Par Salim Lamrani
« Le gouvernement de Castro ne mérite pas d’être sauvé »
Résumé : En mai 1959, le gouvernement révolutionnaire promulgua la loi de réforme agraire. En raison de la présence massive des investissements étasuniens dans l’économie cubaine, cette mesure affecta les intérêts des multinationales qui possédaient les meilleures terres de l’île. À la perspective de perdre près de 800 millions de dollars de biens dans le pays, Washington exprima ses réserves à l’égard de la réforme et exigea des conditions d’indemnisations auxquelles Cuba ne pouvait pas répondre en raison de sa situation économique. Au-delà de la perte matérielle, l’administration Eisenhower était surtout préoccupée par l’impact d’une telle mesure en Amérique latine et à travers le monde, où les gouvernements confrontés à des réalités similaires pouvaient être tentés de suivre la même voie.
Introduction
En mai 1959, le gouvernement révolutionnaire de Cuba dirigé par le Président Manuel Urrutia promulgua la loi de réforme agraire, principale et unique mesure d’envergure adoptée volontairement par la Révolution. En effet, toutes les autres décisions importantes prises lors des deux premières années, à savoir la nationalisation de toutes les propriétés étasuniennes et l’alliance stratégique avec l’Union soviétique, furent le résultat de la politique hostile de Washington à l’encontre des nouvelles autorités. La distribution de la terre aux paysans était d’abord et avant tout un engagement moral de la Révolution à l’égard de la classe des travailleurs agricoles exploitée et vivant depuis des décennies dans des conditions précaires, proche de l’indigence.
En raison de la présence massive des investissements étasuniens dans l’économie cubaine, cette réforme affecta inévitablement les intérêts des multinationales qui possédaient les meilleures terres de l’île. S’agissant de nationalisations et non de confiscations, La Havane s’engagea à indemniser les propriétaires lésés par la mesure révolutionnaire à hauteur de la valeur déclarée aux autorités fiscales. À la perspective de perdre près de 800 millions de dollars de biens dans l’île, Washington exprima ses réserves à l’égard de la réforme et exigea des conditions d’indemnisations auxquelles Cuba ne pouvait pas répondre en raison de sa situation économique. Pourquoi les États-Unis, tout en admettant la nécessité d’une réforme agraire à Cuba, exigèrent-ils une compensation « rapide, juste et effective », alors qu’ils savaient que les nouvelles autorités de l’île se trouvaient dans l’impossibilité matérielle d’y donner une suite favorable ?
La réalité socio-économique de l’île rendait indispensable une réforme agraire, qui devint une priorité nationale. Malgré l’attitude hostile de l’administration Eisenhower, la loi emblématique de la Révolution cubaine fut adoptée en prenant en compte les principes fondamentaux du droit international et de la jurisprudence. Enfin, face à la volonté de La Havane de mener à bien son projet de redistribution de la terre, les possédants exercèrent un lobbying aux États-Unis en faveur de l’application de sanctions économiques de représailles pour freiner le processus de transformation de la structure agraire cubaine.
Article complet : https://journals.openedition.org/etudescaribeennes/25671
Salim Lamrani
Université de La Réunion
Source : auteur
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