Kaoutar Fal, la Mata Hari marocaine, se trouve en France. D. R.
Par Mohsen Abdelmoumen
Le royaume de Bousbir n’en finit pas de faire la Une de la presse internationale. Après le Marocgate qui a vu des élus au Parlement européen, dont sa présidente, envoyés en prison, voilà maintenant qu’une affaire d’espionnage révèle ce que nous avons toujours dit et qui a été confirmé par Georges Malbrunot : les Marocains à l’étranger sont tous des agents dormants susceptibles de travailler pour le Makhzen, mais aussi pour le Mossad. Sachant que leur double nationalité leur permet d’accéder à différentes institutions publiques et politiques dans les différents pays où ils vivent, il s’avère que certains d’entre eux ont réussi à infiltrer des secteurs très sensibles en Europe, tels que le renseignement, la police, des unités spéciales et autres corps d’élite, et rendent des comptes sur leur travail à la Direction générale des études et de la documentation (DGED), les services secrets extérieurs marocains de Yassine Mansouri.
Ainsi, on apprend qu’un nouveau fait d’espionnage, et pas n’importe lequel, s’est déroulé très récemment aux Pays-Bas. Un ressortissant marocain de 64 ans, établi à Rotterdam, Abderrahim El-Manouzi, ayant la double-nationalité, était engagé depuis 2001 comme analyste principal à la Coordination nationale pour l’antiterrorisme et la sécurité, le NCTV, un département lié aux services secrets (AIVD) et à la police, sous la responsabilité directe de la ministre néerlandaise de la Justice, Dilan Yesilgöz-Zegerius, d’origine turque. Cette dernière a été interpelée au Parlement, d’autant plus que la police avait été avertie deux ans plus tôt qu’El-Manouzi avait probablement des liens avec les services secrets marocains. Cela n’a pas été pris en considération, ses collègues le décrivant comme une personne «très gentille».
El-Manouzi a été arrêté le 26 octobre dernier en même temps qu’une policière de 35 ans, ancienne du NCTV. Placés à l’isolement le 31 octobre pour deux semaines, ils sont tous deux soupçonnés d’espionnage pour le compte d’une puissance étrangère, à savoir le Maroc, et de divulgation de secrets d’Etat. De par sa position centrale au sein du NCTV, El-Manouzi avait accès à des informations privilégiées sur la radicalisation, le terrorisme, les menaces à la sécurité nationale et les enquêtes en cours, avec les données des suspects. Tout cela sur fond de menaces pesant sur l’héritière du Trône néerlandais, la princesse Amalia, et le Premier ministre des Pays-Bas, Mark Rutte, ainsi que sur le ministre belge de la Justice, Vincent Van Quickenborne, par la Mocro Maffia, la mafia marocaine ultra violente qui a déjà tué plusieurs personnalités, dont le journaliste d’investigation Peter R. De Vries, le 6 juillet 2021 à Amsterdam. Etroitement liée au terrorisme qu’elle finance, la Mocro Maffia gère 80% du trafic de cocaïne en Europe. Il est donc encore utile de rappeler que le Makhzen marocain contrôle toute sa diaspora et, en conséquence, parraine les criminels et les terroristes. Alors, quels sont les liens de ces espions marocains avec la criminalité et combien sont-ils ? D’après nos sources, ils sont très nombreux.
Une affaire similaire avait déjà secoué les Pays-Bas en 2008, lorsqu’un certain Redouane Lemhaouli, commissaire de police, avait été jugé pour espionnage au profit de la DGED. Néanmoins, en tant que policier, ce Lemhaouli disposait de beaucoup moins d’informations confidentielles qu’El-Manouzi, bien placé dans un service de l’antiterrorisme et de la radicalisation. Avant d’être découvert, Lemhaouli avait réussi à figurer aux côtés de la reine Maxima, alors princesse, et du ministre de la Jeunesse d’alors, André Rouvoet, lors d’un événement avec des jeunes immigrés à Rotterdam. La photo avait fait la Une des journaux locaux. A cette époque, les Pays-Bas avaient été choqués de lire dans la presse que d’autres fonctionnaires de police d’origine marocaine étaient régulièrement approchés par les services marocains en vue de les recruter, selon le témoignage d’un ancien membre du Parti du travail et conseiller communal de Rotterdam, Fouad El-Hadji, qui a avoué qu’il avait lui-même été sollicité. D’après lui, des parlementaires et des élus locaux sont régulièrement contactés par les services marocains et certains d’entre eux acceptent, a-t-il déclaré. Nous avons déjà évoqué l’allégeance des ressortissants marocains au roi du Maroc.
Bien sûr, la Belgique n’est pas épargnée, puisque Bruxelles est le cœur de l’Europe et le siège du Parlement de la honte qui est impliqué jusqu’au cou dans le Marocgate, et que le pays abrite aussi une forte immigration marocaine. Bien avant le Marocgate avec son cortège de députés vendus à la cause de la Mamounia et dont certains ont fait un stage dans les prisons belges, une certaine Kaoutar Fal, liée à une nébuleuse affaire de vidéos pornographiques à Bousbirland, a fait parler d’elle à Bruxelles en 2018. Cette Mata Hari marocaine propulsée au-devant de la scène, comme un lapin sorti du chapeau d’un prestidigitateur, par les médias du Makhzen qui ont fait sa promo, a été l’un des acteurs majeurs de la mise en place du Marocgate. Avec l’aide de députés européens très proches du Maroc, comme Gilles Pargneaux et ceux qui ont été inculpés plus tard par le juge Michel Claise, elle a fondé en février 2017, l’Organisation internationale des médias africains (OIMA) et a créé sa propre agence de lobbying, Fal’s Consulting, pour organiser des activités au Parlement européen. Elle a réussi à attirer bien du monde dans ses filets, vivant dans le luxe, s’attirant les faveurs de bon nombre de politiciens, journalistes et personnalités tous azimuts, dont le Français Dominique de Villepin, le révérend Jesse Jackson, et bien d’autres. Elle était aussi très liée à Fouad Ahidar, élu socialiste belgo-marocain, vice-président du Parlement flamand et un proche de Mohammed VI, qui organise tous les événements lorsque le roi du Maroc se déplace à Paris, y compris les soirées de débauche.
Ce qui a mis la puce à l’oreille des services de sécurité belges, c’est le fait que Fal a organisé, début mars 2017, soit un mois après la création de son agence de presse, une conférence au Parlement européen. Celle-ci portait sur «l’avenir de l’islam en Europe entre dialogue des religions et islamophobie». Elle avait convié Muhammad Bin Abdul Karim Issa, ancien ministre de la Justice saoudien et secrétaire général de la Ligue islamique mondiale, et Jamal Saleh Momenah, le directeur saoudien de la Grande Mosquée de Bruxelles, qui a dû démissionner quelques semaines plus tard en raison de prêches extrémistes qui n’étaient pas particulièrement les bienvenus, suite aux attentats de Bruxelles du 22 mars 2016. Or, l’organisation de cet événement, qui comportait le voyage et la prise en charge des invités dans des hôtels de luxe à Bruxelles, ce qui représentait une somme considérable de plusieurs milliers d’euros, a été payée en espèces par Fal, alors que son organisation n’avait même pas de compte en banque en Belgique. Les services secrets belges, qui enquêtaient sur des activités liées au radicalisme du Centre islamique et cultuel de Belgique, proche de la Ligue islamique mondiale, se sont penchés avec intérêt sur le cas de ce personnage disposant de fonds inépuisables venus d’on ne sait où et semblant apprécier la compagnie des islamistes. Ce qui, après les attentats de Bruxelles en 2016, était assez mal vu des autorités. Quand on ne cesse de répéter que le Makhzen gère le terrorisme, nous en avons une nouvelle illustration ici.
Plusieurs faits de cet acabit ont poussé la Sûreté de l’Etat (services de renseignement belges) à considérer cette Fal comme un agent de la DGED et à la déclarer persona non grata, demandant son arrestation et son expulsion, jugeant qu’elle représentait un risque pour la sécurité nationale. Dans sa note d’expulsion, la Sûreté de l’Etat a indiqué que «ses organisations étaient impliquées dans des activités d’ingérence pour le compte du Maroc», considérant les services secrets marocains comme «agressifs». Arrêtée plusieurs fois et incarcérée, l’espionne marocaine a été à chaque fois remise en liberté grâce à l’intervention de son conseil, un célèbre avocat spécialisé dans l’immigration, Me Julien Hardy. Celui-ci avait été recruté par un rabbin anversois, Moshe Aryeh Friedman, grand ami de la Marocaine, qui a versé une provision de 6 000 euros pour que l’avocat accepte de prendre la défense de son amie. La dernière interpellation a eu lieu lors d’un contrôle dans le cadre d’un sommet de l’OTAN, cette femme ayant décidément réussi à s’infiltrer partout. Finalement expulsée, elle a toutefois donné du fil à retordre à l’Etat belge, en attaquant celui-ci devant la Cour européenne des droits de l’Homme. Tels sont les agents du Makhzen, menteurs, roublards, procéduriers, arrogants, et qui, même pris la main dans le sac, continuent à clamer leur innocence et à crier à l’injustice. Ils sont aussi tellement stupides qu’ils se font toujours épingler. Tout le monde sait que Bruxelles est un nid d’espions, mais ce sont toujours les Marocains qui défraient la chronique.
Aujourd’hui, Kaoutar Fal est toujours active et s’est recyclée. Elle est directrice générale au Maroc pour StudyCo, une société professionnelle de recrutement et de formation d’étudiants dont le siège social est en Australie. Donc, la poule a quitté le nid bruxellois mais ses œufs sont toujours en place et on l’a bien vu avec le défilé du Marocgate dans le bureau du juge Claise. Cependant, d’après nos informations, elle vit en Côte d’Azur, en France. Comment se fait-il que cette femme qui est interdite de fouler l’espace Schengen séjourne en France ? Pourquoi la France tolère-t-elle sa présence ? Que fait-elle en Côte d’Azur ? Des recrutements pour la DGED ? La DGSE française l’utilise-t-elle ? Et à quelles fins ?
Néanmoins, la DGED de Yassine Mansouri n’est pas la seule impliquée dans les affaires d’espionnage en Europe car la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST), dirigée par Abdellatif Hammouchi, compte des agents partout dans les pays à forte immigration marocaine – France, Espagne, Italie, Belgique et Pays-Bas. Les tentacules de la DGED et de la DGST se déploient dans tous les pays européens, comme nous l’avons vu plus haut à propos des Pays-Bas et de la Belgique. Dans un article précédent, nous avions aussi parlé de plusieurs autres espionnes marocaines qui «œuvraient» en Italie et dont l’une d’entre elles avait infiltré le Vatican en séduisant un prêtre, et était devenue conseillère du pape. L’Espagne n’est pas épargnée non plus, puisque différents scandales éclaboussent régulièrement les services de renseignement de Mansouri qui, rappelons-le, est sous mandat d’arrêt international.
Il en résulte que l’Europe a l’embarras du choix entre les infiltrations de la DGED et de la DGST qui, à l’aide d’un système de distribution d’enveloppes bien garnies et de séjours offerts dans les hôtels de luxe marocains, soutirent des informations sensibles dans tous les secteurs sécuritaires et permettent de privilégier les intérêts du royaume pourri du Maroc et de sa mainmise sur le territoire du Sahara Occidental. Nous n’avons donc pas fini d’entendre parler des frasques des agents du Makhzen et des ramifications tentaculaires de celui-ci au sein des différentes institutions européennes. C’est donc une affaire que nous suivrons attentivement.
Au lieu d’attaquer les autorités, l’armée et les services de renseignement algériens chaque jour dans leurs journaux et sites poubelles, les mercenaires du Makhzen devraient plutôt faire profil bas et s’intéresser aux scandales liés à leurs services de renseignement. Le tintamarre provoqué par la fosse septique qui a contaminé les marcheuses du trek marocain et qui a failli les tuer n’est qu’un épisode parmi la multitude de scandales qui font du royaume du Maroc la risée du monde. En dépit de toutes les manigances des services de renseignement marocain en Europe, qui font la Une de la presse internationale et qui sont sous la loupe des services secrets des pays européens, le roi du Maroc, par ailleurs toujours président du Comité Al-Qods, a prononcé récemment un discours sur la marche de la honte qui a permis d’envahir le Sahara Occidental, mais à aucun moment il n’a évoqué les récents scandales liés à ses services de renseignement. Il n’a pas non plus évoqué le massacre des Palestiniens à Gaza ni l’offensive des unités de l’armée populaire de libération sahraouie sur la ville occupée de Smara. Il est clair que Mohammed VI a bien autre chose en tête et se réjouit de retrouver la quiétude de ses vacances avec ses amants.
Nous ne sommes qu’au début d’un feuilleton interminable sur les agissements des services secrets marocains en lien avec le terrorisme, le narcotrafic, le trafic d’armes et la traite d’êtres humains sur le sol européen, voire mondial, par leurs liaisons avec les cartels de drogue d’Amérique latine et qui constituent un danger permanent. Désormais, le jeu des services secrets marocains est dévoilé à la face du monde et renvoie l’image d’un Etat voyou, contrairement à la fausse image de garant de la stabilité que le Maroc veut donner. Le Maroc n’est garant que d’une seule chose : le chaos et l’insécurité.
Mohsen Abdelmoumen
Source : auteur
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