Par Jean-Luc Mélenchon

Dès les 15 premiers jours, plein pot sur le pouvoir d’achat des français. Donc, la politique de notre programme est facile à comprendre. Alors bien-sûr, il est attaqué dans « Le Figaro » du 18 juin pour cela. Le journal libéral (journal du capital ?), publie un article dit de « décryptage » sur l’augmentation du SMIC à 1600 euros nets par mois. Tous les gens pris à la gorge avec leurs petits salaires devraient éviter de lire ce morceau d’égoïsme social des dominants a qui ce journal est vendu. Pour « Le Figaro », cette mesure provoquerait avant tout des destructions de centaines de milliers ou même de millions d’emplois. Le papier cite plusieurs chiffres, sans que l’on sache pourquoi ni comment se fait la différence entre eux. Alors posons la question : pourquoi l’augmentation du salaire minimum provoquerait-elle un « chômage de masse » comme l’explique Bruno Le Maire dans ces colonnes ? Voyons cela de près. Le Nouveau Front Populaire propose de passer le SMIC de 1398 euros à 1600 euros nets mensuels, soit une augmentation de 14%. Pour être taquin, on pourrait faire remarquer que si le SMIC avait augmenté ces 10 dernières années au même rythme que la fortune des milliardaires, il serait aujourd’hui à 5000 euros nets par mois. Comparaison n’est pas raison mais je crois que cela crée une ambiance. Car la fortune des milliardaires est faite de la confiscation du produit du travail de chacun au profit d’une poignée de personnes.


 Qui est concerné par le SMIC ? On doit se poser la question pour répondre à l’inquiétude soulevée par « Le Figaro ». L’imagerie catastrophiste prétend que les emplois au SMIC seraient des emplois aussitôt délocalisés à l’autre bout du monde à la moindre hausse des salaires en France ! Pourtant c’est absolument faux. Parce que c’est impossible vu que c’est absurde. Les entreprises soumises à la concurrence internationale commerce des produits qui ne concerne pas les emplois au SMIC ! La métallurgie par exemple, paye au SMIC tout juste 3% de ses salariés. La chimie c’est à peine 5% des emplois. Et au Figaro ? Il se prépare sans doute à la délocalisation ? À l’inverse, les assistantes maternelles sont 50% à être smicardes, les aides à domicile 40%, les travailleurs de l’hôtellerie et la restauration 40% aussi et ceux de la grande distribution 30%. On peut souffler un bon coup : aucun patron ne délocalisera les supermarchés, les restaurants, les hôtels, les malades et les personnes âgées. Non par bonté et encore moins par patriotisme mais juste parce que c’est impossible. L’argument du chantage à la délocalisation à propos du SMIC ne tient pas. Au contraire, il y aura un effet vertueux pour toute l’économie de la hausse du SMIC. « Le Figaro » ose à peine l’évoquer, sauf dans une citation de l’économiste hétérodoxe Clément Carbonnier, le seul de cette école à être cité dans l’article. En effet, que font les gens du commun lorsqu’ils reçoivent une augmentation de salaire ? Ils commencent par régler les dettes urgentes avant saisie. Puis ils achètent l’urgent dont ils devaient se passer jusque-là : alimentation et soins de toutes sortes. Puis ils vont chez le coiffeur, ils font des travaux chez eux ! Ils se font plaisir à la boulangerie le dimanche, renouvellent leur garde-robe, ils partent en vacances et certains vont même au restaurant ! Ou bien ils font des cadeaux à ceux qu’ils aiment ! Ça c’est juste la vie. Et d’un point de vue économique, ce sont des carnets de commandes qui se remplissent. 53% de la richesse produite en France est ainsi tirée par la consommation populaire. Et que font les petits patrons, ou même les gros, les commerçants, les artisans lorsqu’ils ont plus de clients ? Ils embauchent une personne de plus, donnent un peu de salaire ou bien investissent dans leur outil de travail. Bref, ce que l’on a donné au début se multiplie et fait des petits partout. Cela s’appelle « l’effet multiplicateur ». On estime qu’il est en France à 1,3. Cela signifie : lorsqu’on donne 1 euro en pouvoir d’achat, il génère 1,30 euros d’activité économique. Évidemment, ce surcroît d’activité a aussi un effet positif sur les recettes de l’État. Plus de consommation, c’est plus de TVA. Plus de revenus, c’est plus d’impôt sur le revenu. Donner au peuple de quoi satisfaire ses besoins est un cercle vertueux pour l’économie. « Le Figaro » pose de manière alarmante la question des petites entreprises. Comment pourraient-elles survivre à un tel choc ? Je viens de démontrer l’effet bénéfique que cela aura sur elles en particulier. Mais il peut y avoir une question de temporalité, entre le moment de l’augmentation de salaire, et le moment de la hausse de la consommation populaire. Pour cela, nous avons des réponses aussi. D’abord car nous baissons des coûts pour elles immédiatement aussi. Le blocage des coûts de l’énergie va donner une belle respiration à de nombreuses petites entreprises. Si cela ne suffit pas, les insoumis ont défendu dans l’Avenir en Commun l’idée d’une caisse de péréquation entre les entreprises. Grâce à ce système, une partie des cotisations sociales des petites entreprises pourrait être prise en charge par les cotisations des grosses entreprises ou celles qui ont le plus important chiffre d’affaires. C’est une bonne idée, et je suis certain que tous le Nouveau Front Populaire pourra en être convaincu. Dans tous les domaines, lorsque nous rencontrons une difficulté, nous pouvons la résoudre par le partage, par le collectif, par la mutualisation. 

La panique à propos de notre programme devient l’argument essentiel de nos adversaires. Les macronistes, (baptisés « majorité présidentielle » par les obséquieux) occupés à parler de notre programme, n’ont pas trouvé le temps pour en rédiger un. Très respectueusement les médias ne les interrogent donc pas sur le sujet. Quant au RN et au malheureux Bardella submergé par des questions auxquelles il ne connaît rien, il a trouvé son outil de travail : la gomme. Jour après jour, il efface les promesses qui étaient hier encore sur le site du RN. D’ailleurs il a aussi gommé le site lui-même. La semaine dernière, c’était la retraite à 64 ans, devenue finalement acceptable pour le RN. Cette semaine, c’est la baisse de TVA sur les produits de première nécessité qu’il faudra renvoyer, « à un second temps ». Notre programme fait l’inverse : il dit tout, chiffre tout, séquence tout. Pourtant après trois jours et pas un de plus à signer un nouvel accord d’union, se répartir les circonscriptions et même établir la liste des mesures que prendrait notre gouvernement nous sommes sommés à présent de répondre à une pluie de chiffres établis « au doigt mouillé » sans aucune références vérifiables. Et cela sans qu’on demande une seule fois au bien pensant comment ils expliquent l’échec complet de trente ans de leur politique néolibérale. Ni de dire la vérité sur ce que veut dire la politique qu’il s’apprête à mettre en œuvre : encore et encore des baisses d’impôts sur la fortune et sur la richesse produite. On sait comment cela est financé : de l’emprunt et des coupes dans les services publics. Les politiques libérales détruisent les services publics et endettent le pays : c’est sans autre contrepartie. Voilà le programme commun du RN et des libéraux. La politique économique du Nouveau Front Populaire renverse la donne : elle augmente la consommation populaire et le bien-être de tous et de cette façon elle relance l’activité économique. Mais vaille que vaille nos équipes établissent le chiffrage dont nous avons besoin et elles le font à partir de données officielles vérifiables. 

Face à notre politique du carnet de commande rempli, où sont passées les grandes démonstrations néolibérales d’hier ? Et le vieux théorème de Giscard d’Estaing et du chancelier Helmut Schmidt: « les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain ». L’orgie de profits réalisés surtout depuis sept ans de macronie dément absolument cette doctrine. Il n’y a eu ni investissement ni emploi à la suite du plus grand assistanat du capital de l’histoire en France : 220 milliards au total. Eux-mêmes le savent. Le projet néo libéral ne propose d’ailleurs plus rien à propos de son propre chiffrage, plus aucune vision pour l’avenir. Le néolibéralisme est un astre mort. Il ne rayonne plus d’aucune façon. Ses refrains sont devenus odieux. Ses porte-paroles en sont réduits à essayer de faire croire à de pauvres promesses aussitôt comprises comme des arnaques. Ainsi quand le premier ministre a le culot de promettre une indexation des petites retraites sur l’inflation croyant que personne ne se rendrait compte que c’est déjà dans le code de la Sécu depuis 2015. Réduit à cette extrémité le rire et le dégoût produisent un effet de répulsion irrépressible. Eux sont comme des sargasses flottant au fil de l’eau et répétant mollement leurs mantras désuètes. Mais sans ligne, sans chef, sans cohérence, sans aucun horizon. Et ça s’appelle « Renaissance ». Il n’y a aucun « bon sens » à suivre une nouvelle séquence de « la politique de l’offre ». Le fond de l’affaire n’est pas là. Il est dans un chiffre : dans les années 80 un salarié travaillait 4 jours par an pour produire une richesse qui allait à 100 % directement dans la poche des actionnaires. Aujourd’hui la même personne travaille quarante-cinq jours ! C’est cela la répartition que nous allons changer de fond en comble. Les commentateurs oublient surtout que l’histoire est aussi l’âpre et rugueuse histoire de la lutte pour ce partage.

Source : le site de JLM
https://melenchon.fr/…