Par Alex Lantier
La tentative d’assassinat du Premier ministre slovaque Robert Fico, le 15 mai, est un geste politique, lié à la guerre de l’OTAN contre la Russie dans l’Ukraine voisine. Les enquêtes des autorités slovaques montrent que Jaraj Cintula, que les gardes de Fico ont appréhendé alors qu’il faisait feu sur Fico, était hostile aux critiques de Fico sur l’escalade de l’OTAN contre la Russie, et que Cintula a potentiellement bénéficié de l’aide d’agences de renseignement étrangères.
Le parti SMED-Démocratie sociale de Fico et le parti d’opposition Slovaquie progressiste, favorable à l’OTAN, appellent tous deux au calme, mettant en garde contre une «guerre civile». Mais l’évolution de la politique en Europe de l’Est depuis la restauration du capitalisme par les régimes staliniens en 1989 a clairement conduit à un désastre. Les puissantes forces de l’alliance de l’OTAN que la Slovaquie a rejointe en 2004 se réjouissent de l’attaque perpétrée contre Fico tandis qu’elles tentent d’écraser l’opposition populaire à la guerre totale avec la Russie en Slovaquie et dans toute l’Europe.
En effet, la question est posée: les forces qui ont aidé à tirer sur Fico comprenaient-elles la CIA et les services de renseignement d’autres grands pays impérialistes de l’OTAN qui mènent la guerre contre la Russie?
C’est ce qui ressort des remarques formulées cette semaine par le ministre slovaque de l’Intérieur, Matus Sutaj Estok, et par des responsables du Service d’information slovaque (SIS). Estok a déclaré que tout l’historique Facebook de Cintula avait été supprimé alors que ce dernier était détenu au secret par la police slovaque. «Cependant, ce n’est pas lui qui l’a supprimé et apparemment pas sa femme non plus», a déclaré Estok. «Sur la base de ces informations opérationnelles, nous envisageons donc la possibilité qu’un groupe de personnes soit à l’origine de l’agression.»
Estok a ajouté, selon Al Jazeera, que Cintula «était irrité par la politique ukrainienne du gouvernement [slovaque]».
Les premières informations diffusées par les médias internationaux selon lesquelles Cintula était un gauchiste ont également été discréditées. Cet écrivain, qui a lancé de violentes diatribes nationalistes contre l’ethnie rom, aurait sympathisé avec Slovaquie progressiste (SP), bien que SP ait souligné qu’il n’en était pas membre. En d’autres termes, il était associé au soutien fasciste de l’OTAN dans la guerre de l’Ukraine contre la Russie.
Ces événements sont suivis de près par les responsables d’Europe de l’Est qui ont également lancé des appels limités en faveur de la paix en Ukraine et qui doivent maintenant se demander s’ils seront les prochains après Fico.
Lundi, le président bulgare Roumen Radev a déclaré: «Chaque jour où cette guerre se poursuit est désastreux pour l’Ukraine, la Russie et nous tous.» À propos de l’assassinat de Fico, Radev a ajouté: «La tentative d’assassinat d’un premier ministre européen par un fanatique radicalisé, en raison de son soutien à la paix, est révélatrice de cette intolérance enracinée à l’égard de la dissidence et de la haine. De nombreux hommes politiques, partis et médias y ont contribué en présentant toute voix différente comme pro-russe, ce qui est extrêmement injuste et entraîne toutes ces conséquences négatives.»
Pavol Gaspar, directeur adjoint de l’agence slovaque de renseignement intérieur SIS, a évoqué la possibilité d’une implication étatique dans l’assassinat de Fico: «Il n’est pas exclu que nous soyons un terrain propice aux activités des services de renseignement étrangers.»
Gaspar n’a pas précisé quelles agences d’espionnage étrangères auraient pu soutenir l’assassinat de Fico. Cependant, le Kremlin, qui a bruyamment dénoncé l’assassinat de Fico, n’avait aucun intérêt à assassiner l’un de ses rares alliés au sein de l’élite dirigeante européenne. Les soupçons se portent donc sur les pays impérialistes de l’OTAN où les couches de la bourgeoisie manifestent clairement leur soutien à la tentative d’assassinat de Fico.
Dans son article intitulé «La tentative d’assassinat d’un mini-moi va faire réfléchir Poutine à deux fois», le Daily Star, journal britannique pro-travailliste», cite Anthony Glees, fonctionnaire d’un groupe de réflexion, qui jubile: «La tentative d’assassinat de Fico aura beaucoup inquiété Poutine […] Fico était un mini-moi de Poutine, c’est pourquoi l’assassin en puissance voulait s’en prendre à lui. Poutine, comme nous l’avons vu lors de son récent couronnement, aime être entouré d’acolytes et d’amis qui l’adorent. Il devra peut-être y réfléchir à deux fois.»
Glees a également déploré le fait qu’il serait difficile d’assassiner Poutine lors de sa visite en Chine: «Hélas, les chances que quelqu’un l’attrape dans l’État policier secret hautement développé de la Chine sont extrêmement minces.»
Après l’attaque contre Fico, Sky News a dénoncé Fico, disant qu’il était «controversé», «grossier» et «sympathisant de Vladimir Poutine». Elle a ensuite attaqué le gouvernement de coalition de Fico, composé de partis sociaux-démocrates ex-staliniens et néo-fascistes:
Les trois partis de la coalition [de Fico], sont: soit de gauche, soit nationalistes et, après avoir exprimé des opinions anti-américaines, il a parlé de ce qu’il appelle l’influence de l’Occident dans la guerre en Ukraine, qui n’a fait que conduire les nations slaves à s’entretuer. Sa popularité […] repose sur la promesse de protéger le niveau de vie des laissés-pour-compte dans un pays où les conditions de vie ne rattrapent que lentement celles de l’Europe occidentale et où beaucoup gardent un souvenir relativement agréable de l’époque communiste.
L’opposition à l’austérité sociale et à la guerre en Slovaquie n’est qu’une partie de la colère sociale explosive et de l’opposition à l’escalade militaire contre la Russie parmi les travailleurs de toute l’Europe. Des sondages ont révélé que 68 pour cent des Français, 80 pour cent des Allemands et 90 pour cent des Polonais s’opposent à l’envoi de troupes en Ukraine pour combattre la Russie. Cette opposition s’intensifie dans le cadre des manifestations étudiantes organisées dans le monde entier pour dénoncer la complicité des puissances de l’OTAN dans le génocide israélien contre Gaza.
Il n’y a pas d’issue sous le capitalisme à la crise mortelle en Slovaquie suite à la tentative de meurtre de Fico et à la crainte des élites dirigeantes d’une «guerre civile». La seule voie progressiste est l’unification de la classe ouvrière européenne et internationale dans un mouvement contre la guerre impérialiste et pour le socialisme. La base politique d’un tel mouvement est la perspective trotskiste d’une révolution prolétarienne internationale contre l’impérialisme et la restauration stalinienne du capitalisme.
L’opposition à la tentative d’assassinat de Fico et à la guerre de l’OTAN contre la Russie en Ukraine n’implique aucun soutien à l’invasion réactionnaire de l’Ukraine par le régime capitaliste de Poutine, ni au régime de Fico. En effet, malgré ses critiques symboliques de la guerre contre la Russie et ses appels à la paix, Fico n’a pas cherché à opposer son veto aux plans d’expansion de l’OTAN ou de guerre contre la Russie pendant la guerre en Ukraine. En fin de compte, il a servi de gardien des intérêts des conglomérats financiers et industriels impérialistes qui dominent le capitalisme slovaque.
Les travailleurs et les jeunes doivent rejeter les appels à la paix sociale et au calme lancés par le parti de Fico et ses rivaux au sein de l’élite dirigeante slovaque. La classe ouvrière doit être alertée et unifiée dans la lutte contre le danger d’une escalade catastrophique de la guerre OTAN-Russie et s’opposer aux élites dirigeantes réactionnaires des pays de l’OTAN qui la mènent. Les références des médias slovaques à une crise politique explosive montrent clairement le potentiel de construction d’un tel mouvement.
En effet, quelques semaines avant l’assassinat de Fico, le régime ukrainien a arrêté le camarade Bogdan Syrotiuk, un dirigeant de la Jeune Garde des bolcheviks-léninistes (JGBL), qui est active dans toute l’ex-Union soviétique et sympathisante du Comité international de la Quatrième Internationale. Elle a porté contre le camarade Bogdan des accusations, fondées sur des fabrications politiques absurdes, selon lesquelles il était un agent de l’État russe. En réalité, la JGBL défend une perspective trotskiste pour l’unification des travailleurs en Russie, en Ukraine et au niveau international contre le capitalisme et la guerre.
La crise politique explosive qui émerge de la tentative d’assassinat de Fico révèle une crise objectivement révolutionnaire qui émerge dans toute l’Europe. Le régime slovaque craint une explosion de l’opposition, surtout sur sa gauche, contre la guerre impérialiste, tout comme le régime ukrainien craint une explosion de l’opposition de masse, de gauche, parmi les travailleurs, à l’idée d’être entraînés à la mort sur les lignes de front de la guerre avec la Russie.
Il est urgent que le camarade Bogdan soit libéré et qu’un mouvement socialiste international soit construit contre l’impérialisme et le capitalisme dans la classe ouvrière soviétique, est-européenne et internationale.
(Article paru en anglais le 23 mai 2024)
Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…