Des travailleurs de la défense civile cherchent des victimes dans les décombres des bâtiments détruits, touchés par une frappe aérienne israélienne dans la banlieue sud de Beyrouth, au Liban, mardi 30 juillet 2024.
[AP Photo/Hussein Malla]

Par Peter Symonds

Mardi soir, Israël a mené une frappe provocatrice à l’intérieur d’une zone fortement urbanisée de la capitale libanaise, Beyrouth, visant Provhin Shukr, un haut commandant militaire de la milice du Hezbollah, alliée à l’Iran. Si le régime israélien affirme que sa frappe «ciblée» a tué Shukr, des sources proches du Hezbollah ont déclaré aux médias qu’il avait survécu.

Par ailleurs, Israël a assassiné le chef politique du Hamas, Ismail Haniyeh, lors d’une frappe aérienne à Téhéran mercredi matin. Non seulement cet assassinat sabote toute perspective d’accord de cessez-le-feu à Gaza, mais il montre clairement que le régime sioniste soutenu par Washington est déterminé à transformer sa guerre génocidaire en conflit à l’échelle de toute la région.

Pour justifier son attaque, Israël s’est emparé de la mort, samedi, de 12 enfants de la communauté druze lors d’un tir de missile sur les hauteurs du Golan occupé. Malgré toutes les dénonciations belliqueuses, mais non fondées d’Israël à l’encontre du Hezbollah, les circonstances restent floues. Le Hezbollah a catégoriquement nié toute responsabilité dans cette frappe.

La frappe israélienne de mardi a démoli au moins cinq étages d’un immeuble d’habitation dans une banlieue très peuplée du sud de Beyrouth. Selon l’agence de presse publique libanaise NAA, trois missiles tirés par un drone ont frappé le bâtiment, recouvrant les rues environnantes de décombres et de débris.

Selon le ministère libanais de la Santé trois personnes ont été tuées et 74 blessées dans cette frappe. Alors que les recherches se poursuivent pour retrouver les victimes, ce ministère a indiqué qu’à ce jour, une femme et deux enfants, une fille et un garçon, figuraient parmi les victimes. On ne sait pas si les bâtiments environnants, dont l’hôpital Bahman, ont été endommagés.

La décision israélienne de tenter d’assassiner un haut commandant du Hezbollah est calculée pour déclencher un conflit plus large au Liban ; ce qui tourne en dérision l’affirmation d’Israël qu’il ne cherche pas la guerre avec le Hezbollah. Shukr est un conseiller principal du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, et membre du conseil militaire suprême du Hezbollah.

L’extrême droite du régime fasciste israélien réclame depuis des mois une guerre totale contre le Hezbollah. Fin mai, le ministre israélien des Finances Bezalel Smotrich a exigé que l’armée envahisse le sud du Liban et en prenne le contrôle pour créer une zone tampon empêcher ainsi les attaques du Hezbollah contre le nord d’Israël.

En réponse, le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir a déclaré qu’il ne suffisait pas de créer une zone tampon et a exigé au contraire que l’armée israélienne prenne le Liban d’assaut et «détruise le Hezbollah dans son intégralité». Le mois suivant, il s’est rendu dans le nord d’Israël, où les roquettes du Hezbollah avaient déclenché des incendies, et a déclaré: «Ils nous brûlent ici. Tous les bastions du Hezbollah doivent être brûlés, ils doivent être détruits. La guerre»!

L’impérialisme américain a donné au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou le feu vert pour la guerre contre le Hezbollah lors de sa visite à Washington la semaine dernière, où il s’est adressé à une session conjointe du Congrès dans un langage belliqueux et a reçu un soutien bipartite. Il a écourté son voyage après l’attaque de samedi sur le plateau du Golan pour rentrer en Israël, où il a rencontré les chefs de l’armée et des services de renseignement et a juré que le Hezbollah «paierait un lourd tribut, un tribut qu’il n’a jamais payé auparavant».

Dimanche, les avions de guerre israéliens ont bombardé des dépôts d’armes et des infrastructures appartenant au Hezbollah dans la vallée de la Bekaa à l’est du Liban, à Shabriha et Burj al-Shemali près de la ville de Tyr, au sud du pays, ainsi que dans les villages de Kfar Kila, Rab el-Thalathine, Khiam et Tayr Harfa.

Dans la nuit de lundi à mardi, l’armée israélienne a mené une nouvelle série de frappes dans le sud du Liban et dans le sud de la Syrie. Les attaques du Sud-Liban comprenaient des frappes de drones, d’artillerie et d’avions sur une dizaine de sites du groupe Hezbollah libanais dans sept zones différentes.

Si ces frappes représentaient une escalade significative du conflit entre le Hezbollah et Israël, qui dure depuis le 7 octobre, l’attaque de mardi soir à Beyrouth a été calculée pour provoquer une riposte du Hezbollah et enflammer davantage les tensions dans tout le Moyen-Orient.

Cette attaque a provoqué une vague de protestations. Le ministre libanais des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, a dénoncé la frappe sur Beyrouth et a déclaré qu’il déposerait une plainte auprès des Nations unies. L’ambassade d’Iran au Liban a condamné la frappe israélienne sur Beyrouth, la qualifiant d’«agression israélienne lâche et coupable». En avril, Israël avait effectué une frappe provocatrice sur l’ambassade iranienne à Damas, tuant deux généraux de haut rang du Corps iranien des gardiens de la révolution islamique et au moins cinq autres personnes, menaçant de déclencher une guerre avec l’Iran à l’échelle de la région.

CNN rapporte que les États-Unis avaient été informés à l’avance de l’attaque de Beyrouth. Le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin s’est entretenu par téléphone avec son homologue israélien Yoav Gallant, lundi. Si le compte-rendu officiel parle de la nécessité d’une solution diplomatique au conflit avec le Hezbollah, Austin a fait part de son «engagement inébranlable en faveur de la sécurité d’Israël et de son droit à l’autodéfense», donnant ainsi carte blanche à Israël pour l’attaque.

La décision de viser Mushin Shukr n’a pas été prise par hasard. En 2019, le département d’État américain avait mis sa tête à prix pour 5 millions de dollars après l’avoir qualifié de «terroriste mondial spécialement désigné». Il a affirmé qu’il avait «joué un rôle central dans l’attentat à la bombe perpétré le 23 octobre 1983 contre la caserne du corps des Marines américains à Beyrouth». Quatre ans plus tôt, le département du Trésor américain avait imposé des sanctions à Shukr et à deux autres dirigeants du Hezbollah.

Suite à la frappe de mardi, la vice-présidente américaine Kamala Harris, candidate démocrate présomptive à l’élection présidentielle, a rapidement et catégoriquement déclaré qu’elle soutenait «sans équivoque le droit d’Israël à rester en sécurité et à défendre [sa] sécurité». Pour insister, elle a ajouté qu’Israël avait en particulier « le droit de se défendre contre l’organisation terroriste, qui est exactement ce qu’est le Hezbollah».

Au nom du soit-disant droit d’Israël à l’autodéfense, l’impérialisme américain et ses alliés ont soutenu diplomatiquement, financièrement et militairement la guerre génocidaire d’Israël à Gaza et justifié ses atrocités. Israël déclare que le Hezbollah a «franchi toutes les lignes rouges» en tuant des enfants sur les hauteurs du Golan, mais l’armée israélienne, elle, massacre chaque jour des enfants palestiniens à Gaza. Le bilan officiel des décès d’hommes, de femmes et d’enfants à Gaza s’élève à plus de 40.000 depuis le 7 octobre, tandis qu’une estimation publiée dans la très respectée revue médicale Lancet fait état d’un chiffre bien plus élevé, à savoir 186.000.

À présent, Washington soutient une guerre israélienne qui menace de plonger le Moyen-Orient dans un conflit bien plus dévastateur et qui mettrait toute la région à feu et à sang. Malgré ses appels nominaux à une solution diplomatique, l’impérialisme américain, tout comme le régime sioniste, regarde le conflit à Gaza comme un élément d’une guerre bien plus vaste contre les groupes alignés sur l’Iran dans toute la région et contre l’Iran-même, qu’il considère comme le principal obstacle à sa domination de la région riche en énergie du Moyen-Orient.

(Article paru en anglais le 31 juillet 2024)

Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…