Par René Naba
Délaissant les sentiers de la gloire et de la célébrité, l’enseignement dans de prestigieux établissements- Polytechnique et le Lycée Henri IV- les plateaux de télévision aux débats si polluants, cet homme parfaitement bilingue franco-arabe, au savoir aussi maîtrisé que les islamologues français de renom, opérera à sa retraite une reconversion à la mesure de ses nombreux talents et de ses multiples facettes: Une transition écologique avant le terme; Une transition avant l’heure.
Cet homme, c’est Bassam Tahhan, fils d’Aref Mikhail Tahhan, président du parti gaulliste dans la région d’Alep durant la II me Guerre mondiale et condamné à mort par le pouvoir vichyste au Levant. Un intellectuel franco syrien dont le gros défaut a été de ne pas appartenir à la cohorte des binationaux mercenaires de l’opposition off-shore.
Se précipitant devant le premier micro tendu, l’homme sera carbonisé par la caste politico-médiatique de France pour avoir ignoré les règles du combat politique dans la guerre médiatique, dont cet universitaire- un candide en politique- en ignorait toutes les chausses trappes qu’il recelait.
Cet intellectuel-là, premier professeur d’arabe à Polytechnique, directeur de séminaire au Collège Interarmées de Défense, au savoir encyclopédique à l’envergure en tout cas infiniment supérieure à tous ses détracteurs, fera, en effet, l’objet, durant la guerre de Syrie, d’un cyberharcèlement d’une virulence indigne de la qualité d’un débat dans un pays qui se revendique comme une « grande démocratie’ ».
De cette cohorte de cloportes, un digitaliste néophyte de l’Islam, se distinguera particulièrement, dont le mentor aura été le bachaga de l’Islamologie française, François Burqa Burgat. Ce doctorant de longue durée, qui passera à la postérité pour avoir été un universitaire « Fiché S » connu sous le sobriquet de Colonel Salafi, de son vrai nom Romain Caillet, puisera dans son riche langage de charretier les éléments de langage, non pour lui porter la contradiction, mais pour le stigmatiser, révélant au passage sa propre indigence intellectuelle et morale.
- Ci joint le lien concernant la charge du Fiché S contre Bassam Tahhan : https://www.renenaba.com/les-mediactivistes-francais-une-lecture-de-l-histoire-par-le-filtre-religieux/
A sa retraite, répudiant la posture d’un ancien combattant nostalgique de sa gloire passée, Bassam Tahhan opérera une reconversion digne de ses nombreux talents et de ses multiples facettes. Une transition écologique avant le terme ; une transition avant l’heure. Un scuclpteur des rivages, selon l’expression de son premier portraitiste, dont ci joint le portrait.
Sculpteur des rivages
Nausicaa, Baal, Artémis, une danseuse, un dragon, tout en pierre et en légèreté, s’élèvent des plages malouines, pointent vers le ciel, percent le flot montant qui va tout-à-l’heure les engloutir. D’où viennent et que veulent dire ces sculptures de pierre éphémères qui semblent défier les lois de l’équilibre et les marées? Pour vous, nous avons rencontré leur auteur.
Bassam a débarqué à Saint-Malo un peu par hasard. Il y a 12 ans, ce Syrien d’origine nourri de culture française cherchait un refuge « au bord de la mer », pour s’évader de Paris quand le besoin d’embruns se faisait trop fort. Pourquoi Saint-Malo ? « La ville était facilement et rapidement accessible en train, raconte-t-il, d’autant qu’on annonçait l’arrivée de la LGV. Je n’avais pas un grand souvenir de la cité ; j’y étais passé 40 ans plus tôt avec ma dodoche, lorsque j’étais étudiant à Paris. J’avais traversé intra-muros et filé à Dinan, que j’ai préféré. Je n’avais pas vu, alors, les éclairages fantastiques, les levers et couchers de soleil sur la mer, les bleus du ciel qui virent au rouge. » Bassam tombe sous le charme d’un appartement « baigné de lumière » derrière le café du Théâtre, et du côté village, populaire de Saint-Servan. C’est décidé, Saint-Malo, ce vaisseau de pierre, serait son port d’attache quelques jours par mois.
Écouter les pierres
Choix, peut-être, ou bien signe du destin. Car entre Bassam et les pierres existe un lien particulier. Il prend racine à Alep, sa ville d’origine, « qui abrite le plus grand souk en pierre du monde. J’ai grandi au milieu du granit noir et du calcaire, des statues hittites qui gardent l’entrée du musée de la ville. Mon grand-père travaillait dans des carrières, où il taillait des marches . Les pierres me parlent depuis que je suis tout petit. » Ça tombe bien : celles de Saint-Malo ont des choses à dire à qui sait les écouter. Quand Bassam décide il y a 10 ans d’en entasser quelques-unes sur la plage de Solidor, le message passe immédiatement. « Mon premier cairn horizontal n’avait rien de remarquable ni d’esthétique, se souvient-il, mais l’expérience m’a séduit.»
Ses cairns prennent en quelques mois de la hauteur, de la consistance et du panache. « Moi qui suis passionné d’art mais qui ne sait ni peindre ni dessiner, j’ai découvert le plaisir de la création, qui dépasse tous les autres. » Bassam aime travailler sur les plages, « ces ateliers à ciel ouvert », marier ses sculptures à la mer, à la lumière, aux bâtiments qui les entourent. « L’environnement embellit mes œuvres, qui en retour le mettent en valeur. Un même cairn ne rendra pas la même chose au cœur de l’anse Saint-Père avec la tour Solidor en toile de fond, ou au Sillon sur la plage dégagée. Le paysage est un élément essentiel de mon œuvre. »
À chaque plage ses cailloux
Le Malouin de cœur a aussi découvert que si chaque plage avait ses particularités et son charme, elle avait également ses cailloux. Aux Bas-Sablons, à Solidor, à l’anse Saint-Père pullule le poudingue, « une pierre sédimentaire formée de petits galets qui peut avoir plusieurs couleurs, rouge, rouille… Parfaite pour une Artémis. » On y déniche également « des granits blancs, des verts qui ressemblent à du bronze, des pierres aux formes variées, brisées ou polies par la mer. » Sur la plage des Fours à chaux, Bassam ramasse « des pierres composées de coquillages presque fossilisés. » Sur le Sillon, « j’utilise les pierres rondes, polies, nichées derrière les brise-lames. C’est là que sont nées ma première Ève et ma déesse aux seins multiples. »
Composer avec le paysage
Une semaine par mois, Bassam devient donc un habitant de la plage, qu’il investit dès le petit matin. Première étape : « l’état des lieux, explique-t-il. Je repère l’endroit où je vais positionner ma sculpture dans le paysage, le socle qui l’accueillera et qui doit déjà être ancré dans le sable…Puis je regarde ce qui m’entoure : un bout, un morceau de chaîne, une plume qui finira sur une tête, des algues qui simuleront la chevelure de Nausicaa, un bois flotté pour l’arc d’Artémis, les pierres que je vais utiliser, que je connais pour la plupart : tel caillou deviendra un magnifique chapeau, telle pierre effilée , longue de 45 cm, sera une belle corne de licorne ou la haute coiffe d’un pharaon.
Je n’utilise que ce que je trouve dans le milieu et je m’adapte à ses caractéristiques. La cairnologie est en cela l’art de la liberté et de l’intelligence.»
L’invitation au voyage
Les sculptures de Bassam racontent la mer, les voyages, les dieux, les amours. Elles invitent à un voyage qui ne dure que quelques heures, puisqu’elles seront déconstruites par leur auteur.
Ou par la mer « qui peut aussi les retravailler, les arranger, les renflouer avec du sable. Il y a 5 ans, j’ai créé un canard sur une base de granit rose. À chaque marée, la mer baladait la tête rosée du canard, qui a fini par blanchir. J’ai restauré ce «canard rose de Picasso» plusieurs fois; ce n’était jamais le même».
Que pensent les passants de ces totems de pierre ? « Ils m’encouragent, me félicitent, m’applaudissent lorsqu’après 30 minutes d’efforts, une pierre trouve sa place selon un angle improbable. Il y en a quelques-uns qui râlent en disant qu’en déplaçant les pierres, je détruis les habitats. C’est n’importe quoi ! Je ne désensable pas des pierres, j’utilise quelques cailloux qui, de toute façon, sont déplacés à chaque marée. J’ai moins d’impact que le pêcheur qui creuse le sable pour y chercher des vers, ratisse la grève pour y trouver des praires, ou soulève les pierres pour y dénicher des crabes. »
Voir autrement
Avant de déconstruire ses œuvres, ou de les voir recouvrir par le flot, Bassam les photographie et les poste sur les réseaux sociaux. Il a des fans dans le monde entier. « Je les mets en scène en tenant compte de la mer, de la lumière. Avant l’aurore par exemple, l’éclairage rend la statue dorée et le fond de ciel bleu roi. J’essaie d’intégrer dans mon cliché un paysage, un monument , comme la tour Solidor. La voir tous les jours la rend ordinaire. Mais si elle apparaît en arrière-plan d’une sculpture, on la regarde autrement. J’aime penser que mes œuvres changent le regard que les gens portent sur les choses.»
Lauréat de l’exposition Isis à l’Opéra du Caire
L’exposition s’est tenue du 10 au 15 Février 2022
Bassam Tahhan, une encyclopédie vivante; Une encyclopédie ambulante
Bassam Tahhan est né en Syrie dans une famille de lettrés, linguistes, poètes et chanteurs. Son père Aref Tahhan fut le secrétaire général du parti Gaulliste d’Alep et de la Syrie du Nord durant la Deuxième Guerre mondiale
Le jeune Bassam a fait ses études au Séminaire Sainte-Anne des Pères Blancs, à Rayak, au Liban. Reçu major au baccalauréat en Syrie, puis major à la faculté de lettres de l’université d’Alep, il a obtenu le prix d’excellence Gulbenkian pour les universités du Proche-Orient. En 1972, il est nommé maître-assistant à la faculté de lettres de l’université d’Alep.
Il poursuit ses études doctorales en France à l’École Normale Supérieure (ENS), rue d’Ulm, à Paris, où il a soutenu sa thèse en 1979 sous la direction de Roger Fayolle, avec mention très bien et félicitations du jury Lectures sociocritiques de textes de Maupassant. Il est Agrégé d’arabe en 1980
Agrégation d’arabe en 1980
Passionné par l’interdisciplinarité, Bassam Tahhan est diplômé en sciences humaines (licence de philosophie, de lettres modernes (Sorbonne Paris III et IV), de littérature générale et comparée, de lettres arabes, de linguistique générale spécialisée (Sorbonne Paris III), de littérature française (Université d’Alep);
Maîtrise de linguistique générale en sociolinguistique et sémiotique: «Analyse de l’icône de l’orthodoxie» d’Andreï Roubliof (professeurs: en sémiotique Alain Rey et en sociolinguistique David Cohen),
Maîtrise de lettres arabes: «Approche thématique de l’anthologie des Muwachahs D’Ibn Al-Khatib» (professeur Rachel Arie, Sorbonne Paris III), et maîtrise de linguistique française (avec Geneviève Petiot). Il a laissé de cette période plusieurs mémoires.
Outre les professeurs cités, Bassam Tahhan a été élève de: Antoine Lammens (théologie), Claude Cahen (histoire musulmane), Mickael Badine (lettres arabes), Joseph Massaad (grammaire arabe), Roger Arnaldez (philosophie musulmane), Henri Laoust (islamologie), René Gsell (phonétique), Christian Gobert (français langues étrangères), Hadrien Van Lewen (islamologie), Gérard Troupeau (grammaire arabe), Jean Claude Henault (histoire de la pensée occidentale), Jean Perrot (linguistique), Pierre Aubenque (philosophie grecque)
Enseignement
Après avoir enseigné pendant trois ans la langue arabe en banlieue parisienne, Bassam Tahhan a été nommé au lycée Louis-le-Grand, à Paris, de 1984 à 2004, professeur d’arabe en classes préparatoires littéraires, commerciales et scientifiques.
En 1994, il devient titulaire de la chaire supérieure d’arabe créée pour la première fois en France. En vingt ans d’enseignement au lycée Louis-Le-Grand, le nombre d’élèves de CPGE du Maghreb et du Machrek a quadruplé.
Puis, il fut muté au lycée Henri-IV à Paris, afin de créer une filière d’enseignement d’arabe à option qu’il a dirigée jusqu’à sa retraite aujourd’hui, tout en cumulant le poste de professeur de CPGE au lycée privé Sainte-Geneviève de Versailles.
Il a par ailleurs enseigné à l’École de Guerre (Collège interarmées de Défense) pendant deux ans (2004-2005) en tant que directeur du séminaire de la géopolitique de l’Islam dans le monde.
Il fut aussi intervenant entre 2003 et 2010 à HEM (Hautes Etudes de Management ) au Maroc et à l’Université Citoyenne de Rabat, Casablanca, Marrakech et Agadir.
Comme chargé de cours, il a enseigné à la Université Paris III (la linguistique arabe, sous la direction de David Cohen), et à Paris IV (traduction et grammaire). Il a introduit la stylistique arabe et comparée en section de linguistique appliquée et animé un séminaire de doctorat sur la rhétorique du Coran à l’Institut de Phonétique, rue des Bernardins, de 1979 à 1985.
Bassam Tahhan a été le premier maître de conférences d’arabe à l’École polytechnique, en 1986. Il œuvra au développement de la langue arabe dans les CPGE pour introduire cette langue aux concours et dans les cursus des grandes écoles françaises. Il y a également introduit la civilisation, la géopolitique, la géostratégie et l’islamologie.
Sa première expérience a été réalisée avec l’aide de Jacques Kerbrat (général polytechnicien): ils introduisirent l’arabe à l’École nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA), en 1981. Il œuvra aussi pour l’introduction de l’italien, du portugais et de l’arabe au concours de l’École polytechnique, en 1994, alors qu’il était vice-président du département des langues de cette école, grâce au soutien du Général Chavannat et du Général Parraud. Il fut «prêté» pendant les deux dernières années à l’X, au département HSS, pour animer un séminaire de géopolitique et d’islamologie.
Sa grande œuvre fut à l’ENSTA où il a enseigné pendant trente ans et a animé deux séminaires en première et deuxième années, de 1990 à 2010.
Son action pédagogique durant ces trente-cinq ans a été de former quelques milliers de cadres des élites francophones libanaises, tunisiennes, marocaines, algériennes et françaises. Cet enseignement dans ces grandes écoles était destiné dans les séminaires de civilisation, tant aux Arabes qu’aux Français.
Il s’est aussi attaqué très tôt aux difficultés théoriques et pratiques de la traduction. Déjà à l’Université d’Alep, il introduisit la linguistique structurale pendant les quatre années d’enseignement. Plus tard, avec son élève Anne Wade Minkowski, ils traduisirent Les quatre leçons sur la poétique arabe que donnera Adonis au Collège de France, en 1985. Il enseigna la traduction également à Paris III en linguistique appliquée et forma des dizaines de traducteurs et d’interprètes.
Bassam Tahhan s’est souvent exprimé en islamologie dans des colloques internationaux et lors de séminaires en Europe et dans le monde arabe. Il a dispensé plusieurs séminaires de recherche et d’enseignement sur l’histoire du Coran, avec une recherche approfondie de toutes les variantes non canoniques du texte dans la littérature musulmane classique. Il est intervenu au centre culturel arabe de Bruxelles en 2003, à l’École polytechnique de Lausanne, à l’École Pratique des Hautes Etudes, au CNRS, à l’Institut du monde arabe, à la Sorbonne, à La Source à Rabat, à la Fondation Abdelaziz El SAOUD à Casablanca, au DEA du Caire, et a participé à des colloques dans le domaine «linguistique arabe et islamologie», notamment à propos de l’histoire des textes fondateurs de l’Islam.
Il a travaillé dans l’équipe de François Déroche de l’École pratique des hautes études, après avoir été dans l’équipe de Jamaleddin Kouloughli en linguistique arabe. Pour le recensement des manuscrits et l’étude des variantes des textes fondateurs de l’Islam, il a effectué plusieurs missions de recherches à Alep, Damas, Sanaa et Rabat. Plusieurs enregistrements audio et vidéo de ses interventions sont réalisés. L’essentiel de son enseignement est une relecture critique de la littérature musulmane classique consacrée au Coran.
Il reprit également le livre des « Chawaz » d’Ibn Khalawayh qui traite des variantes irrégulières du Coran, ajoutant à l’édition de ce livre par Arthur Jeffrey, un nouvel éclairage capital pour la compréhension du texte.
Durant une vingtaine d’années, il recensa toutes les variantes de l’exemplaire du Coran du compagnon Abdallah Ibn Massoud qui refusa de livrer son Coran au 3me calife Othman qui avait auparavant brûlé tous les documents coraniques après avoir imposé la vulgate officielle connue sous le nom de Mishaf Othman.
Pour beaucoup, Bassam Tahhan est considéré comme un réformateur qui prône une lecture rationnelle mutasilite si nécessaire de nos jours contre les dérapages de toutes sortes d’intégristes salafistes.
En tant que critique d’art, Il contribua à la création du Festival d’automne à Alep pour les peintres et les sculpteurs et fut lié d’amitié avec des artistes tels que Louay Kayyali, Wahid Agharbe, Saad Yagan, Abdelrahman Mouakket. En France, il contribua à l’ouverture de l’École Polytechnique à l’International;
En 2003 il fut invité par Nabil Benabballah (ministre marocain de l’information) pour rédiger un rapport d’expert concernant les médias marocains après les attentats de Casablanca. Depuis, il a été souvent sollicité en tant que consultant auprès des gouvernements marocains.
Ouvrages d’enseignements
Bassam Tahhan a collaboré à plusieurs ouvrages d’enseignements de langue et de culture arabe avec Brigitte Tahhan, son épouse: (Koullo Tammam, deux volumes, éditions Delagrave et Arabe express chez Nathan) et avec Ghaleb Al-HAKKAK (Bilarabi Alfasihcours gratuits sur le net). Il est l’auteur de plusieurs fascicules de stylistique, de traductions et de littérature qui ont été publiés dans les écoles où il avait enseigné.
Littérature
- Introduction à la poétique arabe Adonis, Anne Wind Minkowki, Bassam Tahhan, éditions Sindbad, 1985.
Mémoires
- Étude des figurines du théâtre d’ombre du musée d’Alep (Karakoz)
- Les techniques de narration (dans le labyrinthe d’Alain Robbe-Grillet)
- Les lignes et les couleurs dans l’œuvre de Modigliani Université d’Alep
Source : auteur
https://www.madaniya.info/…