Déclaration du chargé d’affaires de la Fédération de Russie, Dmitry Polyanskiy, lors de la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies sur la situation à Gaza, le 13 août 2024.

Source : Mission permanente de la Russie à l’ONU

Traduction : lecridespeuples.substack.com

Monsieur le Président,

Nous remercions Rosemary DiCarlo, Secrétaire générale adjointe des Nations unies chargée des affaires politiques et de la consolidation de la paix, et Lisa Doughten, Directrice de la division du financement et des partenariats du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), pour leurs exposés et évaluations détaillés de la situation dans le territoire palestinien occupé.

Nous sommes reconnaissants à la délégation algérienne d’avoir pris l’initiative d’organiser la réunion d’aujourd’hui sur les derniers développements à Gaza. La dernière fois que nous avons discuté de la situation à Gaza, c’était il y a deux semaines, et il est clair que nous devrions le faire plus souvent. Après tout, la thèse selon laquelle la situation à Gaza et dans l’ensemble de la région continue de se détériorer rapidement est malheureusement devenue routinière et ne reflète pas l’horreur et la souffrance auxquelles les civils de Gaza, y compris les personnes âgées, les femmes et les enfants, doivent faire face chaque jour. Nous ne pouvons attendre aucune compassion pour les Palestiniens de la part de nos collègues occidentaux, en particulier de nos collègues américains, qui sont de mèche avec Israël. C’est pourquoi il est important de porter régulièrement la vérité sur ce qui se passe dans la bande de Gaza à la connaissance de la communauté internationale par l’intermédiaire du Conseil de sécurité des Nations unies.

Nous sommes profondément choqués par la frappe israélienne sur l’école Al-Tabin à Gaza. Plus de 2 000 réfugiés y étaient hébergés. Plus de 100 personnes sont mortes et des dizaines ont été blessées. De nombreuses victimes étaient des femmes et des enfants. Nous exprimons nos sincères condoléances aux familles des personnes décédées et souhaitons un prompt rétablissement aux blessés. Nous rappelons notre position constante sur la nécessité de respecter strictement les normes du droit humanitaire international. Nous demandons à Jérusalem-Ouest [capitale d’Israël aux yeux de la Russie — NdT] de s’abstenir de toute attaque contre des biens civils. Rien ne peut justifier de telles actions.

Malheureusement, ce qui s’est passé à Tabiin ne peut être considéré comme un épisode isolé ou une gaffe ignoble. Comme cela a été mentionné aujourd’hui, au cours des dix derniers jours seulement, 13 centres de Gaza abritant des personnes déplacées ont été bombardés. Selon les données du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme, depuis le 4 juillet, les Israéliens ont frappé 21 écoles où se trouvaient des personnes déplacées, tuant au moins 274 personnes. Une conclusion s’impose d’elle-même. Ce qui se passe là-bas n’est rien de moins qu’un choix délibéré des dirigeants israéliens. Condamner les actions de Jérusalem-Ouest et appeler à la retenue ne fonctionnera pas. Le problème est bien plus profond.

Le problème est que, malheureusement, en raison de la complaisance de nos collègues américains à l’égard d’Israël, le Conseil de sécurité n’a toujours pas été en mesure d’élaborer une réponse adéquate à l’escalade de la crise au Moyen-Orient. En fait, le Conseil de sécurité des Nations unies se transforme de plus en plus en un spectateur passif et impuissant, capable uniquement de constater la dégradation de la situation et d’exprimer rituellement son inquiétude à ce sujet.

En outre, 14 membres du Conseil de sécurité ont été pris en otage par les États-Unis, qui bloquent toute action visant à instaurer un cessez-le-feu immédiat.

Le 10 juin, il y a plus de deux mois, le Conseil a adopté son dernier « produit » sur Gaza. Ses promoteurs américains ont alors pressé les membres du Conseil de sécurité de lui donner le feu vert le plus rapidement possible, affirmant que le sort de l’ « accord » de cessez-le-feu entre le Hamas et Israël était prétendument en jeu. La Russie, je le rappelle, s’est abstenue, car nous avions les plus grands doutes quant à la faisabilité de cette résolution. Comme le temps l’a montré, tous nos doutes ont été confirmés.

Nos collègues occidentaux préfèrent ne pas le mentionner, mais la résolution 2735 contenait trois phases avec des plans extrêmement ambitieux – d’un cessez-le-feu complet au début d’une reconstruction à grande échelle de la bande de Gaza. Aucune de ces phases ne s’est concrétisée. À l’heure actuelle, elles semblent absolument surréalistes. Et, malheureusement, le Conseil de sécurité des Nations unies a adhéré à ce surréalisme. Mais le pire, c’est qu’il a souscrit à un mensonge flagrant : le premier paragraphe du dispositif indiquait qu’Israël acceptait les conditions proposées dans l’ »accord ». Les représentants d’Israël ont déclaré à plusieurs reprises et explicitement, y compris dans cette enceinte, qu’ils n’acceptaient rien. En outre, l’ensemble de la rhétorique des responsables israéliens montre qu’Israël n’a aucunement l’intention d’arrêter son opération militaire, quelle que soit la position du Conseil de sécurité de l’ONU. En particulier, le ministre israélien des finances, M. Smotrich, a qualifié l’accord de « capitulation devant Yahya Sinwar », et le ministre israélien de la sécurité nationale, M. Ben-Gvir, a explicitement déclaré qu’ »il n’y aura pas de fin à la guerre ».

Quel a été le résultat de leur diplomatie « assertive » sur le terrain, pour reprendre les termes de nos collègues américains, visant à amener les parties à des accords sur lesquels le Conseil de sécurité de l’ONU était prié de ne pas interférer ? Même l’expression « la montagne a accouché d’une souris » serait un euphémisme. Nous n’avons pas connaissance d’un quelconque progrès. Le seul « anti-résultat » après l’adoption de la résolution 2735 a été l’assassinat flagrant et provocateur du principal négociateur du Hamas, Ismail Haniyeh – l’ancien premier ministre palestinien – lors de sa visite à Téhéran. Aujourd’hui, le monde entier attend avec impatience une nouvelle escalade dans la région, tandis que les États-Unis, qui ont jusqu’à présent refusé de réprimander ne serait-ce que légèrement Israël, exhortent hypocritement tout le monde à faire pression sur le Hamas pour qu’il participe aux pourparlers du 15 août. Comme si tout ne dépendait que du Hamas.

Monsieur le Président,

Même un observateur de passage comprend clairement que les tentatives visant à remplacer une véritable solution au conflit israélo-palestinien par diverses sortes d’ »accords du siècle » coparrainés uniquement par les États-Unis se sont révélées non seulement infructueuses, mais aussi contre-productives. L’ensemble de la région du Moyen-Orient est en feu et sur le point de sombrer dans une guerre à grande échelle. La priorité, bien sûr, devrait être l’arrêt immédiat de l’effusion de sang dans la bande de Gaza.

Dès le début de l’escalade dans la zone de conflit israélo-palestinienne, la Russie a appelé le Conseil à prendre les mesures les plus décisives pour garantir un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel. Je rappelle que nous avons proposé le premier projet de résolution contenant une telle demande dès le 16 octobre de l’année dernière. Combien de vies auraient pu être sauvées si le Conseil n’avait pas été aussi lâche à l’époque ? Ce n’est pas une question rhétorique. Il existe un chiffre précis : 40 000 personnes ont été tuées, dont plus de 200 membres du personnel de l’UNRWA, et plus de 90 000 ont été blessées. Comme nous l’avons déjà dit aujourd’hui, plus de deux mille cinq cents personnes sont mortes depuis l’adoption de la résolution 2735. Tel est le prix à payer pour l’inaction de la diplomatie multilatérale et les intérêts à court terme de certains membres du Conseil de sécurité. Depuis six mois, ils utilisent leur « veto de Damoclès » pour entraver la moindre initiative du Conseil de sécurité en faveur d’un cessez-le-feu. Or, sans cessation des hostilités, il ne serait pas possible de mettre fin aux souffrances des civils palestiniens innocents, d’assurer la libération des otages et des détenus et de garantir un accès humanitaire total et sans entrave à l’enclave.

Nous demandons au Conseil de ne pas se laisser influencer par Washington, qui ne se préoccupe que de protéger les intérêts d’Israël et les profits qu’il tire de la fourniture d’armes aux points chauds. Nous devrions réfléchir ensemble aux mesures que le Conseil pourrait prendre pour désamorcer l’escalade à Gaza et dans l’ensemble de la région. Si cela nécessite une visite du Conseil de sécurité « sur le terrain », elle doit avoir lieu. Sinon, nous nous trouvons dans une situation très étrange où nous attendons tous des départements spécialisés du Secrétariat qu’ils soient activement présents dans la zone de conflit et qu’ils remplissent leur mandat dans des conditions qui mettent leur vie en danger, alors que nous-mêmes, assis à New York, nous nous contentons d’informations provenant de leurs rapports et de sources ouvertes. Ou bien nous recevrions des invitations à nous rendre à Genève plutôt que dans les régions où l’on a vraiment besoin de nous. Le Moyen-Orient devrait être une priorité pour les visites du Conseil, qui ne devraient pas se transformer en tourisme politique dans des endroits confortables.

Nous devons également nous pencher sur la question du reformatage de la présence des missions spécialisées sur le terrain, en particulier de l’Organisme des Nations unies chargé de la surveillance de la trêve (ONUST). Nous devons réfléchir aux possibilités de renforcer son mandat, si nécessaire sans le lier au consentement des deux parties, car il est évident que ce consentement ne sera jamais obtenu. Le général Patrick Gosha a déjà informé le Conseil à deux reprises, soulignant certaines questions spécifiques et pratiques qui doivent être abordées afin de donner un nouveau souffle au mandat de sa mission, ce qui est essentiel dans l’escalade actuelle. Nous demandons instamment à nos collègues du Conseil de sécurité de ne pas rester les bras croisés, mais de s’engager activement dans cette discussion.

Le Conseil ne peut et ne doit pas fermer les yeux sur ce qui se passe au Moyen-Orient et négliger son mandat direct de maintien de la paix et de la sécurité internationales au profit d’une délégation. Il ne doit pas non plus oublier ses propres décisions sur la nécessité d’établir un État palestinien souverain et indépendant dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale, vivant côte à côte avec Israël dans la paix et la sécurité. Et aucun autre projet ou concept ne devrait remplacer ces piliers d’un règlement au Moyen-Orient. Nous sommes prêts à coopérer avec tous ceux qui partagent ces approches.

Je vous remercie de votre attention.

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Source : Le Cri des Peuples
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