Par Leila Mazboudi
Connu surtout pour ses six grèves de la faim, dont il est devenu le pionnier pour le mouvement de lutte du peuple palestinien, le détenu martyr Khader Adnane est certes moins connu pour ses actions contre l’occupation israélienne.
Pourtant, l’Histoire lui retiend une action que les médias conservent toujours.
C’était en février 2000, lors d’une visite dans les territoires palestiniens occupés du Premier ministre français à cette époque, le socialiste Lionel Jospin.
Avant d’arriver à Ramallah, il était passé par Jérusalem occupée où il avait critiqué la résistance libanaise, la qualifiant de terroriste.
« La France condamne les attaques du Hezbollah et toutes les attaques terroristes qui peuvent être menées, (…) et notamment contre des soldats ou la population civile israélienne », avait-il dit, a rapporté le Figaro.
Accueilli en grandes pompes à Ramallah par l’Autorité palestinienne, il s’était rendu en compagnie du ministre palestinien de Planification et de coopération internationale Nabil Chaath à l’Université de Bir Zeit, financée en partie par son pays.
Avant qu’il ne pénètre dans l’université, des dizaines de banderoles dénonçaient déjà ses propos à Jérusalem occupée. On pouvait lire notamment: « Jospin, le sang libanais ne te conduira jamais à l’Elysée », ou encore: « Jospin, notre résistance à l’occupation israélienne n’est pas du terrorisme ».
En sortant de l’université, une foule d’étudiants palestiniens l’attendaient à proximité de sa voiture : Insultes et jets de pierres étaient au rendez-vous. Il a échappé bel avant de s’y engouffrer.
Même le Haaretz israélien avait stigmatisé ses déclarations. «Jospin n’aurait pas pu choisir un pire moment pour qualifier le Hezbollah de mouvement terroriste. Il le fait au moment précis où le Hezbollah prend soin de ne tirer que sur des soldats israéliens et quand le ministre israélien des Affaires étrangères émet des menaces terrorisantes à l’encontre des enfants (libanais). »
C’était pendant les derniers mois de l’occupation israélienne du sud-Liban, à un moment ou la résistance libanaise menait depuis 1982 une guerre de libération qui allait se clôturer par le retrait israélien du Liban, trois mois plus tard, le 25 mai.
Dans les médias occidentaux, on avait accusé des étudiants islamistes du Hamas et du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP).
Après le martyre de Khader Adnane, au terme de 86 jours de grève de la faim, les médias palestiniens ont rappelé qu’il faisait partie de ces étudiants. C’est lui qui aurait mené le mouvement de contestation. Âgé de 22 ans, il y étudiait les Mathématiques et adhérait depuis à l’antenne estudiantine du Jihad islamique.
Il avait alors crié ce jour-là, se souviennent ceux qui le connaissent : « Un seul peuple qui ne peut mourir… De Bir Zeit à Beyrouth ».
On rapporte que les forces de sécurité de l’AP l’avaient alors arrêté et agressé. Séquestré, il a alors entamé sa première grève de la faim. Elle a duré 10 jours.
Auparavant, il avait été arrêté une fois par l’AP en 1998, et deux fois, par les forces d’occupation israéliennes, pendant une semaine en 1997 et pendant 4 mois en 1999.
Dans les 23 années qui suivront l’incident de Bir Zeit, il observera 5 autres grèves de la faim, dans les prisons israéliennes, dont quatre pour protester contre sa détention administrative. Une procédure ou les militants palestiniens sont détenus indéfiniment, sans procès, pour avoir participé a des actes de protestation contre l’occupation israélienne.
Membre du Comité des forces nationales et islamique dans le gouvernorat de Jénine, et membre de celui des Libertés, représentant le Jihad islamique en Cisjordanie, il sera arrêté par la suite 10 autres fois : entre novembre 2000 et novembre 2001, puis entre décembre 2002 et décembre 2003, puis entre mai 2004 et avril 2005, date où il a entamé sa 1ere grève de la faim pendant 28 jours, dans la prison de Megido.
Par la suite, il sera arrêté de nouveau, pendant un an et demi entre août 2005 et jusqu’en novembre 2006 puis pendant 6 mois administrativement entre mars et septembre 2008.
Entre décembre 2011 et jusqu’en avril 2012, il sera détenu administrativement une énième fois sur un barrage israélien, pour avoir participé à un sit-in de solidarité avec des détenus palestiniens. Il observera sa 2eme grève de la faim de 66 jours dans les prisons israéliennes.
De même entre juillet 2014 et juillet 2015, sa grève durera 55 jours.
Sa 4eme grève de la faim il l’observera pendant 59 jours entre décembre 2017 et novembre 2011, et son avant-dernière entre fin mai 2021 et fin juin 2021, pendant 25 jours.
Dans les intervalles qui séparaient ses arrestations, il menait les mouvements de protestation consacrés à la défense des détenus palestiniens et à l’assistance des familles des martyrs.
Ses discours étaient retentissants. Il y mettait l’accent sur le sacrifice, et sur la nécessité au peuple palestinien d’arracher sa liberté et sa dignité au gré de l’occupation et de sa répression.
Pour une télévision arabophone, il a insisté qu’il lui faut « un Hussein qui se sacrifie », en allusion à l’imam Hussein, le petit-fils du prophète Mohammad (s) tué par l’armée du despote Yazid fils de Mouawiyat de la dynastie des Omeyyades.
Sinon, « il faut une Zeinab pour informer », faisant référence à la sœur de l’imam Hussein, qui a été témoin du massacre et qui après son martyre avait raconté ce qu’il s’était passé.
Dans l’une de ses interviews pour le quotidien libanais al-Akhbar, il avait confié que « dans la vie des nations, il lui faut à chaque étape un messie ».
Source : al-Manar
https://french.almanar.com.lb/…