Le secrétaire d’État américain Antony Blinken et le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant, le 30 novembre 2023. [AP Photo/Saul Loeb]
Par Peter Symonds
Alors que l’armée israélienne s’apprête à intensifier son génocide à Gaza par une offensive prévue de longue date dans la ville de Rafah, le ministre de la Défense Yoav Gallant s’est rendu à Washington pour s’entretenir avec de hauts responsables américains. Vendredi dernier, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, a clairement indiqué que cette opération barbare, dans une ville où s’entassent 1,5 million de réfugiés palestiniens, aurait bien lieu.
Alors que l’indignation et les manifestations internationales contre le génocide israélien se poursuivent, le gouvernement Biden a exprimé des inquiétudes concernant l’offensive de Rafah. Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a rencontré Netanyahou en Israël vendredi dernier et l’a averti que l’opération risquait « d’isoler davantage Israël dans le monde et de compromettre sa sécurité à long terme». La vice-présidente Kamila Harris a déclaré dimanche à l’émission «This Week» de la chaîne ABC que toute opération militaire à Rafah «serait une énorme erreur» et a laissé entendre qu’il y aurait des «conséquences» pour Israël.
Ces manifestations d’inquiétude vides de sens ne sont là que pour servir de couverture à des discussions en coulisses qui se concentreront sur comment la guerre israélienne à Gaza atteindra son point culminant sanglant à Rafah, et non sur le fait de savoir si elle aura lieu ou non. Le gouvernement Biden, qui considère le conflit comme faisant partie d’une guerre moyen-orientale plus large visant l’Iran, a soutenu Israël à fond, politiquement, financièrement et militairement, lui fournissant d’énormes quantités d’armes.
Les commentaires de Gallant avant son départ n’ont fait que souligner le caractère de ses entretiens avec le secrétaire à la Défense Lloyd Austin, le secrétaire d’État Blinken et le conseiller à la Sécurité nationale Jake Sullivan. «Au cours de ma visite, je me concentrerai sur la préservation de l’avantage militaire qualitatif d’Israël et sur les moyens d’atteindre nos objectifs communs: la victoire sur le Hamas et le retour des otages dans leur pays», a-t-il déclaré dans un communiqué.
En plus de se concentrer sur la «capacité d’Israël à obtenir des plates-formes et des munitions», Gallant a indiqué qu’il discuterait avec les hauts responsables américains de l’ouverture d’un nouveau front militaire dans le sud du Liban contre le Hezbollah, soutenu par l’Iran. Ce conflit est en cours et s’intensifie depuis le début de la guerre israélienne à Gaza, avec des frappes israéliennes à l’intérieur du Liban et dans la zone frontalière avec Israël. Des dizaines de milliers de personnes ont été déplacées.
Les hauts responsables du régime sioniste israélien font pression en faveur d’une offensive militaire contre le Hezbollah afin de repousser ses milices de la frontière. «Nous discuterons également de la nécessité de ramener les communautés du nord d’Israël dans leurs foyers, que ce soit par le biais d’une action militaire ou d’un accord», a déclaré Gallant. Étant donné qu’Israël sait que ses demandes de retrait du Hezbollah à une trentaine de kilomètres de la frontière sont totalement inacceptables, les discussions porteront sur une escalade dramatique du conflit au Liban.
La situation désespérée des Palestiniens de Gaza s’est encore aggravée dimanche, lorsque l’armée israélienne a intensifié ses attaques et que les autorités israéliennes ont déclaré à l’ONU que l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) ne serait plus autorisée à envoyer des convois de nourriture dans le nord de Gaza. «À partir d’aujourd’hui, l’UNRWA, la principale source de revenus pour les réfugiés palestiniens, n’est plus autorisée à fournir une aide vitale au nord de Gaza», a écrit Philippe Lazzarini, commissaire général de l’UNRWA, dans un message publié sur Twitter/X.
Lazzarini a exigé que les restrictions soient levées: «C’est scandaleux et rend intentionnel le fait d’entraver l’aide à la survie pendant une famine provoquée par l’homme. En empêchant l’UNRWA de remplir son mandat à Gaza, l’horloge tournera plus vite vers la famine et de nombreuses personnes mourront de faim, de déshydratation et du manque d’abris. Cela ne peut pas se produire, cela ne ferait que souiller notre humanité collective».
Le cynisme du gouvernement Biden, qui se dit préoccupé par le sort des réfugiés palestiniens, a été souligné par son manque de financement de l’UNRWA. La nouvelle loi américaine sur les dépenses d’aide à l’étranger limite considérablement le financement de l’agence des Nations unies jusqu’en mars 2025 au moins. Lazzarini a souligné l’urgence de l’aide en déclarant que les agences humanitaires étaient engagées dans une course contre la montre pour éviter la famine. Tout manque de financement compromettrait l’accès à la nourriture, aux abris, aux soins de santé primaires et à l’éducation à un moment extrêmement difficile.
Après avoir visité la frontière égyptienne avec Gaza au point de passage de Rafah samedi, le secrétaire général des Nations unies António Guterres, a réitéré son appel à un cessez-le-feu. «En regardant Gaza, il semble presque que les quatre cavaliers de la guerre, de la famine, de la conquête et de la mort la traversent au galop», a-t-il déclaré, ajoutant que rien ne justifiait le châtiment collectif des Palestiniens.
Après s’être rendu à la frontière où quelque 7.000 camions d’aide attendent l’autorisation d’Israël pour entrer à Gaza, António Guterres a déclaré que la famine infligée aux Palestiniens était un «scandale moral». Il a appelé Israël à lever les «obstacles et les points d’étranglement qui entravent l’acheminement de l’aide», déclarant: «Les Palestiniens de Gaza ont désespérément besoin de ce qui leur a été promis: un flot d’aide… pas un filet, pas quelques gouttes».
Avant même le début des discussions de Gallant à Washington, l’armée israélienne intensifie son assaut dans le sud de la bande de Gaza. Elle a effectué une quarantaine de frappes dans le quartier d’al-Amal à Khan Younis, au nord de Rafah, tandis que ses troupes «encerclaient la zone et continuaient d’éliminer» des militants présumés du Hamas. Elle a également envoyé des chars dans la zone d’al-Qarara, dans le nord de Khan Younis, appuyés par des frappes aériennes.
Le Croissant-Rouge palestinien a signalé dimanche que les forces israéliennes «assiégeaient» l’hôpital al-Amal de Khan Younis. Les militaires utilisaient des bulldozers et des bombes fumigènes autour de l’hôpital et exigeaient que toutes les personnes à l’intérieur soient évacuées. Un volontaire des services d’urgence du Croissant-Rouge palestinien qui se trouvait dans l’établissement a parlé de «bombardement intense et continu» et de «tirs continus». Il a ensuite été tué par des tirs israéliens.
À Gaza-ville, le siège israélien de l’hôpital al-Shifa s’est poursuivi dimanche, malgré l’appel lancé jeudi par Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’Organisation mondiale de la santé, pour que cessent les attaques, qui ont coupé l’accès à l’établissement. «Nous le répétons une fois de plus: les hôpitaux ne sont pas des champs de bataille. Ils doivent être protégés conformément au droit humanitaire international». L’armée israélienne a déclaré avoir arrêté 480 «suspects» pour les interroger, dont des travailleurs de la santé.
Selon le ministère de la Santé de Gaza, au moins 32.226 personnes ont été tuées et 74.518 blessées dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre. Ce chiffre ne fera qu’augmenter de façon spectaculaire à mesure que les forces israéliennes lanceront leur offensive sur Rafah.
Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…