraits dès 2012 au contrôle du gouvernement syrien et vendus au marché noir, souvent à Israël, pour financer l’insurrection armée anti-gouvernementale dans une espèce d’économie circulaire de la destruction des Etats. De même, le trafic de drogue en Afghanistan est à nouveau encouragé et encadré logistiquement par l’armée et les services secrets occidentaux pour compléter le financement de ce plan de déstabilisation régional hors de tout contrôle parlementaire. 

Au sein de l’Establishment militaire français, la présidence de François Hollande est également marquée par l’émergence des enfants et petits-enfants des putschistes de l’OAS au sein du haut état-major de l’armée, profil zélé et revanchard, en ligne avec l’orientation néo-conservatrice américano-israélienne, venant boucler la boucle de la ligne colonialiste, anti-musulmane et anti-maghrébine traditionnelle de l’armée française.

En politique étrangère, François Hollande nomme le sioniste Fabius au ministère des Affaires étrangères, avec pour mission principale de poursuivre le revirement néoconservateur de la politique étrangère française au Moyen-Orient. Outre la poursuite du nettoyage du Quai d’Orsay de ses anciens diplomates fidèles à la ligne gaulliste ou à un certain équilibre dans la position française au Moyen-Orient, Laurent Fabius se charge de deux dossiers importants : d’une part, assurer le parrainage de l’alliance d’opposition syrienne factice en coordination avec ses homologues anglo-saxons pendant qu’« Al Nosra fait du bon boulot » sur le terrain. D’autre part, jouer le rôle de fidèle télégraphiste des directives d’Israël dans les négociations sur le nucléaire iranien via la présence de la France dans le groupe des pays négociateurs avec l’Iran.

Au niveau des services de sécurité et de la police, c’est le pro-sioniste et autoritaire Valls qui monte au créneau et poursuit le travail de son modèle Nicolas Sarkozy en réalisant le vieux rêve de celui-ci exprimé lors du discours de Grenoble de 2010, la possibilité de déchéance de la nationalité française pour les Français « naturalisés » ayant une seconde nationalité, revenant concrètement à une différence de traitement entre Français en fonction de leur origine et rompant l’égalité entre binationaux et ¨Français de souche ». En effet, à la suite des grands attentats contre Charlie Hebdo, l’Hyper Cacher et des attentats du 13 novembre 2015 à Paris, Manuel Valls obtient de François Hollande d’étendre la déchéance de nationalité aux binationaux, revenant à une remise en cause du droit du sol en décembre 2015.

Avec Emmanuel Macron, autre Young leader, et ses députés sélectionnés sur CVs par l’Establishment, la dynamique néo-conservatrice et autoritaire se poursuit, avec un alignement complet à l’égard des Anglo-saxons et d’Israël sur un plan militaire et diplomatique, notamment dans les conflits russo-ukrainiens et à Gaza et la décision de faire disparaître le corps des diplomates de carrière de la fonction publique, autre alignement douteux sur la pratique américaine.

En ce qui concerne la police, sa militarisation, sa déconnexion de la population et son racisme ouvert sont encouragés pour favoriser une dérive autoritaire qui s’abat sur les gilets jaunes qui se dressent contre l’injustice de la politique économique et sociale, et la latitude de plus en plus importante laissée aux forces de l’ordre qui veulent en découdre avec les Musulmans et les Maghrébins à chaque fait divers, attentat, refus d’obtempérer ou bavure. De plus, la crise de nerfs permanente de la police est entretenue par des années de complaisance à leur égard de leurs vibrionnants, arrivistes, très peu républicains, et très néoconservateurs, ministres de tutelle, Nicolas Sarkozy, Manuel Valls ou Gérald Darmanin qui semblent tous sortir du même moule.

Dans le domaine législatif, la république française poursuit son combat législatif contre l’Islam et le détricotage des droits des Musulmans avec la loi sur le séparatisme d’août 2021, concept flou s’il en est, et retrouve, au nom d’une laïcité offensive, le niveau d’agressivité de son combat contre le catholicisme du XIXe siècle, notamment à l’école. Les procédures de dissolution ou de fermeture s’abattent sur des mosquées, des centaines d’associations humanitaires ou de défense des droits, des clubs de sport ou de simples snacks. De même, une nouvelle loi sur l’immigration et l’asile est votée en décembre 2023 qui réduit le droit du sol en obligeant à nouveau les jeunes, avant leur majorité, à faire une démarche volontaire pour l’accès à la nationalité française dans les années précédant leur majorité, même s’ils sont nés et ont toujours vécus en France ; elle est néanmoins retoquée par le Conseil constitutionnel.

Dans un savant partage des rôles entre les différents courants de la droite, on prépare même les esprits à un nouveau  palier avec la proposition d’Edouard Philippe, membre de l’establishment déguisé en homme politique, qui souhaite dépasser la laïcité pour l’Islam et les musulmans afin de revenir à une sorte de Concordat c’est-à-dire de gestion directe de l’Islam et des musulmans par la République, similaire au régime de contrôle administratif par le ministère de l’Intérieur du culte musulman et des Musulmans appliqué dans les colonies où la loi de 1905 de séparation des cultes et de l’Etat n’a jamais été appliquée.

Ainsi, il apparaît de plus en plus clairement que l’Establishment politique, militaire, diplomatique et sécuritaire français, contre lequel s’élevait Jean-Marie Le Pen il y a encore quarante ans, a aujourd’hui renoué avec sa tradition colonialiste, autoritaire et farouchement anti-musulmane et anti-maghrébine. La convergence avec les partis de la droite extrême et autoritaire pour les aider à prendre le pouvoir et pour mettre en place la société néocoloniale dont ils rêvent se renforce considérablement. Elle semble même irrésistible à l’horizon des prochaines élections présidentielles de 2027, voire même avant.

III. Des milliardaires réactionnaires qui travaillent à rallier l’ensemble de l’oligarchie financière au projet de société néocoloniale

Le troisième groupe porteur de la société néocoloniale est constitué de milliardaires proches de l’Establishment pour leurs affaires (médias, ports, télécommunications, concessions de matières premières en Afrique, compagnies de transport) et très engagés politiquement à droite. La figure de proue de ce groupe est Vincent Bolloré, clé de voûte du projet de jonction des droites, pour porter le projet de société néocoloniale et ultra capitaliste.

Mettant en avant son origine bretonne, sa pratique du catholicisme et son statut d’héritier d’un groupe familial, il est important de noter également qu’il est juif via sa grand-mère maternelle Goldsmith qu’il admire beaucoup. Cette dame est l’archétype de la génération de Juifs, grands résistants de la seconde guerre mondiale, puis membres des services secrets français qui se sont engagés passionnément en faveur d’Israël après la Shoah et la seconde guerre mondiale. Elle a joué avec d’autres un rôle clé dans la jonction entre les services français et les services israéliens, fusionnels aujourd’hui.

De tout temps très engagé politiquement à droite, Vincent Bolloré, ayant bâti sa fortune au cœur de la Françafrique a manifestement une nostalgie décomplexée pour l’Empire français. Ultra catholique, il est également convaincu de la supériorité raciale et culturelle de la civilisation judéo-chrétienne et déteste l’Islam et les Musulmans. Il est également obsédé, comme nombre de membres de l’Establishment, par le risque démographique, politique, économique et social que représente la montée en puissance des descendants des immigrés des colonies en France, à qui il ne veut pas faire de place hors lumpen prolétariat. Farouchement pro-israélien, il soutient les sayanims d’Israël comme Eric Zemmour ou Cyril Hanouna dans leur mission de créer une cassure définitive entre les Occidentaux chrétiens et les Musulmans maghrébins dans la tradition talmudique de Gog et Magog.

Après avoir épuisé les solutions politiques plus ou moins traditionnelles avec Sarkozy, Hollande et Macron, il s’engage dans le projet d’Eric Zemmour de jonction de toutes les droites contre les Musulmans, les Arabes et les Maghrébins et a financé son parti politique pour en faire le catalyseur de l’union des droites racistes et réactionnaires.

Vincent Bolloré use également de sa puissance médiatique pour diffuser le discours de l’extrême droite sur la responsabilité des immigrés en général et des Maghrébins en particulier dans les difficultés de la France. Les « médias Bolloré » organisent donc un racisme débridé, digne de la radio des mille collines du Rwanda, notamment avec les agoras quotidiennes d’Eric Zemmour, de Pascal Praud puis de Cyrille Hanouna, libres d’éructer leur haine de l’Islam, des Maghrébins et des Algériens en particulier, seuls ou avec leur panel de « collaborateurs » et d’invités triés sur le volet.

Son objectif dans les années à venir est aussi de faire basculer les autres milliardaires français en faveur du plan de transformation institutionnelle de la France en société néocoloniale. Si le soutien de Patrick Drahi, milliardaire franco-israélien sorti de nulle part pour se bâtir un empire dans les télécommunications et les médias lui semble acquis, il lui reste à convaincre les autres milliardaires, Bernard Arnault, Antoine Pinault, la famille Dassault, Martin Bouygues, Xavier Niels et bien sûr les incontournables Rothschild qui possèdent 90% de la presse et un taux à peine moindre des médias en général. 

En 2024, on a vu surgir un autre « milliardaire » aux objectifs identiques, Pierre-Edouard Stérin, présenté comme un nouveau milliardaire « catholique ». Il se propose d’investir 150 millions d’euros, somme colossale, pour assurer la « victoire idéologique, électorale et politique » de l’extrême droite et du libéralisme ultra-conservateur via son projet qui porte l’acronyme de PERICLES. Ces fonds serviront à former les cadres du Rassemblement National, aujourd’hui mal dégrossis, pour les transformer en candidats « aux normes » pour les prochaines élections de 2027 et rendre le Rassemblement National irrésistible via la formation des futurs dirigeants d’extrême-droite « du bas », en visant un potentiel de 1000 futurs maires de communes petites et moyennes. Cette démarche est particulièrement habile car l’expression d’un racisme décomplexé par les « Monsieur tout le monde » et « Madame tout le monde » du Rassemblement National a certainement coûté la victoire au parti lors des dernières législatives de 2024.

IV. Les appuis étrangers à la mise en place de la société néocoloniale en France

A l’étranger, le projet de société néocoloniale bénéficie de deux grands soutiens : en premier lieu, l’Etat d’Israël qui appuie de toutes ses forces ce projet d’apartheid à l’israélienne en France. En second lieu, une fraction de l’Establishment conservateur américain qui a pour mission de soutenir les courants d’extrême droite en Europe afin de « ne pas placer tous les œufs des Etats-Unis dans le même panier » et de perpétuer son contrôle sur les pays européens, quelles que soient les circonstances. Par ailleurs, le projet mobilise également des auxiliaires des Occidentaux dans le monde arabe, principalement la monarchie marocaine, le Qatar, et, dans une moindre mesure, l’Arabie Saoudite.

Les chefs de file à l’étranger : Israël et une partie de l’establishment anglo-saxon

a) Le rôle clé d’Israël dans le projet néocolonial en France dans le cadre de sa stratégie mondiale du choc des civilisations chrétiennes et musulmanes

Le rapprochement entre l’Establishment français et l’Etat d’Israel (où l’Establishment possède l’Etat) s’est effectué en quatre grandes étapes.

– Les premiers liens entre les deux Etats dans l’immédiat après-guerre mondiale

Dans l’immédiat après-guerre, les premiers liens entre la France et le futur Etat d’Israël ont été tissés par les nombreux héros Juifs français qui se sont engagés dans la résistance et qui joueront un rôle important dans les premiers pas du futur Etat d’Israël : il y eut les héros juifs de la résistance en France contre le régime de Vichy et l’occupation allemande, ceux de la résistance en Afrique du Nord (les 132 Juifs membres du Groupe Géo-Gras qui jouèrent un rôle décisif dans le débarquement des troupes anglo-saxonnes lors de l’opération Torch de 1942 à Alger), ceux qui s’enrôlèrent dans les troupes gaullistes ayant participé au débarquement allié en Normandie en 1944, et ceux qui rejoignirent les forces spéciales anglaises en charge des opérations derrière les lignes ennemies, dont beaucoup formeront le cœur des troupes de choc de l’armée israélienne quelques années plus tard. En effet, une fois pleinement réhabilités au sein de l’armée et de l’administration françaises, ces héros juifs français résistants, par ailleurs totalement engagés dans le projet sioniste, seront les fers de lance de l’alliance avec l’Establishment de la Quatrième république française.

Leur activisme poussera la France à livrer une quantité massive d’armement aux troupes juives lors de la guerre dite israélo-arabe de 1947-48 qui s’achève par la création de l’Etat d’Israël et l’absence d’Etat palestinien ; notons que c’est Maurice Papon, ayant certainement besoin de se racheter après sa participation zélée aux crimes à l’encontre des résistants et des Juifs au cours de la seconde guerre mondiale, qui est chargé de superviser l’acheminement de ces armes via la Corse.

– Le rapprochement des deux Establishments à un niveau stratégique, notamment sur le dossier nucléaire, via les Présidents du Conseil Pierre Mendès France et René Mayer 

La deuxième étape de cette alliance entre la France et Israël est scellée au plus haut niveau de l’Etat par deux Présidents juifs du conseil français qui rapprochent considérablement les Establishments de France et d’Israël : d’abord le milliardaire René Mayer puis Pierre Mendès France. C’est l’époque où Shimon Peres a un bureau à Matignon mitoyen à celui de ces Présidents du Conseil pour faire avancer la collaboration stratégique entre les deux Etats, notamment atomique, visant à doter Israël de la bombe atomique. Mendès France l’aurait promis à sa mère selon la légende (… qui ressemble à une blague juive). Cette collaboration avec la France sera décisive puisque ce sont les équipes du CEA qui conçoivent et encadrent le fonctionnement de la future centrale de Dimona dans le Néguev à partir de 1955. De Gaulle, moins engagé dans le projet à son retour au pouvoir en 1958, donnera néanmoins son accord tacite pour que cette collaboration se poursuive et permette à Israël de disposer de sa centrale nucléaire puis de l’arme atomique dans les années 60. 

– Le renforcement de la collaboration sécuritaire (armée et services secrets), fruit d’une « convergence » d’intérêts à partir de la guerre d’Algérie

La troisième étape du rapprochement entre les appareils de la France et d’Israël est l’accélération de la collaboration diplomatique et sécuritaire durant la période de décolonisation en Afrique du Nord : sur un plan militaire, les diplomaties et armées françaises et israéliennes se coordonnent lors de l’expédition de Suez en octobre-novembre 1956 : la France veut châtier l’Egypte pour son soutien au FLN algérien, tandis qu’Israel cherche à déstabiliser Nasser, le chef de file des leaders arabes pro-palestiniens et engagés militairement contre Israël, et l’Angleterre essaie de réaffirmer ses droits économiques sur le canal de Suez suite au renversement par les colonels égyptiens de la royauté collaborationniste de Farouk en juillet 1952 et à la proclamation de la République égyptienne en juin 1953.

L’alliance militaire étroite entre la France et Israël se double d’une très forte collaboration entre les diplomaties et services secrets français et israéliens durant la guerre d’Algérie par l’implication d’agents du Mossad dans la répression de certains réseaux du FLN à l’intérieur de l’Algérie, notamment à Constantine, ou dans des opérations d’élimination pour le compte de l’Etat français des membres des réseaux de financement et d’armement du FLN et de l’ALN en Europe dans lequel le réseau d’ambassades d’Israël en Europe joue un grand rôle. En récompense, l’Etat français laisse Israël mettre en place les réseaux d’émigration des juifs maghrébins (Marocains, Tunisiens et Algériens) vers Israël dès le milieu des années 50.

De la fin de la seconde guerre mondiale jusqu’au milieu des années 60, cette alliance avec la France est tout aussi stratégique pour Israël que celle avec l’Establishment britannique car Israël n’a pas encore l’influence qu’elle a aujourd’hui aux Etats-Unis. Malgré le vote des Etats-Unis en faveur de la création de l’Etat d’Israël au Conseil de sécurité en 1947, les administrations Truman, Eisenhower et Kennedy qui se succèdent aux Etats-Unis après la seconde guerre mondiale refusent encore de livrer des armes à Israël, soucieux de se démarquer des puissances impériales européennes dans cette période de décolonisation et de guerre froide où il faut gagner les cœurs des nouveaux Etats. Une partie de l’administration américaine, notamment Marshall, est même hostile à l’activisme de l’AIPAC affilié à Israël aux Etats-Unis et plaide pour le considérer comme une association défendant les intérêts d’un pays étranger et soumise à la loi Foreign Agents Registration Act de 1938 (cette loi stipule que des agents représentant les intérêts de puissances étrangères à titre « politique » ou « quasi politique » divulguent leurs relations avec le gouvernement étranger et des informations sur leurs financements) et non comme un lobby américain. C’est Lyndon B. Johnson, arrière-petit-fils d’une juive allemande, qui succède à Kennedy après son assassinat, qui fait basculer définitivement l’administration américaine dans le soutien inconditionnel à Israël, notamment sur le plan militaire (comme on le voit à Gaza).

Malgré le refroidissement entre la France et Israël suite à la violente critique de de Gaulle de l’occupation des territoires palestiniens reconnus par l’ONU après la guerre des 6 jours de 1967, la collaboration militaire et des services secrets français et israéliens s’est poursuivie sous le parapluie américain, notamment via le Safari Club mis en place en Afrique.  

– Le rôle clé de la France dans le projet néo-conservateur israélien en direction de l’Occident

La quatrième étape du rapprochement entre les deux Etats a lieu, comme déjà indiqué, avec l’arrivée de Sarkozy, l’agent israélo-américain qui convertit l’Establishment français sécuritaire, militaire et diplomatique au néo-conservatisme, avec quelques années de retard par rapport aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.

Le projet néo-conservateur israélien

Les racines « techniques » du projet néo-conservateur israélien remontent au plan Oded Yinon de 1982, du nom du fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères israélien qui l’a proposé. Ce plan propose l’émiettement extrême des pays arabes et musulmans entourant Israël, notamment les Républiques arabes championnes de la cause palestinienne (la Syrie, l’Irak et, dans une moindre mesure, l’Egypte et le Soudan), en petits Etats homogènes sur une base ethnique ou confessionnelle / religieuse. Typiquement, la partition de l’Irak en trois Etats, un Etat kurde (homogénéité ethnique) et deux Etats « arabes » divisés en un Etat Sunnite et un Etat chiite (division confessionnelle). Et ainsi de suite pour la Syrie (partition en cinq ou six micro-Etats), l’Arabie Saoudite (division en quatre Etats), la Jordanie, le Liban, l’Egypte, etc. en tout 19 Etats arabo-musulmans à balkaniser, en répertoriant les lignes de faille sur lesquelles appuyer. Oded Yinon se serait inspiré de la stratégie brillante des Catholiques espagnols menée de 1031 à 1492 pour balkaniser l’Espagne andalouse en Taïfas (des micro-Etats) dressés les uns contre les autres et mis sous la protection d’un suzerain catholique, afin de les affaiblir puis de les reconquérir.

En 1996, Benjamin Netanyahou, devenu Premier ministre d’Israël, est à la recherche d’une stratégie alternative à la solution à deux Etats avec les Palestiniens, adoptée lors des accords d’Oslo de 1993 et qui constitue la politique officielle d’Israël. En bon sioniste « révisionniste » disciple de Ze’ev Jabotinsky, le fondateur du sionisme révisionniste dont le père de Benjamin Netanyahou était secrétaire, Netanyahou ne peut se résoudre à renoncer au projet « biblique » d’Etat juif « du Nil à l’Euphrate », « au sens littéral ». Il décide de reprendre à son compte le projet de partition des Etats arabes du Moyen-Orient de 1982 sous une forme modernisée, sans jamais l’assumer publiquement, autre caractéristique des sionistes révisionnistes. Très rapidement, il apparaît que seule l’implication des Etats-Unis peut permettre au projet de partition des Etats arabes et musulmans d’aboutir et qu’il faut donc que ce projet devienne un projet stratégique pour les Etats-Unis.

Pour impliquer les Etats-Unis et les Occidentaux en général dans ce projet, la doctrine « géopolitique » fumeuse du choc des civilisations de Bernard Lewis, sayanim de l’Establishment britannique, est convoquée. Dans le vide idéologique faisant suite à la chute de l’URSS et du communisme à l’échelle mondiale et la démonétisation de la lutte des classes comme moteur de l’Histoire, l’Establishment israélien pressent un grand potentiel dans l’un des prismes du choc des civilisations, le combat entre la civilisation occidentale éclairée, promotrice des valeurs de démocratie, de liberté, de rationalité, de science, de sécularisme et de laïcité et la civilisation arabo-musulmane caractérisée par l’autoritarisme, l’obscurantisme, le fanatisme religieux, et bla bla bla… Il s’agit de faire adopter cette nouvelle doctrine à l’Occident élargi pour lancer une nouvelle croisade au Moyen-Orient au nom des valeurs occidentales, ce qui permettra d’enterrer la paix en échange des territoires occupés des accords d’Oslo pour une défense « ontologique » d’Israël comme gardien de la civilisation judéo-chrétienne face à la barbarie musulmane. De nouveau, comme après la seconde guerre mondiale, la défense d’Israël, avant-poste de l’Occident au Moyen-Orient, doit devenir la priorité stratégique de tous ses alliés occidentaux contre l’ennemi musulman commun, et en premier lieu des Etats-Unis.

Par ailleurs, par une « divine surprise » pour Benjamin Netanyahou, le vétéran Zbigniew Brzezinski, ancien Chef du Département d’Etat sous Carter, dans son livre « Le Grand échiquier » de 1997 reprend un second volet des théories de Bernard Lewis, la qualification de l’ensemble des pays allant de l’Egypte au Pakistan d’« arc de crise », composé d’Etats défaillants et impossible à réformer, risquant de tomber sous l’influence de la Russie, le grand Etat fort dont ils forment le flanc Sud. Il préconise également une stratégie « islamiste » dans la zone d’influence allant de la Turquie à l’Afghanistan, proposant de « balkaniser » le Moyen-Orient musulman en réutilisant la stratégie gagnante des « légions islamistes » utilisée en Afghanistan pour créer des mini Etats pétroliers plus faciles à contrôler pour les Etats-Unis que les Etats souverains à forte identité, soit une actualisation du plan Oded Yinon mais en faveur des Etats-Unis. Brzezinski préconise également d’appliquer la même stratégie pour balkaniser les Etats d’Afrique du Nord en micro-Etats pétroliers dirigés par les islamistes, plus favorables aux Etats-Unis, tout en créant un foyer d’instabilité sur le flanc sud de l’Europe, présentée comme une « zone molle » devant rester sous le contrôle de l’Empire.

En parallèle du travail accompli par Zbigniew Brzezinski côté Démocrate, Henri Kissinger se charge de faire de même auprès des Républicains et notamment de ses anciens collègues de l’administration Nixon, Georges Bush devenu entretemps Président des Etats-Unis, Dick Cheney et Donald Rumsfeld. Les deux derniers entoureront Georges W. Bush Junior après son élection d’un cheveu à la présidence des Etats-Unis en l’an 2000.

En filigrane, la théorie de Bernard Lewis du choc des civilisations occidentale et musulmane au nom de valeurs inconciliables et la manipulation de l’intégrisme islamique pour dynamiter les Etats musulmans ne peuvent que séduire Benjamin Netanyahou et son entourage imprégnés de sionisme révisionniste, pour « réaliser» la prophétie de la guerre de Gog contre Magog qui occupe une place très importante dans la théologie talmudique et qui doit aboutir à la domination finale du peuple juif sur la planère entière. On y retrouve aussi ce curieux mélange de calcul politique cynique, de théologie talmudique prise au pied de la lettre, de vision eschatologique de l’Histoire favorisant les solutions radicales et la course à l’apocalypse, ainsi qu’un grand sens de la dissimulation et de l’action tactique pour sa réalisation.

A la même époque, Benjamin Netanyahou demande l’appui du groupe de Sayanims néo-conservateurs du Pentagone et du Département d’Etat américain, avec Paul Wolfowitz, Richard Perle, Bill Kristol, Eliott Abrams en tête de proue ; ces néo-conservateurs sont les disciples de Léo Strauss, que l’on présente souvent comme trotskyste, mais qui est surtout un sioniste révisionniste, grand ami de Ze’ev Jabotinsky. Les néo-conservateurs, vont donc proposer à l’Establishment militaire et diplomatique américain le « Project for the New American Century », feuille de route pour une domination unipolaire des Etats-Unis au cours du XXIe siècle.

Dans ce document, l’Islam, les Musulmans et les Arabes sont présentés comme des ennemis irréductibles des Occidentaux et il y est préconisé une destruction préventive des pays de l’  « axe du mal » élargi, dont une majorité des pays arabo-musulmans déjà particulièrement ciblés par le plan Oded Yinon 15 ans plus tôt (Liban, Irak, Iran, Lybie, Soudan, Syrie et Corée du Nord) via une guerre de civilisation préventive. 

A la suite du 11 septembre 2001, le « Project for the New American Century », devient la feuille de route de la politique américaine au Grand Moyen-Orient, au nom de la démocratie et des droits de l’homme. Dix jours après les attentats du 11 septembre, Donal Rumsfeld, chef du Pentagone, présente un mémo ciblant sept pays arabo-musulmans voués à la destruction par les Etats-Unis (Afghanistan, Liban, Irak, Iran, Lybie, Soudan, et Syrie). Les Etats-Unis sont entraînés dans une spirale de « guerres sans fin » au Moyen-Orient, déchaînement de destructions et de violences. La boucle est partiellement bouclée lorsque les cartes israéliennes du plan Oded Yinon de 1982 deviennent, en 2006, moyennant des ajustements mineurs, les cartes officielles du remodelage des frontières des Etats arabes du Moyen-Orient du Conseil des chefs d’état-major militaires américains où sont élaborés et discutés les plans militaires. La boucle est définitivement bouclée lorsque la « carte islamiste » est utilisée à partir de 2010 pour remodeler les Etats arabes « faillis » lors du Printemps arabe qui démarre fin 2010- début 2011.

Après les changements apportés par Sarkozy, l’influence d’Israël en France via les autres sayanims actifs en politique ou dans les médias augmente fortement, notamment pour la promotion d’une société néocoloniale « à l’israélienne » en France.

La mise en place d’une société « néocoloniale » en France servira d’exemple à l’ensemble des pays européens pour le traitement de leur population immigrée, arabe et musulmane, ce qui permettra de « banaliser » et « justifier » sa propre répression dans les Territoires occupés, notamment de futures expulsions hors de Cisjordanie et de Gaza des Palestiniens à la faveur du prochain « accident de l’Histoire » du type du 7 octobre.

b) Le soutien tactique d’une fraction des Establishments américain et britannique en direction de l’extrême-droite française (et européenne) pour garder deux fers au feu

En parallèle de l’emprise exercée par les Américains sur l’Establishment officiel en France via l’Union Européenne et l’OTAN, mécanismes de vassalisation de la France et des autres pays européens depuis plus de 60 ans, les Establishments américain et britannique ont également chargé une fraction de leurs agents menés par Steve Bannon du mouvement QAnon de soutenir les mouvements d’extrême droite européens dans leur projet d’accéder au pouvoir, bien que ceux-ci affichent leur volonté de s’autonomiser de la ligne pro-européenne et pro-américaine pour reconquérir leur souveraineté. Il s’agit pour les Etats-Unis d’avoir un deuxième fer au feu au cas où la politique de prédation actuelle via l’Union européenne et les Young leaders à la tête des Etats échoue.

Ce double jeu actuel des Américains avec l’Establishment de droite français ressemble à s’y méprendre à l’aide apportée lors du retour de de Gaulle au pouvoir en 1958, afin d’arrêter le « chaos » qui menaçait la France durant la guerre d’Algérie, tout en sachant que celui-ci mènerait une politique souverainiste qui allait créer des tiraillements avec les Etats-Unis.

Outre leur confiance à rééditer le scénario d’une révolution de couleur similaire à celle de mai 1968 menée à l’époque par leur agent sayanim Cohn-Bendit, cette fois-ci contre le futur gouvernement d’extrême droite qui s’installera en France, ils ont manifestement injecté leur agent-gendre idéal Jordan Bardella, le Tsípras français, au sein du Rassemblement National, pour effectuer un demi-tour contre la ligne souverainiste si le besoin s’en fait sentir le moment venu.

Les auxiliaires : les monarchies arabes pro-occidentales

Le projet d’installation de la société néocoloniale à l’israélienne en France, au nom d’un choc des civilisations, requiert également la complicité de certaines monarchies arabes, stratégiquement alliées de l’establishment français comme le Maroc et anglo-saxons comme le Qatar et l’Arabie Saoudite. 

Le Makhzen marocain a été, jusqu’à une époque récente, l’« Etat de la DGSE », comme l’Arabie Saoudite a été appelée l’« Etat de la CIA », jusqu’à la relative autonomisation du pays sous Mohammed Ben Salman. On peut d’ailleurs supposer que c’est la DGSE qui a espionné le Président Macron par Maroc interposé dans l’affaire Pegasus, le Maroc servant de paravent selon le vieux principe de la CIA de « dénégation plausible ».

En effet, le Maroc, l’Arabie Saoudite et le Qatar ont joué un rôle important dans le projet de 40 ans mené par l’Establishment français pour diffuser et instrumentaliser l’Islam intégriste et djihadiste en France en particulier, comme on le verra dans la section suivante. L’Arabie Saoudite et le Qatar ont même joué un rôle crucial dans sa propagation dans le monde entier.

Le rôle des monarchies wahhabites d’Arabie Saoudite et du Qatar dans la propagation du djihadisme dans le monde

En 2018, le prince Mohamed Ben Salman a reconnu que l’Arabie Saoudite avait bien propagé l’idéologie radicale wahhabite dont l’Arabie Saoudite est le berceau dans le monde arabo-musulman, à la demande des Occidentaux. Le wahhabisme servait d’arme pour faire tomber les régimes arabes laïcs et progressistes surgis des indépendances en Asie occidentale, généralement après la seconde guerre mondiale et à la suite du renversement des monarchies favorables aux Occidentaux… et de soutenir le projet sioniste, bras armé de l’Occident dans la région, même s’il ne le cite pas explicitement. Dans le même discours, Mohamed Ben Salman annonçait que l’Arabie Saoudite, qui s’engageait dans un plan de modernisation Vision 2030, allait réformer l’Islam saoudien pour une version d’islam sunnite plus traditionnelle et modérée que le wahhabisme et le salafisme, revenant par-là aux conclusions du Congrès des 4 écoles de droit islamique sunnite traditionnelle qui avait déclaré le wahhabisme « kouffar » c’est-à-dire apostat, dès le XIXe siècle.

Historiquement, c’est la couronne britannique qui a favorisé l’islam rigoriste et salafiste wahhabite et la famille des Saoud qui en étaient les promoteurs depuis le XVIIIe siècle contre la Turquie ottomane, afin d’asseoir la domination britannique sur la péninsule arabique. En récompense de leur soutien contre l’Empire ottoman, les Britanniques ont permis aux Saoud d’évincer définitivement les Hachémites, gardiens historiques des lieux saints de la Mecque et Médine, et de fonder l’Arabie Saoudite moderne en septembre 1932 (en offrant la Jordanie et l’Irak aux Hachémites par compensation).

Dès les années 40, l’espion anglais Saint John Philby, installé en Arabie Saoudite, converti à l’Islam et grand défenseur de l’alliance entre la tribu des Saoud et la Couronne britannique, suggère d’utiliser l’islam wahhabite rigoriste au-delà de l’Arabie Saoudite afin de défendre les intérêts occidentaux, en d’autres termes, déstabiliser les courants nationalistes, laïcs, progressistes et généralement socialistes dans la région de l’Asie occidentale.

La proposition de Saint John Philby rencontre peu d’échos au sein de l’Establishment britannique, vraisemblablement parce que celui-ci est en voie d’adopter une autre stratégie, dans la grande tradition des rivalités séculaires entre le bureau du Caire et celui de Bagdad et du Golfe auquel Philby appartient :  en effet, dans les années 40, la même couronne britannique prépare la décapitation du mouvement clandestin des Frères musulmans fondé par Hassen Al Banna qui luttait alors pour l’indépendance de l’Egypte. A la suite de l’assassinat du Premier ministre égyptien par la branche paramilitaire de l’organisation des Frères musulmans en décembre 1948, le fondateur du mouvement des Frères musulmans, Hassen El Banna, est assassiné en février 1949 en tombant dans un piège tendu via le Pacha d’Egypte, tandis que les membres de l’organisation, politique et militaire, sont pourchassés et que les arrestations et disparitions pleuvent sur la direction clandestine originelle du mouvement. Celles-ci permettent, en sourdine, de remplacer les nationalistes par des auxiliaires de la Couronne qui se frayent un chemin jusqu’au sommet de la structure clandestine. En effet, les Britanniques ont très vite détecté l’extraordinaire potentiel subversif de la confrérie des Frères musulmans via son modèle d’organisation, inspiré doublement des loges secrètes maçonniques et de l’activisme politico-militaire du parti nazi avec une branche politique et des sections paramilitaires. 

Depuis cette décapitation du mouvement des Frères musulmans à la fin des années 40, les Britanniques utilisent les Frères musulmans dans le monde arabo-musulman, pour le contrôle des populations et surtout pour contrer les mouvements indépendantistes, progressistes, laïcs et socialistes.

De son côté, Saint John Philby, lassé de ne pas trouver assez d’écho en faveur de l’option de l’instrumentalisation du wahhabisme et de l’appui aux Saoud auprès de l’Establishment de la couronne britannique, propose son plan aux Etats-Unis à partir des années 1940. Ceux-ci, qui souhaitaient contrôler la région du Golfe riche en pétrole et remplacer la tutelle britannique par la leur adhèrent à ce plan et passent une alliance avec la dynastie des Saoud qui se matérialise par la fameuse signature du pacte du Quincy entre Roosevelt et le roi Saoud en 1945, sur la base d’un contrôle par les Etats-Unis sur le pétrole saoudien et la destination des investissements du royaume en échange d’un soutien définitif à la dynastie des Saoud comme souverain de l’Arabie Saoudite et d’une protection militaire et sécuritaire pour l’Arabie Saoudite.

Parallèlement, après l’indépendance de l’Egypte, les dirigeants « officiels » et vitrines de la confrérie des Frères musulmans, sont chassés d’Egypte à la fin des années 50 par Nasser. Ils installent leur quartier général officieux à Londres. Encouragés par leur mentor britannique, ils se rapprochent des Américains, d’abord pour lutter contre Nasser en Egypte, puis pour se mettre plus généralement au service de la lutte contre le communisme menée par les Américains aux quatre coins du monde.

Au cours des années 50-70, les Etats-Unis travaillent plutôt avec les Frères musulmans égyptiens pour déstabiliser les républiques laïques arabes penchant vers le socialisme et proches de l’Union Soviétique, à une échelle relativement restreinte.

A partir de la guerre d’Afghanistan, ils adoptent pleinement la « stratégie » proposée par Saint John Philby du recours à la dynastie des Saoud et de l’instrumentalisation du wahhabisme comme arme idéologique et financière pour porter un coup décisif à l’Union soviétique. En effet, l’URSS est attirée dans le piège de la guerre d’Afghanistan déclenchée par l’assassinat de son allié le Président afghan communiste Hafizullah Amin le 27 décembre 1979 et l’Afghanistan devient le « Vietnam de l’URSS » selon les mots de Zbigniew Brzezinski, chef du Département d’Etat de l’époque. Comme indiqué précédemment, c’est Zbigniew Brzezinski qui théorise a posteriori, dans un jargon de « géopolitique », l’instrumentalisation de l’islam rigoriste par les Occidentaux comme idéologie guerrière contre l’influence soviétique en Asie Occidentale, flan de l’URSS, qualifié d’arc de crise dans son livre Le Grand Échiquier de 1997.

A partir de 1980, l’Arabie Saoudite, « pays de la CIA », dépense 300 milliards de dollars à la demande des Américains pour former « en amont » des milliers de théologiens et d’imams venant des pays musulmans sunnites à la doctrine radicale wahhabite, salafiste (c’est-à-dire des origines,  littérale) dans ses instituts de formation de la Ligue Islamique Mondiale en Arabie Saoudite, mais aussi pour financer les madrassates et écoles coraniques partout dans les pays musulmans, notamment au Pakistan et en Afghanistan, afin de diffuser l’idéologie wahhabite en remplacement de l’islam modéré traditionnel de ces pays.

En aval, les services secrets saoudiens, dirigés par l’inamovible prince Al Turki, homme-lige des Américains, mettent en place et financent les filières de recrutement de milliers de djihadistes venant des pays musulmans sunnites qui viennent se déverser à Peshawar au Pakistan, grand allié des Etats-Unis, qui devient la plaque tournante du djihadisme vers l’Afghanistan. Qualifiés alors de « combattants de la liberté », ils sont armés par les USA et entraînés sous le commandement du Saoudien Oussama Ben Laden qui prend la tête de la légion « arabe » djihadiste qu’il baptise Al-Qaïda (la base) pour mener la guerre sainte contre l’Union soviétique au nom de la défense de l’Islam, car des instructeurs occidentaux auraient fait tache dans un tel projet. Sans compter que, selon le bon vieux principe de la « dénégation plausible », il s’agissait de fabriquer une bonne couverture pour les services secrets et l’armée américaine qui fut très utile après le 11 septembre 2001 pour prétendre que les autorités américaines et la CIA en tête n’avaient jamais été en contact avec Al-Qaïda… Ce serait risible si ce n’était aussi tragique.

Une approche en tout point similaire a été suivie lors de la séquence des printemps arabes dans les années 2010 par l’administration Obama en direction de la Lybie, puis la Syrie et l’Irak avec quelques variantes mineures : l’Etat islamique en remplacement d’Al-Qaïda, les Frères musulmans légèrement en pointe par rapport aux wahhabites et une implication plus forte de la Turquie et du Qatar, « Etat du MI6 », par rapport à l’Arabie Saoudite pour le financement des filières d’endoctrinement, d’entraînement et d’équipement des djihadistes.

Précédant de quelques mois Mohamed Ben Salman, l’ancien Premier ministre qatari, Hamad Bin Jassim Al Thani, avoua en 2018, après son éviction du pouvoir, que le Qatar avait dépensé 137 milliards de dollars dans la séquence du Printemps arabe, notamment pour détruire la Syrie, mais aussi déstabiliser les dernières républiques arabes progressistes non encore totalement sous tutelle occidentale comme l’Egypte, la Lybie, la Tunisie, le Yémen et le Soudan.

V. Le projet de l’Establishment de mise en place de la société néocoloniale en France via la diabolisation des populations immigrées : le « COINTELPRO » (Counter Intelligence Program) français

Le projet d’institutionnalisation d’un statut de sous-citoyen pour les immigrés musulmans, maghrébins et particulièrement algériens s’est progressivement mis en place au cours des 40 dernières années. Il a été déclenché par la « marche des Beurs » de 1983. Celle-ci a provoqué un vent de panique au sein de l’Establishment français qui réalisait que les jeunes Français maghrébins, ayant grandi en France, revendiquaient une plus grande protection contre les violences racistes et, en filigrane, un statut de citoyen à part entière, que leurs parents, héritiers du système colonial, n’avaient jamais réclamé. A terme, tout comme aux Etats-Unis, ces enfants d’immigrés allaient formuler une demande d’émancipation économique et sociale, pouvant se transcrire en revendication politique de prendre pleinement leur place dans la société française. Et, tout comme aux Etats-Unis, une telle revendication était insupportable à l’oligarchie droitière, raciste et colonialiste, mais aussi par réaction de « classe » privilégiée ressentant cette revendication comme une remise en cause insupportable de leurs privilèges.

En réaction à ce mouvement, une fraction très puissante de l’Establishment français, réactionnaire et imprégnée de schémas colonialistes, s’est inspirée de la répression menée par son homologue américain à l’égard du mouvement des droits civiques des Noirs aux Etats-Unis à partir des années 60 en mettant en place ce que l’on peut appeler le programme « COINTELPRO » à la française contre les Maghrébins.

La répression de la communauté noire aux Etats-Unis par l’establishment américain : de COINTERLPRO au « gangsta rap »

Effrayés par la force des revendications du mouvement des droits civiques de la communauté noire américaine pour la fin des lois discriminatoires, l’égalité civique, la justice et l’émancipation économique et sociale, l’Establishment américain a lancé, dès les années 60, un plan en trois volets pour contrecarrer le mouvement des droits civiques, via le FBI de Edgar Hoover, le gouvernement raciste et suprémaciste blanc de Nixon ainsi que la CIA et l’appareil judiciaire :

– Une répression politique : avec une totale mauvaise foi, le FBI d’Edgar Hoover, appuyé par le gouvernement de Richard Nixon, a faussement prétexté la nature communiste des mouvements des droits civiques et leur potentiel soutien par l’URSS soviétique pour les cibler dans le plan secret COINTELPRO du FBI contre la subversion communiste et soviétique aux Etats-Unis. Dès lors, le FBI et les polices locales se sont engagés dans une lutte implacable à leur encontre (surveillance de leurs membres, infiltration par des agents doubles ou provocateurs, répression et dynamitage de l’intérieur), allant même jusqu’à assassiner les principaux leaders de ce mouvement (Malcom X, Martin Luther King ou Fred Hampton, le charismatique leader des Black Panthers de Chicago, ainsi que 26 autres membres de l’organisation) ou les pousser à l’exil (Eldridge Cleaver des Black Panthers). Cette surveillance et répression policière de tous les instants ont cassé la dynamique d’émancipation politique des Noirs américains et surtout le risque de revendications futures d’une plus grande égalité économique et sociale, qui demeure la crainte majeure des Establishments et oligarchies au pouvoir.

– Une répression policière dans le cadre de la lutte contre la drogue : selon le témoignage de John Ehrlichman, conseiller de Nixon, le véritable objectif de la « guerre contre la drogue » lancée par le gouvernement Nixon dans les années 70 était, sans jamais les désigner explicitement, de cibler les Afro-Américains en ancrant l’association Homme noir – drogue – dealer – violence dans l’esprit des Blancs américains. Était notamment visé le réservoir électoral républicain, ce qui permettait de faire d’une pierre deux coups : d’une part, faire monter le sentiment d’insécurité des Blancs américains à l’égard des Noirs, perçus comme une « classe dangereuse » et, d’autre part, rendre la fraternité entre communautés impossible, notamment pour freiner la possibilité d’une insertion sociale et économique des Noirs par un logement dans un quartier décent ou un emploi bien rémunéré, que seuls les Blancs pouvaient leur procurer.

En amont de cette « guerre contre la drogue », la CIA a été mobilisée pour inonder les quartiers majoritairement habités par la population noire de drogues dures provenant du « triangle d’or asiatique » (à la faveur de la guerre du Vietnam) ; les quantités de drogue dure déversées dans les quartiers noirs n’ont cessé d’augmenter avec l’ajout de celles d’Amérique latine dans les années 80 (via le plan CONDOR) puis celles d’Afghanistan (après le départ des Soviétiques, puis après l’occupation de 20 ans de l’Afghanistan suite au 11 septembre 2001). Ces flots gigantesques de drogue ont créé une économie de la drogue dans ces quartiers impliquant une proportion très importante de la population noire, ce qui a accentué la ghettoïsation de ces quartiers : les conditions de vie s’y sont terriblement dégradées et ces quartiers se sont déshumanisés sous l’effet d’une violence endémique, ce qui a créé une coupure immense avec le reste des ensembles urbains et, au-delà, du pays.

En aval de la « guerre contre la drogue », la « guerre policière » et la « guerre judiciaire » contre la drogue s’est focalisée sur les petits dealers, eux aussi majoritairement Noirs, en épargnant presque totalement les consommateurs blancs des « beaux quartiers », alors que la législation des années 70 criminalisait tout autant le deal que la consommation de drogues. La criminalisation de la consommation pour les Blancs est demeurée largement formelle. Avec l’« épidémie du crack » des années 80 touchant massivement les jeunes étudiants blancs, les législateurs au grand cœur, pensant certainement à leurs enfants, ont d’ailleurs mis fin à cette hypocrisie en modifiant les lois pour alléger sensiblement les peines pour les consommateurs. Une fois ce correctif apporté au dispositif, les peines pour le deal de drogues ont connu un durcissement incessant, notamment avec l’introduction de peines planchers. Par ailleurs, la police, militarisée, a reçu carte blanche au nom de la « guerre contre la drogue » pour se livrer à un harcèlement permanent des jeunes Noirs (rejoints rapidement par les Hispaniques) dans les ghettos, avec des raids dans la rue et dans les lieux publics mais aussi aux domiciles. Cette guerre contre la drogue a mené à une véritable suspension des droits civiques et à la suspicion systématique que tout Noir en possession de drogue était un dealer plutôt qu’un consommateur (même lorsque le raid avait lieu dans son domicile), alors que l’inverse s’appliquait pour les Blancs. Au final, près de 5% de la population noire masculine adulte est incarcérée aujourd’hui, avec une quasi impossibilité de réinsertion sociale par le travail légal du fait de la facilité d’accès du dossier criminel par les employeurs, autre mesure adoptée par l’Establishment.

Un troisième volet culturel : à partir des années 90, on a définitivement tué l’image des jeunes Noirs pauvres mais dignes, bien élevés et à la haute conscience civique du mouvement pour les droits civiques des années 60 via la promotion et la popularisation du « gangsta rap » et de ses fausses valeurs afin de provoquer une dégénérescence et une perte d’estime de soi dans la communauté noire et une coupure définitive auprès de la population blanche. Bien loin de la geste du mouvement des droits civiques, voire des premiers textes du rap originel centrés sur des revendications de promotion sociale, de justice, d’égalité ou d’élévation culturelle et spirituelle, les producteurs de musique, les radios, télévisions et l’industrie du cinéma ont été mobilisés pour promouvoir des contre-valeurs qui stigmatisent culturellement les Noirs des ghettos à longueur de journée : l’argent facile et malhonnête, les armes et la violence, le rejet de la loi et des forces de l’ordre, le machisme abject et l’avilissement des femmes.

Ce plan « COINTELPRO » principalement dirigé contre la communauté noire, lancé par un Establishment américain effrayé à partir de la fin des années 60, poursuivi et élargi par tous les gouvernements américains depuis, a permis, d’abord, de casser la volonté d’émancipation collective et politique de la communauté noire puis de réaffirmer un contrôle politique, sécuritaire et social indirect et étouffant des individus par l’appareil d’Etat et ses relais de propagande, au point que l’on parle de la remise en place des lois Jim Crow de ségrégation raciale en vigueur jusqu’aux  années 60 dans le Sud des Etats-Unis sous une forme modernisée, certes moins violente, mais redoutablement efficace et pernicieuse.

Le plan réactionnaire « COINTELPRO français » mis en œuvre par l’Establishment français à partir de la marche des Beurs de 1983 reprend les trois volets du plan américain (briser l’émancipation politico-sociale des Maghrébins, instrumentaliser la « guerre contre la drogue » et promouvoir le gangsta rap), en y ajoutant, à partir des années 90, un quatrième volet, la diffusion de l’intégrisme islamiste dans les banlieues.

1. Sur un plan politique, le plan COINTELPRO à la française vise l’infiltration et la manipulation des mouvements revendicatifs pour briser l’émancipation politico-sociale des Maghrébins :

En France, un plan similaire au plan américain, mais heureusement beaucoup moins violent qu’aux Etats-Unis, a été mis en place par l’Establishment français à partir du début des années 80 à la suite de la marche des Beurs. Tout comme le mouvement des droits civiques aux Etats-Unis quinze ans auparavant, le mouvement des Beurs portait une revendication d’égalité des droits et d’engagement civique de la nouvelle génération de Franco-maghrébins qui refusait la condition de lumpen prolétariat et de néo-colonisé imposée jusque-là à leurs parents. Comme aux Etats-Unis, leur revendication initiale de mettre fin à la violence et au racisme dont ils étaient victimes pouvait déboucher à terme sur une demande plus politique d’émancipation économique et sociale. Cette revendication légitime de citoyens français provenant des anciennes colonies était insupportable à la fraction ultraréactionnaire et néo-colonialiste de l’Establishment français.

L’approche française a consisté à appliquer le volet infiltration, fractionnement et manipulation du plan COINTELPRO, sans la stigmatisation comme ennemis de la Nation ni l’assassinat des leaders ou la traque policière tous azimuts : elle a consisté à détourner la revendication d’égalité et d’émancipation politique portée par la marche des Beurs vers une action humanitaire anti-raciste mièvre, une sorte de « Wokisme » avant l’heure, afin d’en neutraliser les fondements politiques et déstabilisateurs pour l’élite en place. A la manœuvre, on trouve François Mitterrand, membre de l’Establishment français depuis les années 30, réactionnaire, proche des patrons catholiques de droite et missionné pour provoquer le déclin du parti communiste français, obsession de l’Establishment français depuis 1945, en l’intégrant dans une coalition de gauche qui se détournera de son programme commun au bout de deux ans de pouvoir.

Pour neutraliser les Beurs, Mitterrand mandate le pied-noir trotskiste et sayanim Julien Dray ainsi que Harlem Désir, sortis de nulle part, pour englober la revendication des Beurs dans le fourre-tout SOS Racisme et ses bourgeons (MRAP, etc.) afin de mieux dissoudre l’élan vital et politique du mouvement et l’aura potentielle de ses leaders dans un groupement d’apparatchiks, de « jeunes » éternels, d’« étudiants professionnels », placés dans l’orbite du parti socialiste, « parti de gouvernement » chargé de trahir les classes populaires au bénéfice du grand capital français et de l’Europe vassale des Etats-Unis.

2. L’organisation du trafic de drogue dans les banlieues par les services secrets (DST et DGSE) :

A partir de la fin des années 70 et du début des années 80, l’essentiel des filières de la French connexion spécialisées dans le trafic d’héroïne, principalement corses, sont éliminées par une action conjointe entre les Etats-Unis et la France. Dans la foulée, les services secrets français, notamment les anciens barbouzes du SAC de Charles Pasqua, reprennent en main les circuits en jachère en apportant deux changements : ils rajoutent à l’héroïne le cannabis importé du Maroc, via de nouvelles filières clandestines mises en place avec la complicité du Makhzen marocain, bras armé de la DGSE française. D’autre part, ils commencent à inonder les banlieues de drogue, suivant l’approche de leurs homologues américains, en mettant en place une pyramide de réseaux de dealers maghrébins dans les banlieues, notamment à Marseille qui demeure une des principales plaques tournantes de la drogue en France. Quant aux circuits « logistiques » de gros, ils restent tenus par les Etats : circuit marocain pour la production et une partie de l’acheminement de gros du cannabis via l’Espagne et circuit français, notamment via le Sahel, depuis 2012, et les opérations Barkhane et Cie grâce au contrôle des bases militaires et des pistes d’atterrissage dans le Nord du Mali et du Niger qui permettent de fusionner de nouveaux réseaux d’acheminement vers l’Europe de l‘héroïne d’Amérique latine avec la route sahélienne du cannabis du Maroc.

Tout comme aux Etats-Unis, la France lance, avec moins de théâtralité que les Etats-Unis, sa « guerre contre la drogue » pour stigmatiser les banlieusards, notamment maghrébins puis noirs. Elle s’appuie sur la loi très dure de 1970 ciblant à la fois les consommateurs et les fournisseurs de drogues dures et de cannabis. Dans les faits, comme aux Etats-Unis, son application différenciée et raciste a consisté à épargner les consommateurs, majoritairement Français de souche dont une très grande partie de la population étudiante, nos « enfants » pour la frange raciste, bénéficiant d’une grande indulgence, pour se concentrer sur une répression très dure des jeunes de banlieue, Noirs ou Maghrébins : contrôle au faciès continuels, présomption d’être des dealers, plantage de paquets de drogue pour les piéger avec la complaisance de magistrats membres de l’Establishment pour les condamnations.

Tout comme aux Etats-Unis, le trafic de drogue a permis de faire un coup « multi-gagnant » : freiner l’ascension économique et sociale des Maghrébins de banlieue dans la société française en les détournant des voies légales et légitimes via l’appât du gain financier facile, discréditer les Maghrébins (puis les Noirs africains) en les associant au deal, moyen de les stigmatiser et de les couper du reste de la population française, provoquer des dégâts massifs dans l’ensemble du tissu social des banlieues et, enfin, procurer des ressources financières considérables pour l’Establishment sécuritaire hors budget c’est-à-dire sans contrôle parlementaire, voire quelquefois exécutif.

3. La guerre culturelle contre les populations immigrées via le gangsta rap :

Le gangsta rap a été encouragé par l’Establishment pour faire la promotion de la violence, d’un « mode de vie » et d’un « nouveau statut social de gangster ». Tout comme aux Etats-Unis, l’objectif était d’installer une contre-culture servant à décérébrer les jeunes de banlieue, à diffuser de fausses valeurs et à accentuer la fracture avec le reste du corps social français. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’un des fils de Nicolas Sarkozy a fait une carrière de producteur dans ce business juteux qui permet de gagner beaucoup d’argent tout en sapant les valeurs et la personnalité d’« ennemis de classe » ou si  Canal Plus de l’ère Vincent Bolloré produit et diffuse la série Validé faisant la promotion de cette sous-culture aux « valeurs » toxiques.

4. La manipulation de l’intégrisme religieux dans les banlieues à partir des années 1990, principale nouveauté du plan COINTELPRO français par rapport aux Etats-Unis :

– La propagation de l’intégrisme dans les banlieues, coup double de politique intérieure et extérieure

Dans les années 90, l’Establishment droitier français et ses alliés sionistes et anglo-américains mettent en place un plan pour diffuser l’intégrisme salafiste dans les banlieues françaises, en marge de leur projet de déstabilisation de l’Algérie.

En Algérie, les Occidentaux et particulièrement la France soutiennent le parti politique intégriste islamique révolutionnaire du FIS (aujourd’hui, on dirait salafiste) affilié au réseau des Frères musulmans et co-dirigé par l’agent du MI6 britannique Abassi Madani, formé dès les années 60 en Angleterre. Conformément à la stratégie politico-militaire des Frères musulmans, le FIS tente d’abord de prendre le pouvoir par les urnes puis, après l’arrêt du processus électoral de décembre 1990, actionne son réseau souterrain de multiples branches armées composées d’anciens membres des « légionnaires-combattants de la liberté » en Afghanistan contre l’URSS (comme les appelait alors la presse occidentale) comme le FIDA (pour assassiner les intellectuels), l’AIS (pour assassiner les militaires et les malheureux civils pris dans la nasse), puis le GIA (pour assassiner tout le monde), et enfin le GSPC pour le terrorisme à basse intensité pour freiner le développement dans les zones stratégiques. L’Algérie des années 90 connait alors un délire apocalyptique, prélude à celui d’Al-Qaïda puis de l’Etat islamique et autres Front Al Nosra au Moyen-Orient.

Profitant du pôle d’« attraction » que constitue la guerre civile en Algérie, François Mitterrand met en place un plan d’infiltration des banlieues par des réseaux de prédicateurs intégristes, comprenant de nombreux membres du FIS algérien refugiés en France et protégés par l’Etat français qui leur offre des cartes de séjour de complaisance. Le plan de radicalisation des Maghrébins des banlieues qui se met en place permet de faire d’une pierre plusieurs coups : continuer à détourner les Maghrébins de leur insertion dans la société française conduisant inévitablement à des revendications économiques, sociales et politiques légitimes, et accélérer la coupure avec le reste de la société française qui ne peut accepter ni la voie non violente du quiétisme, inacceptable pour la tradition d’intégration française, ni bien sûr l’intégrisme agressif.

Apres le 11 septembre 2001 puis l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007, la radicalisation des banlieues devient une priorité dans le cadre du projet néo-conservateur d’utilisation de l’intégrisme religieux pour détruire et morceler les républiques arabes souveraines opposées à Israël comme indiqué précédemment. Nicolas Sarkozy s’active personnellement pour obtenir des financements colossaux pour les banlieues de l’Arabie Saoudite, et surtout du Qatar, les deux Etats d’obédience wahhabite, clients des Etats-Unis et de l’Angleterre, et qui n’ont jamais tiré un coup de feu depuis 80 ans contre Israël. Ces fonds se déversent dans l’infrastructure mise en place par l’Establishment en France (drogue, armes, dealers-balances, mosquées, maisons d’édition, sites web, etc.) et supports médiatiques internationaux (chaines de télévision et sites faisant la promotion des idées des Frères musulmans) et accélèrent considérablement la propagation de l’intégrisme religieux dans les banlieues.

Au même moment, l’Establishment américain décide, sous Barack Obama, de déstabiliser les Républiques arabes restées hostiles ou circonspectes à l’égard d’Israël par les Frères musulmans qu’il projette de porter au pouvoir en Tunisie, Egypte, Libye, Syrie, Yémen et Irak. A partir de l’année 2011, et notamment à la faveur du projet de renversement du gouvernement syrien légitime par une myriade de groupes armés intégristes, la France va devenir l’une des plaque-tournantes de l’alimentation en djihadistes pour les guerres par procuration des Occidentaux et de leurs alliés du Golfe et de la Turquie au Moyen-Orient.

La diffusion de l’intégrisme religieux dans les banlieues et les prisons devient un enjeu stratégique puisqu’il permet de substituer une chair à canon bien utile et considérée comme « encombrante » en France à l’armée régulière que l’on ne veut pas impliquer directement dans la géopolitique « française ». La voie royale pour le djihad des jeunes de banlieues est mise en place au plus haut niveau de l’Etat, via les personnages troubles de l’appareil sécuritaire installés par l’agent américano-sioniste Sarkozy : délinquance et deal de drogue dans les banlieues en première étape, puis arrestation et condamnation à la prison via des juges implacables dûment sélectionnés, radicalisation en prisons transformées en centres de formation accélérée à l’intégrisme par le truchement d’« aumôniers musulmans » spécialistes dans l’endoctrinement, fonctionnaires précieux de l’Etat français pour exécuter ses basses œuvres, enfin recrutement à la sortie des prisons pour le « djihad » en Irak, Syrie et quelquefois en Libye au sein de filières permettant, dans un voyage de 48 heures via des circuits protégés par l’Etat, d’atterrir dans  des centres secrets au Moyen Orient ou dans sa périphérie pour des formations militaires accélérées données par des instructeurs djihadistes pilotés à distance par les armées et les services secrets occidentaux et israéliens, avant l’enrôlement dans les brigades de djihadistes semant la terreur en Syrie, en Irak ou en Libye.

Ce processus bien rôdé acquiert une échelle industrielle durant l’« épopée » de la marionnette ISIS (Etat islamique) ou Daesh qui, de manière assez révélatrice et provocatrice, prend la forme d’un califat ethnico-pétrolier, préconisé comme « solution » aux problèmes du Moyen-Orient dans le plan néo-conservateur. Cette saga fortement médiatisée dure de la proclamation du califat en 2013 jusqu’à son éradication sous un tapis de bombes à Raqqa en Syrie et à Mossoul en Irak en 2016-17, pour mettre fin à cette « aventure » sans laisser de traces compromettantes.

On peut aisément retracer l’implication d’agents de l’Establishment chargés de l’endoctrinement et de la radicalisation des jeunes de banlieue pour les trois « filières »-clés ayant basculé dans le terrorisme de masse en France, en Belgique et en Espagne au moment des guerres otaniennes au Moyen-Orient :

Le gourou-prédicateur Olivier Corel, Abdel Ilah Al-Dandachi de son vrai nom, influenceur des filières d’Artigat et de Toulouse, censé être un « réfugié syrien », arrivé en France avec sa femme en 1969 (ce qui est bien sûr impossible à vérifier) : « intégriste musulman » ayant accepté d’être rebaptisé d’un nom et d’un prénom bien français (provocation traduisant l’excès de confiance et le cynisme de l’Establishment ?), surnommé l’« Emir blanc ». Installé dans une retraite à Artigat, au pied des Pyrénées, il a organisé des stages de radicalisation accélérée selon un modèle de « sécessionnisme » d’école pour les terroristes des filières des Buttes-Chaumont (frères Kouachi responsables de l’horrible tuerie de Charlie Hebdo et Coulibaly responsable de la tuerie de l’Hyper Cacher) et la filière toulousaine et du Sud-Ouest (frères Merah et frères Chain qui passeront plusieurs mois à Artigat en plusieurs séjours), malgré la surveillance étroite par la DST durant 35 ans et les nombreux signalement des policiers de la région. Après avoir participé à la formation des premières filières pour le djihad en Irak dès 2005 pour alimenter la guerre religieuse sunnite – chiite sous couvert d’affrontement contre les « kouffars » de la coalition anglo-américaine, les autorités ont fini par fermer sa retraite en 2009, ses activités étant devenues trop voyantes. Depuis, il se contenterait de bêcher son jardin et d’élever ses chèvres.

Djamel Beghal, ancien condamné à la suite des attentats dans le RER parisien de 1995, gourou de la filière des Buttes-Chaumont  : ancien d’Afghanistan etprésenté à une époque comme un agent des services secrets algériens à la suite des attentats dans le RER parisien de 1995, Djamel Beghal rencontre et endoctrine d’Amedy Coulibaly responsable de l’attentat de l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes et Chérif Kouachi, l’un des deux frères responsables de l’attentat de Charlie Hebdo en prison à Fleury-Mérogis en 2006. Bien que placé en résidence surveillée à Murat dans le Cantal à partir de 2009 et malgré de nombreux rapports sur sa dangerosité, on lui permet de recevoir les précités et de poursuivre leur endoctrinement de 2010 à fin 2014 avant leurs attentats de janvier 2015. Encore une défaillance de la surveillance des agents de sécurité !

Les frères Fabien et Jean-Michel Clain, autres gourous de la filière toulousaine, ayant essaimé aux quatre coins du territoire français avant de partir en Syrie rejoindre Daesh.  Malgaches d’origine, issus d’une famille de fervents catholiques, ils sont devenus intégristes musulmans, de rappeurs, ils sont devenus auteurs et chanteurs de nachids ou Nasheed (chants religieux), un parcours qui ne s’invente pas. Les deux frères forment un duo de prédicateurs parfaits : menés par Fabien très éloquent et qui parle couramment l’arabe, le duo se consacre à la radicalisation de terrain auprès des jeunes de Toulouse et du Sud-Ouest (notamment les frères Merah). Après avoir passé plusieurs années à engager des conversations inoffensives sur des points théologiques sur les marchés de la région de Toulouse, ils basculent mystérieusement mais opportunément dans un discours radical à la suite des émeutes de 2005 en endoctrinant les jeunes banlieusards du Mirail pour le djihad contre les Américains, les Israéliens et surtout les ennemis chiites martyrisant les musulmans sunnites au Moyen-Orient. Ils font visionner les discours de Ben Laden à leurs cibles sans être inquiétés, malgré les multiples signalements par les policiers locaux et les renseignements généraux durant de nombreuses années. En 2005, ils passent par la retraite – académie d’Olivier Corel à Artigat. En 2012, ils partent en Syrie avec femmes et enfants où ils se lancent dans une « carrière » de chanteurs de nachids avec en point d’orgue la revendication des attentats de la nuit du Bataclan depuis la Syrie : grotesque de fausseté ! Poursuivant leur parcours « exemplaire », ils rejoignent l’Etat Islamique et s’installent en famille à Raqqa. En janvier 2019, on annonce que Fabien Chain aurait été tué et Jean-Michel Chain mortellement blessé et disparu dans le cadre d’une opération anti-terroriste par drone à Baghouz, dernier bastion de Daesh dans le Nord-Est de la Syrie. Cette information invérifiable est « crédibilisée » par l’invitation opportune d’un panel de journalistes proches de l’Establishment installés à 3 kilomètres de Baghouz pour couvrir l’« élimination » des frères Chain, ce qui permet de faire disparaître opportunément les agents de l’Establishment.

La filière des imams marocains, plus particulièrement ceux originaires du Rif, envoyés par le Makhzen marocain en Arabie Saoudite pour se former à endoctriner et radicaliser les banlieusards de seconde ou troisième génération de la forte communauté marocaine en Espagne, France et Bénélux, notamment ceux également originaires du Rif présentant la particularité de « fonctionner de manière clanique » dont on retrouve la trace au cœur d’affaires de terrorisme dans les trois pays.

Ainsi, des imams marocains sont nommés dans de nombreuses mosquées de Bruxelles en Belgique, siège de l’OTAN au début des années 80 au moment du démarrage de la guerre en Afghanistan contre l’URSS à la suite d’un accord passé entre la Belgique et l’Arabie Saoudite. Selon cet accord, ces imams sont formés en Arabie Saoudite par la Ligue Islamique Mondiale, le bras armé idéologique de l’Arabie Saoudite chargé de diffuser un islam radical dans le monde musulman à la demande des Américains (comme dénoncé par Mohammed Ben Salman en 2018) et endoctrinent des jeunes immigrés pour aller faire le djihad en Afghanistan. Tous ces imams ont des liens avec les services belges et marocains, notamment ceux des 22 mosquées de Molenbeek.Par ailleurs, on apprend que 15 000 passeports belges avec des noms marocains qui ont été « dérobés » dans les années 90 en Belgique atterrissent entre les mains de djihadistes, dont celles des deux faux journalistes tunisiens qui assassinent le commandant Massoud en septembre 2001, quelques jours avant le 11 septembre 2001.

La fabrique de nouveaux djihadistes est simplement réactivée dans les années 2010 en Europe, en accord avec les gouvernements des pays membres de l’OTAN pour mener les guerres anglo-sionistes du Moyen-Orient.

Un réseau de trois « imams » marocains de Belgique s’illustre dans les attentats de Paris et du Bataclan (Mohamed Toujgani, l’imam principal de la mosquée Al Khalil de Molenbeek, l’un des plus grands lieux de culte de Belgique, Bassam Ayachi, dirigeant du « Centre islamique belge » et Abdelkader Chouaa qui recrutait des jeunes pour le djihad en Syrie) ont été en contact avec au moins trois des terroristes (Abdel Hamid Abaaoud, Chakib Akrouh et Salah Abdeslam mais aussi la cellule des frères El Bakraoui, Najim Laachraoui et Mohamed Abrini à l’origine des attentats du métro et de l’aéroport de Bruxelles de 2016). La même mosquée Al Khalil a servi à recruter des jeunes pour le djihad en Afghanistan dans les années 1980.

De même, Tarik Chadlioui, autre imam salafiste marocain du Rif, naturalisé en Belgique en 2002 où il officie à Anvers jusqu’en 2012, surnommé le « prêcheur de la haine », qui se met soudainement à voyager aux quatre coins de l’Europe pour prêcher le djihad au moment de l’épopée de Daesh, notamment en Espagne en 2014 et 2015 pour installer une cellule de recrutement de candidats au djihad, puis en France à la mosquée de Lucé près de Chartres et à Paris où il a achevé de radicaliser Omar Mostefaï, un des trois terroristes de la tuerie du Bataclan, avant de se réfugier à Birmingham et d’être arrêté et extradé en 2019 en Espagne.

En France, il y a l’« imam » Abdellilah Ziyad, au parcours mystérieux. Il a endoctriné les terroristes impliqués dans les attentats de Marrakech en août 1994 ayant tué deux touristes espagnols. Condamné en 1997 par un tribunal français à huit en ans de prison comme commanditaire de cet attentat, il est mystérieusement libéré en 2001 et « disparait dans la nature » car il est interdit de territoire. Après s’être « dissimulé » durant sept ans sous de « fausses identités » (si l’on croit à cette fable), il réapparait en situation irrégulière en 2008 comme prédicateur de la mosquée de Beaulieu où il attise un foyer salafiste dans toute la région de Chartres (décidément !), notamment des fidèles de la mosquée Anoussra de Chartres dont sortira l’un de ses « bourgeons » pris en main à partir de 2010, Ismail Omar Mostefaï. Il devient même imam de la mosquée de Troyes jusqu’en décembre 2015 où sa connexion avec un terroriste du Bataclan commence (enfin !) à faire tache et entraîne sa démission de la fonction d’imam de la mosquée. Il finit par être expulsé vers le Maroc en octobre 2021 où il bénéficie d’une grâce royale (car il avait été condamné à 25 ans de prison par contumace pour les attentats de Marrakech de 1994).

De même, il y a la filière des « imams » marocains en Espagne, qui sont souvent formés en Arabie Saoudite, laquelle finance également largement les mosquées espagnoles suite à des accords entre les deux gouvernements.

Ainsi, l’« imam » Abdelbaki Es Satty endoctrine les terroristes d’origine marocaine du groupe de Ripoll (attentats de Barcelone et Cambrils de 2017), et qui avait des liens avec les services espagnols (notamment depuis son passage en prison pour irrégularité dans son permis de séjour) et marocains. Il avait même déjà été mêlé aux attentats de Madrid de la gare d’Atocha (190 morts) dix ans plus tôt. Selon la version officielle, et selon des « indices solides », il serait mort déchiqueté par l’explosion de la maison d’Alcanar en Catalogne où il s’était caché quelques jours après l’attentat de Cambrils, en préparant une bombe. Une autre thèse évoque son retour au Maroc, comme annoncé à ses proches quelques jours plus tôt.

Imran El Khazzani, « imam » de la mosquée de Taqwa à Algésiras en Espagne de 2012 à 2014 qui appelait au djihad en Syrie et qui a endoctriné son jeune frère, Ayoub El Khazzani, marocain d’Espagne qui a commis un attentat dans le train Thalys Bruxelles – Paris en août 2015, en connexion avec les cellules de Molenbeek.

La complicité des Establishments des Etats profonds otaniens dans la manipulation du terrorisme salafiste au cours des années 2000 et 2010 n’est malheureusement pas surprenant compte tenu des enjeux considérables de leurs « guerres sans fin » au Moyen-Orient.

L’intérêt du détournement de ce « petit » flux sur le territoire européen est de faire d’une pierre deux coups en portant un coup fatal à l’image de la deuxième et troisième génération de musulmans en Europe dans les pays où l’Establishment leur est particulièrement hostile, en premier lieu la France, et de durcir l’arsenal législatif sécuritaire et anti-terroriste, tout comme cela fut déjà pratiqué aux heures sombres des réseaux Gladio dans les années 70-80 face à la menace communiste.

– La diabolisation de l’Islam et des musulmans à la suite des grands attentats

Profitant de la sidération dans la société française à la suite de ces attentats très spectaculaires et meurtriers des guerres du Moyen-Orient, l’Establishment français embraye avec une déshumanisation et une essentialisation hystérique et grossière des Maghrébins et des Algériens en particulier comme des Musulmans prêts à tout moment à basculer dans l’intégrisme.

Ce mouvement est massivement soutenu par des trolls qui polluent tous les sites Internet et les réseaux sociaux pour diffuser une pensée raciste, nauséabonde sur l’Islam, le prophète Mohamed, les Musulmans, les Arabes, les Maghrébins et les Algériens, quel que soit le sujet, avec de véritables déchainements sur les fils d’actualité et, en particulier, pour le moindre fait divers. Ces usines de trolls à plein temps, gérés par des officines des Establishments français et israéliens, visent à désinhiber la pensée et la parole raciste extrême pour déshumaniser leurs cibles et banaliser le projet de répression à venir. D’ailleurs, de nombreux sites, comme celui de yahoo.fr, incapables d’assurer une quelconque modération, ont préféré fermer les commentaires de leurs articles.

Curieusement, l’appareil de surveillance et de sanction à l’encontre des attaques racistes ou des menaces sur le net et les réseaux sociaux, fortement activés en faveur de la lutte contre l’antisémitisme depuis la guerre israélo-palestinienne du 7 octobre 2023, est curieusement inopérant lorsqu’il s’agit des  insultes ou des appels à la guerre civile, à la noyade ou à la « remigration » brutale (la valise dans le cercueil), ou les manifestations bruyantes de joie lors des accidents, catastrophes et attentats dans les pays arabes et musulmans. De même, l’Establishment a neutralisé l’ARCOM dès qu’il s’agit d’instaurer un minimum de « régulation » à l’encontre de la parole raciste contre les Musulmans et les Maghrébins, hors mesurettes- alibi à l’égard de C8 en livrant TPMP en pâture.

– Une probable instrumentalisation des attentats de « loups solitaires » pour obtenir des avancées politiques

Après la fin du cycle des grands attentats de masse liés au djihadisme au Moyen-Orient en 2017 qui ont durablement sidéré et traumatisé l’opinion publique européenne au cours des années où s’activait la marionnette ISIS – Daesh créée par les Etats-Unis, l’Angleterre et Israël (celle-ci ne survivant apparemment que sous la forme d’un standard téléphonique actionné pour revendiquer les attentats en Europe, notamment en France et en Russie), il ne reste plus, depuis près de sept ans, que des attentats de « loups solitaires », souvent « des fichiers S », des « réfugiés politiques »  ou des « OQTF » expulsables mais protégés par une « justice trop laxiste», généralement sujets à des troubles psychiatriques identifiés mais jamais traités ou faisant l’objet de contrôles policiers ou judiciaires d’agents de police ou de petits juges de terrain remarquables mais malheureusement trahis par leur hiérarchie laxiste, politisée et wokisée, etc.

Compte tenu du traumatisme engendré par les meurtres de masse dans les sociétés paisibles européennes et revendiquées haut et fort par des mouvements intégristes satanistes, le mal étant fait, il importe peu que le nombre de victimes soit considérablement moins élevé que lors des grands attentats, la systématisation et les amalgames entre religion musulmane et Musulmans d’une part et terroristes fanatisés de l’autre est bien ancrée dans la société française, attisée par les médias des mille collines des milliardaires, avec Bolloré en tête de proue.

Cet état de choc de l’opinion publique française semble neutraliser la déontologie journalistique, l’enquête et la recherche des faits et de la vérité sur la nature des évènements, le profil des auteurs, l’entourage et la source de la radicalisation de ces loups solitaires, au-delà des informations fournies par les services de sécurité.

Pourtant, il y a certainement matière à mener une enquête sur cette succession de dérives individuelles qui évoque irrésistiblement le programme d’opérations de contre-terrorisme abusives du FBI aux Etats-Unis pour pousser des Musulmans fragiles à commettre des attentats, dénoncé par l’ONG internationale Human Rights Watch dans un rapport du 21 juillet 2014.

En effet, analysant plus de 500 affaires de terrorisme jugées par les tribunaux américains depuis le 11 septembre, Human Rights Watch, aidé par l’Institut des Droits de l’Homme et l’Ecole de droit de l’Université de Columbia, a évalué que 50% des cas ayant conduit à la condamnation d’Américains musulmans comme terroristes par l’action concertée de l’Etat fédéral américain (Ministère de la justice et FBI) résultent d’opérations sous couverture et que dans 30% de ces cas, l’agent infiltré avait même joué un rôle actif dans le montage du complot (élaboration du plan d’attentat, fourniture des ressources pour le mettre en œuvre, pression sur la ou les  personnes pour qu’elles y participent, souvent paiement pour commettre les attentats). Parmi ces cas, des investigations approfondies de 27 affaires (analyses approfondies des rapports d’enquêtes, interviews de 215 personnes inculpées ou condamnées, de leurs proches, des avocats, juges et procureurs) a également démontré que le FBI ciblait souvent des personnes vulnérables, souffrant de troubles mentaux et intellectuels, repérés généralement à la mosquée ou à l’école.

La justification du FBI a consisté dans un premier temps à dire que les individus visés étaient des terroristes en puissance et que si le FBI ne les avait pas poussés, Al-Qaïda l’aurait fait. Mais comme cette justification commençait à s’affaiblir avec la baisse de la menace terroriste, le FBI a fini par reconnaître qu’il agissait sous la pression des autorités politiques afin de gonfler le nombre d’arrestations et de justifier les lois anti-terroristes.

Le ministre de la justice américain Eric Holder dans le gouvernement Obama, récemment décédé, avait d’ailleurs, toute honte bue, encouragé les responsables européens à généraliser ce modus operandi en juillet 2014 afin de mettre à jour d’éventuels complots d’attentats par des Européens radicalisés en Syrie « de manière préventive ». Ou plutôt pour diaboliser les citoyens musulmans, Monsieur Holder ?

Or, lorsqu’on lit le travail méritoire de François Belliot sur les opérations terroristes conduites en France après 2017 par des « loups solitaires » et officiellement attribuées à Daesh, qu’elles aient été revendiquées ou non,  on ne peut que penser irrésistiblement à la voie préconisée par Eric Holder lors de nombreux cas emblématiques d’attentats de « loups solitaires » ayant violemment choqué l’opinion publique et qui présentaient presque tous une caractéristique « opportune » qui a provoqué une indignation de l’opinion publique contre le « laxisme » de la politique migratoire, sécuritaire ou d’intégration, ouvrant la voie à des durcissements législatifs guidés par l’émotion.

– L’assassinat au couteau du prêtre Jacques Hamel par Adel Kermiche (et son acolyte Abdel Malik Petitjean) le 26 juillet 2016, alors qu’il était placé sous bracelet électronique, interdit de quitter sa résidence et suivi par trois services de renseignements différents ayant envoyé des notes signalant un passage à l’acte imminent quelques jours auparavant. Cela soulève des questions sur l’efficacité du contrôle policier des djihadistes.

– La décapitation spectaculaire de Samuel Paty le 25 septembre 2020 à la sortie de son école par un jeune russe d’origine tchétchène de 18 ans, manifestement fragile psychologiquement, dont le père avait difficilement obtenu l’asile en France pour lui et sa famille en 2011 en reconnaissant son implication dans la mouvance séparatiste tchétchène et en insistant sur le risque encouru en cas d’expulsion vers la Russie : il s’agissait du premier cas de la filière des jeunes réfugiés du Caucase musulman en France, cas emblématique d’une filière « prolifique » en déséquilibrés mentaux déracinés et à l’environnement familial dysfonctionnel. Le cas Paty, au-delà de la poussée de fièvre anti-Islam et antimusulmans, fit également l’objet d’une grande exploitation par la droite dure sur le thème du laxisme de la politique de droit d’asile française puisque la demande d’asile du père auparavant rejetée par la Pologne et l’Office français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) avait finalement été acceptée par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), instance d’appel au nom de la protection contre un retour potentiellement dangereux pour cette famille tchétchène d’obédience intégriste en Russie.

– L’attentat de la basilique de Nice du 29 octobre 2020 qui a fait trois victimes de la main de Brahim Aissaoui, que l’on nous présente comme un jeune Tunisien qui serait venu en France pour tuer des Chrétiens dans une église en représailles à la republication par Charlie Hebdo des caricatures de Mahomet le 2 septembre 2020, inspiré par un média proche d’Al-Qaïda du Pakistan appelant à égorger des Français dans leurs églises. Encore un scénario « tiré par les cheveux » où un Rambo terroriste accomplit un exploit surhumain :  Tunisien pauvre radicalisé en Tunisie, il décide de commettre un attentat suite à la publication d’un obscur journal d’Al- Qaïda au Pakistan dénonçant les caricatures (première bizarrerie), il entre clandestinement en Italie pour aller tuer des Français dans une Eglise (deuxième bizarrerie), il est secouru par un bateau d’humanitaires qui l’emmène du Sud de l’Italie vers le Nord de l’Italie au bout de quelques jours, puis il est enfermé dans un camp de réfugiés à Vintimille où on lui signifie une OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français), finalement non-exécutée, suite à quoi on le libère (troisième bizarrerie). Il arrive en France, est secouru par au moins trois Tunisiens qui lui viennent en aide et passe à l’acte sur le parvis d’une Eglise à Nice. Un cas magistral permettant de fustiger, hors de toute vraisemblance, l’internationale terroriste musulmane, l’émigration clandestine, le laxisme italien vis-à-vis des migrants, les associations humanitaires d’aide aux migrants, l’inefficacité des OQTF, les frontières terrestres passoires entre l’Italie et la France et les filières d’entraide entre immigrés.

– Le cas de l’horrible « viol » suivi de tortures puis de l’assassinat de Lola, pauvre petite fille de 12 ans découpée en morceaux mis dans une valise, par Dahbia Benkired, ressortissante algérienne souffrant de troubles psychiatriques et qui s’était vue notifier une OQTF pour défaut de titre de séjour au moment des faits le 14 octobre 2022, et qui ne se souvient de rien. Là, c’est plutôt un remake sordide et satanique du « Manchurian Candidate » en accumulant étrangère en situation irrégulière, femme folle et violeuse d’enfant, perversité satanique et, bien sûr, le classique laxisme dans l’exécution des décisions de justice ;

– L’assassinat au couteau du professeur Dominique Bernard au lycée Gambetta d’Arras le 13 octobre 2023 (ainsi que les blessures de trois autres professeurs et de deux gardiens de l’établissement) par Mohammed Mogouchkov, jeune homme de 20 ans, de nationalité russe d’Ingouchie dans le Nord-Caucase, fiché S. Contrôlé par la DGSI un jour auparavant, avec une famille qui aurait dû être expulsée en février 2014 (elle avait été transportée jusqu’à l’aéroport), mais avait été sauvée par des associations d’aide au migrant (MRAP, Cimade, RESF 35 et d’autres collectifs), avec un père radicalisé qui a finalement été expulsé en 2018 et un frère déjà interpellé par la DGSI en 2019 dans le cadre d’un projet d’attentat et en détention  pour 5 ans car il n’avait pas dénoncé un projet d’attentat. Encore un cas qui coche « trop de cases pour être honnête » : assassinat d’enseignant par un jeune de la filière caucasienne pour raviver l’intégrisme laïc à l’encontre de l’Islam en convoquant la figure de Samuel Paty, laxisme des autorités, cette fois-ci pour le suivi des fichiers S et pour l’exécution des décisions d’expulsions.

Et ainsi de suite dans une liste minutieusement dressée par le journaliste-enquêteur François Belliot de cas psychiatriques ou d’individus instables vivants en marge de la société ou de délinquants invoquant ou non une inspiration de l’Etat islamique. Le journaliste exprime aussi des doutes sur l’éventuelle manipulation de tout ou partie de ces « loups solitaires » aux profils très opportuns avant les attentats ainsi que sur l’attitude, potentiellement volontairement laxiste, des appareils de sécurité et judiciaire dans quasiment toutes les affaires pour faire progresser le détricotage des politiques d’immigration, d’accueil des réfugiés et de la neutralité de l’Etat à l’égard des Musulmans.

Sans compter l’emballement médiatique des médias des milliardaires, notamment les médias Bolloré des « mille collines » pour s’emparer immédiatement de cas potentiellement emblématiques pour faire avancer à la Gramsci leur bataille culturelle et à déplacer la fenêtre d’Overton toujours plus à droite, comme l’a si malheureusement bien réussi Zemmour.

Afin de réussir ce plan, les autorités françaises sous l’égide de François Mitterrand ont également obtenu en Algérie, le démantèlement de l’Amicale des Algériens en France en 1990 à travers leur maître espion Larbi Belkheir, conseiller inamovible de Chadli Bendjedid.

L’Amicale des Algériens en France était une structure bien implantée dans l’ensemble des banlieues où elle assistait les familles d’origine algérienne et les associations communautaires dans leur vie quotidienne pour une intégration saine en France et représentait un obstacle au plan COINTELPRO dans tous ces aspects, notamment la conscientisation politique de cette communauté, sa capacité de résistance à l’attrait des trafics en tous genres et son ancrage culturel et moral pour ne pas sombrer la délinquance, la caricature et les délires intégristes.

VI. La diabolisation des immigrés pour mettre en place la société néocoloniale et la future « remigration » – Naqba massive

– La diabolisation des « immigrés » (y compris les Français issus de l’immigration) et l’épouvantail du grand remplacement.

Après quarante ans de politiques néo-libérales en France marquées par la destruction du tissu industriel, une perte de souveraineté accélérée de la France au sein de l’Union européenne contrôlée par les Etats-Unis et les multinationales et, concomitamment, le grignotage sans fin de l’Etat-providence et la concentration de richesses et de pouvoirs digne du XIXe siècle entre les mains d’une poignée de milliardaires, la population française, notamment les classes moyennes et populaires, est précarisée, déclassée et en colère.

Comme dans les années 1930 en Europe, l’alliance entre l’extrême-droite politique, l’Establishment droitisé (notamment les appareils sécuritaire et militaire) et les milliardaires, ne peut que se renforcer et accentuer son opération de diabolisation des immigrés et des Français d’origine immigrée, notamment musulmans, maghrébins et particulièrement algériens comme responsables de tous les maux de la société française. Ils sont diabolisés comme de mauvais citoyens et, pire, des ennemis de l’intérieur suite aux attentats douteux et amplifiés jusqu’à la nausée par les médias des mille collines des milliardaires. Leur rôle de nouveaux boucs émissaires, responsables de tous les maux de la société comme le furent les Juifs dans les années 1930, va « aspirer » la vie politique et publique française comme un trou noir dans les années à venir. 

D’ailleurs, un nouveau palier inquiétant a été franchi avec la nouvelle musique du « grand remplacement » démographique de la population française de souche par des apports ethniques non européens qui appelle en miroir la solution de la « remigration ». Ces thèmes jouent sur la crainte naturelle de tous les peuples vivant dans un Etat-nation (puisque la nation est le socle originel de l’Etat) de ne pas laisser la composante démographique historique de son Etat-nation être diluée dans une société multiculturelle, avec des composantes perçues comme de plus en plus « éloignées » du socle d’origine sur un plan ethnique et culturel. Or, cette cassure avec les Français de souche, « perception devenue réalité », est l’un des « succès » du travail de sape de quarante années du plan COINTELPRO français de l’Establishment, initié d’abord par haine et racisme fondamentaux à l’égard des immigrés, des Maghrébins et des Algériens en particulier, dont ils n’acceptaient pas l’intégration progressive en France (comme ce qui a eu lieu aux Etats-Unis vis-à-vis des Noirs), et qui a conduit à un projet autoritaire, fascisant et faussement souverainiste, fruit d’un mélange de racisme et d’intérêt bien calculé.

– La poursuite du détricotage des droits des immigrés et des Français issus de l’immigration jusqu’à la prise du pouvoir de la coalition droitière en 2027, ou avant.

a) Le détricotage des droits des Français d’origine immigrée

En continuant l’instrumentalisation des attentats ou des faits divers pour faire avancer son agenda législatif, l’Establishment réactionnaire et son allié politique d’extrême droite vont continuer à pousser leur agenda politique en obtenant quatre avancées dans les prochains mois ou années, jusqu’à leur prise de pouvoir complète :

Tout d’abord, fermer le « robinet de l’immigration » en invoquant une exception au droit européen, ce qui a déjà été annoncé par les candidats du Rassemblement National à l’Assemblée nationale lors des élections législatives de 2024 et incorporé dans l’agenda du nouveau Premier ministre Michel Barnier (qui avait d’ailleurs proposé un moratoire de 3 à 5 ans sur l’immigration et des quotas d’immigrants lors de sa candidature aux élections présidentielles de 2022, ce qui n’est pas choquant en soi). Ces thèmes sont d’ailleurs repris par le nouveau favori en col blanc de l’Etat profond Edouard Philippe qui a déjà annoncé sa candidature pour les élections présidentielles de 2027.

Ensuite, il va y avoir le durcissement du droit au regroupement familial et des mariages entre immigrés et Français Pour le regroupement familial, les articles de la loi immigration retoqués par le Conseil constitutionnel vont être non seulement adoptés mais durcis (conditions de séjour, ressources régulières, assurance maladie, maitrise du français, contrôle des maires), les mariages entre immigrés et Français vont devenir de plus en plus difficiles et l’interdiction du droit du sol va être étendu au-delà de Mayotte (et des émigrés comoriens). Toutes ces mesures, qui ne sont pas choquantes en soi feront l’objet d’un bras de fer avec l’Union européenne, nécessitant une pression de la coalition européenne des partis d’extrême droite et de droite avec l’Union européenne qui se profile à l’horizon.

Enfin, l’abolition du droit du sol automatique pour les binationaux ira bien au-delà de Mayotte et les conditions pour obtenir la nationalité française pour les binationaux à leur majorité seront considérablement durcies, notamment par des prérequis comme l’absence de casier judiciaire ou des conditions de ressources. Le droit du sol sera, lui, complètement aboli lorsque l’extrême droite sera au pouvoir.

Le véritable tournant sera l’élargissement des cas de déchéance de nationalité pour les binationaux bien au-delà du terrorisme (mesure instaurée après les attentats de 2015) dans deux directions : inclure une condition d’absence de « séparatisme » dans une sorte d’enquête de moralité et élargir les cas de pertes de nationalité pour  « délits d’atteinte à administration publique », aujourd’hui restreints au terrorisme, et qui seront étendues commodément à un nombre considérable d’agents publics comme les agents des forces de l’ordre, les enseignants, les médecins et infirmiers dans les hôpitaux, les agents municipaux, etc….

Au final, entre les dispositifs contre le séparatisme et l’épée de Damoclès des dispositions entraînant la perte de la nationalité, on aura créé un statut à deux vitesses entre les citoyens français de souche et les « binationaux » d’origine immigrée des anciennes colonies, et singulièrement les Musulmans, les Maghrébins et les Algériens.

b) L’arrivée de la coalition des droites au pouvoir

La coalition des droites extrêmes, autoritaires et réactionnaires, dominée par le Rassemblement National, prendra le pouvoir soit lors des prochaines élections présidentielles de 2027, soit, plus vraisemblablement, au cours du mandat actuel, à la manière de l’arrivée de de Gaulle au pouvoir en 1958, pour mettre fin à la « chienlit » dans laquelle se débat la scène politique française. On peut faire de la politique fiction et parier par exemple sur une mise en avant de l’ex-chef d’état-major Pierre de Villiers avant des élections présidentielles précipitées ; celui-ci, limogé brutalement par Emmanuel Macron avait déjà été mis en avant en prévision des élections présidentielles de 2022, mais s’est révélé « décevant » sur le plan politique dans un contexte de campagne électorale « normale » (manque d’idées et de surtout de charisme). En effet, curieusement, on n’entend plus l’ex-général Pierre de Villiers ni son frère Philippe de Villiers depuis quelques temps, ce qui est surprenant compte tenu de leur posture de « cassandres » depuis pas mal de temps.

–  L’installation de la société néocoloniale, la répression dans les banlieues et la « remigration »

a) La future société néocoloniale à l’israélienne

L’Establishment d’extrême droite puise son inspiration dans deux sources pour le futur statut réservé à la population immigrée musulmane, en particulier maghrébine et plus particulièrement algérienne : d’une part, le statut des colonisés dans la société coloniale ou encore celui des Harkis après leur rapatriement en France, c’est-à-dire un statut juridique d’infériorité et une vie quotidienne rythmée, dès l’école, par le rappel de la suprématie juridique, raciale, culturelle, des Français dits de souche. D’autre part, il s’inspirera également du statut réservé aux Palestiniens par l’Etat d’Israël, l’extermination physique en moins.

Le modèle israélien servira en effet de référence dans la future différenciation des « bons » citoyens issus de l’émigration musulmane, maghrébine et algérienne à intégrer, des « mauvais » citoyens dont on doit se débarrasser, et de ceux qui sont en observation permanente, selon l’approche suivante : la première catégorie sera celle qui « s’assimile » complètement, par mariage et/ou adoption des « mœurs » françaises, principalement l’abandon de l’attachement à la religion musulmane. Cette catégorie n’existe pas pour les Palestiniens en Israël qui ne peuvent s’assimiler complètement à la communauté juive, même s’ils le désirent, du fait de la particularité ethnique de l’Etat d’Israël comme Etat juif. Ceux-là ou leurs descendants n’auront aucun problème pour être intégrés dans le creuset national français et républicain et leurs enfants ou petits-enfants feront de « bons Français » dès leur naissance comme Jordan Bardella ou Gérald Darmanin.

Par contre, un statut néocolonial proche de celui des Palestiniens en Israël sera appliqué à la seconde et troisième catégorie d’immigrés et de citoyens français issus de l’immigration musulmane, et plus particulièrement maghrébine et algérienne.

La seconde catégorie d’immigrés ou de descendants d’immigrés est constituée des « bien formés », « bien intégrés » économiquement et culturellement, « utiles » socialement pour le système de production mais qui cherche à concilier leur réussite sociale et économique avec un attachement à leur identité, culture et racines « musulmanes », arabes ou maghrébines via la pratique religieuse ou un mariage dans leur communauté qu’ils cherchent à transmettre à leurs enfants.

Ceux-là, à l’image des Arabes israéliens bénéficiant de la nationalité israélienne et de ses avantages, auront un statut de citoyen de seconde zone. Ils pourront bénéficier de la nationalité française et de ses avantages, mais ils seront soumis à un plafond de verre incassable dans leur ascension sociale et à une double épée de Damoclès : la première épée de Damoclès sera d’éviter le moindre « écart » ou la moindre « incartade » personnelle qui risque de les faire tomber à tout moment et pour des futilités, sous le coup d’un système de répression féroce qui leur fera perdre leurs droits et leur statut. Les motifs en seront l’antisémitisme (notamment via une surveillance permanente des réseaux sociaux et la criminalisation des réactions comme celles qui font suite au génocide israélien à Gaza) ou des stigmatisations sociales fumeuses comme la lutte contre le « séparatisme » ou l’« islamisme d’atmosphère » comme invoqué par Gérald Darmanin à l’encontre de Benzema, à partir d’une notion façonnée par de pseudo intellectuels de l’Establishment comme Gilles Kepel, dignes successeurs des bataillons d’universitaires dans les sciences humaines au service du système de contrôle et de répression colonial, ou encore les futures régressions législatives que prépare l’Establishment à l’encontre de la population immigrée et musulmane.

On a eu récemment une démonstration magnifique de ce dilemme avec la critique de l’arrière-petit-fils d’Algérien, le complexé Jordan Bardella, président du Rassemblement National, en direction de l’ex-ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin qui a évoqué le plafond de verre qui se serait opposé à la carrière de Moussa Darmanin alors qu’elle a été météoritique pour Gérald lors de sa passation de pouvoirs au Ministère de l’Intérieur : Jordan Bardella, manifestement travaillé par ses origines algériennes a, dans la minute, fustigé cette déclaration de « trahison à la  France qui lui a tout donné » et indiqué le chemin du parfait béni oui-oui à suivre pour Gérald Darmanin.

On peut noter au passage la différence de traitement, ou plutôt le non traitement, de l’appareil politique et médiatique français de la présence de 5000 franco-israéliens au sein de Tsahal dans la campagne génocidaire en cours à Gaza, y compris un de ses porte-paroles, l’inénarrable Olivier Rafowicz. Là, aucune interrogation de la part de la droite française sur la « double allégeance » ou le « manque de loyauté » à la France qui leur a tout donné.

La seconde épée de Damoclès pour cet immigré ou ce Français d’origine immigrée bien intégré mais attaché à ses racines sera d’intérioriser très tôt la réalité de la société néocoloniale : comme au bon vieux temps des colonies, il devra comprendre que sa propre intégration et sa propre quiétude dépendront de sa capacité à fermer les yeux et le cœur sur la répression brutale qui va s’abattre sur ses « sœurs » et surtout « frères » « coreligionnaires » ayant eu le malheur d’être nés et de rester enfermés en banlieue ou dans des quartiers « ghettoïsés » , tout comme les Arabes israéliens ont bien appris à le faire avec leurs « frères » de Gaza ou de Cisjordanie depuis le 7 octobre 2023 pour continuer à vivre normalement dans la société israélienne.

La troisième catégorie de Français d’origine immigrée est composée, schématiquement, des habitants des banlieues. Ils seront soumis à une exploitation économique féroce couplée d’une répression continuelle par l’appareil d’Etat (police militarisée, justice raciste, voire armée déchaînée) et à un détricotage de leurs droits par des lois conçues pour favoriser la perte de la nationalité. Au quotidien, on leur imposera une sorte de Code de l’indigénat moderne, fondé sur la surveillance et la coercition, notamment pour ceux qui fréquenteront les mosquées, soumises à un contrôle policier et administratif au nom de la laïcité, contrairement aux autres lieux de culte.

b) La répression à l’israélienne dans les banlieues, l’opération « Ronces »

Le tournant de ce projet de « reconquête » néocoloniale de la France, aboutissement du long travail amorcé dans les années 80, sera la mise en œuvre de l’opération « Ronces » qui a déjà été évoquée par Eric Zemmour dans son livre Un quinquennat pour rien en 2015 (elle prendra sûrement un autre nom le moment venu).

Ce plan est un dispositif permettant de préparer la répression qui sera menée dans les 200, 300 ou 600 banlieues relabellisées « territoires perdus de la République », le nombre de zones fluctuant en proportion du flou du concept, où l’armée française, conseillée par des militaires israéliens rompus aux méthodes de l’armée israélienne à Gaza, « rétablira l’ordre républicain », euphémisme qu’Éric Zemmour a brisé à la télévision en 2015 en parlant de « nouvelle bataille d’Alger ».

Contrairement aux dénégations des militaires, ce « plan de rétablissement de l’ordre par l’armée » a bien été développé à la demande de Nicolas Sarkozy lors de son passage à la Présidence de la République, dans la foulée des émeutes de banlieues d’octobre 2005 auxquelles il avait été confronté en tant que ministre de l’Intérieur. Il peut d’ores et déjà s’appliquer puisque la loi permet au gouvernement de faire appel à l’armée au cas où la police perd le contrôle de situation sécuritaire, sur autorisation du gouvernement. Son application a d’ailleurs été réclamée par les partis de droite et d’extrême droite à la suite de la mort du jeune Nael en 2023.

Et il n’y a aucun doute que l’armée est prête à agir comme le démontre les deux tribunes de militaires adressées au pouvoir politique d’avril et mai 2021 : la première est une tribune de 20 généraux à la retraite parue le 21 avril 2021 dans le magazine de droite extrême Valeurs actuelles, jour anniversaire du putsch des généraux d’Alger de 1961, à la fois tentative de coup d’Etat et prélude à l’OAS, ce qui n’est bien sûr pas un hasard en termes de message et témoigne aussi des références de leurs auteurs. Cette tribune, également signée par une centaine de hauts gradés et plus d’un millier d’autres militaires, est symptomatique du « malaise » général de l’armée car il est évident que ces généraux en retraite ont pris la plume pour exprimer un sentiment partagé par les militaires d’active.

La tribune évoque clairement une intervention de l’armée inévitable pour mettre fin à la guerre civile à venir dont ils rejettent la responsabilité directe sur les militants anti-racistes accusés de déconstruire la République et la « geste coloniale », les islamistes, les « hordes de banlieues » (il manque juste l’adjectif « barbares » mais il est écrit en encre sympathique) et les casseurs anti-racistes d’extrême-gauche, la responsabilité indirecte étant rejetée sur la lâcheté des politiques. Cette tribune témoigne, s’il en était besoin, de la fusion idéologique totale d’une grande partie de l’Establishment militaire avec l’extrême droite.

Cette première tribune sera suivie d’une seconde tribune de militaires d’active dans le même journal Valeurs actuelles en soutien à leurs aînés à la retraite. Ils interpellent également les politiques sur le double risque d’effondrement de la France à cause de la complaisance des politiques face à l’intégrisme, au séparatisme et aux trafics dans les banlieues, et agitent le spectre de guerre civile à venir.

Ces deux tribunes témoignent du fait que, malgré les dénégations sur le plan « Ronces », le désir de répression de l’Establishment pour traiter les causes du plan COINTELPRO patiemment décliné au cours des quarante dernières années est enraciné au sein de l’armée et que les plans sont là.

c) La remigration, Naqba des Français d’origine immigrée indésirables

Une fois que le cadre législatif détruisant les droits des immigrés aura été mis en place et à la suite des ratonnades d’Etat massives ou à bas bruit dans les banlieues, la « remigration » massive des catégories de Français immigrés déclarés indésirables en France vers le pays de leurs ancêtres, fantasme à l’envers des pieds-noirs revanchards, pourra avoir lieu. Lorsque cette machine sera enclenchée, la situation des immigrés et des Français d’origine immigrée sera définitivement fragilisée, ce qui autorisera toutes les brimades et persécutions du type racket des transferts de l’argent durement gagné par les travailleurs immigrés, à la manière de la confiscation des avoirs russes sous couvert de guerre en Ukraine.

Les populations émigrées, musulmanes, maghrébines et algériennes en particulier deviendront les juifs ashkénazes des temps modernes en France, en prélude à leur persécution dans l’ensemble de l’Europe. Ce sera l’aboutissement du plan COINTELPRO français qui a préparé patiemment et, malheureusement avec succès, cette figure d’ennemis de l’intérieur à remettre sous contrôle par un statut colonial moderne pour éviter le spectre de la guerre civile ou de la perte d’identité en France.

Mohsen Abdelmoumen

Source : auteur
https://mohsenabdelmoumen.wordpress.com/…