Par François Alfonsi
Le chiffre de 33.000 victimes, avant tout des civils, très souvent des femmes et des enfants, est validé par les différentes sources qui suivent les actes de guerre qui se succèdent dans la bande de Gaza depuis l’agression terroriste menée par le Hamas contre Israël le 7 octobre 2023. Il y a eu à Gaza deux fois plus de civils tués en cinq mois qu’il n’y en a eu en Ukraine en deux ans (10.500 civils tués en Ukraine entre février 2022 et février 2024 selon l’ONU).
La riposte militaire d’Israël à Gaza est donc une des guerres les plus meurtrières à cette heure, alors même que la supériorité de Tsahal est extrême. Le monde entier s’interroge : pourquoi tant d’acharnement contre des populations civiles ?
Les 2,4 millions de Gazaouis, endeuillés par la mort de milliers de de leurs proches, parmi lesquels de très nombreux enfants, chassés de chez eux, privés de nourriture et de soins, vivent un véritable calvaire, totalement injustifiable au regard du droit international. Arrivés au bout de leur résistance physique face à la famine et à l’absence de soins et d’abris, le risque est immense que le bilan des morts civiles ne s’aggrave de façon exponentielle si une aide humanitaire digne de ce nom n’arrive pas à se mettre en place en raison du veto et des actes de guerre de l’armée israélienne. Celle-ci a encore scandalisé le monde entier en bombardant et en tuant froidement des travailleurs humanitaires qui s’étaient déployés pour tenter de secourir les gens. Cet acte intentionnel a provoqué une levée de boucliers généralisée, jusqu’au premier allé d’Israël, les USA, qui se sont désolidarisés sévèrement du gouvernement Netanyahu, y compris dans l’enceinte des Nations Unies.
Le gain militaire permis par tant d’atrocité est limité, et le Hamas, qui détient toujours une centaine d’otages, n’est pas « détruit » malgré ce déferlement de frappes et de bombardements. Et quand bien même il le serait, il ne pourrait que renaître de ses cendres.
Le massacre du 7 octobre, puis l’écrasement de tout un peuple par cette riposte disproportionnée, ont en commun de démontrer comment les deux parties, le Hamas comme le gouvernement israélien d’extrême-droite de Benyamin Netanyahu, se sont enfermés dans des impasses mortifères.
A la base de ces impasses politiques et humanitaires, il y a le refus d’envisager le partage de la Palestine en deux Etats d’égale dignité permettant à chaque peuple, palestinien et israélien, de construire son propre avenir.
En refusant de reconnaître l’Etat d’Israël, le Hamas a toujours professé que la Palestine, « de la rivière (Jourdain) à la mer », devait être débarrassée de la population israélienne, d’où le choix du terrorisme. De l’autre côté, la multiplication des occupations par les colons en Cisjordanie, encouragée par Israël, a exprimé un refus explicite de faire la place à un Etat palestinien viable. Il est même établi aujourd’hui que la prise de contrôle de la bande de Gaza par le Hamas a été favorisée par les gouvernements israéliens successifs dans le but de disqualifier l’Autorité Palestinienne mise en place par les accords d’Oslo en vue de la création d’un Etat palestinien.
L’Israël du gouvernement Netanyahu et le Hamas terroriste du 7 octobre 2023 ont en commun le projet d’une Palestine une et indivisible, le mythe du Grand Israël des uns recoupant le projet d’un Etat palestinien « historique » des autres. Et pour décider qui sortira vainqueur pour contrôler ce même territoire, l’arme de la terreur est largement déployée, par un massacre sauvage comme le 7 octobre, ou par la destruction massive comme à Gaza. L’objectif du Hamas est clairement de provoquer un nouvel Exodus. Celui des extrémistes au pouvoir à Tel Aviv est de rejeter la population palestinienne dans des camps de réfugiés, en Égypte ou ailleurs. Aucun des deux projets n’est crédible. Mais ces deux chimères n’en finissent pas d’alimenter la folie meurtrière.
Seule une pression internationale maximum pourra les faire reculer. C’est ce qu’a commencé à faire la Cour Internationale de Justice en qualifiant en termes clairs le risque de génocide qui s’est fait jour à Gaza. Mais ces condamnations d’ordre moral ne suffiront pas. Il faut aussi créer des conditions politiques nouvelles.
A cet égard, quelques-unes des diplomaties européennes ont commencé à réfléchir sérieusement, et font des propositions intéressantes. Ainsi l’Espagne et la Belgique ont-elles décidé de reconnaître l’Etat palestinien à partir de l’Autorité Palestinienne telle qu’elle a été établie par les accords de Camp David. Peu importe que son territoire effectif soit loin d’être établi. Mais le seul fait de donner à cette Autorité une reconnaissance internationale comme Etat souverain, c’est lui donner le droit à un territoire. Et ce serait aussi lui donner l’occasion de se renouveler en remplaçant Mahmoud Abbas, affaibli et discrédité.
De cette nouvelle donne politique pourrait surgir un leadership palestinien refusant le terrorisme et jouant la carte de la négociation internationale. Et le pouvoir israélien, contesté comme jamais dans les rues de Tel Aviv, pourrait évoluer aux antipodes de l’orientation actuelle, et revenir aux dispositions qui prévalaient lors des accords d’Oslo, en 1993, avant que l’assassinat d’Yitzhak Rabin par un terroriste sioniste ne réussisse à faire capoter ce projet qui, s’il avait prospéré, aurait évité bien des drames.
Certes, sur le terrain, les blessures sont telles qu’il faudra surmonter d’immenses obstacles pour pouvoir parler à nouveau de Paix, de fin du terrorisme, de libération des territoires illégalement occupés par Israël en CisJordanie, y compris manu militari comme cela a été fait à Gaza au début des années 2000 par Ariel Sharon. En adossant les Palestiniens à une reconnaissance internationale de premier rang, on leur ouvrirait le chemin d’un avenir possible alors qu’ils sont aujourd’hui condamnés au désespoir.
Source : la page FB de l’auteur
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