Par René Naba

Une opération de ravalement cosmétique

L’Arabie saoudite, le foyer de l’intégrisme pendant près d’un siècle, l’incubateur absolu de toutes les déclinaisons du jihadisme erratique et du terrorisme islamique, s’est livrée, en juillet 2022, à une vaste opération de ravalement cosmétique, destinée à bonifier l’image du prince héritier saoudien afin de briser l’ostracisme dont il est frappé par les pays occidentaux depuis l’équarrissage du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, prélude à son accession au trône.

Coup sur coup, le Royaume a recruté, à grand frais, un joueur de football de réputation internationale, le portugais Cristiano Ronaldo pour un salaire mirobolant de 200 millions de dollars par an, organisant un grand tournoi de Golf, à grands coup de placards publicitaires sur la célèbre chaîne en information  continue américaine CNN, allant jusqu’à financer la production de films européens, lui, qui a interdit pendant plus d’un siècle la présence de salles de cinéma sur son territoire.

Dans un geste qui apparaît comme une répudiation des pratiques rigoristes antérieures, le royaume a rendu hommage à l’universitaire égyptien Hamed Nasr  Abou Zeid. Auteur d’une étude magistrale portant sur la «critique du discours religieux», l’homme avait déchaîné les passions en Egypte, en pleine fermentation islamiste, sous la mandature de Hosni Moubarak.

L’universitaire avait soutenu que la pensée islamique s’était «rigidifiée» depuis l’époque d’Averroès et perdu de sa vitalité en raison du défaut de son enrichissement par un débat pluraliste.

Condamné pour apostasie en 1995 par la Cour d’Appel du Caire, et sa femme contrainte de divorcer de ce celui qui est devenu un apostat,  et, faisant l’objet de menaces de morts de la part de l’organisation le djihad, Hamed a dû s’exiler aux Pays Bas, ou il exerça son enseignement d’abord à l’Université de Leyde, puis d’Utrecht, avant d’obtenir la chaire «Ibn Roshd (Averroès)» de l’Université de Berlin pour un enseignement consacré aux rapports entre «Humanisme et Islam».

Cf ce lien à propos du drame de cet intellectuel critique

Et sur ce lien, pour le lectorat arabophone, l’hommage posthume saoudien à l’universitaire égyptien

La pétromonarchie ambitionne d’ouvrir, d’ici à 2030, plus de 200 musées et d’organiser jusqu’à 400 événements culturels annuels. Et pour nourrir cet objectif gargantuesque, le pays dépense sans compter. Ainsi, le festival Noor Riyadh, organisé en octobre 2022 par Havas Events, a coûté la bagatelle de 8 millions d’euros, soit quatre fois plus qu’une opération comme la Nuit blanche à Paris. Des dizaines de millions d’euros sont aussi investis dans les projets de commandes artistiques sur le site désertique de Wadi Al-Fann, à Al-Ula, sorte de Grand Canyon qui s’étend de la frontière jordanienne à la mer Rouge, au nord-ouest de l’Arabie saoudite.

Mieux: Criminalisant la confrérie des Frères Musulmans, le royaume wahhabite a procédé à une modification du discours religieux à destination du monde extérieur et ordonné la fermeture des centres religieux saoudiens à l’étranger.

Le ministère saoudien des Affaires islamiques a suspendu les activités de 26 centres saoudiens dédiés à la prédication et au prosélytisme, y compris au sein des principautés du Golfe (Doubaï, Fujairah, Oum el Quoyoum), ainsi qu’en Asie, en Europe (Bosnie-Herzégovine) et en Amérique latine (Argentine) et en Afrique (Cameroun, Ouganda, Djibouti et Sénégal). L’Arabie a ainsi transféré aux autorités locales la gestion de ses centres. La mesure la plus emblématique a été la renonciation à la gestion directe de la Grande Mosquée de Bruxelles, la plus grande de Belgique, que le ministère saoudien gérait directement depuis 1969.

A propos du déploiement saoudien en Europe, cf ce lien:

La guerre ouverte contre les groupements islamistes.

En 2014, l’Arabie saoudite a décrété la confrérie des «Frères Musulmans» comme étant une organisation terroriste, alors que la confrérie a servi de carburant dans la lutte contre le nationalisme arabe à l’apogée du Nassérisme, dans la décennie 1950-1960.

«De l’ostracisation des Frères Musulmans, il en est découlé les mesures suivantes l’expurgation les programmes universitaires et scolaires de la littérature confrérique avec l’exclusion de tous les adhérents et sympathisants  des postes de responsabilité au sein de l’enseignement.

Cette mesure s’est accompagnée de la montée en puissance des organisations de lutte contre le terrorisme, notamment le «Centre International de Lutte contre le Terrorisme» et le «Centre International de Lutte contre les Pensées Extrémistes».

Autre mesure d’accompagnement aura été la fermeture des sites confrériques ou proches de leur idéologie ainsi que l’expulsion des faiseurs d’opinion relevant de leur sensibilité idéologique.

L’Arabie saoudite a ainsi mis à l’index certains théologiens les plus en vue du Royaume, dont elle a été le tuteur et le protecteur. Une dénonciation opérée  via la revue «Arab News» qui a publié une liste des «prédicateurs de la haine» à la veille de la rencontre à Djeddah de Mohammad Ben Salmane avec le président américain Joe Biden et sa visite à Paris au président français Emmanuel Macron

Arab News s’est lancé dans cette mission ayant pour objectif de démasquer «les prédicateurs de la haine». Au delà de la désignation et de l’humiliation de ces prêcheurs de haine, l’objectif de la publication saoudienne, selon son directeur Faisal Abbas, est de «documenter l’idéologie extrémiste et de tenir les clercs responsables de leurs propos et de démontrer comment leurs propos  affectent les gens du monde entier», prônant comme mot d’ordre à sa démarche  qu’ «Il ne saurait y avoir de tolérance à l’intolérance».

Dans un revirement spectaculaire, l’Arabie saoudite a voulu se débarrasser ainsi à bon compte de certains des plus importants propagateurs de la doctrine rigoriste wahhabite, qui avaient vécu, jusque-là,  comme une rente de situation, leur fonction de «clercs de cour».

Pour déblayer le terrain à leur mise en disgrâce, Arab News dresse une liste des Islamophobes vivant dans les pays occidentaux.

Revue de détails des Islamophobes à travers le Monde, selon Arab News

1 – Eric Zemmour, ancien candidat à la présidence de la République française

Eric Zemmour naît en 1958 à Montreuil, une petite ville de la banlieue parisienne, dans une famille juive algérienne qui a immigré en France pendant la guerre d’indépendance algérienne. Il se dit Français d’origine berbère.

Après avoir échoué à deux reprises à l’examen d’entrée à l’École Nationale d’Administration, il travaille brièvement dans le secteur de la publicité.

En 1986, il commence sa carrière de journaliste au Quotidien de Paris et, en 1996, il rejoint Le Figaro en tant que journaliste politique.

Il fait sa première apparition à la télévision en 2003 et, en moins de dix ans, devient une figure de proue du discours raciste d’extrême droite, anti-immigration et islamophobe. Ce pied noir revanchard est condamné à plusieurs reprises pour diffamation raciale, incitation à la haine raciale et religieuse en raison notamment de propos islamophobes.

Pour sa première grande bataille, ce petit napoléon de la reconquête française a mordu la poussière à deux reprises, en avril 2022, lors des élections présidentielles françaises, puis en juin 2022, lors des élections législatives, un double Waterloo sans avoir connu auparavant son Austerlitz.

Le théoricien du «francocide» est en fait un «juif pied noir» revanchard aux relents petainistes, un juif arabe qui se déclare «juif berbère» par arabophobie, selon l’historien Benjamin Stora, spécialiste de l’Algerie.

Pour aller plus loin sur sa fumeuse théorie du grand remplacement, cf; ce lien:

2 – Meir Kahana (Israël-États Unis)

Meir Kahana, fondateur de la Ligue de Défense Juive et du parti israélien Kach. Rabbin de profession, cet ancien membre de la Knesset est de nationalité israélo-américaine, interdit de séjour au Royaume-Uni en 1981.

La LDJ a été classée comme groupe terroriste de droite par le FBI, et Kach a été qualifié d’organisation terroriste étrangère par le Département d’État Américain

Le rabbin Meir Kahana, né Martin David Kahane, est né à Brooklyn, dans la ville de New York, en 1932. Il est influencé dans sa jeunesse par son père Yechezkel (Charles), qui fait partie du mouvement sioniste révisionniste. Sa maison est ainsi fréquentée par d’éminents ultra-sionistes tels que Zeev Jabotinsky et Peter Bergson.

En raison de leur idéologie raciste, qualifiée ainsi par la Cour suprême d’Israël elle-même, Kahana et son parti Kach sont exclus des élections de 1988. Kahana est le premier candidat à être exclu d’une élection israélienne pour racisme.

En novembre 1990, Kahane, alors âgé de 58 ans, est assassiné par l’égypto-Américain Sayyid Nosair. Kahane a été arrêté plus de 62 fois pour terrorisme. Les chefs d’accusation comprennent l’incitation à la haine, le complot en vue de fabriquer des explosifs, les attentats contre la mission russe à New York et le complot en vue de lancer une bombe sur l’ambassade d’Irak à Washington.

3 – Baruch Marzel (Israël- États Unis)

Ancien assistant parlementaire de Meir Kahana, ce bi national israélo-américain est né à Boston. Sa famille s’installe en Israël quand il est encore en bas âge. Il rejoint la Jewish Defense League, à l’âge de 13 ans.

Marzel affirme avoir participé à l’invasion israélienne du Liban en 1982 et abattu plusieurs soldats syriens non armés qu’il avait fait prisonniers. Il adopte le même esprit de confrontation dans son activisme politique. «C’est une guerre religieuse, et ils estiment qu’ils doivent nous détruire, nous tuer. Et nous pensons que les gens qui pensent devoir nous tuer ne peuvent pas rester ici. C’est contre notre religion», déclare-t-il.

Marzel connaît Kahane depuis son plus jeune âge; le rabbin assiste à la Bar Mitzvah du jeune Marzel et le bénit. Ils travaillent côte à côte jusqu’à l’assassinat de Kahane. En 1984, Kahane remporte un siège à la Knesset et fait de Marzel son assistant parlementaire.

A la mort de son mentor, Marzel est élu chef du secrétariat de Kach et se présente à la Knesset. Il sort de l’ombre de Kahane et devient une figure de proue du radicalisme juif à Hébron, où il mène des attaques contre ses résidents arabes. Il est emprisonné à plusieurs reprises pour ses actes de violence et d’intimidation.

En 2000, il organise une fête sur la tombe Baruch Goldstein, le l’auteur de l’attentat contre la Mosquée d’Hébron, pendant la fête juive de Pourim. «Nous avons décidé de faire une grande fête le jour où il a été assassiné par des Arabes» déclare-t-il à la BBC.

La mosquée d’Hébron est célèbre pour être le lieu de sépulture du prophète Abraham. Elle a été la cible  d’un attentat de Baruch Goldstein, en février 1994, qui a fait 20 morts palestiniens. Baruch Goldstein, colon israélien originaire de Chicago et proche collègue de Marzel.

Mais l’activisme de Baruch Marzel ne se limite pas à Hébron. Aux côtés de Ben-Zion Gopstein, de Michael Ben-Ari et d’Itamar Ben-Gvir, Marzel fonde le mouvement ségrégationniste Lehava, dont il devient porte-parole.

L’organisation d’extrême droite juive s’oppose à presque toute relation personnelle entre Juifs et non-Juifs. En 2014, des membres de Lehava déclenchent un incendie criminel contre une école bilingue arabo-juive. Actif en politique, il  est membre d’Otzma Yehudit, qui veut que les Arabes quittent Israël.

4 – Pamela Geller (États-Unis)

Native de Long Island (New York), Pamela Geller est une blogueuse américaine, notamment connue pour son anti-islamisme. Issue d’une famille juive, elle fonde en 2010, avec l’écrivain Robert Spencer, l’American Freedom Defense Initiative (Initiative américaine de défense de la liberté), également nommée Stop Islamization of America (SIOA), organisation idéologique qualifiée de promoteur de l’islamophobie par l’Anti ‘Defamation League – (ADL).

Parmi ses principaux ouvrages:

  • Stop the Islamization of America: A Practical Guide for the Resistance. Ed. WND Books. 2011. (ISBN 9781936488360).
  • Freedom or Submission: On the Dangers of Islamic Extremism & American Complacency, éd. CreateSpace Independent Publishing Platform, 2013,
  • Fatwa: Hunted in America, éd. Dangerous Books, 2017

5 – Robert Ménard, Maire de Béziers, sud de la France

Né le 6 juillet à Oran 1953, il est cofondateur de l’association Reporters sans frontières (RSF), dont il est le secrétaire général de 1985 à 2008, ainsi que du site internet Boulevard Voltaire, lancé en 2012. Il est également le fondateur, en 2008, de la maison d’édition Mordicus, qu’il dirige avec son épouse, Emmanuelle Duverger.

Issu d’une famille catholique pied-noir, son père, Émile, est tour à tour commerçant, imprimeur, syndicaliste communiste, puis membre de l’OAS (organisation de l’armée secrète), l’organisation clandestine chargée de combattre l’indépendance de l’Algérie.  Son oncle est emprisonné pour avoir piloté l’avion de putschiste. D’abord engagé à gauche, il s’en éloigne progressivement pour rejoindre l’extrême droite. À l’issue des élections municipales de 2014, il est élu maire de Béziers avec le soutien du Front national.

D’orientation populiste, son premier mandat est marqué par des mesures faisant polémique jusqu’au niveau national et qui sont pour certaines sanctionnées par la justice. Après la victoire de sa liste dès le premier tour des municipales de 2020, il est réélu maire et prend la présidence de la communauté d’agglomération de Béziers-Méditerranée, devenant la première personnalité d’extrême droite à accéder à la présidence d’une intercommunalité en Occitanie.

L’ancien directeur controversé de Reporters sans frontières a été propulsé par le Qatar, à la demande de la France, à la présidence d’une problématique fondation pour la défense de la liberté de la presse, à Doha, qu’il désertera au bout d’un an, devant son peu de poids face à la structure parallèle mise sur pied par un authentique homme de terrain qui a donné au journalisme ses lettres de noblesse, le photographe Sami al-Hajj, de la chaîne al-Jazira, ancien pensionnaire du bagne de Guantanamo, fondateur du «Guantanamo Center», chargé de combattre les atteintes à la liberté de la presse.

Pour aller plus loin sur Robert Ménard, Cf à ce propos – «La face cachée de reporters sans frontières. De la CIA aux Faucons du Pentagone»-Editions Aden de Maxime Vivas.

6 – Steve Anderson Tempe, Arizona, États-Unis

Pasteur et fondateur de la Faithful Word Baptist Church (Église baptiste de la fidèle parole), une église indépendante fondamentaliste à Tempe, Arizona.

Père de dix enfants, le pasteur  Steven Anderson est l’un des prêcheurs les plus controversés des États-Unis. Il se donne pour mission de diffuser ses croyances chrétiennes fondamentalistes, ses opinions antisémites et les positions extrémistes de son Eglise à travers le monde. Il rencontre un énorme succès sur YouTube, sur son blog personnel «sanderson1611», qui compte plus de 120 0000 abonnés et sur le blog de son Église. Natif de Sacramento en 1981, en Californie, il grandit dans une famille baptiste indépendante. Il fréquente sept écoles chrétiennes dans son enfance et est scolarisé à la maison pendant un an.

À l’adolescence, Anderson fréquente la Woodcreek High School à Roseville, en Californie. Après avoir obtenu son diplôme, il sillonne l’Allemagne et l’Europe de l’Est pendant trois mois, au cours desquels il offre ses services dans des églises baptistes indépendantes, apprend les langues et acquiert de l’expérience dans le sacerdoce. L’église est actuellement répertoriée comme groupe haineux par le Southern Poverty Law Center (SPLC) en raison des positions radicales d’Anderson. Le pasteur fait usage de ses divers comptes sur les réseaux sociaux, principalement YouTube, Facebook, Twitter et son blog http://sanderson1611.blogspot.com, pour mener sa croisade haineuse.

7 – Lana Lokteff (États Unis)

Cette animatrice de radio américaine, résidant dans l’Oregon, est une figure emblématique de la suprématie blanche. Elle, et son mari suédois, Henrik Palmgren, ont fondé Red Ice TV, qui propose des talk-shows, des émissions de radio et des interviews avec diverses personnes partageant leurs idées. Leur chaîne YouTube – qui comptait 333 000 abonnés – a été interdite en octobre 2019.

Dans l’un des épisodes du talk-show, Lokteff interviewe le nationaliste blanc Greg Johnson, le rédacteur en chef de Counter-Currents, au sujet de son « intrigant nouveau respect» pour le tireur norvégien Anders Breivik. Breivik est un terroriste d’extrême droite qui a commis les attentats de 2011 en Norvège, tuant 77 personnes, dont 69 dans un camp d’été de jeunes. D’autres terroristes ont affirmé avoir été encouragés par ces attentats. C’est le cas de Brenton Tarrant, le terroriste de Christchurch, du meurtrier de la députée britannique Jo Cox. Bien qu’elle soit d’origine russe, elle pense qu’elle est une «vraie réfugiée» car sa famille a fui les bolcheviks. Les autres ne fuient que la pauvreté.

Le magazine Jacobin, publication trimestrielle social-démocrate de New York, a déclaré que Lokteff accusait à tort les réfugiés en Europe d’être responsables de la hausse du taux de criminalité et les décrivait comme «des paresseux qui se pressent devant les bureaux d’aide sociale, et affluent pour toucher des allocations.». De nombreuses publications indiquent également que Lokteff est une négationniste de l’Holocauste à tendance antisémite.»

8 – Anjem Choudary (Royaume Uni)

L’ancien chef du groupe Al-Muhajiroun, ancien porte-parole d’Islam4U est né à Londres en 1967, fils d’un courtier en bourse originaire du Punjab pakistanais. Après son échec en faculté de médecine, il se tourne vers le droit puis travaille dans un cabinet juridique de Londres, où il termine sa formation. Les connaissances juridiques ainsi acquises l’aideront à échapper à la prison pendant une grande partie de sa future carrière de prédicateur fondamentaliste. Il devient plus tard président de la Société des avocats musulmans (Society of Muslim Lawyers).

Choudary épouse l’islamisme radical et rejoint l’organisation extrémiste Al-Muhajiroun, dirigée par le militant islamiste Omar Bakri Muhammad. L’organisation est interdite en 2004 en vertu de la législation antiterroriste britannique. Muhammad quitte ensuite le Royaume-Uni pour le Liban et Choudary prend sa place à la tête de l’organisation.

La dissolution officielle d’Al-Muhajiroun n’a qu’un impact très limité sur ses partisans britanniques et, au cours des années suivantes, Choudary est le chef de file de divers groupes qui réapparaissent à chaque fois sous un nom différent pour contourner les lois antiterroristes. Au nombre de ces organisations, on compte Al-Ghurabaa, qui héberge sur son site internet des liens vers des forums de discussion justifiant des attentats contre des civils. Un autre groupe, Islam4UK, fait campagne pour un califat mondial à la Daech. Son site internet publie une photographie du palais de Buckingham transformé en mosquée.

Le 7 juillet 2006, Choudary marque le premier anniversaire des attentats de Londres en déclarant que les musulmans de Grande-Bretagne sont « opprimés » et ont le droit de se défendre « par tous les moyens », idées qui forment l’un des éléments centraux de sa stratégie. Choudary se sert de la polémique qui entoure la «guerre contre le terrorisme» menée par les États-Unis pour inciter à la haine contre les soldats britanniques. Il qualifie les défilés marquant le retour des soldats dans le pays de «vils» et les militaires de «meurtriers brutaux». Suite à cela, les militaires sont accueillis par des pancartes les qualifiant de tueurs, de violeurs et de terroristes à leur retour en Grande-Bretagne.

En août 2015, il est finalement inculpé pour avoir encouragé activement Daech. Un peu plus d’un an plus tard, il est condamné à une peine d’emprisonnement de cinq ans et demi. Le juge déclare que Choudary a fini par « franchir la frontière entre l’expression légitime de [ses] propres opinions et l’acte criminel».

Il publie un serment d’allégeance à Daech sur un site internet extrémiste. Entre août et septembre 2014, il publie une série de discours sur YouTube exhortant à soutenir le groupe. Choudary est libéré en octobre 2018, mais une surveillance stricte l’a jusqu’à présent empêchée de reprendre ses activités. Incarcéré en 2016, libéré en 2018, il est actuellement sous surveillance au Royaume-Uni

9 – Laxmi Dubey (Inde)

Âgée d’une trentaine d’années, cette chanteuse de pop hindutva, fait l’apologie d’un hindouisme musclé, dans un nouveau genre de chansons où se mêlent musique pop et idéologie de l’extrémisme hindou. Sur sa chaîne YouTube, ses vidéos ont été vues environ 20 millions de fois. Elle y attaque le Pakistan et appelle à des mesures sévères contre ceux qui se battent pour les droits des Cachemiris. Dubey préconise l’expulsion de la population musulmane de la vallée du Cachemire. Elle pense que le destin de l’Inde est porté par l’hindutva, une version politique extrémiste de l’hindouisme.  Le parti au pouvoir, le Bharatiya Janata (BJP), défend l’hindutva et dit que cette dernière comprend toute une façon de vivre.

10 – Ashin Wirathu (Birmanie) – Le Ben Laden boudhiste

Ce moine bouddhiste, qui réside habituellement au Monastère Masoyein, Mandalay, Myanmar, né le 10 juillet 1968 dans la ville de Mandalay, au Myanmar, est qualifié par les médias internationaux d’extrémiste et d’ultra-nationaliste. Il est connu comme le «Ben Laden bouddhiste», en référence à Oussama ben Laden, numéro un d’Al-Qaïda jusqu’à sa mort.

À l’âge de quatorze ans, Wirathu quitte l’école et se fait bonze dans un monastère de la région. Il devient célèbre en 2001 lorsqu’il s’implique dans le mouvement nationaliste 969, décrit par les médias internationaux comme islamophobe.  C’est à ce moment-là qu’il commence à répandre la haine contre la minorité musulmane du pays à majorité bouddhiste, exhortant ses coreligionnaires à boycotter tous les magasins musulmans.

Wirathu est emprisonné par la junte militaire en 2003 pour une durée de vingt-cinq ans pour avoir distribué des tracts anti-musulmans et prêché l’expulsion des musulmans de l’État de Rakhine au Myanmar. Il est cependant libéré en 2012 dans le cadre d’une amnistie et commence à sillonner le Myanmar, répandant la haine contre les musulmans à travers ses sermons. En septembre 2012, Wirathu dirige un rassemblement de moines à Mandalay pour promouvoir le projet controversé de Thein Sein, alors président, d’expulser les Rohingyas, minorité musulmane du pays.

Un mois après le rassemblement, la violence s’intensifie à Rakhine, chassant des milliers de Rohingyas de leurs maisons dans la brutalité. En juillet 2013, il fait la une du magazine Time qui le décrit comme «le visage du terrorisme bouddhiste.

Dans un sermon de 2013, Wirathu déclare: « On peut être plein de bonté et d’amour, mais on ne doit pas dormir à côté d’un chien enragé. Je qualifie [les musulmans] de fauteurs de troubles parce que ce sont des fauteurs de troubles. Je suis fier qu’on me qualifie de bouddhiste radical. Si nous sommes faibles, notre pays deviendra musulman.»

En 2014, des moines nationalistes du Myanmar créent l’Association pour la protection de la race et de la religion (Ma Ba Tha). Wirathu fait partie du noyau de ce groupe, qui soulève l’enthousiasme et gagne de nombreux membres à travers le pays. Ma Ba Tha a fait pression – avec succès – pour que des lois rendent le mariage inter-religieux plus difficile. En janvier 2015, alors qu’il prend la parole en public, Wirathu traite Yanghee Lee, rapporteuse spéciale des Nations Unies, de salope» et de «pute». En 2017, tout juste avant la répression militaire des Rohingyas qui a déplacé de force environ 750 000 d’entre eux vers le Bangladesh voisin, la haute autorité bouddhiste du Myanmar interdit à Wirathu de prêcher en public pendant un an. Elle interdit également Ma Ba Tha, mais ce dernier change simplement de nom et poursuit ses activités.

Wirathu continue cependant de parcourir le pays pour propager sa rhétorique anti-musulmane, notamment à Rakhine, qui compte une importante minorité musulmane. Wirathu soutient la répression militaire contre les Rohingyas et, en janvier 2018, Facebook le censure pour ses commentaires sectaires et pour avoir attisé la haine contre les musulmans à travers ses sermons.

En avril 2019, les autorités thaïlandaises ont interdit à Wirathu d’entrer sur leur territoire et le mois suivant, un tribunal du Myanmar a émis un mandat d’arrêt contre lui. Il est accusé d’avoir proféré des propos incendiaires envers Aung San Suu Kyi, dirigeante de facto du gouvernement, l’accusant d’entraver le nettoyage ethnique des Rohingyas soutenu par les militaires.

11 – Damien Rieu (né Damien Lefèvre)

Né en 1990, il est élevé par un père militant communiste. Malgré une éducation à l’extrême gauche, il rejoint à l’adolescence la section jeunesse du célèbre parti d’extrême droite de Jean-Marie Le Pen, le Front national. Lorsqu’il découvre l’engagement de son fils au sein de l’extrême droite, son père le chasse du foyer familial et Rieu atterrit dans des foyers pour sans-abri.

Damien Rieu fait des études à l’Université parisienne de Panthéon-Assas. Il est aujourd’hui considéré comme l’un des membres les plus radicaux et les plus actifs du mouvement xénophobe identitaire français. Il est actuellement l’assistant parlementaire de Philippe Olivier, un député européen du parti d’extrême droite, le Rassemblement national

12 – Hassan Iquioussen , le prêcheur des cités

Natif de Denain dans le nord-est de la France, en 1964, dans une famille d’immigrés marocains, il obtient une licence en arabe et un master en histoire. Il change ensuite de voie pour se consacrer à l’apprentissage et à la transmission de l’Islam

Hassan Iquioussen ne reçoit aucune éducation islamique formelle. Surnommé «le prêcheur des cités», il fonde les Jeunes Musulmans de France avec l’Union des organisations islamiques de France (UOIF). Depuis 2012, il anime une chaîne YouTube sur laquelle il donne des cours et partage ses opinions sur divers sujets. Il y émet des propos polémiques et complotistes.

Il est connu pour avoir tenu des propos haineux, antisémites, homophobes et misogynes. Il a également proféré des propos négationnistes vis-à-vis du génocide arménien. Hassan Iquioussen est affilié aux Frères musulmans.

Père de cinq enfants français, de quinze petits-enfants, le prédicateur vit à Lourches, près de Valenciennes. Le renouvellement de sa carte de séjour lui a été refusé, en 2022

Pur Hasard ou coïncidence fortuite? L’expulsion de France du prédicateur marocain a été décidée jeudi 28 juillet 2022, le jour même de l’arrivée à Paris de Mohammad Ben Salmane, pour sa première visite dans une grande capitale occidentale, dans une démarche qui est apparue comme la réhabilitation par les «grandes démocraties occidentales» de l’ordonnateur de l’équarrissage du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.

13 – Idriss Sihamedi (France): De la Breakdance à Baraka City

Né à Paris en 1984 dans une famille musulmane peu pratiquante, Idriss Sihamedi est un fervent danseur de breakdance à son adolescence. Il délaisse cette activité à l’âge de 17 ans pour se consacrer à l’apprentissage de la communication et de l’islam. Il part vivre en Arabie Saoudite pendant quelques mois, mais revient déçu par le manque de libertés dans le Royaume.

A son retour en France, il lance une entreprise de communication, mais  après l’échec de cette dernière, il se lance dans l’humanitaire et fonde BarakaCity en 2008. Sa page Facebook glane de nombreux soutiens à son association. Sihamedi est désormais considéré comme un prédicateur radical et provoque de vives réactions en ligne avec ses publications polémiques, notamment lorsqu’il se fait l’apologiste des martyrs. Ce prédicateur s’est livré à des  déclarations polémiques au sujet de Daech, des femmes et du rôle des musulmans.

Fondateur de l’organisation humanitaire BarakaCity, Idriss Sihamedi défend souvent des positions ambiguës sur l’État islamique.  Il refuse de s’identifier au salafisme et préfère se dire «musulman normal»  et justifie la polygamie, qu’il voit comme une solution à l’adultère.

Sihamedi est néanmoins fiché par la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure) qui a notamment mené une investigation sur les financements de BarakaCity.

14 – Nader Abou Anas (France): Le business du salafisme à la française

Nader Abou Anas représente le nouveau visage du salafisme «made in France». Derrière son sourire enjôleur et sa gouaille de banlieusard, cet imam trentenaire véhicule des messages plus que problématiques auprès d’un public jeune dont la plupart est issue des banlieues.

Abou Anas lance son site, Dourous.net, en 2007. Trois ans plus tard, il fonde son propre centre de formation à Bobigny, l’institut D’Clic, qui offre des cours d’arabe ainsi qu’un enseignement du Coran et des «sciences islamiques» pour enfants et adultes.

Il intervient aussi dans les mosquées de la Seine-Saint-Denis, du Bourget (avant qu’elle ne soit fermée, en mai 2016) ou du Pré-Saint-Gervais.

A Bobigny, il partage avec l’école Iqra d’anciens bureaux du service départemental de la jeunesse et des sports – 500 mètres carrés répartis sur deux étages et une dizaine de classes. Ici s’opère une solidarité troublante fondée sur une certaine vision de la religion musulmane. En effet, les deux organisations n’auraient pas vu le jour l’une sans l’autre. On observe désormais une certaine convergence des radicaux dont les réseaux sont toujours plus organisés et plus vastes.

À la différence de ses prédécesseurs, lui n’est pas allé étudier dans les pays du Golfe ou en Égypte.

Il a suivi les enseignements d’un converti formé au Pakistan, Yves Leseur, surnommé «cheikh Ayoub», personnage célèbre et mystérieux du microcosme salafiste français. La Madrassah de Cheikh Ayoub est située au 50 rue de la Chapelle 75018 Paris, et connue dans les milieux salafistes pour dispenser des formations marquées par le radicalisme sur le sol français. Nader Abou Anas incarne cette deuxième génération émergente de guides salafistes.

Pour le locuteur arabophone, cf ce lien «la chasse aux prédicateurs saoudiens»

Source : auteur
https://www.madaniya.info/…