Des Palestiniens tentent d’éteindre un brasier après que l’armée israélienne a attaqué des tentes dans la cour de l’hôpital des martyrs d’Al-Aqsa Martyrs à Deir al Balah, dans la bande de Gaza, le lundi 14 octobre 2024.
[AP Photo/Abdel Kareem Hana]

Par Benjamin Mateus

Aux premières heures de lundi, les forces israéliennes ont attaqué les tentes des habitants déplacés de Gaza dans les locaux de l’hôpital des martyrs d’Al-Aqsa, dans la ville de Deir al-Balah, au centre de la bande de Gaza. L’explosion de la frappe aérienne a mis le feu à l’enceinte qui a brûlé plus de 50 tentes. Les premiers reportages font état d’au moins quatre morts et 70 blessés, dont des femmes et des enfants, dans cette attaque-surprise.

Les images de personnes brûlées vives partagées sur les réseaux sociaux et diffusées sur les chaînes d’information ont suscité une vague de choc et d’horreur parmi ceux qui étaient témoins de la dévastation.

Même après une année de sauvagerie ininterrompue à l’encontre de la population non armée de Gaza, composée essentiellement d’enfants, ces scènes de patients avec leurs lignes intraveineuses encore attachées à eux, engloutis dans d’intenses flammes blanches, ont suscité la répulsion et une condamnation justifiée de cette attaque insensée qui rappelle le massacre de Mai Lai ou les bombes au napalm souvent utilisées dans les campagnes aériennes américaines au Viêt Nam.

Le poète palestinien, érudit et fondateur de la bibliothèque Edward Said, Mosab Abu Toha, qui est né dans le camp de réfugiés d’Al-Shati à Gaza, a écrit sur son média social après avoir vu les flammes réduire le campement en cendres : « Plus jamais ????? J’ai vu mon peuple brûler dans les flammes et être découpé en morceaux carbonisés. Ce sont les seules choses qui me hanteront toute ma vie. Rien d’autre. Rien dans les albums de photos et les récits d’autres personnes. »

Les mots de Toha ont donné un contexte aux visages impuissants que l’on voit dans les vidéos, qui regardaient les flammes balayer le campement sans pouvoir faire grand-chose d’autre que de documenter l’horrible scène sur leurs téléphones, une preuve de plus du génocide ininterrompu et sans entrave que leur inflige le régime israélien, avec le soutien total de l’impérialisme américain et européen. Il n’y avait même pas d’eau pour éteindre les flammes.

Les Forces de défense israéliennes (FDI), dans un communiqué de propagande standard, ont insisté sur le fait que leurs forces respectaient les règles internationales visant à minimiser la violence à l’égard de la population civile et qu’elles visaient un centre de commandement du Hamas, une affirmation que même le New York Times a dû reconnaître comme étant invérifiable.

Le lieutenant-colonel Nadav Shoshani a faussement déclaré à la presse : « Nous veillons à mettre les civils hors de danger pendant que nous menons des opérations contre ces cellules terroristes à Jabalia […] L’hôpital et son fonctionnement n’ont pas été touchés par la frappe. » Et, comme d’habitude, le porte-parole de l’armée israélienne a conclu en assurant que les FDI prévoyaient de poursuivre l’enquête, ce qui est un euphémisme pour dire que l’affaire est close.

Ces événements surviennent au lendemain d’une salve d’artillerie sur une école du camp de Nuseirat où s’abritaient des Palestiniens déplacés, tuant au moins 22 personnes, dont 15 enfants selon les responsables sur le terrain. L’ONU avait prévu d’utiliser le site pour distribuer des vaccins contre la polio ce jour-là.

Le matin suivant la destruction incendiaire du campement de l’hôpital des martyrs d’Al-Aqsa, dix autres personnes ont été tuées et 30 blessées par des tirs d’artillerie dans un centre de distribution de nourriture du camp de réfugiés de Jabalia. Un médecin présent sur les lieux a déclaré qu’un drone avait ouvert le feu sur des dizaines de Gazaouis qui s’étaient rassemblés pour recevoir de la nourriture.

Comme à l’accoutumée, les FDI ont donné des ordres d’évacuation pour les 300.000 à 500.000 personnes restées dans les ruines du nord de Gaza, tout en menant une offensive militaire qui a déjà tué des centaines de personnes, si ce n’est plus, au cours de la semaine écoulée.

La population est dirigée à travers de multiples points de contrôle pour finalement atteindre al-Mawasi qui se trouve à plus de 30 km au sud sur la mer Méditerranée. Il s’agit d’un voyage périlleux à pied pour la plupart des personnes, y compris les blessés graves, les personnes âgées, les femmes enceintes et les enfants en bas âge, qui ne disposent pas suffisamment de nourriture ou d’eau.

Dans une communication urgente, Médecins sans frontières (MSF) a indiqué que des milliers de Palestiniens sont piégés dans le camp de Jabalia. « Personne n’est autorisé à entrer ou à sortir, et tous ceux qui essaient se font tirer dessus », a déclaré Sarah Vuylsteke, coordinatrice de projet pour l’organisation internationale.

Un rapport rédigé par Haydar, un chauffeur de MSF, décrit en termes succincts la grave situation dans laquelle se trouve la population du nord de la bande de Gaza. Il a écrit :

Dans la nuit du 6 octobre, on pouvait entendre des bruits de bombardements et d’affrontements. Les choses sont devenues très sérieuses. Nous avons eu très peur. Jour après jour, la situation s’est aggravée. Finalement, nous avons décidé de partir. Nous avons constaté que la situation était difficile et que le camp de Jabalia était assiégé. Nous ne pouvions pas sortir, alors nous sommes restés à l’hôpital Yemen Alsaeed. Le 9 octobre, les forces israéliennes ont bombardé l’hôpital yéménite et mis le feu aux tentes. Plus de 20 personnes ont été tuées dans cette attaque et d’autres ont été blessées. J’ai six enfants ; mon fils a six enfants, dont l’un est mort. Je suis ici maintenant. Je ne sais pas quoi faire, je n’ai pas le choix. Je suis inquiet, anxieux, très en colère et effrayé par la terreur que nous vivons. À tout moment, je peux mourir. Je pourrais être blessé, ou ma famille, et nous pourrions tous mourir.

Ma femme a besoin d’un fauteuil roulant ; il lui est très difficile de se déplacer et elle est malade. Même si je veux bouger, il m’est difficile de le faire. Les gens meurent de faim ; il n’y a pas de nourriture, pas d’eau, pas d’eau potable. J’ai peur de rester et j’ai peur de [partir]. Tous les endroits du nord sont exposés à ces dangers ; tous les endroits sont en danger. Il n’y a pas un seul endroit sûr. Je ne sais pas comment décrire ces sentiments – ils sont mêlés à la terreur, aux larmes et au fait de tenir les jeunes enfants dans mes bras alors qu’ils pleurent en assistant à ces épreuves.

Des professionnels de la santé ont témoigné objectivement que les civils de Gaza, en particulier les enfants, ont été la cible d’une violence extrême. Le récent article d’opinion du Dr Feroze Sidhwa dans le New York Times souligne la réalité des Palestiniens et la complicité de la Maison-Blanche de Biden dans le génocide israélien.

Le Dr Sidhwa écrit : « J’ai travaillé comme chirurgien traumatologue à Gaza du 25 mars au 8 avril. J’ai fait du bénévolat en Ukraine et en Haïti, et j’ai grandi à Flint, dans le Michigan. J’ai été témoin de violences et j’ai travaillé dans des zones de conflit. Mais parmi les nombreuses choses qui m’ont marqué en travaillant dans un hôpital à Gaza, il y en a une qui m’a interpellé : presque chaque jour, j’ai vu un nouveau jeune enfant qui avait reçu une balle dans la tête ou dans la poitrine, et pratiquement tous sont décédés. Treize au total. »

Alors que les forces israéliennes intensifient l’assaut sur le nord de Gaza, les équipes de secours ne sont pas autorisées à entrer pour retirer les blessés du carnage, ce qui rend impossible l’établissement d’un bilan exact des victimes.

L’offensive en cours est largement conforme au « Plan du général », un projet de nettoyage ethnique concocté par le général de division israélien à la retraite Giora Eiland, qui a qualifié Gaza d’« État terroriste à part entière », considérant tous les citoyens de l’enclave comme complices de la résistance du Hamas. Il a proposé un ordre d’évacuation d’une semaine pour le nord de la bande de Gaza, après quoi tous ceux qui resteront seront une cible militaire potentielle.

Meron Rapoport, rédacteur en chef du Local Call, a expliqué dans l’émission Democracy Now : « Le Plan du général, c’est-à-dire le plan proposé par l’ex-major général Giora Eiland, propose aux Palestiniens du nord de Gaza, au nord du corridor de Netzarim, c’est-à-dire toute la ville de Gaza et ses environs, de leur offrir une semaine pour évacuer Gaza et se rendre au sud, dans la zone humanitaire, près de Mawasi, près de Deir al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza. Au bout d’une semaine, le nord de la bande de Gaza sera totalement assiégé, ce qui signifie qu’il n’y aura plus de nourriture, plus d’eau, plus d’électricité, plus de médicaments, plus rien. Et dans une semaine, tous ceux qui resteront seront considérés comme des terroristes susceptibles d’être frappés. L’idée est que la population civile partira, que seuls les militants du Hamas resteront, et qu’Israël pourra ainsi nettoyer cette zone. C’est le plan du général Eiland.»

Bien qu’officiellement le plan ne soit qu’à l’étude, comme l’a confirmé l’Associated Press, un fonctionnaire israélien anonyme a reconnu que « certaines parties du plan sont déjà mises en œuvre ». Ce plan diviserait Gaza en deux, Israël conservant le contrôle total du nord pour une durée indéterminée, tout en le débarrassant de tous les Palestiniens qui s’y trouvent encore.

(Article paru en anglais le 14 octobre 2024)

Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…