Par Karel Huybrechts

# LUC MICHEL’S GEOPOLITICAL DAILY/
REVUE DE PRESSE/ LA ‘TRANSNISTRIE’ (PMR): NOUVEAU POINT CHAUD LA CONFRONTATION OCCIDENT VS RUSSIE (III)

Karel Huybrechts pour
Le Quotidien géopolitique – Geopolitical Daily/
de LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ)/

2024 03 03/ Série V/

Une précision tout d’abord !

La soi-disant « Transnistrie » n’existe pas ! Il y a la PMR ou Priednestrovie, la République Moldave du Dniester – région russophone indépendante de la Moldavie, autoproclamée indépendante à la chute de l’Union soviétique en 1988-1991. « Transnistrie » utilisé par les politicards et les presstitutes de Bruxelles est le nom de la région offerte par Hitler, avec Odessa, à la Grande-Roumanie fasciste en 1941-44 !

Depuis mercredi, les yeux des observateurs européens (mais pas que) se sont tournés vers la Moldavie, ou plus précisément la PMR, ce territoire d’environ 4 000 km2 à l’est du pays, partageant sa frontière avec l’Ukraine.

Les pro-russes qui gouvernent ce pays ont demandé à la Russie des “mesures de protection” face aux pressions qu’elles disent subir de la part des autorités moldaves.

Alors que la guerre en Ukraine a ravivé les tensions dans la région, comment comprendre cette demande des Transnistriens et quelles peuvent en être les conséquences ?

LA « TRANSNISTRIE », REGION SEPARATISTE DE LA MOLDAVIE ET ETAT DE FACTO

Florent Parmentier, politologue, secrétaire général du CEVIPOF, chercheur associé au Centre de géopolitique de HEC, revient sur l’histoire de ce territoire : “l’Etat de la Moldavie est né en 1991 suite à la chute de l’Union Soviétique. C’était l’une des 15 républiques socialistes soviétiques de l’URSS, et au sein de ce territoire moldave, de l’autre côté du Dniestr, il y avait un petit territoire qui n’avait pas d’existence préalable en 1991. Le reste de la Moldavie était tourné vers la Roumanie, et la Transnistrie voulait garder un lien particulier avec la Russie. Depuis 1992, c’est donc dans une enclave séparatiste. La grande particularité de la Transnistrie par rapport à d’autres conflits séparatistes de l’espace post-soviétique, est que depuis le cessez-le-feu de juillet 1992, il n’y a pas eu un seul mort. Chaque jour, des milliers de Transnistriens viennent travailler à Chisinau, la capitale de la Moldavie. Pendant plus d’une vingtaine d’années, le champion de football de ce pays était le Sheriff Tiraspol, c’est-à-dire le club de la capitale du régime séparatiste. En termes de rencontres et de dialogues entre les deux rives, il n’y a pas de difficultés interpersonnelles comme cela a pu exister dans d’autres endroits, comme au Nagorno-Karabakh par exemple ».

LES REPERCUSSIONS DE LA GUERRE EN UKRAINE

La Transnistrie a lancé un appel à l’aide à la Russie, mais pour Florent Parmentier, il ne peut pas être suivi d’effets militaires : “vous ne pouvez imaginer un conflit comme dans l’est de l’Ukraine qu’à partir du moment où il y a une forme de continuité territoriale. Elle n’existe pas ici, car le front le plus proche est à Kherson, à plus de 200 kilomètres. Comment peut-on alors approvisionner des troupes, des hommes, des munitions ? C’est impossible. La guerre est une très mauvaise chose pour la Transnistrie. Elle a su jusqu’à présent jouer, s’appuyer, trouver des réseaux en Russie et en Ukraine qui lui permettaient de pouvoir s’adapter aux différentes divisions et de profiter d’un statu quo. Ce statu quo est fondamentalement remis en cause par la guerre et donc amène en quelque sorte les élites transnistriennes à appeler à l’aide”.

REVUE DE PRESSE/
LE FIGARO

Pour le chercheur Florent Parmentier, l’objectif de Tiraspol et de son allié russe est surtout de calmer l’angoisse sociale qui étreint cette région moldave, autonome depuis 1992, dont l’économie a été frappée de plein fouet par la guerre en Ukraine.

Florent Parmentier est docteur en Science politique, secrétaire général du CEVIPOF, le centre de recherches politiques de Sciences Po Paris, et chercheur associé au Centre de géopolitique d’HEC. Il est l’auteur, avec Josette Durrieu, de La Moldavie à la croisée des mondes (Éditions Non Lieu, 2019).

LE FIGARO. – Les autorités séparatistes de la Transnistrie ont demandé ce mercredi à Moscou des «mesures de protection » . Certains observateurs soulignent que Poutine avait déjà pris prétexte d’un appel des rebelles prorusses de l’est de l’Ukraine pour lancer son offensive il y a deux ans. Faut-il donc s’attendre à ce que Moscou tente d’annexer la Transnistrie ?

FLORENT PARMENTIER. – Jamais les relations entre Moscou et la Moldavie n’ont été aussi dégradées depuis la courte guerre de 1992, qui avait débouché sur l’autonomie de la Transnistrie. Mais il faut distinguer les intentions affichées des capacités (…) Je rappelle qu’il n’y a que 1500 soldats russes présents sur place. Surtout, la Moldavie n’a pas de frontière commune avec la Russie. L’armée russe est à plus de 200 kilomètres au Nord, à Kherson. Moscou n’aurait donc aucun moyen d’approvisionner cette région en hommes. N’oublions pas que le 24 février 2022, lorsque Poutine a attaqué l’Ukraine, rien n’a bougé en Transnistrie.

L’économie et la sécurité de la Transnistrie ont été fragilisées par l’invasion de l’Ukraine.
Florent Parmentier

La diplomatie russe a répondu qu’elle allait «examiner avec attention» la demande de Tiraspol. Si Moscou n’a pas de velléités belliqueuses, quelles sont ses intentions ? À moyen terme, la Douma (le parlement russe – NDLR) pourrait faire un premier pas en reconnaissant pour la forme l’indépendance de la Transnistrie, mais sans que Vladimir Poutine ne la proclame. Ce serait une manière de mettre la pression sur la Moldavie, où des élections se tiendront en novembre prochain, tout en conservant le statu quo. Cela fait trente ans que Moscou utilise Tiraspol pour exercer un chantage sur la Moldavie. En l’occurrence, Maia Sandu brigue un second mandat et souhaite clairement intégrer l’UE. Le message de Moscou est donc le suivant : «Si vous continuez avec Maia Sandu, nous reconnaîtrons l’indépendance de la Transnistrie.» Comme en 2008, lorsque le président Medvedev avait fini par reconnaître l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie.

Mais dans l’immédiat, l’objectif de Tiraspol et de Moscou est de rassurer l’opinion publique et les élites de Transnistrie. L’économie et la sécurité de cette petite entité séparatiste ont été fragilisées par l’invasion de l’Ukraine. On en appelle donc au grand protecteur russe, pour calmer l’angoisse sociale. En d’autres termes, Moscou tente de reprendre la main sur le plan diplomatique, à défaut de pouvoir le faire militairement.

En quoi la guerre d’Ukraine a-t-elle affaibli la Transnistrie ?

Avant l’Ukraine, les choses étaient relativement simples. Tiraspol s’appuyait sur Moscou pour sa sécurité et sur l’Ukraine pour son économie. L’accès au port d’Odessa lui offrait en effet une porte d’entrée vers le marché européen. Une sorte de double jeu très profitable pour la Transnistrie. Depuis l’attaque des Russes, l’accès au marché européen s’est compliqué. Depuis 1992, le discours séparatiste s’appuie sur l’argument selon lequel la Transnistrie est plus industrialisée que le reste de la Moldavie. Mais plus Chisinau se rapproche de l’UE, plus son économie se développe, tandis que la Transnistrie est de plus en plus à l’écart. L’économie est vraiment une clé de compréhension importante de la situation.

Mais l’inquiétude est aussi d’ordre sécuritaire, puisque l’armée russe est accaparée par la guerre d’Ukraine. À plusieurs reprises, l’entourage de Zelensky a même proposé à Chisinau de les débarrasser des prorusses de Tiraspol.

(…)

Florent Parmentier

Et pourtant, vous semblez persuadé qu’un conflit armé n’est pas pour demain…

Les Moldaves ont compris que la solution à ce problème ne pouvait pas être militaire. Depuis la guerre de 1992, il n’y a pas eu un mort, pas un coup de feu entre Chisinau et Tiraspol. Les Moldaves entendent continuer ainsi. Ils ont donc opposé une fin de non-recevoir aux propositions de Kiev. En réalité, il n’y a que très peu d’hostilité entre les habitants de la Moldavie et ceux de la Transnistrie. J’aime à rappeler que le club de football de Tiraspol dépend de la ligue moldave, il a même été sacré champion l’année dernière ! Cet exemple n’est pas futile, il est révélateur.

Nous aurons la réponse à cette question lors des élections de novembre prochain en Moldavie. Si Maia Sandu est reconduite, ce qui est en bonne voie, les conséquences pourraient effectivement être, à terme, l’intégration de la Moldavie dans l’UE. En réalité, la difficulté pour Maia Sandu sera moins d’être élue présidente que d’obtenir une majorité. Nul doute que Vladimir Poutine suivra de près les résultats de ce scrutin !

Photo :

Vadim Krasnoselsky, président de la PMR, prononce un discours lors d’un congrès des députés transnistriens à Tiraspol, le 28 février 2024.

Luc MICHEL (Люк МИШЕЛЬ)

* Avec le Géopoliticien de l’Axe Eurasie-Afrique :
Géopolitique – Géoéconomie – Géoidéologie – Géohistoire – Géopolitismes – Néoeurasisme – Néopanafricanisme
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Source : Luc Michel