Jazair Hope a accueilli deux invités distingués qui ont accepté pour la deuxième fois son invitation : M. Ilan Pappé, qui s’exprime depuis Londres, et M. Vijay Prashad, depuis Santiago, au Chili.
M. Ilan Pappé est un historien israélien expatrié, activiste social et professeur à l’Université d’Exeter. Il est renommé pour son travail approfondi sur l’histoire du conflit israélo-palestinien et son plaidoyer en faveur d’une résolution pacifique.
M. Vijay Prashad est historien et journaliste indien. Il est le directeur exécutif du Tricontinental : Institut de recherche sociale. Il est hautement respecté pour son analyse perspicace des problèmes sociaux et politiques mondiaux.
L’interview en Anglais (vous pouvez mettre les sous-titres en français ou arabe) :
Messieurs Pappé et Prashad, je vous remercie vivement de nous rejoindre aujourd’hui. J’attends avec impatience une discussion stimulante et enrichissante. Monsieur Pappé, si vous souhaitez dire quelques mots d’introduction, je vous en prie.
M. Ilan Pappé : Merci beaucoup. C’est un grand plaisir d’être à nouveau sur Jazair Hope. Merci beaucoup pour m’avoir invité. Souhaitez-vous que je commence la discussion, ou devrions-nous d’abord écouter M. Prashad ?
M. Vijay Prashad : Tout ce que je dirai, c’est que “l’espoir ne meurt jamais”. Je trouve que votre slogan, “Jazair Hope Never Sleeps”, est très significatif. Malgré la situation horrible dans laquelle nous vivons dans le monde, le fait d’être des êtres humains nous donne l’optimisme de surmonter tous les obstacles. Les humains sont des êtres créatifs, et cela nous donne de l’espoir. C’est pour moi un grand plaisir de me retrouver en compagnie de personnes pleines d’espoir et non de haine. Nous sommes dans l’espérance, pas dans la haine.
Jazair Hope : Notre discussion aujourd’hui se concentrera sur les scénarios futurs du conflit israélo-palestinien. Nous examinerons quatre scénarios, analysant leur probabilité et leurs conséquences potentielles. Les quatre scénarios sont :
- Un scénario de solution à deux États
- Un scénario où Israël disparaît complètement
- Un scénario où Israël annexe tous les territoires palestiniens
- Une escalade vers une guerre mondiale
Nous serons également ouverts pour discuter d’autres scénarios potentiels que nos invités pourraient suggérer. Avant de commencer, j’ai partagé avec notre public un petit sondage que je vais afficher à l’écran, leur demandant de donner leur avis sur la probabilité de chaque scénario. Je prie ceux qui n’ont pas encore voté de le faire. À la fin de la discussion, nous explorerons leurs opinions.
Hope JZR : M. Pappé, veuillez nous dire ce que vous pensez du premier scénario, la solution à deux États.
M. Ilan Pappé : Merci. La solution à deux États est morte depuis très longtemps déjà. Je dis toujours que la solution à deux États est comme un cadavre allongé dans une morgue, mais on ne nous a pas encore invité aux funérailles. Les intérêts politiques et économiques de nombreuses personnes sont investis dans cette solution, les empêchant d’admettre son échec total et son ‘irrelevance’ par rapport à la réalité sur le terrain.
Il y a deux dimensions pour analyser ‘l’irrelevance’ de la solution à deux États : morale-idéologique et pratique. Morale et idéologiquement, la solution à deux États est une idée colonialiste. Elle suggère que le mouvement colonialiste de peuplement qui colonise un pays en Asie de l’Ouest devrait permettre à une partie de la terre d’être dirigée par les peuples autochtones, non pas avec une pleine souveraineté, mais comme une entité autonome dans une petite partie de la terre colonisée. Cette approche reflète l’ère de l’apartheid en Afrique du Sud, où l’Afrique du Sud blanche a offert des bantoustans – de petits royaumes destinés à dompter la résistance au système d’apartheid.
Pratiquement, cette solution est également impossible. La Cisjordanie abrite actuellement 700 000 colons juifs qui représentent une partie significative de l’électorat israélien. L’idéologie qui considère la Cisjordanie comme faisant partie d’Israël et soutient une colonisation accrue rend la solution à deux États impraticable. De plus, les Accords d’Oslo de 1993, qui représentent la meilleure offre jamais faite dans le cadre de cette solution, ne contrôlaient que partiellement certaines parties de la Cisjordanie et excluaient des millions de réfugiés palestiniens et de citoyens d’Israël.
En conclusion, la solution à deux États substitue une forme d’occupation à une autre et perpétue l’impression trompeuse de véritables pourparlers de paix. Elle ne met pas fin à l’oppression et à la colonisation, mais offre plutôt une façade de progrès tout en maintenant le statu quo.
Hope JZR : Merci, Monsieur Pappé, la même question pour vous, Monsieur Prashad.
M. Vijay Prashad : Il n’est pas surprenant que le Professeur Pappé et moi partagions la plupart de nos positions. Permettez-moi d’aborder cela sous un angle légèrement différent. Ayant voyagé en Cisjordanie, à Jérusalem, en Israël et à Gaza, je dois dire que nous parlons d’une toute petite partie de la planète. La Cisjordanie et Jérusalem sont petites, mais elles ont une immense signification historique et émotionnelle. L’idée d’une solution à deux États est impraticable dès le départ en raison des complexités géographiques et logistiques.
Aujourd’hui, il est crucial de comprendre que lorsque des gouvernements comme ceux de la Chine et de l’Inde soutiennent la solution à deux États, ils l’utilisent comme un bouclier pour empêcher l’annexion immédiate de Gaza et de la Cisjordanie. Cette position politique ne vise pas véritablement à soutenir une solution à deux États mais à maintenir les frontières actuelles pour éviter toute escalade et tout déplacement supplémentaire.
En résumé, alors que la solution à deux États est un concept mythique, le soutien politique actuel vise à empêcher une seconde Nakba. Il est important de faire la distinction entre ces deux aspects : l’impraticabilité de la solution elle-même et les manœuvres politiques visant à protéger les terres palestiniennes contre toute annexion future.
Hope JZR : Merci. Il est clair que la solution à deux États, bien qu’historiquement significative, rencontre de nombreux défis moraux, idéologiques et pratiques. Nous aimerions maintenant explorer le scénario d’une éventuelle annexion de tous les territoires palestiniens par Israël.
M. Pappé : Que pensez-vous de la probabilité qu’Israël annexe tous les territoires palestiniens ?
Ilan Pappé : Tout d’abord, il est important de reconnaître qu’Israël contrôle déjà la totalité de la Palestine historique, bien que cela ne soit pas toujours directement ou selon la loi. Il y a une annexion de facto en pratique, même si elle n’a pas encore été formalisée par la loi. La possibilité d’une annexion de jure, où elle est déclarée par la loi, est certainement présente, compte tenu de l’orientation actuelle de la politique israélienne.
La société et la politique israélienne ont beaucoup évolué vers la droite. En Israël, “droite” ne concerne pas seulement le capitalisme versus le socialisme, mais plutôt une position nationaliste, sioniste et annexionniste concernant la Cisjordanie et la bande de Gaza. Ce qui était autrefois une idée marginale est maintenant devenu ‘mainstream’ dans la politique israélienne. Il est possible que la Knesset israélienne finisse par adopter des lois pour annexer des parties de la Cisjordanie, en particulier la zone C, qui représente 60 % de la Cisjordanie et est déjà sous contrôle israélien selon les Accords d’Oslo.
La coalition de droite actuellement au pouvoir ne cherche pas seulement à annexer complètement la Cisjordanie, mais aussi la bande de Gaza. Pour eux, l’annexion inclut le nettoyage ethnique et la dépopulation. Ils considèrent cela comme un acte légitime pour sécuriser l’État d’Israël, sans aucune inhibition morale. Ce scénario doit être pris très au sérieux. Cependant, ce n’est pas une cause perdue. Nous pouvons et devons galvaniser nos sociétés et nos gouvernements pour éviter un tel acte désastreux, en cherchant à éviter de vastes expulsions et des effusions de sang potentielles par des moyens pacifiques.
Hope JZR : Merci, M. Pappé. Monsieur Prashad, voudriez-vous nous faire part de vos opinions sur la probabilité de ce scénario ?
Vijay Prashad : Ce scénario d’annexion n’est pas nouveau ; il remonte à des décennies. Ariel Sharon, lorsqu’il a rejoint le gouvernement en 1977, a pris la direction du ministère de l’Agriculture pour se concentrer sur la construction illégale de colonies en Cisjordanie. Ce projet à long terme d’activité de colonisation dépasse largement la simple appropriation de terres – il s’agit de changer la conscience de la société israélienne. Les colonies ont poussé la société israélienne vers une dérive vers la droite, non seulement parmi les colons, dont beaucoup sont essentiellement des terroristes, mais à travers toute la société, provoquant des idéologies annexionnistes.
Je crains un scénario où il y aurait une attaque contre le Dôme du Rocher ou la mosquée Al-Aqsa. Un tel événement serait catastrophique et pourrait mobiliser les gens dans le monde entier dans une frénésie. Ce n’est pas une hypothèse farfelue ; il y a des élus au gouvernement israélien et des prédicateurs évangéliques aux États-Unis qui en parlent. Nous devons être résolus et lutter contre cette attitude dangereuse.
Le problème de l’annexion n’est pas seulement un problème palestinien, mais aussi un problème israélien. La société israélienne doit affronter son obsession pour l’idée d’Eretz Israël et l’effacement des Palestiniens. Cette obsession corrompt la vie quotidienne israélienne, et les Israéliens doivent prendre cela très au sérieux. Il est déjà tard, mais il est encore temps de se réveiller et de traiter ces questions.
Hope JZR : Merci à vous deux. Il est clair que le scénario de l’annexion par Israël de tous les territoires palestiniens est très préoccupant. Comme l’a souligné M. Pappé, le climat politique actuel en Israël rend ce scénario possible, tandis que M. Prashad a mis en lumière les implications culturelles et sociétales à long terme d’une telle démarche.
M. Prashad : je continue avec vous pour le troisième scénario, qui gagne en crédibilité parmi les géopoliticiens. Ce scénario implique la disparition d’Israël tel qu’il existe actuellement en tant qu’État. Quels sont les facteurs possibles qui pourraient conduire à ce résultat ? S’agirait-il de pressions intrinsèques au sein de la société israélienne, de pressions mondiales, de guerre ou d’autres facteurs ?
M. Vijay Prashad : Franchement, ce scénario n’est pas simplement une spéculation politique. De nombreux politologues préconisent une solution à un État où Israël, en tant qu’État d’apartheid, cesserait d’exister, laissant place à un État laïque et démocratique avec des droits égaux pour tous. C’est certainement un scénario idéal dans l’abstrait. Cependant, sa réalisation nécessite un immense changement social et culturel, où les gens commencent à se faire confiance mutuellement et à se voir comme égaux.
Regardez l’Algérie après sa guerre d’indépendance. Il était incroyablement difficile pour les pieds-noirs de rester en Algérie en grand nombre. De même, après la fin de la domination britannique en Inde, la plupart des Britanniques sont partis. Même en Afrique du Sud, bien que la réconciliation ait été possible, le racisme et les inégalités sociales persistent. Réaliser une solution à un État en Israël et en Palestine est encore plus difficile, à la fois politiquement et socialement. La droite israélienne est peu susceptible d’accepter les factions palestiniennes alors qu’ils ne reconnaissent même pas les partis politiques arabes israéliens au sein de leur propre système.
À l’intérieur, bien qu’il y ait des Israéliens qui quittent le pays, cela ne conduit pas à une perte nette significative de population, car d’autres arrivent. Le caractère de la société pourrait changer radicalement, et pas nécessairement pour le mieux. La lutte pour changer la société israélienne de l’intérieur constitue un obstacle majeur à toute solution à un État.
Hope JZR : Merci. M. Pappé, veuillez partager votre perspective sur ce scénario.
M. Ilan Pappé : D’un point de vue légèrement différent, je crois que nous assistons au début de la fin d’Israël en tant qu’État, non pas en raison de souhaits externes, mais en raison de problèmes inhérents au projet sioniste. Plusieurs facteurs contribuent à cette implosion interne.
L’attaque du Hamas le 7 octobre a agi comme un séisme, révélant et prolongeant les fissures existantes au sein de la société israélienne. Ces fissures sont maintenant si importantes qu’elles menacent l’effondrement de l’État. Israël n’est pas unique face à un tel destin ; d’autres États de la région, comme la Syrie, le Liban, la Libye, le Yémen et l’Irak, connaissent une désintégration ou une instabilité grave.
Un facteur majeur est la division interne entre Juifs séculiers et religieux en Israël. Malgré les menaces externes, cette division s’approfondit, conduisant à une sorte de guerre civile froide. Les événements récents ont mis en lumière l’échec de l’armée israélienne à défendre ses citoyens, diminuant son invincibilité aux yeux de la société israélienne.
Économiquement, Israël fait face à une crise. Depuis le 7 octobre, plus d’un demi-million d’Israéliens, dont une partie significative de l’élite financière, ont quitté le pays, transférant leur capital et potentiellement eux-mêmes. Cette instabilité économique, couplée au besoin d’une aide financière massive des États-Unis, mine davantage la stabilité d’Israël.
Sur le plan international, l’isolement d’Israël s’accentue. Le soutien des communautés juives mondiales diminue, de nombreux jeunes Juifs dans le monde ne s’identifiant plus comme sionistes et soutenant plutôt la solidarité avec les Palestiniens. Cette perte de soutien rend Israël très vulnérable.
Le mouvement national palestinien, bien qu’actuellement en désordre, montre des promesses parmi la jeune génération. Ils sont plus unis, consensuels et actifs. Il y a de l’espoir qu’ils puissent combler le vide laissé par l’effondrement potentiel d’Israël, offrant une vision d’égalité pour tous les résidents et le retour des réfugiés palestiniens, créant ainsi une nouvelle entité politique en Palestine historique.
Hope JZR : Merci. Il est évident que le scénario de la disparition d’Israël en tant qu’État implique de nombreux facteurs complexes, notamment les pressions sociétales internes, les défis économiques, l’isolement international et l’évolution du mouvement national palestinien.
M. Pappé, tout au long de la discussion sur les scénarios précédents, il est clair que la situation est très complexe. Compte tenu de cette complexité, abordons le quatrième scénario d’escalade vers un conflit mondial. Comment envisagez-vous que cela se déroule ?
M. Ilan Pappé : Il existe en effet un danger significatif que le conflit actuel s’intensifie en une guerre régionale avant de potentiellement devenir un conflit mondial. La guerre actuelle à Gaza et la guerre de basse intensité entre Israël et le Hezbollah au nord pourraient facilement s’intensifier. L’implication de l’Iran dans le conflit, qui a commencé à se dérouler le 7 octobre, est un facteur critique.
Les plans d’Israël pour aborder militairement la situation dans le nord en repoussant le Hezbollah au nord de la rivière Litani et en créant une zone tampon dans le sud du Liban pourraient entraîner l’implication de l’Iran et des États-Unis dans le conflit. Ce scénario est alarmant car si les États-Unis et l’Iran sont entraînés dans la guerre, un effet domino pourrait s’ensuivre, entraînant d’autres forces régionales et internationales dans la mêlée.
Un problème majeur est l’acceptation du récit israélien au sein des établissements de sécurité du Nord mondial et éventuellement en Inde. Ce récit présente l’Iran comme le principal problème de la région, le décrivant comme une force déstabilisatrice avec un supposé désir d’imposer une révolution chiite à travers le monde arabe. Cette dichotomie simpliste des forces du bien contre le mal, avec Israël inexplicablement présenté comme le “bien”, ignore les complexités de la région et les héritages coloniaux. L’imposition par l’Occident du modèle de l’État-nation sur la Méditerranée orientale a échoué, et toute structure politique future doit reconnaître cet échec.
L’Iran, malgré ses problèmes de droits de l’homme, est essentiel pour toute réconciliation et stabilisation de la région. Historiquement, l’Iran a été essentiel pour la région, et l’exclure des futurs processus de paix est impraticable. Nous devons dépasser le récit du bien contre le mal pour désamorcer efficacement la situation et trouver des solutions plus substantielles.
Hope JZR : M. Prashad, voudriez-vous partager vos réflexions sur ce scénario d’escalade vers un conflit mondial ?
M. Vijay Prashad : Le seul pays qui semble vouloir un conflit mondial est les États-Unis. Les États-Unis poursuivent une politique suicidaire en Ukraine, provoquant la Russie en suggérant que des armes de l’OTAN pourraient être utilisées pour frapper les centres d’alerte des ICBM à l’intérieur du territoire russe. C’est une provocation inutile. Les États-Unis provoquent également la Chine en mer de Chine méridionale, violant le droit international dans le processus.
Soixante-quinze pour cent des dépenses militaires mondiales sont réalisées par les pays de l’OTAN, les États-Unis étant responsables d’une part importante. La Chine représente 10 % et la Russie 3 %, tandis que les dépenses militaires du monde arabe sont minimes, à l’exception de l’Arabie saoudite. La réalité est que le pays terroriste le plus important sur Terre en ce moment est le gouvernement des États-Unis.
La Chine, en revanche, n’est pas intéressée par la guerre et cherche activement à désamorcer les tensions, comme en tentant de négocier un grand accord entre l’Iran et l’Arabie saoudite. Les médias mondiaux dépeignent cependant la Chine, la Russie et l’Iran comme des menaces, ignorant la véritable menace posée par les États-Unis, qui possède 900 bases militaires à travers le monde.
Les pays arabes comme l’Égypte et la Jordanie, qui étaient autrefois vocaux et actifs en politique régionale, sont maintenant largement silencieux ou inefficaces. L’Égypte, autrefois leader dans le monde arabe, est désormais invisible. La Jordanie, malgré son importante population palestinienne, reste largement silencieuse. Même si le Yémen prend position, d’autres nations arabes doivent se lever et menacer de rompre leurs liens avec Israël en réponse à ses actions.
La Chine et l’Iran ne veulent pas la guerre. Même la Russie, malgré ses actions en Ukraine, ne veut pas d’un conflit plus large. Les États-Unis, en revanche, semblent déterminés à maintenir leur autorité déclinante par le militarisme. Cela fait des États-Unis un pays dangereux et un médiateur peu fiable pour tout processus de paix, en particulier dans le conflit israélo-palestinien.
Hope JZR : Merci messieurs pour vos vues précieuses. Il est clair que le potentiel d’escalade du conflit actuel vers une guerre mondiale est influencé par de nombreux facteurs, y compris les dynamiques régionales, les récits internationaux et les actions des grandes puissances comme les États-Unis et la Chine.
Nous avons maintenant passé 53 minutes à explorer ces scénarios. Voici les résultats du sondage. Nous avons près de 300 votes : la solution à deux États a recueilli 21 %, l’annexion de la Palestine par Israël 2 %, l’escalade vers une guerre mondiale a obtenu 13 %, et la fin d’Israël tel qu’il existe actuellement 68 %. Je ne sais pas si cela représente des vœux pieux ou la probabilité perçue de ces scénarios.
Réaction des invités :
Ilan Pappé : Oui, je pense que vous avez raison. Il est difficile d’interpréter si les gens prédisent ce qui va se passer ou expriment leurs désirs. Cela reflète une rencontre d’espoir, et peut-être que cela devrait être mon dernier point. Je tiens à être prudent avec le terme “fin” (نهاية ou nihaaya en arabe), car il semble très destructeur. En tant que juif israélien, je ne plaide pas pour la destruction ou le mal à quiconque. Il y a 8 millions de Juifs en Palestine ; on ne peut pas simplement les faire disparaître. Je crois que ce que les gens veulent dire, c’est l’effondrement des États ou des régimes, pas la fin des peuples. Cette distinction est cruciale, surtout lorsqu’il s’agit de questions sensibles comme celles-ci. Je suis un fervent partisan du slogan « La Palestine doit être libre, du fleuve à la mer ». Cependant, je dois expliquer cela non seulement aux Palestiniens mais aussi aux Israéliens. Ce que nous visons, c’est la fin de l’apartheid, de la colonisation et du génocide – un changement de régime. Le sionisme, autrefois destiné à combattre l’antisémitisme, s’est transformé en une idéologie coloniale de peuplement qui cherche à déplacer les Palestiniens. Nous devons nous débarrasser de cette idéologie pour construire un avenir basé sur l’égalité et la reconnaissance des injustices historiques. Ce processus implique la réconciliation et la justice restauratrice, visant non pas à la destruction mais à la création de quelque chose de nouveau et de juste.
Hope JZR : Très clair, M. Elan.
Vijay Prashad : Le Professeur Pappé l’a bien articulé. Nous venons de civilisations anciennes, et nos histoires sont riches en diversité et en complexité. L’imposition d’idées impitoyables et ‘divisives’ a causé beaucoup de souffrances. L’externalisation par l’Europe de son antisémitisme en Palestine a été une injustice profonde. La solution à l’antisémitisme réside dans le fait que l’Europe affronte sa propre histoire, et non pas en l’exportant ailleurs.
Vivre ensemble en harmonie est un défi profond, mais c’est possible. Nous devons apprendre à nous aimer les uns les autres en tant qu’êtres humains, malgré les difficultés immenses de ce voyage. Le poète de ma région ancestrale a dit une fois : “Il y a 250 ans, nous étions des personnes ; avec beaucoup de difficulté, nous sommes devenus humains.” Ce voyage continue.
Hope JZR : Encore merci à vous deux. Cela a été un plaisir de vous avoir ici. J’espère vous accueillir à nouveau à l’avenir pour une autre discussion enrichissante.
Merci à tous.
(Proposée par Amar Djerrad)