Des Palestiniens cherchent des survivants après une frappe aérienne israélienne dans le camp de réfugiés de Nusseirat, dans la bande de Gaza, le 31 octobre 2023. [AP Photo/Doaa AlBaz]

Par Patrick Martin

La machine de propagande américano-israélienne a lancé un nouvel argument pour défendre le massacre de masse d’Israël à Gaza: l’affirmation selon laquelle le Hamas, qui a mené l’attaque transfrontalière du 7 octobre contre Israël qui a précédé la guerre actuelle, s’est rendu coupable d’un viol de masse de femmes israéliennes au cours de ce soulèvement.

Le fait qu’il n’y ait pas de preuves directes à l’appui de ces allégations n’a aucune importance pour les auteurs et les défenseurs du génocide à Gaza. Cette affirmation, soudainement diffusée dans les médias, sert à détourner l’attention du public de l’escalade catastrophique des opérations militaires israéliennes contre la population de Gaza depuis la fin de la «pause» limitée qui a accompagné l’échange d’otages détenus par le Hamas contre des Palestiniens détenus dans des prisons israéliennes.

Plus de 1.000 Palestiniens ont été tués au cours du week-end par des bombes et des missiles israéliens. Quelque 2 millions de Palestiniens ont été regroupés dans un tout petit coin de Gaza, une enclave dont la superficie n’est pas supérieure à celle des villes de Philadelphie ou de Detroit, mais qui compte beaucoup plus d’habitants. L’objectif des opérations militaires israéliennes est devenu de plus en plus clair: faire traverser la frontière égyptienne à l’ensemble de la population de Gaza pour l’amener dans le désert du Sinaï, vidant ainsi Gaza de sa population et la rendant disponible pour les colons juifs.

Lundi, alors que les Forces de défense israéliennes lançaient une attaque terrestre de grande envergure sur Khan Younis, la plus grande ville du sud de la bande de Gaza, un groupe de 150 partisans riches et influents d’Israël a organisé un rassemblement au siège des Nations Unies à New York pour promouvoir les allégations de viol de masse commis par le Hamas. L’ancienne candidate démocrate à la présidence, Hillary Clinton, s’est adressée au groupe à distance, tandis que l’ancienne dirigeante milliardaire de Facebook, Sheryl Sandberg, a également apporté son soutien, de même que la sénatrice Kirsten Gillibrand (démocrate de New York).

Dans sa déclaration préenregistrée, Clinton, qui, en tant que secrétaire d’État de l’administration Obama, a mené la guerre brutale des États-Unis et de l’OTAN contre la Libye, a déclaré: «Il est scandaleux que certains, qui prétendent défendre la justice, ferment les yeux et le cœur devant les victimes du Hamas». Elle n’a rien dit des dizaines de milliers de victimes de la guerre américaine en Libye, y compris des milliers de femmes vendues comme esclaves sexuelles par les juntes réactionnaires rivales qui se sont disputé le pouvoir depuis la guerre. Elle n’a pas non plus mentionné les dizaines de milliers de victimes de l’assaut israélien contre Gaza, tuées et mutilées par les bombes et les missiles fournis par les États-Unis.

L’événement était parrainé par la Mission permanente d’Israël auprès de l’ONU et a rassemblé des témoignages et des documents présumés, tous fournis par le gouvernement israélien et les Forces de défense israéliennes (FDI). Alors qu’une commission d’enquête de l’ONU sur les crimes de guerre à Gaza a déclaré qu’elle transmettrait toute preuve de violence sexuelle à la Cour pénale internationale, le gouvernement américain ne reconnaît pas cette cour, de peur d’être poursuivi pour des crimes de guerre commis par les États-Unis. Israël ne coopère pas avec la Cour pénale internationale, affirmant qu’elle a un parti pris anti-israélien parce que la CPI s’est montrée ouverte aux preuves de crimes de guerre israéliens en Cisjordanie occupée.

Le lendemain, le président Joe Biden a évoqué les allégations de viol lors d’une collecte de fonds à Boston. «Au cours des dernières semaines, des survivants et des témoins des attaques ont raconté les horribles récits d’une cruauté inimaginable», a déclaré Joe Biden à ses donateurs millionnaires réunis à l’hôtel Westin. Le président américain avait précédemment rejeté les récits de «survivants et de témoins» palestiniens à Gaza, notamment ceux de dizaines de médecins, faisant état de nombreuses victimes des bombardements israéliens, en affirmant que ces récits n’étaient pas fiables parce qu’ils provenaient du Hamas.

Cette nuit-là, NBC News a diffusé un reportage de cinq minutes sur les accusations de viol en tête de son «Nightly News», et une avalanche médiatique s’en est suivie, avec des articles de première page dans le New York Times et le Washington Post et des reportages sur d’autres chaînes de télévision. Comme l’a dit un historien des opérations médiatiques de la CIA, il s’agissait du «puissant Wurlitzer» de la propagande gouvernementale américaine à plein volume.

Quelles sont les preuves réelles qui étayent le barrage d’accusations hautement orchestré contre le Hamas? Elles proviennent toutes du gouvernement israélien et des forces de défense israéliennes; aucune n’a été confirmée de manière indépendante; aucun témoignage de victime ou de témoin oculaire n’a été produit. Selon les responsables israéliens, les quelques victimes de viol qui ont survécu à l’attaque du 7 octobre étaient trop traumatisées pour en parler. Le chef de la police israélienne, Yaakov Shabtai, a déclaré à la British Broadcasting Corporation que «de nombreux survivants des attaques avaient du mal à parler et qu’il pensait que certains d’entre eux ne témoigneraient jamais de ce qu’ils avaient vu ou vécu».

Les femmes otages libérées par le Hamas la semaine dernière étaient en bonne condition physique, à l’exception de celles qui étaient déjà âgées et fragiles. Aucune d’entre elles n’a fait état d’agressions sexuelles pendant leur captivité. Plusieurs d’entre elles ont cependant déclaré avoir échappé de justesse à des bombardements et à des tirs de missiles israéliens, ce qui a conduit les autorités israéliennes à qualifier leurs témoignages de «peu fiables». Ainsi, seuls les témoins qui servent les intérêts de la propagande du gouvernement Netanyahou doivent être crus.

Selon le site Web propalestinien, Mondoweiss, une réunion d’information de la police israélienne tenue le 13 novembre, censée apporter de nouvelles preuves sur les violences sexuelles, a donné lieu à un affrontement entre les responsables de la police et les journalistes en raison de «l’absence de nouvelles informations et de preuves claires». Le chef de la police a refusé de répondre aux questions et le responsable des médias de la police, Merit Ben Meir, s’est engagé dans une discussion animée avec les journalistes au cours de laquelle il a clairement exprimé le message visé par le briefing, en déclarant: «Sur la base des circonstances dans lesquelles les corps ont été découverts, il y a eu viol, et il n’y a pas lieu de remettre en question ces événements.»

Les allégations de viol de masse s’inscrivent dans la lignée des précédents «gros mensonges» du gouvernement américain visant à manipuler l’opinion publique dans un contexte d’opposition croissante des masses à la guerre impérialiste. L’administration Bush a affirmé l’existence d’«armes de destruction massive» en Irak pour justifier sa décision d’envahir et de détruire ce pays. Obama et Hillary Clinton ont fait valoir l’imminence d’un massacre à Benghazi pour justifier le bombardement de la Libye par les États-Unis et l’OTAN. Les dirigeants des pays ciblés par l’impérialisme américain – Noriega au Panama, Mouammar Kadhafi en Libye, Saddam Hussein en Irak, Assad en Syrie et maintenant Poutine en Russie – ont invariablement été dépeints dans les médias américains comme des monstres méritant le pire.

Les allégations de viol sont promues par des forces fascistes au sein de l’État israélien et reprises par des partisans frénétiques du militarisme impérialiste en Amérique. Leur seul but est d’intimider tous ceux qui cherchent à exprimer leur opposition sincère au génocide israélien à Gaza. Ils n’ont aucune crédibilité.

Et même s’il était vrai que certains combattants du Hamas ont commis des violences sexuelles au cours de l’attaque du 7 octobre, comment cela justifierait-il le massacre de milliers de femmes et d’enfants à Gaza par l’armée israélienne? L’affirmation de viol de masse par le Hamas est particulièrement cynique étant donné le fait incontesté que, comme l’a déclaré le WSWS dans une déclaration éditoriale lundi, Israël est engagé dans une «guerre contre les femmes et les enfants».

Les déclarations de Biden, Clinton et consorts, qui se disent «horrifiés» par les événements du 7 octobre, n’ont pas non plus de crédibilité. Depuis la défaite de l’Allemagne nazie en 1945, aucun pays n’a massacré plus d’hommes, de femmes et d’enfants en temps de guerre que les États-Unis. Quant aux allégations de viols, les viols de masse ont été une caractéristique indélébile d’atrocités telles que le massacre de My Lai au Viêt Nam. La guerre en Irak a produit les images mémorables de violences sexuelles à Abou Ghraib, mais des milliers d’actes similaires ou bien pires n’ont pas été enregistrés, sauf dans la mémoire des victimes, si elles ont survécu, et dans celle des auteurs.

Un détenu cagoulé emprisonné à Abou Ghraib. Il se tient debout sur une boîte avec des fils attachés à sa main gauche et à sa main droite ; on lui a dit qu’il serait électrocuté s’il tombait de la boîte. [Photo: US Government]

Le dernier effort de l’administration Biden et des grands médias pour dissimuler la réalité du génocide israélien à Gaza sera un échec cuisant. Il ne pourra pas endiguer l’indignation mondiale grandissante face aux crimes commis par Israël, qui sert de fer de lance à l’impérialisme américain et européen au Moyen-Orient. La tâche politique centrale du mouvement anti-guerre reste de se tourner vers la classe ouvrière internationale, seule force sociale capable d’arrêter la guerre à Gaza et de mettre fin au système capitaliste qui est à l’origine des guerres impérialistes.

(Article paru en anglais le 7 décembre 2023)

Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…