Un Palestinien pleure le corps d’un membre de sa famille tué par une frappe aérienne israélienne,
à l’hôpital Al-Shifa de la ville de Gaza, le dimanche 5 novembre 2023.
Par Andre Damon
Face aux protestations massives de millions de personnes à travers le monde, le gouvernement israélien intensifie son assaut génocidaire sur Gaza.
Tout au long de la journée de vendredi, Israël a bombardé et incendié des hôpitaux dans la ville de Gaza, qui est envahie par les forces israéliennes. Israël a attaqué six hôpitaux, dont deux hôpitaux pour enfants, en l’espace de 24 heures.
Le directeur de l’hôpital Al-Shifa, Muhammad Abu Salmiya, a déclaré à Al-Jazeera: «Cette journée a été une journée de guerre contre les hôpitaux». L’attaque directe de l’entrée de l’hôpital Al-Shifa, où sont hébergés des milliers de réfugiés, en fait partie. Des vidéos diffusées en ligne montrent l’utilisation de phosphore blanc contre l’hôpital, ce qui constitue une violation flagrante du droit international.
Les actions du régime de Netanyahou sont coordonnées avec les puissances des États-Unis et de l’OTAN, et en particulier avec l’administration Biden, qui s’est opposé de manière répétée et insistante à un cessez-le-feu et qui refuse d’imposer toute limite ou condition aux actions de Netanyahou.
Le week-end dernier, le président américain Joe Biden a déclaré qu’il n’y avait «aucune perspective» de cessez-le-feu. Le porte-parole du Conseil national de sécurité, John Kirby, a réaffirmé qu’il n’y avait pas de «lignes rouges» concernant l’assassinat de civils par Israël. «C’est toujours le cas», a déclaré Kirby. «Il est également vrai que les frappes aériennes se poursuivent et que des civils meurent dans ces frappes.»
Les appels au cessez-le-feu, qui étaient la norme lors de la guerre des Six Jours en 1967 et de la guerre du Kippour en 1973, ont été rejetés par l’ensemble de l’establishment politique, y compris par des personnalités telles que le sénateur du Vermont, Bernie Sanders.
Les événements du mois dernier radicalisent des millions de personnes à travers le monde, ce qui s’est traduit par des manifestations de masse contre le génocide israélien. Le développement de ce mouvement nécessite une compréhension des causes sous-jacentes.
Le soutien universel des États-Unis et de l’OTAN aux actions meurtrières du régime israélien est le prolongement et l’approfondissement de 30 années de guerre sans fin, dont les États-Unis sont le fer de lance. L’impérialisme américain a vu dans la dissolution de l’Union soviétique en 1990-1991 l’occasion d’utiliser sa force militaire inégalée pour réimposer ses chaînes à l’ancien monde colonial.
En 1991, en réponse à la guerre du Golfe, le Comité international de la Quatrième Internationale a organisé la Conférence de Berlin des travailleurs contre la guerre impérialiste et le colonialisme. La déclaration appelant à la conférence, «Opposez-vous à la guerre impérialiste et au colonialisme», expliquait le coup de force impérialiste contre l’Irak.
Toutes les grandes tâches historiques et politiques auxquelles la classe ouvrière et les masses opprimées ont été confrontées au début du XXe siècle se présentent aujourd’hui sous leur forme la plus brutale. Le bombardement sauvage de l’Irak et la destruction de son infrastructure industrielle marquent le début d’une nouvelle éruption de la barbarie impérialiste. Le capitalisme ne peut survivre sans asservir et détruire des millions de personnes […]
Cette partition en cours et de facto de l’Irak marque le début d’un nouveau partage du monde par les impérialistes. Les colonies d’hier seront à nouveau soumises. Les conquêtes et les annexions qui, selon les apologistes opportunistes de l’impérialisme appartenaient à une époque révolue, sont de nouveau à l’ordre du jour.
Soulignant ce point, dans un rapport au Congrès national spécial de la Workers League en 1991, convoqué pour discuter de la guerre du Golfe, David North, alors secrétaire national de la Workers League, a conclu:
[La guerre du Golfe] marque le début d’une nouvelle division impérialiste du monde. La fin de l’ère d’après-guerre signifie également la fin de l’ère postcoloniale. En proclamant «l’échec du socialisme», la bourgeoisie impérialiste proclame, en actes sinon en paroles, «l’échec de l’indépendance».
La première guerre contre l’Irak a été suivie d’une éruption de violence impérialiste. Tout au long des années 1990, les puissances impérialistes ont organisé le dépeçage de la Yougoslavie, qui a culminé avec la campagne de bombardements de 1998 contre la Serbie. Les États-Unis ont ensuite utilisé les attentats du 11 septembre 2001 comme prétexte pour lancer la «guerre contre le terrorisme», y compris l’invasion de l’Afghanistan et la deuxième guerre contre l’Irak, qui a entraîné la mort de plus d’un million de personnes.
Les États-Unis ont lancé une campagne ininterrompue d’assassinats, de tortures et d’enlèvements dans tout le Moyen-Orient, dont l’expression la plus horrible a été la torture des prisonniers à la prison d’Abou Ghraib. Cette campagne a été suivie, sous l’administration Obama, par la guerre contre la Libye et la guerre civile soutenue par la CIA en Syrie.
Pour justifier leurs propres crimes contre la population de Gaza, les responsables israéliens ont invoqué le précédent créé par les États-Unis dans le cadre de la «guerre contre le terrorisme». Les crimes de guerre du passé sont utilisés pour justifier les crimes de guerre du présent.
Dans le même temps, le soutien ouvert aux actions génocidaires vise à créer un précédent pour l’avenir. Dans le contexte de la guerre menée par les États-Unis et l’OTAN contre la Russie en Ukraine et des préparatifs de guerre contre l’Iran et la Chine, les puissances impérialistes indiquent clairement qu’il n’y a pas de «lignes rouges» qu’elles ne franchiront pas.
La guerre à l’étranger est en même temps une guerre contre la classe ouvrière à l’intérieur du pays.
Dans son ouvrage de 1916 intitulé «L’impérialisme et la scission du socialisme», Lénine définissait l’impérialisme comme «la réaction sur toute la ligne». Dans la guerre comme dans la politique intérieure, explique-t-il, «le capital financier vise à l’hégémonie, et non à la liberté […] La différence entre la bourgeoisie impérialiste démocratique républicaine, d’une part, et réactionnaire monarchiste, d’autre part, s’efface précisément du fait que l’une et l’autre pourrissent sur pied.»
Le génocide israélien à Gaza s’accompagne d’un virage ouvert vers la répression et la censure d’État. Le mois dernier, le Congrès a adopté à une écrasante majorité une résolution accusant les étudiants qui s’opposent aux actions d’Israël d’«antisémitisme» et de «solidarité avec les terroristes». En Floride, des groupes d’étudiants palestiniens ont été interdits et l’université de Columbia a annoncé vendredi que les groupes Students for Justice in Palestine et Jewish Voice for Peace seraient dissous et ne pourraient plus organiser d’événements sur le campus.
L’Allemagne, la France et le Royaume-Uni tentent d’interdire les manifestations et ont procédé à des arrestations massives. Le vice-chancelier allemand Robert Habeck a menacé d’arrêter et d’expulser les immigrés musulmans qui s’opposeraient au génocide israélien.
Ces mesures visent non seulement les manifestations contre les crimes d’Israël, mais aussi toute opposition aux politiques de l’élite dirigeante. Confrontées à un mouvement de grève croissant, les classes dirigeantes des puissances impérialistes se tournent vers la guerre et la répression intérieure.
L’irruption de la guerre, du génocide et de la répression politique n’est pas une aberration. L’impérialisme, comme l’a noté Lénine, n’est pas simplement une politique, mais plutôt une étape historique spécifique du développement du capitalisme. L’opposition à l’impérialisme est donc une question révolutionnaire.
Il ne s’agit pas d’appeler les gouvernements capitalistes responsables de ces crimes à changer de cap, mais plutôt de se tourner vers la classe ouvrière, en fusionnant la lutte contre la guerre avec les luttes des travailleurs du monde entier contre l’inégalité et l’exploitation. Cela inclut des grèves pour stopper l’envoi d’armes à Israël et le développement d’un mouvement de grève générale politique pour exiger la fin du massacre à Gaza.
La logique de ces luttes est la conquête du pouvoir politique par la classe ouvrière, l’expropriation des oligarques capitalistes et des criminels de guerre, et la réorganisation socialiste de la vie économique à l’échelle mondiale.
(Article paru en anglais le 11 novembre 2023)
Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…