Par Anis Balafrej

Tribune Libre : La fin du sionisme sera le début d’un nouveau monde multipolaire plus équitable

Par Anis Balafrej, ingénieur, diplômé de l’École Centrale Paris, Militant associatif au Maroc.

Anis Balafrej est contributeur https://www.madaniya.info/


  • Toufane Al Aqsa» est la première victoire militaire palestinienne contre «Israël» depuis 1948.
  • Américains et Israéliens veulent transformer leur défaite en nouvelle Nakba pour les Palestiniens.
  • Le génocide est, en soi, un but de la guerre qu’Israël mène contre les Palestiniens depuis sa création en 1948.
  • Aucun État Palestinien libre ne peut coexister côte à côte avec un État raciste et expansionniste
  • Dorénavant, les négociations ne seront possibles que pour parvenir à un État ouvert pour tous ses citoyens, y compris ceux exilés de force, à égalité de droits, quelle que soit leur ethnie et leur religion.

Le Projet américain du “Nouveau Moyen Orient”, conçu par les néoconservateurs américains depuis la fin de la décennie 1990 a pour objectif de renforcer le “Grand Israël”, du Jourdain à la Mer Méditerranée en vue d’en faire une puissance hégémonique, capable d’assurer durablement la suprématie américaine dans la région.

Sous l’impulsion des néoconservateurs (1) arrivés aux postes clé de l’Administration fédérale à la fin de la décennie 1990, les États-Unis ont tourné le dos aux accords d’Oslo, dont ils sont pourtant les garants, et ont poursuivi une politique de laisser-faire, débouchant sur une colonisation sioniste intensive en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, rendant ainsi impossible la création d’un État Palestinien.

Les États Unis ont massivement financé la colonisation de la Cisjordanie et encouragé l’émigration de milliers de nouveaux colons, dont des chrétiens évangélistes, alliés des néoconservateurs et encouragé le premier ministre Sharon, en 2005, à retirer les quatre colonies implantées à Gaza, harcelées par la résistance palestinienne.

Dov Weisglass, ancien chef de cabinet du premier ministre Ariel Sharon, confirmera ainsi dans une interview au quotidien Haaretz, que l’évacuation des implantations de Gaza avait pour but d’empêcher indéfiniment la création d’un État palestinien et cela avec l’accord de Washington.

Le couronnement du Projet israélo-américain pour le “Nouveau Moyen Orient” a été le «Marché du Siècle», intitulé « Pacte d’Abraham». Ce Pacte consiste à dissocier la question de Palestine des préoccupations du Monde arabe et à enterrer le principe de la “paix contre les territoires conquis en 1967” adopté à l’unanimité par les pays arabes en 2002. En clair, c’est une carte-blanche donnée à «Israël» par les pays arabes signataires pour aller de l’avant dans son projet d’annexion de la Cisjordanie, de Gaza et de Jérusalem-Est.

C’est dans ce contexte qu’est intervenue l’opération “Toufane Al Aqsa” de la résistance palestinienne, le 7 Octobre dernier au petit matin.

Lancée par surprise et limitée dans le temps – elle n’a duré que 5 heures (2) – et engagé environ 2.000 combattants, elle a ciblé la base militaire chargée d’assurer le siège de Gaza, dont elle a arrêté le commandant en chef, le Colonel Assaf Hamami et plusieurs dizaines d’officiers supérieurs et de soldats. Les combats ont fait plusieurs centaines de morts parmi les soldats israéliens.

Elle a également visé la base des renseignements militaires qui a été occupée. Les serveurs et les officiers de renseignements ont été embarqués pour Gaza. Des informations précieuses, dont les listes des informateurs à Gaza et ailleurs, des informations militaires de première importance, sont tombées aux mains de la résistance.

Un vrai séisme pour Israël qui a bouleversé les rapports de force, fait tomber le mythe de l’invincibilité de l’armée israélienne, ramené la question Palestinienne au premier rang de l’actualité et des préoccupations arabes et régionales et donné un coup de balai au Projet américain du “Nouveau Moyen Orient.”

«Toufane Al Aqsa» est la première victoire militaire palestinienne contre «Israël» depuis 1948

D’où la rage des Américains et des Israéliens à vouloir masquer leur défaite commune par une propagande digne de Goebbels (3) et en s’en prenant aux habitants de Gaza, par un bombardement massif (4), jour et nuit, a déjà causé, au 3 Décembre, la mort de 16.000 Palestiniens dont 8500 enfants, 67 journalistes, 250 médecins et infirmiers, 50 juristes et avocats, 38000 blessés dont un millier d’enfants amputés, 1.750.000 habitants déplacés et sans abri. 278.000 logements endommagés dont 59.000 complètement détruits.

Que cherche donc cette coalition ?

Selon les règles militaires, celui qui gagne une bataille est celui qui impose ses conditions, en l’occurrence, l’échange de tous les prisonniers palestiniens contre les otages israéliens et la levée du siège de Gaza. Mais cette règle n’est pas reconnue par les Américains et les Israéliens, qui veulent transformer leur défaite en nouvelle Nakba pour les Palestiniens

Le génocide est, en soit, un but de la guerre qu’Israël mène contre les Palestiniens depuis sa création en 1948 (5).

L’autre but avoué est le transfert forcé. Israël veut, à coup de bombes et de massacres, pousser progressivement les Palestiniens vers le Sud et la frontière avec le Sinaï, pour une deuxième Nakba vers l’Égypte. Mais cette fois, les Palestiniens de Gaza, eux-mêmes issus de la 1ere Nakba, s’accrochent à leur terre et préfèrent y mourir. L’armée au sol s’embourbe, harcelée sans relâche par les combattants de la résistance, laisse de grosses pertes humaines et matérielles, sans réaliser aucun objectif militaire.

Le fiasco de la coalition est total.

Joe Biden, dont le cynisme n’a pas d’égal, parle déjà “du jour d’après” et de la “solution à deux états” dont il a été l’un des principaux pourfendeurs. (6)

La 4e guerre israélo-arabe a commencé après 1948, 1967 et 1973

Cette fois-ci, la guerre n’oppose pas des armées arabes régulières à Israël, mais des mouvements de résistance populaires – palestinien, libanais, irakien, yéménite – à l’armée israélienne. Les combats s’étendent à la Cisjordanie, en Galilée à la frontière libanaise, sur le front Sud autour de Gaza et dans la bande de Gaza. Près d’un demi-million de colons ont été déplacés du Nord et du Sud vers le Centre.

Les combattants irakiens attaquent les bases américaines en Irak et en Syrie. Ceux du Yémen lancent des missiles de longue portée sur le Sud d’Israël et interceptent les bateaux israéliens en Mer Rouge et à Bab El Mendeb.

L’enjeu de cette 4e guerre est la libération de la Palestine, toute la Palestine. Le génocide en cours à Gaza vient rappeler qu’aucune coexistence des Palestiniens n’est possible avec des colons animés par des visées expansionnistes et leur régime d’apartheid.

Aucun État Palestinien libre ne peut coexister côte à côte avec un État raciste et expansionniste. Dorénavant, les négociations ne seront possibles que pour parvenir à un État ouvert pour tous ses citoyens, y compris ceux exilés de force, à égalité de droits, quelle que soit leur ethnie et leur religion.

Al Quds (Jérusalem) doit redevenir une capitale spirituelle pour les trois religions.

Pour y parvenir, il n’y a que la résistance armée. Toufane Al Aqsa a ouvert la voie.

L’enjeu de cette guerre est également arabe : la défaite du sionisme en Palestine entrainera des bouleversements considérables dans les pays arabes et signera le déclin de la présence des États-Unis et des autres pays impérialistes dans la région. On assistera à des regroupements politiques et économiques régionaux entre pays arabes et au début d’un Marché Commun arabe.

Les pays arabes formeront une puissance économique mondiale qui pourra mieux défendre les intérêts de ses membres et sera une composante importante des BRICS. C’est dire l’enjeu de cette longue guerre qui vient de commencer et dont l’affrontement actuel n’est que la première bataille.

Notes

  1. le néo conservatisme est une nouvelle idéologie, sorte de mélange de fascisme et de mondialisme. Fondé autour d’une charte – Project for the New American Century (PNAC), les néo conservateurs se sont donnés pour objectif de rétablir la suprématie américaine, partout dans le monde, par la guerre et par tous les moyens.
  2. D’après les communiqués de la résistance palestinienne, Toufane Al Aqsa s’est déroulé en plusieurs étapes : après la 1ere étape, achevée le matin de l’attaque, les résistants ont investi 25 points militaires (colonies, commissariats, casernes), une unité de marine venue de mer a occupé Sdérot une colonie au nord de Gaza. 35 drones suicide ont également participé à l’opération. Ces opérations ont duré 24 heures.
  3. Les services de désinformation israéliens ont immédiatement lancé des informations sur des bébés décapités, des femmes violées et brûlées, des massacres dans la rêve-party, repris en chœur par les médias occidentaux et par le président américain Joe Biden lui-même qui a été contraint de se démentir quelques heures plus tard, lorsque des journalistes lui ont demandé de montrer les photos.
    D’après l’enquête menée par le journal Haaretz, il s’avère que les chars et les hélicoptères israéliens ont été envoyés sur place pour tuer tout ce qui bougeait. Les corps carbonisés, aussi bien d’israéliens que de combattants palestiniens qui ont été montrés à la presse, ont été tués par les bombes incendiaires israéliennes.
  4. 50.000 tonnes de bombes ont été larguées jusqu’à la trêve acheminés par un aérien des États-Unis. Des bombes au phosphore blanc, à fragmentation et toutes sortes de bombes interdites par la Convention de Genève sur les armes de guerre.
  5. Le mouvement sioniste a toujours nié existence des Palestiniens et « Israël » s’est créé sur les cendres des quelques 700 villages palestiniens détruits pendant la Nakba et le transfert forcé de 700.000 personnes.
  6. Faut-il rappeler que le peuple palestinien n’a pas exercé son droit à l’autodétermination à la fin du mandat britannique en 1948 et qu’il a refusé le plan de partage unilatéral octroyé par l’ONU en 1947 (résolution 181), plan violé par « Israël» en 1948 qui a envahi militairement une partie du territoire accordé par l’ONU à la Palestine et refusé d’appliquer la résolution 194 demandant le retour des Palestiniens exilés par la force à leur patrie.
    Le Plan de partage accordait à l’état sioniste (35% de la population totale) 57% de la Palestine avec les meilleures terres.
    La solution à deux états a été négociée par Yasser Arafat et Itzhak Rabin et scellée le 13 Septembre 1993 à la Maison Blanche, en présence de Bill Clinton cosignataire. Les Palestiniens acceptaient de constituer un état sur 22% de la Palestine. Plus des deux tiers de ces 22% ont déjà été absorbés par la colonisation sioniste depuis 1993.

Illustration

PHOTO AFP / JACK GUEZ

Source : Madaniya
https://www.madaniya.info/…