Par René Naba

87% des mariages précoces concernant les mineurs de moins de 18 ans sont des filles.

10% se sont mariées à l’âge de 14-15 ans et le plus fort taux dans cette catégorie a été enregistré dans la région de Baalbek – Hermel

Les Syriennes enregistrent le plus fort taux de mariage précoce de mineurs.

Quatre-vingt-sept (87) pour cent des mariages précoces concernant les mineurs de moins de 18 ans sont des filles, dont dix pour cent (10) se sont mariées à l’âge de 14-15 ans et le plus fort taux dans cette catégorie a été enregistré dans la région de Baalbek – Hermel, alors que le plus fort taux de mariage précoce de mineurs sont des syriennes.

Telles sont les principales conclusions d’une étude du «Rassemblement féminin démocratique libanais», publié par le journal « Al Akhbar » en date du 14 Mars 2024.

Pour le locuteur arabophone, cf ce lien.

Le sondage a porté sur un échantillon de 1.300 personnes des deux sexes issues de toutes les circonscriptions administratives du pays, comprenant aussi bien des Libanais, que des Syriens ou des Palestiniens.

Vingt pour cent (20) des personnes étaient âgées de moins de 18 ans.

Dix pour cent (10) se sont mariées à l’âge de 14-15 ans et le plus fort taux dans cette catégorie a été enregistré dans la région de Baalbek–Hermel (Nord-Est du Liban).

Les familles syriennes au Liban enregistrent le plus fort taux de mariages précoces 45 pour cent contre 38 pour cent pour les libanaises.

56 pour cent des personnes sondées ignorent les conséquences découlant d’un mariage précoce, particulièrement le décrochage scolaire, la mendicité, un taux de mortalité élevé lors des accouchements.  Dix pour cent (10) des filles sondées avaient de 13 à 15 ans au moment de leur mariage.

Une des raisons de ce mariage précoce chez les syriennes est le nombre élevé d’étudiantes syriennes non inscrites auprès d’un établissement d’enseignement au Liban, de l’ordre de 80 pour cent, faute de moyens financiers en ce que l’enseignement y est payant, les conditions de vie difficiles dans les camps de réfugiés, l’insécurité qui y règne, –la crainte d’un viol ou d’un rapt–,  de même que la paupérisation croissante de la population tant libanaise, que syrienne que palestinienne, conséquence de la Softwar menée depuis 2020 par les Etats Unis contre le Liban, en superposition à  l’impéritie des gouvernement libanais successifs et la nécrose des circuits de décision.

Panorama de la pauvreté au Liban

Le Liban est devenu le troisième pays le plus endetté au monde, avec une dette publique estimée à 80 milliards de dollars en 2018, soit 151 % du PIB.

Le dernier rapport de la Commission Économique et Sociale des Nations Unies pour l’Asie occidentale affiche des chiffres alarmants : Du fait de la softwar menée par les Etats Unis contre le Liban, le seuil de pauvreté a atteint 50% au mois d’août 2020 pour atteindre 74 % en septembre 2021. La moitié de la population au Liban n’a pas accès aux médicaments et 33 % des foyers sont privés d’accès aux services de santé.

Ces chiffres couvrent l’année 2020 et le début 2021, et prennent donc en compte les conséquences de la crise sanitaire et des confinements successifs. La situation des réfugiés palestiniens, syriens, irakiens, soudanais s’est également aggravée. 1,5 million de réfugiés syriens, dont 880.000 enregistrés auprès du HCR, vivent au Liban, 257.000 réfugiés palestiniens, et plus de 16.000 réfugiés (enregistrés auprès du HCR) irakiens, somaliens et soudanais. 54% des réfugiés syriens sont des enfants.

Alors que 55% des réfugiés syriens vivaient dans l’extrême pauvreté au début de l’année 2019, ce taux s’élève aujourd’hui à 90%. Ils disposent de moins de 3,8 dollars par jour. En outre, 80% des réfugiés syriens n’ont pas de carte de résident, ce qui les soumet à des risques d’exploitation.

La première cause directe de cette pauvreté croissante est la perte de valeur de la livre libanaise et l’inflation. Le Liban a enregistré un des taux d’inflation les plus élevés au monde.

Entre les étés 2020 et 2021, l’indice des prix à la consommation a connu une hausse de 140 %. La dévaluation de la livre s’élève à 90 % depuis le début de la crise. Pendant les quatre premiers mois de l’année 2021, 230.000 citoyens libanais ont émigré de manière légale, auxquels il faut ajouter les départs par voie maritime des Libanais syriens vers Chypre.

On estime que 40% des médecins et 30% des infirmiers ont quitté le Liban, et le taux de départs est probablement similaire pour les professeurs, les avocats et les entrepreneurs.

L’émigration libanaise, par la fuite des cerveaux et de main d’œuvre qualifiée, d’encadrement compétent;  qu’elle a impliquée,  a infligé une perte de 240 milliards de dollars à l’économie libanaise. Indice d’un bouleversement démographique sans doute irréversible, le nombre des réfugiés syriens de moins de 15 ans est supérieur à celui des libanais de cette tranche d’âge.

La violence faite aux femmes

L’organisation non gouvernementale Abaad, dédiée à la promotion de l’égalité de genre et à la lutte contre la violence à l’égard des femmes au Liban, a révélé des statistiques alarmantes illustrant une augmentation dramatique de la violence contre les femmes dans le pays au cours de l’année 2023. Selon les données recueillies auprès de la Direction générale des forces de sécurité intérieure, 29 femmes ont été assassinées au Liban l’année dernière, marquant une augmentation de 300 % par rapport à 2022. Cela équivaut à une moyenne de deux femmes tuées chaque mois, une réalité sombre et inquiétante qui met en lumière l’urgence de la situation.

Parallèlement à cette augmentation choquante des meurtres de femmes, le nombre de victimes de violences sexuelles a également grimpé en flèche, avec 172 cas signalés en 2023, contre 121 l’année précédente. Cette augmentation signale non seulement une escalade de la violence sexuelle mais aussi un besoin critique d’actions et de réformes juridiques plus efficaces pour protéger les femmes et les filles au Liban.

Abaad a également noté une hausse préoccupante du nombre de victimes d’extorsion électronique, avec 407 cas en 2023, reflétant les nouveaux défis et dangers auxquels sont confrontées les femmes à l’ère numérique. De plus, la ligne d’assistance téléphonique du ministère de l’Intérieur a reçu 767 plaintes contre la violence domestique en 2023, une moyenne de 64 plaintes par mois, démontrant la persistance de ce fléau dans les foyers libanais. Face à cette situation alarmante, Abaad souligne l’importance cruciale de signaler les crimes violents et appelle à une réponse rapide des forces de sécurité internes pour enquêter et poursuivre les auteurs.

L’organisation insiste sur la nécessité de renforcer les pénalités pour les crimes d’agression sexuelle afin de limiter leur commission et de protéger les victimes potentielles.

Abaad, une institution civile, non sectaire et à but non lucratif créée en 2011, œuvre pour le développement économique et social durable au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, en promouvant l’égalité de genre et en fournissant des services directs de protection et d’autonomisation aux femmes. L’organisation joue un rôle clé dans l’élaboration de politiques, la réforme juridique et l’abolition de la discrimination, cherchant à activer la participation active des femmes et à renforcer leurs capacités à contribuer efficacement à leurs sociétés.

La gangrène du confessionnalisme. Un jackpot permanent pour le clergé tant chrétien que musulman

Le statut personnel au Liban est un système mixte régi par l’état civil libanais et le système confessionnel. Ainsi une naissance est inscrite au registre de l’état civil de l’Etat libanais, mais l’identité du nouveau-né est déterminée par sa confession religieuse, actée par le baptême, chez les chrétiens ou la circoncision, chez les musulmans. Il en est de même du mariage, validé par sa célébration religieuse. Le mariage civil est toléré lorsqu’il a été contracté à l’étranger. De sorte que les actes de l’état civils constituent une source de revenus importante pour le clergé, chrétien ou musulman, un jackpot permanent qui rythme la vie des citoyens libanais.

La discrète résistance du Clergé à la législation sur le mariage des mineurs

Les actes de l’état civils constituent une source de revenus importante pour le clergé, chrétien ou musulman, un jackpot permanent qui rythme la vie des citoyens libanais de sorte que le débat visant à réglementer le mariage des mineurs est gangréné par les interférences des dignitaires religieux des diverses confessions qui s’y opposent en sous-main, considérant qu’il s’agit d’une modification du statut civil des citoyens libanais.

Au vu de ce sondage, M. Antoine Habchi, membre de la commission parlementaire de la femme et de l’enfant, a plaidé en faveur de la «criminalisation du mariage des personnes de moins de 18 ans» en raison des graves répercussions de ce phénomène sur le plan social, tant du fait des traumatismes qu’il génère et de l’impréparation des jeunes mariés à faire face aux difficultés de la vie.

Selon les indiscrétions rapportées par Al Akhbar, les dignitaires religieux et leurs relais au parlement se livrent à un jeu subtil en affichant publiquement leur soutien à une législation réglementant les mariages précoces, tout en encourageant les législateurs qui leur sont proches à s’y opposer.

Attention louable, certes, mais les marchands du temple consentiront-ils pour autant à tuer la poule aux œufs d’or ? Auquel cas, le Liban pourrait mériter définitivement la réputation de «pays de cocagne».

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AFP – ANWAR AMRO

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