Par Régis de Castelnau

Les conditions de l’arrestation de Pavel Durov sont assez troublantes en ce qu’elles posent la question de savoir pourquoi et comment l’oligarque russe est allé se jeter dans la gueule du loup. Il n’y a finalement été deux hypothèses qui permettraient de répondre à cette question. Tout d’abord celle d’une inconséquence assez incroyable de quelqu’un s’imaginant qu’il bénéficierait d’une totale sécurité au pays de Macron, pourtant connu comme un des plus serviles larbins de l’Empire. Pavel Durov serait-il à ce point idiot ? Ensuite il est possible qu’il ait été victime d’une opération des services occidentaux qui ont tranquillement bénéficié de toutes les informations nécessaires pour que les pandores soient présents à l’aéroport du Bourget avant même l’atterrissage, pour coffrer l’imprudent.

Ce qui est clair en revanche c’est que l’opération part de plus loin et qu’elle a mobilisé différents services de l’État français, probablement à la demande de ses maîtres américains.

S’il en était besoin, les deux communiqués publiés le 26 août en apportent une confirmation claire. Il s’agit d’abord de celui du parquet de Paris définissant dans quel cadre judiciaire s’était déroulé arrestation de Pavel Durov et les suites de la procédure. Ensuite celui, particulièrement lamentable, contenu dans le tweet publié sous la signature d’Emmanuel Macron sur le réseau X. Sous la signature de Madame Laure Beccuau, le parquet de Paris, autorité de poursuite détaille la collection d’épées de Damoclès qui pèse sur le jeune milliardaire.

On peut d’ores et déjà faire les commentaires suivants :

•            Le parquet nous apprend que c’est le 8 juillet, c’est-à-dire très récemment et en pleine période estivale, qu’une information judiciaire a été ouverte, c’est-à-dire que désormais les « investigations » sont conduites par des magistrats instructeurs qui sont des juges du siège. (Qui sont en théorie impartiaux, mais bien sûr c’est en théorie, défense de rire…)

•            les juges d’instruction ne conduisent pas les investigations directement, ils ont confié ça à la police. Les interrogatoires sont donc conduits par des fonctionnaires de police.

•            La liste considérable des chefs de poursuite sur lesquels porte l’instruction est absolument considérable. Il ne manque rien ! Pour l’instant la procédure se déroule contre « personnes non dénommées », ce qui veut dire que pour l’instant personne n’est mis en examen. Cette situation est très intéressante pour trois raisons :

•            D’abord les incriminations citées et retenues par la procédure couvrent toutes les activités d’une application de messagerie telle que Télégram. Mais également bien sûr WhatsApp, Signal, MSN, Google, Méta etc. etc. On voit bien que l’objectif est donc la CRIMINALISATION de toute activité de messagerie au bon vouloir du pouvoir d’État. Le fait que personne ne soit en l’état personnellement poursuivi, montre bien l’on a lancé un filet très large pour envoyer un message clair. La tranquillité sera garantie à ceux se soumettront au pouvoir d’État.

•            Ensuite ce qui est poursuivi, c’est la « complicité ». On comprend que c’est une « complicité par fourniture des moyens » de la messagerie. Les personnes impliquées dans la procédure française sont moins les auteurs directs des infractions (trafiquants, escrocs, pédophiles, etc.) que les propriétaires du réseau, accusés de l’avoir mis à la disposition des criminels. Il faut savoir qu’en droit français la « complicité » c’est encourir au complice les mêmes peines que celles des auteurs principaux. La ficelle est vraiment grossière.

•            Enfin, on a rajouté à quasiment chacun des chefs de poursuite la qualification de « bande organisée ». C’est une astuce procédurale fournie aux magistrats et aux policiers par le code, qui permet de faire passer la durée de la garde à vue de 24 heures (renouvelable une fois) à 96 heures ! C’est-à-dire 4 jours et 4 nuits où Pavel Durov sera à la merci des flics, éventuellement assisté pendant les interrogatoires par un avocat qui n’aura pas eu accès au dossier…

•            Bon courage à lui pour affronter le petit séjour lui a fait préparer Emmanuel Macron. À l’échéance de celui-ci, il sera présenté aux juges d’instruction qui pourront le mettre en examen, le parquet pouvant réclamer alors sa mise en détention au juge des libertés.

La simple litanie des chefs de poursuite égrainée dans le communiqué du parquet établit qu’il s’agit bien d’une offensive lancée contre la liberté d’expression qui devrait régner sur les réseaux. Probablement concernant Télégram, demandée par les Américains et exécutée par Emmanuel Macron marchant sur les traces serviles de son prédécesseur François Hollande dans l’affaire Evo morales.

Cette présentation est en fait confortée par le risible communiqué publié par le Président de la république sur X.

D’abord le texte est écrit avec les pieds, ce qui semble quand même témoigner d’une certaine fébrilité. « L’arrestation du président de Telegram sur le territoire français a eu lieu dans le cadre d’une enquête judiciaire en cours. Ce n’est en rien une décision politique. Il revient aux juges de statuer. » Eh bien non, Monsieur le Président, il ne s’agit pas d’une arrestation mais d’une interpellation, ce n’est pas une enquête judiciaire, c’est une Instruction c’est-à-dire une information judiciaire. La moindre des choses pour la présidence de la république serait de faire preuve de sérieux en utilisant les bons mots. Ce qui éviterait l’éclat de rire du lecteur qui ponctue fatalement la formule : « Ce n’est en rien une décision politique ». Quant à la phrase finale aussi bâclée et imprécise que les précédentes : « Il revient au juge de statuer », on va répondre, mais statuer sur quoi ?

Il est difficile d’appréhender les tenants et aboutissants de toute cette affaire, pour l’instant obscure. De savoir quels sont les objectifs des différents acteurs et les stratégies envisagées. Mais à l’évidence, c’est bien la guerre menée contre les réseaux sociaux devenus une agora mondiale qui s’oppose aux puissances étatiques et qu’elles essaient de contrôler. On peut imaginer que le patron de Télégram est désormais un otage dans cette guerre. L’enjeu étant probablement pour lui de rentrer dans le rang ou de le payer de sa liberté.

Décidément à quoi pensait Pavel Durov en débarquant à Paris ? Il n’avait jamais entendu parler de Julian Assange ?

Source : Vu de Droit
https://www.vududroit.com/…